CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Ce qui caractérise la communication politique, c’est la logique du débat public et de la controverse. On peut, en particulier, citer comme expérience de la communication politique la controverse qui a pu entourer ce que l’on appelle la transition énergétique. Quatre éléments caractérisent le débat qui fonde la dimension politique de cette transition.

2Le premier élément est l’articulation de l’écologie et de la politique de l’énergie. La transition énergétique fonde une logique particulière de l’économie politique de l’énergie, en définissant ce que l’on peut appeler une logique écologique de la valeur. Deux points de vue se confrontent l’un à l’autre, définissant une forme de rhétorique de la controverse. Le premier est le point de vue économique, qui soumet la préoccupation écologique à l’impératif de la valeur d’échange. L’autre point de vue est le point de vue proprement écologique, qui se fonde sur l’expression de ce que l’on pourrait appeler une valeur écologique de représentation.

3Le deuxième élément du débat sur la transition énergétique est la question du climat. Le thème du réchauffement climatique constitue une figure de ce que l’on peut appeler l’écologie politique du climat, articulant le réchauffement climatique et l’évolution de l’aménagement de l’espace. Sur ce plan, trois champs de débat se manifestent. Le premier point de vue est celui de la préoccupation de l’espace d’habitation, qui se fonde sur la préoccupation de ce que l’on pourrait appeler une valeur d’usage écologique de l’espace. Le second point de vue de l’écologie politique du climat est celui de l’articulation de la contrainte énergétique et de la contrainte climatique. Le troisième point de vue est celui de la confrontation de l’impératif de la valeur d’usage de l’espace dans le temps court et de la préoccupation du temps long et de la pérennité de l’espace paysager.

4Par ailleurs, la transition énergétique constitue un champ particulier de la communication politique. La communication politique articule la controverse sur la transition écologique autour de trois thèmes. Il s’agit, d’une part, de la thématique du risque et de la menace de ce que l’on peut appeler la pollution climatique ; le discours sur le risque articule la préoccupation du réchauffement climatique à tout un paradigme du risque et de la menace, présent depuis toujours dans le débat politique. D’autre part, il s’agit de l’articulation de l’économie politique du climat et de l’économie de l’aménagement de l’espace, en particulier dans les logiques de la valeur de l’espace urbain ou de l’aménagement des villes et de leurs périphéries. Enfin, il s’agit de l’évolution des formes de ce que l’on appelle « la croissance verte ». À cet égard, on assiste aujourd’hui à l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une économie politique de l’écologie, qui s’exprime, par exemple, dans ces propos de R. Keucheyan (Le Monde des Livres, 28 mars 2014) :

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Il existe clairement une écologie de droite et une écologie de gauche. La première pense que des solutions passant par le marché permettront de résoudre la crise environnementale. C’est cette idée que l’on trouve, par exemple, derrière le mécanisme des marchés carbone européens, qui visent à inciter les entreprises à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre par un système d’échange de quotas. Ce mécanisme est d’ailleurs un fiasco complet, comme on commence à le reconnaître un peu partout. L’écologie de gauche affirme quant à elle que le capitalisme est la principale cause de la crise environnementale. Cette dernière n’est pas la conséquence d’un penchant insatiable et « éternel » qu’auraient les êtres humains en tous temps et tous lieux à saccager leur environnement, mais le fruit du processus industriel et de la logique du marché.

6Enfin, la transition énergétique constitue une articulation particulière de la dimension collective de la médiation politique et de sa dimension singulière. En effet, la figure politique de la transition énergétique institue une médiation politique entre les pratiques singulières de l’espace, de l’habitation et de la relation du sujet singulier au climat et les pratiques collectives de l’aménagement de l’espace public et du débat sur l’aménagement du territoire – en particulier de l’espace urbain. On pourrait parler, sur ce plan, d’une forme d’économie de l’habitat énergétique : il s’agit de fonder ce que l’on pourrait appeler une logique énergétique de l’habitat et de l’usage de l’espace, articulant les logiques singulières de l’espace et de l’énergie, fondées sur une dynamique de la valeur d’usage et les impératifs sociaux de l’énergie et de l’aménagement de l’espace, articulant des contraintes collectives, par exemple dans des institutions comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Bernard Lamizet
Bernard Lamizet, est professeur émérite à l’Institut d’études politiques de Lyon, membre de l’UMR « Triangle ». Ses travaux et recherches portent sur la sémiotique politique et le domaine des identités. Derniers ouvrages parus : Le Sens et la valeur (Garnier, 2014), L’œil qui lit (L’Harmattan, 2013).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/06/2015
https://doi.org/10.3917/herm.071.0137
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