1Les polémiques et débats au sein de la discipline furent – et sont – nombreux. Un pan essentiel des discussions se situe sur la relation techniques et sociétés et sur les courants et concepts pour la penser. Citons quelques remises en question ou regards critiques, sur la médiologie (Debray, Bougnoux) finalement considérée comme un retour vers une forme de positivisme, voire de déterminisme. En effet, à force de classification et d’étude des médiations où la technique fait sens dans les contextes, cette approche se voit reprocher de faire de la technique, des supports et objets, l’alpha et l’oméga de l’évolution des collectifs sociaux en lui donnant son sens premier alors que la médiologie se prétend avant tout relativiste, contextuelle, explicitant les faits en reliant les éléments et agents des situations.
2Il en va de même avec la théorie de l’acteur réseau avec la prise en compte des actants non humains via Latour et Callon, pensée qui s’établit au départ comme anti-diffusionniste. C’est avant tout l’attention accordée aux facteurs non humains qui irrite. Latour se voyant reprocher d’en faire une catégorie d’agents à part entière qui conduit finalement à naturaliser les techniques. Boullier, Quéré, Flichy voient ensuite dans le projet de Latour une façon de systématiser la réflexion sur les réseaux et les médiations dans les processus d’innovation au point qu’il finirait par réintroduire finalement une forme de diffusionnisme. Vedel finira par dépister dans les réflexions de Latour un insidieux déterminisme en trouvant « comme une réminiscence de ce schème chez Latour lorsque celui-ci compare la technologie à des “relations sociales en boîte” ». Pour autant, le débat peut se révéler relativisé par le fait que, d’une part, la pensée de Latour est à la fois évolutive et révisée entre les années 1980 et aujourd’hui ; d’autre part, dans les écrits de la période en question, sa position sur les techniques est plutôt d’essence socio-anthropologique : il paraît difficile de la circonscrire sur quelques aspects à une seule position naturaliste ou positiviste. Enfin, globalement, un ensemble de conceptions engagées ou positivistes autour d’une intelligence collective, connectée, nouvel eldorado d’une pensée qui fonde dans les réseaux et infrastructures technologiques dites nouvelles la capacité à mettre en œuvre une intelligence fertile et plus dynamique qu’une réflexion partagée en s’avérant comme infra- et méta-communicationnelle (Levy, De Kerckove, voire McLuhan ou en tout cas ses prolongements).
3Dans leur approche, des chercheurs plus spécialisés sur le versant information (Noyer, Le Crosnier, Perriault, Lelu) dans une tradition que l’on pourrait faire remonter aux travaux de Le Moigne, Schaeffer, Stiegler, Hymes, etc. nous rappellent qu’au-delà des données, de la transmission, nous faisons face à un monde qui se signifie aussi par la question de la formalisation d’une intelligence globale et locale (ce qui est autre chose qu’une intelligence collective). Il peut s’agir du capital de connaissances, de la signifiance et de la dynamique des brevets, de l’information stratégique, de l’intelligence des territoires, des organisations, des systèmes, des mondes sociaux en action. Intelligence documentaire aussi, depuis Meyriat, avec une revue focale comme l’ADBS aux origines, autre source que l’on peut trouver dans la résonance actuelle des travaux du groupe Pédauque et de Salaün autour du « vu su et lu » conduisant à une analyse des stratégies (prédatrices et comportant pourtant des points aveugles dans leur élaboration) des firmes numériques, approches qui, à leur façon, remettent en question des conceptions mainstream.