1Je l’avoue tout net : j’ignore ce que signifient, par exemple, les sciences de la gestion, les sciences cognitives, les sciences des systèmes complexes, celles de l’environnement, etc. À trop vouloir embrasser, elles tombent dans les chausse-trapes polysémiques piégeant ceux qui rêvent de perspectives cavalières et holistes. Poser de belles et grandes questions, pourquoi pas, encore faut-il qu’elles soient bien posées et que leur rôle soit précisé comme « motivations » pour développer des activités cognitives autonomes afin de pouvoir les utiliser pour s’adapter à notre environnement. Les êtres humains ne se satisfont pas de s’adapter à leur environnement, ils en ont créé un autre – un « environnement » culturel, un « univers des savoirs » – qu’ils utilisent pour adapter l’environnement physique et biologique à leurs désirs et le dompter, sans toutefois en connaître les conséquences.
2Ne vaut-il pas mieux distinguer les « sciences motivées » (en les nommant, au moins) des « sciences (pures) » et « sciences appliquées » ? Les « motivations » déclenchées par la curiosité des femmes et des hommes sont à l’origine de la création de l’univers des savoirs qu’ils ont ensuite utilisé. Motivations et applications sont les entrées et les sorties d’un système d’activités cognitives autonomes, sur lesquelles elles rétroagissent. L’enchevêtrement de ces rétroactions opérant dans tous les sens est un défi à l’entendement et à leur classification, bien que les cerveaux humains soient des machines à classer, déclasser et reclasser sans cesse. Il est vain de dessiner des frontières précises entre ces trois types d’activité cognitive, tellement sont nombreuses les interactions entre elles.
3Les « comment » sont les actions que des enfants, ou certains organismes, utilisent pour agir sur et transformer leur environnement à leur bénéfice ; les « pourquoi » viennent ensuite chez les seuls êtres humains, bénéficiaires de l’aire de Wernicke et de nombreuses autres aires corticales que ne partagent pas les autres animaux. Bénéficiaires et également victimes du don de questionner, de remettre en question les comment et les explications, qu’accompagnent non seulement la faculté de parler, mais aussi, parmi bien d’autres, celle de faire des mathématiques, que le métabolisme de la vie a réservé (accidentellement ?) à notre espèce de primates. Ajoutant des doigts aux langues qu’il ramenait du marché selon la fable, Ésope aurait pu déclarer que rien n’est à la fois meilleur et pire que le langage et le digital. La fin ne justifie pas les moyens tant en politique qu’en sciences, mais tout « pourquoi » déclenche l’éclosion de nouveaux « comment » qui, à leur tour, créent de nouvelles fins dans des « enschaînures de preuves », selon le libertin Savinien Cyrano de Bergerac. Le moteur de l’expansion de cet univers des savoirs se nourrit de la curiosité déclenchant une relation endogène dans le « système cognitif » qui s’intercale entre perceptions de l’environnement et actions sur l’environnement. Ce dernier est perçu à son tour, enclenchant un moteur évolutionnaire d’actions et de perceptions.
Remettre en question les certitudes
4Chaloir, vouloir, pouvoir et devoir sont les verbes de notre langue qui résument les actes cognitifs. Chaloir, désirer, c’est le moteur cognitif – son métabolisme, en quelque sorte – qui pousse les organismes à agir pour survivre, dans l’immédiat et dans leurs lignées. Vouloir, c’est interroger et mettre en route ce moteur cognitif. Pouvoir, c’est comprendre comment le piloter. Devoir, c’est le piloter. Devoir n’est plus du ressort de l’activité cognitive, libre, mais de celui de son utilisation, forcée. Comprendre consiste en dernière analyse à valider des métaphores entre des savoirs déjà acquis et des perceptions nouvelles du monde. La validation des métaphores évolue : on n’a jamais fini de comprendre. Comprendre ne consiste pas à obtenir seulement de rigoureuses définitions avant d’explorer les liens entre les concepts qu’elles définissent. Depuis plus de deux mille ans, aucun progrès n’a été accompli dans cette direction, polysémie et synonymie ne cessant de s’accroître à la mesure de l’augmentation des savoirs dépassant les capacités linguistiques des êtres humains. Le sentiment de satisfaction procuré par la compréhension d’une métaphore est éphémère, continuellement remis en question par l’adéquation à l’environnement des comportements associés aux savoirs. La compréhension étant un désir – et comme lui, une fois assouvi, le plaisir qu’on en retire s’estompant, le désir réapparaît – la quête cognitive reprend, conduisant à rechercher des métaphores plus riches et dont la validation est mieux assurée.
5Encore faut-il douter, remettre en question les certitudes acquises, revenir aux grands embranchements du passé, apprendre à désapprendre pour poser de nouveaux problèmes et tenter de les résoudre. Douter pour provoquer de nouveaux désirs, ce que les scientifiques se hasardent à réaliser par l’expérimentation systématique, ce que les idéologues évitent en se cantonnant dans l’incantation. Karl Popper (1981) observait qu’« il y a eu, au fil des siècles, des modifications dans nos idées sur ce qui constitue une explication satisfaisante ». Douter pour laisser le désir, la « chalance », faire place à la créativité. Il est impossible de programmer la créativité, mais impérieux de reconnaître ses conséquences potentielles et de les exploiter : c’est le rôle de l’innovation. La créativité échappe aux structures trop rigides, se joue de l’inertie, s’oppose aux conservatismes. Elle ne consiste pas à perfectionner des savoirs et des techniques, mais à les rendre obsolètes en en créant d’autres. La créativité est sensible, au sens où elle fait intervenir les sens et favorise la perception immédiate. Sons, couleurs, poésie attachée à l’agencement des mots et à leur musicalité, formes, gestes, etc., figurent parmi les manifestations de la créativité qui favorise les modes de communication hérités de la phylogenèse : signaux visuels, olfactifs, sonores, gestuels et posturaux. Rien de criminel à cela, à condition d’appuyer à temps sur ces freins rationnels pour sélectionner ce qui est vrai (au sens mathématique, d’autant que la racine de rationnel est ratio, une fraction) ou validable (par l’expérimentation) dans le bric-à-brac des fantasmes inventés ou, tout simplement, pour valider les métaphores créées. L’éducation des êtres humains ne devrait pas se limiter à leur apprendre à résoudre les problèmes déjà résolus pour imiter et perfectionner marginalement les comportements innés ou acquis, mais, à la manière des enfants qui ont laborieusement construit des châteaux, les détruire. Leurs jeux (construire et déconstruire) sont les processus de découverte que l’éducation muselle ensuite, heureusement, pas toujours avec succès.
6Il faut distinguer dans ce qu’on entend par discipline scientifique ce qui en constitue la substance cognitive – la « matière », celle qui est tabulée à la fin de nos ouvrages – des « sociétés disciplinaires » formées des acteurs produisant, échangeant et consommant tour à tour les « biens cognitifs » de l’université des savoirs. Cela pourrait être qualifié « d’économie cognitive ». Mais ce terme est ambigu, car qui dit économie intègre les notions de valeurs monétaires et de prix associées aux biens. Faute de pouvoir munir les savoirs d’unités de mesure, les valeurs cognitives, contrairement aux numéraires monétaires, ne sont pas (encore) mesurées par des unités monétaires, mais des valeurs de jugement. S’il y a un marché des savoirs, il n’est pas « économique », au sens où il utilise peu les nombres (sauf par les notes fournies par des barèmes pour certaines épreuves pour mesurer la quantité de savoir assimilé, la durée de leur acquisition et la vitesse de leur utilisation). Certes, les êtres humains, pour simplifier leur compréhension du monde, s’adonnent à une drogue pantométrique qui ramène tout à la mesure par des nombres. Autant que les mots, les nombres, qui cèlent derrière eux un complexe système de « métaphores » rarement acceptées comme « validées », véhiculent des mensonges et font des ravages, comme en témoignent la folie bibliométrique de nos jours et celle de la notation, des pauvres enfants par les professeurs jusqu’aux États que notent des agences autoproclamées qui font tout pour échapper à leur tour à la notation. Se sevrer de cette drogue de l’esprit humain est psychologiquement, j’allais dire cognitivement, difficile. Tout comme il est difficile de se défaire de la drogue cinétique qui procure l’ivresse de la vitesse, encourageant l’action réflexe, rapide, au profit de la majestueuse lenteur de la réflexion et des actions à long terme. Au siècle où l’on ne consacre plus des décennies pour construire temples, cathédrales, mosquées et châteaux pour abriter les puissances de l’au-delà et d’ici-bas, mais où seulement quelques années suffisent pour ériger des sièges de banques usurpant leur rôle en l’honneur du « Marché », quelques millisecondes dans les marchés à haute fréquence, etc., le négoce a supplanté noblesse et clergé et le court terme l’emporte sur le long terme. Les objets acquis pour améliorer la productivité consomment une durée d’utilisation minimum. Mais même minimes, ces durées s’accumulent en proportion du nombre croissant d’objets que nous possédons. Le temps disponible de nos cerveaux n’est plus suffisant pour utiliser tous ces objets « en parallèle », mais en série, les uns après les autres. Contraints à utiliser seulement leur durée minimale d’usage, les cerveaux « zappent » d’une activité à l’autre, la productivité s’érode et conduit au gaspillage caractéristique de la vie puisqu’elle est aussitôt consacrée à d’autres objets et d’autres services. Cette « valeur ultime », la durée, devient un bien rare, et, par suite, économique. Le temps est la mesure ultime de la valeur, et non pas l’argent.
7Tout comme la vie est un processus conduisant des protéines bavardes et curieuses à explorer de nouvelles combinaisons pour les expérimenter au prix de leur propre existence, la vie cognitive est un processus qui conduit des cerveaux humains, bavards et curieux, à explorer de nouvelles combinaisons de savoirs au prix leur propre obsolescence. Tout comme la vie a également inventé des combinaisons d’acides nucléiques sélectionnant, régulant et pérennisant le fonctionnement des protéines pour assurer la viabilité des organes et organismes, la vie cognitive a également inventé des institutions pour sélectionner, réguler et pérenniser le fonctionnement des savoirs afin d’assurer la viabilité de celles et ceux qui les utilisent. Grands prêtres et autres ayatollahs, gendarmes et bourreaux si besoin est, professeurs et parents, jouent le rôle des gènes qui font naître les protéines ou les suppriment quand d’autres activent les acides nucléiques, en canalisant et favorisant la création ou la disparition de savoirs quand d’autres savoirs les remettent en question. À la manière des gènes, ils stabilisent et pérennisent les savoirs en se recopiant pour les transmettre aux générations futures. Les erreurs de copie sont un des moteurs de la découverte, car, nocives ou bénéfiques (mais par rapport à quel critère ?), elles augmentent la redondance et la diversité pour s’assurer contre l’incertitude tychastique que décrivait Charles Pierce.
La division du travail cognitif
8Que doivent savoir les êtres humains de l’univers des savoirs qu’ils ne cessent de construire ? Tout globalement, peu individuellement, puisque chaque cerveau ne peut apprendre qu’une infime parcelle des savoirs et des savoir-faire disponibles. Il s’agit alors de répartir l’ensemble des connaissances en une multitude de filières cohérentes de savoirs assimilables par des cerveaux humains différents. Filières réparties en « aires cognitives » partiellement autonomes et « transnomes », à l’image des aires corticales, suffisamment nombreuses pour faire de nos cerveaux les plus plissés de tous les organismes, à la manière d’un réseau planétaire de neurones, et, surtout, de synapses.
9La division du travail qu’avait observée Adam Smith dans la sphère économique résulte en fait chez les êtres humains d’une « division du travail cognitif » qui, depuis l’invention de l’écriture, a été complétée par une accumulation d’un capital cognitif dans un marché des savoirs de plus en plus vaste. Les activités des hommes sont réparties en fonction des outils qu’ils utilisent, y compris les « outils intellectuels », plutôt qu’en adhérant aux motivations qualifiées de « sciences de… », les points de suspension désignant des « pourquoi » communs que la recherche des « comment » divise. Paraphrasant Paul Valéry à propos de la prévision, les « pourquoi » sont un rêve duquel les « comment » le tirent. Les études d’André Leroi-Gourhan peuvent s’étendre aux démarches scientifiques : les êtres humains se répartissent, voire se définissent, plus par la nature des outils ou des techniques utilisés que par la nature des questions qu’ils se posent et des résultats qu’ils obtiennent. Comme les confréries, les guildes et corporations, ancêtres de nos associations et syndicats, oligopoles et monopoles, etc., ont trouvé leurs contreparties dans le domaine cognitif : sociétés savantes, académies, etc., veillant à la stabilisation des institutions.
10Les sociétés disciplinaires sont des sociétés humaines formées de celles et ceux qui adhérent à des disciplines, définies dans un premier temps comme sous-ensembles d’un univers des savoirs qu’ils construisent et remodèlent sans cesse et auquel ils s’adaptent. Formées de femmes et d’hommes, ces sociétés ont encore de beaux jours devant elles pour croître, se multiplier, se diviser, s’annihiler, se reproduire, tant que les êtres humains enrichissent en le diversifiant l’univers des savoirs. Dans la mesure où les capacités cognitives des êtres humains ne croissent pas à la même vitesse que ces savoirs accumulés, la taille de l’univers des savoirs, la difficulté d’y accéder, la complexité de son organisation, et de bien d’autres raisons conduisent les êtres humains à le simplifier.
11Deux types de voies s’offrent à eux. Ou bien la longue marche vers l’abstraction, cette activité d’oisifs qui réduit l’environnement qu’ils observent en un tout petit nombre de composantes pour mieux les analyser « en parallèle », afin de pouvoir créer des métaphores avec d’autres composantes du monde des savoirs dont ils ne possèdent qu’une part infinitésimale. Notre cerveau est loin d’être la machine parallèle dont certains spécialistes des réseaux de neurones ont rêvé. « Les notions abstraites ne sont que des idées formées de ce qu’il y a de commun entre plusieurs idées particulières », écrivait Condillac. Elles sont a priori plus utiles car elles sont susceptibles d’expliquer un ensemble plus grand de phénomènes, mais la durée nécessaire à percer la validation des métaphores est prohibitive. Ce processus, qualifié de « réductionnisme » dans le domaine des sciences physiques, est régulièrement contesté.
12Ou bien la sélection d’un tout petit nombre de savoirs utilisés pour former des métaphores validant tous les savoirs du monde. On reconnaît la tentation moniste qui ne se préoccupe guère de valider de telles métaphores par des procédés « scientifiques » rigoureux. L’éden holiste auquel nos cerveaux aspirent a paradoxalement détourné le réductionnisme, compris comme méthode d’investigation, vers la recherche d’une cause unique, depuis le disque solaire d’Aton jusqu’au nouveau Graal des physiciens (théoriciens), cette « théorie du tout », cette équation a=bc qui, comme f=mgamma ou e=mc2, sera la mère de toutes les connaissances, à l’instar de ce boson de Higgs dont on peine à déceler la trace alors que tout devrait reposer sur lui. La quête initiatique de cet exemple d’explication unique tapie dans notre cerveau fera-t-elle surgir des éprouvettes, à la lumière scientiste, l’intelligent designer que tentent de ressusciter sous de nouveaux atours ceux qui succombent à la tentation moniste, quête qui ne s’éteindra qu’avec le cerveau du dernier des hommes ? Le virus holiste reste tapi derrière nos neurones, prêt à se jeter sur nos synapses pour ouvrir les vannes à nos neurotransmetteurs. Je ne nie pas qu’une tentation métaphysique, voire une pulsion métaphysique, soit à l’origine des activités « scientifiques » qui ont besoin d’interrogations pour alimenter leurs démarches. La pensée sera d’autant moins magique que les buts à atteindre seront spécifiques et convenablement cernés, que les questions posées seront précises et les concepts le moins polysémiques possible.
13Les processus de découverte sont universels et concernent tout aussi bien les idéologies que les sciences. Les différences peuvent être décelées par l’utilisation plus ou moins efficace de notre capacité, limitée, à « ordonner nos connaissances » le long de chaînes de raisonnement logiques et simples (donc abstraites), à repérer les régularités, en obéissant à la logique et à l’expérimentation pour les valider. Certains de ceux qui font profession d’investigation scientifique versent dans un scientisme qui se rapporte par certains traits à la pensée magique. Il ne suffit pas d’accoler le mot « science » à un domaine trop vaste pour en faire une science au sens de l’utilisation d’une démarche scientifique (trier les implications d’une assertion vers une autre, par exemple).
14Beaucoup d’imagination, de talent et de travail – et, souvent, de mauvaise foi – sont nécessaires pour justifier une explication moniste, pour ramener à une seule cause toute une théorie (procession) de phénomènes. Il faut construire pour cela une longue chaîne de raisonnements, dont la solidité est celle de son maillon le plus faible, maillon que l’on cherche à dissimuler, à banaliser pour échapper à la critique, que l’on rend le moins soupçonnable à force de le prétendre évident. C’est souvent celui-là qui cédera, dont la rupture semblera surprenante au premier abord. Mais bien qu’aucune théorie moniste n’ait réussi pour l’instant à expliquer l’ensemble de tous les phénomènes, elles ont cependant fourni des motivations puissantes au progrès scientifique pour la valider.
15Un débat permanent sur ce sujet occupe depuis toujours l’humanité. Dans chaque culture, les théories monistes, dualistes, ternaires et pluralistes ont été en compétition, l’une remplaçant brutalement l’autre, palliant les mystères qui demeuraient, quitte à en introduire d’autres. Chaque période où la foi en l’une de ces théories se renforce provoque l’apparition d’autres, qui sont hérétiques, révisionnistes ou paradoxales (contre la pensée) par rapport à celles qui les précèdent. Les théories pluralistes sont généralement beaucoup plus tolérantes que les théories monistes, parce que chacun peut choisir dans toute une palette l’explication qui lui convient. C’est lorsqu’une tentative moniste surgit que l’intolérance surgit pour l’imposer. C’est lorsqu’une idéologie veut tout expliquer qu’elle devient totalitaire. Comme en politique, la démocratie devrait être définie comme la liberté de chaque individu à adhérer, à chaque instant, à l’association de son choix. Comme les courroies de transmission aux partis frères, les institutions académiques freinent l’émergence des découvertes de nouveaux savoirs – quand ce ne sont pas les rivalités personnelles pour accaparer le pouvoir et la reconnaissance sociale qui utilisent les disciplines ou les idéologies pour vider leurs querelles. Dogmes et hérésies rythment l’évolution des disciplines, à la manière de la guerre et de la diplomatie, chacune succédant à l’autre pour atteindre son but par d’autres moyens, pour répondre à un « pourquoi » par d’autres « comment ». Il semble exister une « loi des hérésies parfaites » qui, à l’instar de la « loi des gaz parfaits », énonce que « l’intensité de la lutte contre l’hérésie est inversement proportionnelle à la déviance qui la sépare du dogme ». L’enthousiasme des nouveaux prosélytes pour transformer une ancienne hérésie en nouveau dogme est proportionnel à la violence qu’ils pratiquaient pour la persécuter avant de la renier. De nouvelles croyances (credulitas) s’instaurent au prix de mille cruautés (crudelitas). Le prix à payer pour l’indiscipline.
16Le titre de cet article ne pourrait-il pas sous-titrer celui d’un journal virtuel intitulé Le doute, à l’instar de celui qui sous-titrait la Pravda ? Mais j’en doute, car il ne s’agit pas de vérité, mais de science. Seuls des miracles peuvent faire éclore des disciples suffisamment indisciplinés pour se discipliner à enrichir le monde des savoirs d’une nouvelle discipline. Heureusement, même insuffisamment nombreux, les miracles évoqués par le physicien Eugene Wigner (1960) existent. Comme la vie, la science avance.