1L’Église catholique réfléchit avec constance aux formes de communication qu’elle doit adopter pour remplir ce qu’elle considère être sa mission : porter « la foi » dans le Christ, à la suite des apôtres, figure initiale, sans cesse revisitée, de la communication chrétienne. Les formes communicationnelles envisagées ne sont pas sans lien avec une conception que cette organisation dispose de sa place dans la société, ni avec le politique. Elles concernent également les publics envisagés, la façon dont elle estime qu’elle peut les toucher, et enfin la nature même des signes et des médiations déployés.
2La promotion de la doctrine de la « nouvelle évangélisation » dans la seconde moitié du xxe siècle par l’Église catholique prend acte d’une déchristianisation des sociétés occidentales et d’une sécularisation de la culture. Elle entend porter une réaffirmation de la foi chrétienne catholique, enracinée dans la première annonce évangélique : « Une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une deuxième annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même. » Affirmée de la sorte par le pape d’origine polonaise Jean Paul II (1979), figure du triomphe contre « le communisme athée », développée notamment dans Christifideles Laici (1988), Redemptoris Missio (1990) et Pastores Dabo Vobis (1992), la nouvelle évangélisation a notamment accompagné, dès 1983, la création des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ, 1985), qui l’ont diffusée.
3La doctrine s’appuie après coup sur une référence à l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de Paul VI (1975) et fait suite à un mouvement consécutif au concile Vatican II qui avait opéré une dérégulation des modes de communication de la foi. Elle se trouve reprise par le pape Benoit XVI (Ubicumque et semper, 2010), qui crée un Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation en 2010 à Rome, et réunit un synode des évêques sur la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne en 2012, afin de conforter et de redéfinir les lignes d’action de cette nouvelle propagande de la foi, appliquée désormais également au numérique.
4Cette nouvelle modalité communicationnelle chrétienne – qui met en avant l’expression publique explicite de la foi chrétienne, une figure du « témoignage » personnel des laïcs, des prêtres et des religieux, notamment par leur mode de vie, en somme une position affirmative, souvent mâtinée d’une joie supposée attestatrice, et associée à la résurgence de formes traditionnelles de piété (dans la prière, le culte des saints et de la Vierge Marie, la revalorisation de la confession, l’adoration eucharistique) et de théologie – a été portée notamment par les mouvements dits charismatiques (L’Emmanuel, Les Béatitudes, etc.).
5Elle a suscité de vives tensions et contestations de la part de mouvements plus proches des cultures contemporaines dans leur mode d’expression de la foi (notamment les laïcs issus de l’Action catholique ou des mouvements chrétiens de gauche), et visant davantage à susciter un dialogue avec le monde qu’à affirmer un discours spirituel chrétien. Cette doctrine a été jugée par ces derniers rétrograde et réactionnaire, opposée aux enjeux et au langage du monde contemporain. Cette controverse rejoint naturellement des tensions politiques au sein du catholicisme, notamment français, face à ce qui a été nommé un « catholicisme d’identité » (Philippe Pottier). C’est une forme de communication de la foi dans la société qui s’est donc trouvée, ici, l’enjeu d’un débat.