1Le spectacle sportif médiatisé constitue un objet consensuel, il s’insère dans ce temps contemporain de l’explosion de la communication et se trouve au cœur d’un processus médiatique où se côtoient les progrès techniques, les valeurs de liberté et de démocratie. Le sport est, par construction sociale, le lieu symbolique de concrétisation de ces idéaux d’une juste compétition entre égaux : il apparaît alors comme une réponse à la question du vivre ensemble et, tout à la fois, comme un terrain où émergent les problèmes (question des violences, du racisme dans les stades, de l’homophobie, des discriminations liées au genre ou au handicap) qui contrarient cette vision angélique. Quant aux journalistes de sport, même s’ils ont peine à s’imposer comme de réels professionnels de l’information, on assiste à une posture assumée de cette catégorie de journalistes spécialisés en tant qu’acteurs volontaires, en charge de la légitimation du sport et de sa préservation, défenseurs de ses vertus, d’un sport favorisant l’intégration, l’épanouissement, la santé ou encore constituant un outil de lutte contre les discriminations. Cette posture, si elle fait consensus, est elle-même contredite par les discours produits qui, de manière impensée, conduisent à stigmatiser les différences au travers de l’expression de lieux communs. Les événements sportifs que les médias publicisent, présentés comme vertueux, sont en réalité enclins à attiser les rivalités plutôt que de les apaiser. Or, le journaliste de sport, au même titre que les autres journalistes, ne peut pas être un témoin médiateur hors du temps social, il est lui aussi un co-constructeur de sens.
2« Donner du sens » implique donc une responsabilité sociale de la part du journaliste dans la mesure où sa pratique professionnelle lui impose de prendre en compte les effets sociaux de l’acte médiatique. Les productions des journalistes ne peuvent donc que venir bousculer ou, au contraire, conforter des discours sociaux qui leur préexistent. Or, les liens organiques existant entre la presse, le milieu sportif, le monde économique et politique interrogent la faisabilité de la construction de cette responsabilité. Les stratégies d’audience, d’intérêt suscitées par la médiatisation ou les présupposés concernant les attentes du lecteur incitent à la démesure et à l’affrontement symbolique peu propice à une vision apaisée de l’engagement sportif et peu enclin à bousculer une parole normalisée à propos du sport.