1Geneviève illustre la trajectoire d’un grand nombre d’universitaires qui ont fait énormément de choses dans leur vie, pris des initiatives intellectuelles, institutionnelles, politiques avec enthousiasme et détermination. Mais la société pour le moment, hélas, n’est pas sensible – et de moins en moins depuis un demi-siècle – au monde de la connaissance. Geneviève y a passé sa vie, y a été active, originale, combattante – il suffit de lire sa biographie intellectuelle rédigée par Brigitte Chapelain – sans pour autant que la reconnaissance soit à la hauteur de ses engagements. Et des collègues ayant les mêmes trajectoires qu’elle sont très nombreux, sans être aussi reconnus. Il en est d’ailleurs de même pour beaucoup d’enseignants, de la maternelle jusqu’au secondaire.
2Le monde de la connaissance a été mangé par l’événement, la peopolisation, l’immédiateté. Et d’ailleurs, ce déséquilibre se retrouve parfaitement dans l’évolution de l’université. Depuis toujours, elle a deux fonctions : apprendre à penser, critiquer ; se préparer à la vie active. Depuis cinquante ans, c’est la deuxième dimension qui l’emporte. Tout devient « filière professionnelle ». Et la crise a accéléré cette mutation. L’université est devenue, comme les écoles d’ingénieurs et de commerce, une vaste école professionnelle. La culture, la tradition, l’esprit critique, l’érudition, la comparaison, la curiosité gratuite sont dévalorisés.
3Il y aura un retour de la connaissance, mais pour le moment, c’est la professionnalisation qui emporte tout, et sans révolte des enseignants. « À quoi ça sert professionnellement ? » Si la réponse n’est pas claire, ou pas immédiate, il n’y a pas de suite ! Et pourtant, une réflexion critique peut être parfaitement en prise avec la réalité concrète ! C’est ce qu’a fait toute sa vie Geneviève, avec l’enseignement, la technique, l’image, l’éducation à distance, les médias, les NTIC. Mais pour le moment, c’est cette attitude intellectuelle qui devient suspecte. Pourquoi être critique ? Soyons positifs, empiriques, concrets, « professionnels »…
4À travers son histoire professionnelle et intellectuelle, Hermès souhaite rendre hommage à ces enseignants, de tous niveaux, souvent anonymes, qui ont débordé de projets, d’utopies, d’enthousiasmes, voulant à la fois penser le monde contemporain, l’améliorer, sans jamais oublier la dimension critique, ironique et drôle sans laquelle il n’y a ni connaissance ni culture. Bref, ce n’est pas de technique dont on a besoin, mais d’utopie politique et culturelle, avec cet enthousiasme, pour éviter la réification dans l’idéologie moderniste.