CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les adolescents sont confrontés à des normes de classement imposées par les dispositifs dans lesquels ils s’inscrivent – classification des savoirs dans les CDI des collèges et lycées, organisation hiérarchisée des savoirs disciplinaires auxquels ils sont confrontés par la médiation des programmes et des manuels scolaires, classement automatique par Facebook de données personnelles publiées. Ils doivent aussi traiter dans l’ensemble de leurs activités du matériau informationnel : notes de cours, photocopies distribuées, lettres, copies de paroles de chansons, SMS stockés, commentaires sur Facebook. Ils ont besoin d’utiliser, de « faire avec » des classements, des classifications pour stocker, retrouver et donner du sens à ce matériau. Dans ce rapport que les adolescents construisent avec le classement et les catégorisations qui organisent notre rapport au monde et au savoir, Facebook semble permettre aux adolescents de rendre visible leur réseau d’amitié et de le faire vivre dans un enjeu d’individuation et de socialisation, tout en documentarisant [1] leurs données personnelles et indexant automatiquement leurs activités pendant qu’ils interagissent. À partir d’une enquête ethnographique auprès de lycéens et leur suivi sur Facebook pendant deux ans, j’ai pu repérer des pratiques relevant de formes d’indexation et de classement plus ou moins réfléchies et voir la contrainte que fait peser le dispositif sur celles-ci. Je dégagerai deux dimensions essentielles. D’une part, la double médiation à l’œuvre dans ces processus d’indexation entre adolescent et dispositif sociotechnique participe d’une performativité sociale entre inclusion et exclusion. D’autre part, l’adolescent bricole avec les outils de « taguage » auxquels il a accès en élaborant une territorialisation sociale. Ces éléments contribuent à construire une représentation et une pratique sociale du classement bien différentes de celles transmises par les institutions comme l’école.

Enquêter sur les usages adolescents : de quoi Facebook est-il l’espace ?

2Dans le cadre d’une enquête sur les pratiques d’écriture des adolescents entre papier et numérique, j’ai suivi les espaces Facebook de lycéens d’octobre 2010 à juin 2012 [2], avec des captures d’écran régulières accompagnées d’entretiens. Selon le principe de l’ethnographie, il s’est agi de chercher à donner à voir les manières de faire, le sens que les adolescents donnent à ces pratiques.

3Je préciserai rapidement ce qu’est ce réseau social numérique (RSN). Les sites de RSN ont été caractérisés comme permettant le développement et le maintien de liens et ayant particulièrement du succès parmi la jeunesse, même si on déplore de mauvais usages : harcèlement, popularité et amitié fictives (Granjeon, 2011). À ces questions du point de vue de l’usager adolescent, s’ajoute la question commerciale, éthique et politique de la captation de données, dont Facebook est emblématique. Je fais mienne la définition de Boyd et Ellison (Ellison, 2011), mais ma perspective étant à la fois communicationnelle et géographique, je considérerai la dimension spatiale de Facebook [3] articulée aux dimensions technique et sociale. Il s’agit ainsi d’un dispositif spatial, communicationnel, réticulaire, social et documentaire, inscrit dans un dispositif technique et articulé à des espaces hors ligne, permettant la mise en œuvre de formes d’interspatialité [4]. Les liens sociaux et les pratiques culturelles sont spatialisés. La configuration générale de ce RSN se spécifie en un lieu social à certains moments, selon les agencements des situations de communication (cf. Lussault, 2000). Les adolescents partagent des activités, déposent des écrits, des photos, les commentent, élaborant des configurations singulières à des échelles diverses. S’il y a publicisation sur une même interface, certaines relations sont pensées comme duelles (écrire sur le mur de quelqu’un), d’autres comme collectives (« déposer un statut », un écrit correspondant à son actualité, et attendre les commentaires) et ouvrent sur d’autres espaces (partage de vidéos de Youtube). À partir du corpus, un certain nombre de pratiques et d’objets inédits sont apparus relatifs à l’indexation au classement et à l’organisation d’un espace de contraintes et de ressources.

Ce que le dispositif technique fait à l’adolescent

4Entre le début de l’enquête et sa fin, les fonctionnalités de Facebook ont beaucoup changé. Cela mérite qu’on s’y arrête en faisant un historique rapide de la manière dont les lycéens suivis en ont intégré les principales. Ils se sont inscrits très majoritairement pendant l’année 2009, en troisième. Au début, ils ont été assez réticents, déposant et commentant peu. À l’automne 2010, on pouvait encore créer un compte sous une identité qui ne soit pas sur le modèle « nom prénom [5] », ce que certains lycéens ont fait, ou ont donné des informations fausses en particulier concernant l’activité et la localisation. On peut toujours lire d’ailleurs des mentions du type : « serveuse chez Microsoft, habite à Beverly Hills ». Le like, bouton qui permet d’apprécier, de valider par un « j’aime », apparu en 2009 sur les statuts puis les commentaires, fait partie dès le début de leur utilisation, de même que les pokes, petites marques d’attention virtuelle envoyées aux amis. Les possibilités de mention des amis se sont enrichies par l’indexation : courant 2011, ils ont pu accepter la proposition d’insérer sous forme d’hypertexte le nom d’un ami chaque fois qu’ils commençaient à le taper. Les personnes nommées sont informées par des notifications et peuvent d’ailleurs refuser qu’on active un lien à partir de leur nom.

L’indexation entre énonciation et éditorialisation

5Le dispositif permet donc une indexation de fait à partir des noms et prénoms par la technique de l’hypertexte : l’adolescent (mais le principe est valable pour tous) est répertorié comme utilisateur, possédant un profil, son nom peut donc être activé comme lien et à d’autres moments renvoyer pour celui qui le souhaite à l’ensemble des éléments indexés, le nom étant l’indice et le mur l’index. Quand deux jeunes deviennent amis, la mention apparaît dans le fil d’actualités, prénoms et noms en hypertexte. Il est possible de mentionner le nom d’un ami à propos d’une photo – même s’il n’y apparaît pas –, d’une actualité, d’un lien partagé en le taguant. Sont associées les mentions, la localisation et l’outil utilisé (mobile par exemple), les heures, puis les dates. L’indexation est à la fois ici un acte d’énonciation posé par un adolescent qui nomme, identifie, fait signe et donne à voir en scène de lecture quel(s) ami(s) il met en valeur, mais aussi du dispositif qui contraint et qui génère des usages en retour dans un processus d’éditorialisation. Le lien social est actualisé et matérialisé par ces indexations croisées entre plusieurs amis élaborant un réseau visible de deux manières : sur le mur de chacun et sur le fil d’actualités.

6Les signes indiciels constituent un balisage du parcours du lecteur selon qu’il monte ou descend dans le fil d’actualités ou qu’il accède directement par ses notifications. C’est une lecture orientée, voire forcée par le dispositif. Les adolescents m’expliquent que cela détermine ce qu’ils vont regarder et choisir de commenter : un nom ou un nombre de personnes qui ont aimé devenus des « mots en bleu » comme sur Wikipedia, une photo sur laquelle il ou elle est « identifié(e) », sont des éléments qui vont contraindre l’élaboration du parcours de lecture. D’autres précisent qu’ils ne consultent pas les liens partagés à partir de YouTube quand il n’y a pas d’indice qui donne d’information sur le contenu pour ne pas « perdre leur temps ». En revanche, sont regardées les vidéos faites par les adolescents eux-mêmes. Elles sont taguées des termes qui indiquent les caractéristiques, les « acteurs » : les autres se sentent alors concernés. L’indice est ainsi ce qui conduit à ce qui est proche, non à faire découvrir. On trouve souvent la mention « délire avec untel (en hypertexte) » qui permet de renvoyer à cet adolescent et induit de poursuivre le parcours sur son espace.

Un processus performatif d’exclusion/inclusion sociale

7Ce jeu à partir des fonctionnalités indicielles met en place tout d’abord un processus performatif. Mentionner un nom sous forme d’hypertexte dispense même de déposer un commentaire – les adolescents se contentent souvent de smileys ou de cœurs. Cela atteste d’une relation, la publicise en faisant ressortir le nom de la liste d’amis parfois très nombreux [6]. Une des lycéennes suivies utilise très largement cette manière de faire et procède même à une délimitation des happy few, trois ou quatre adolescentes toujours mentionnées. Elle mentionne rarement des garçons, pourtant au centre de ses préoccupations mais qui sont relégués au statut de spectateurs silencieux : ils n’ont jamais de notifications de sa part. Par cette forme d’indexation, elle instaure un rapport social : celles qui sont nommées sont celles dont elle autorise la parole.

8C’est un véritable processus d’inclusion/exclusion dont les adolescents ne sont en partie pas les maîtres – parce que dû à cette indexation automatique – et qui contraint leurs usages : il y a ceux qui ne sont jamais « identifiés sur la photo de X » parce qu’ils ne sont pas nommés dans les commentaires, ou sur le mur desquels on publie peut-être mais sans lien hypertexte. Ces éléments empêchent d’apparaître dans le fil d’actualités et d’avoir des notifications. L’adolescent dans ce cas est dans une situation d’invisibilité dans le réseau d’amis, même s’il y a certaines activités. L’exclusion est en fait la non-inclusion dans un micro-réseau. Il peut avoir lui-même refusé d’être mentionné, cela lui permet d’échapper à l’indexation par le dispositif mais il doit en payer le prix : être invisible.

9Parmi les lycéens suivis, aucun n’a utilisé ce paramétrage et ils apprécient au contraire les mentions et les recherchent : elles leur permettent d’évaluer leur présence numérique. L’invisibilité semble avoir deux conséquences : mettre en place une stratégie pour se rendre visible (pour les lycéens suivis, cela se voit mais pas à n’importe quel prix, une forme de fidélité à ce qu’on veut être semble être prioritaire à plus ou moins long terme) ou progressivement prendre ses distances avec le réseau.

Ce que l’adolescent fait pour être « bien classé »

Faire advenir la relation

10L’indexation pointant vers des adolescents les met en valeur et ils sont de fait classés comme ayant un intérêt, se détachant du lot. Celle-ci sert alors aux autres d’indice puis de ressource pour élargir leur réseau. Un certain nombre d’adolescents comprend en voyant qu’un autre est souvent mentionné, souvent « tagué », qu’il est quelqu’un de remarquable. Se mettent alors en place des techniques d’approches et de tentatives de familiarité parfois repoussées. Progressivement, les adolescents trouvent les manières acceptables. Fêter l’anniversaire est une des situations les plus faciles, l’adolescent est félicité, les amis d’amis le voient dans le fil d’actualités et en profitent pour tenter le contact en le félicitant à leur tour [7]. Cette manière progressive de s’approcher les uns des autres est repérable quand on observe comment les adolescents choisissent de préciser les noms et prénoms de certains de leurs amis sur une période de temps donnée. On va commencer par nommer sous forme de lien hypertexte le nom de l’ami pour fabriquer une proximité avec celui qui est distant symboliquement, dans un collectif d’autres amis. Puis, il sera dans un collectif réduit, puis seul. Lorsqu’on publie sur le mur de celui-ci, on montre que le lien social a pris une nouvelle forme jusqu’à effectuer un découplage de l’espace collectif et créer un acteur social (Grossetti, 2012) qui se détache de l’ensemble des amis. Cette manière de faire fait advenir le lien, le publicise. En effet, lorsqu’on affichera le profil d’un individu ou son mur, ces deux personnes seront fréquemment associées et en situation de proximité topographique sur la page de l’écran, matérialisant ainsi le rapprochement social. Très clairement, l’indexation joue ici le rôle de renforcement du lien. Plus, on peut considérer que c’est l’élaboration d’un territoire social qui se met en place.

Indexer pour fabriquer un territoire social

11L’indexation est techniquement portée par l’hypertexte, mais les adolescents la conçoivent dans sa valeur de mode de classement par désignation, classement qui signifie pour eux catégorisation et ordre. C’est ainsi qu’ils élaborent des objets numériques documentaires que j’ai nommés écrits d’indexation – « écrit » est ici à prendre au sens élargi (Souchier, Jeanneret et Le Marec, 2003 [8]). De l’automne 2010 à l’automne 2012, j’ai pu collecter des formes d’indexation de l’amitié fabriquées par les adolescents. Ces objets sont récurrents et leur permettent d’afficher des préférences nettes même si elles sont susceptibles d’évoluer. On voit ici trois exemples de ces écrits qui illustrent cette manière d’organiser et de classer ses amis. L’indexation est associée au choix d’une image qui renvoie à des situations connues des adolescents concernés. Mais chacun des dessins construit une facette différente du classement social en jeu.

12Le premier est une traduction personnelle du carré normalisé proposé par Facebook en 2009. Il a beaucoup circulé tel quel. Facebook et des services dédiés en ont proposé des versions différentes mais nous voyons ici que les adolescents en proposent avec humour une reformulation : le dessin est intitulé « l’heure du carré », les amis sont représentés par des personnages liés à leur surnom, leur caractère. Chacun se reconnaît et commente. L’indexation ici non seulement participe à l’affichage d’un micro-réseau mais aussi contribue à la poursuite de la situation amicale élaborée hors ligne. Cet écrit d’indexation est commenté et ainsi devient une ressource de socialisation qui s’inscrit dans des situations multiples dont la plus importante est de rendre visible le groupe, de discriminer ses membres. En effet, être mentionné, c’est faire partie du groupe délimité par l’indexation, c’est être reconnu. À l’intérieur du groupe même, l’indexation est parfois sous la forme d’un indice péjoratif, en quelque sorte le prix à payer de la reconnaissance. Dans ce premier exemple, c’est donc un classement par l’activité partagée et par l’humour dont on fait preuve en supportant les indices choisis.

13Le deuxième dessin représente des cœurs et une farandole d’amis dont une partie est hors de l’image, accompagné du texte « si t’es marqué c’est que je tiens à toi… ». Il a été fait à l’internat avant d’être déposé, partagé et commenté. L’adolescent a compris le principe de la publicisation du lien. Il a l’habitude d’utiliser Facebook pour solliciter du soutien. Ici, c’est lui qui rend visible son attachement. Le lieu social institué dépasse Facebook et ses contraintes. Le dessin est plus grand que ce que l’on voit et certains noms ne sont pas des utilisateurs de Facebook : le dessin et l’indexation des liens sociaux existent en ligne et hors ligne. Par ailleurs, si les adolescents mentionnés n’actualisent pas la relation, ne commentent pas, elle existe parce qu’elle est nommée. L’adolescent circonscrit un micro-réseau et classe ses amis de manière affective.

14La photo du bureau couvert d’objets du quotidien hétéroclites dont certains sont disposés là à dessein montre une créativité supplémentaire qui met un écart entre le référent et la personne correspondante. Jérémy a déposé cette photo à l’automne 2012 mais pratique ces formes d’écrits depuis 2010. Les indices ne font pas que donner accès à une information mais construisent un réseau par les référents matériels qu’ils indexent et jouent sur une connivence entre amis. Les adolescents consacrent du temps à cette forme d’écrit et anticipent la surprise des amis qui passent la souris sur l’image pour se reconnaître les uns les autres. Indexer permet de fabriquer un support pour une nouvelle activité pour partager du temps et des émotions. L’arbitraire des indices choisis souligne que l’adolescent cherche à contraindre la lecture en évoquant certains jeux d’énigme : sans utiliser l’indexation que l’adolescent-auteur a faite, personne ne peut se reconnaître ni en identifier un autre.

Que comprendre de ces pratiques adolescentes ?

L’indexation informelle : pratique d’ordonnancement social

15Ces trois exemples parmi d’autres mettent en évidence le rôle de l’indexation comme pratique sociale d’ordonnancement et de territorialisation. J’ai mentionné la question de l’interspatialité à l’œuvre sur ce RSN : il apparaît que les indices choisis par les adolescents contribuent à leur permettre de poser les limites d’un espace social enchâssé à l’intérieur même du réseau d’amis. Ils construisent une forme de territoire qui borne l’image de leur identité. La liste des amis, les éléments indexés constituent les contours de ce qu’ils veulent donner à voir d’eux-mêmes. Au-delà de cette indexation qu’ils maîtrisent, les adolescents apparaissent aussi dans cette enquête aux prises avec le dispositif de Facebook et son indexation automatique. Celle-ci génère des processus d’éditorialisation qui influencent leur rapport aux situations informationnelles et communicationnelles ainsi agencées. Les jeux de transaction sociale, qu’il s’agisse d’inclusion dans un micro-réseau ou d’exclusion, sont respectivement à l’origine d’inquiétudes et de satisfaction. Cela fait l’objet de discussions entre eux et de tactiques pour ne pas « se laisser faire [9] ». Ils passent du temps et s’amusent aussi des manières de « taguer » et de classer les amis, y compris en le faisant de manière absurde.

Une pratique sociale du classement non hiérarchisée et situationnelle

16Les espaces « hors ligne » et « en ligne » sont articulés par la mise en œuvre de diverses médiations. L’indexation automatique n’intervient que sur le « en ligne ». Les pratiques transmédiatiques des adolescents montrent qu’ils se jouent de ces frontières. Même s’ils sont contraints par le réseau de significations élaborées par l’indexation automatique de leurs activités, ils exploitent les ressources de leur appropriation de ces pratiques d’indexation pour construire leur propre système d’accès à l’information hybride entre papier et numérique.

17Mes propos se sont restreints à Facebook mais clairement, les adolescents utilisent des manières de catégoriser, de classer dans l’ensemble de leurs activités : le trieur au lycée, les hashtags sur Twitter, les SMS, entre autres. La pratique de l’indexation sur Facebook a un impact sur leur manière de considérer les classements présents dans la sphère sociale ou scolaire. Les classifications qui organisent l’école, présentes dans les disciplines scolaires, objets de médiations dans les centres de ressources et ouvrages de références avec la systématisation des savoirs n’a souvent pas de pertinence pour eux. Je fais l’hypothèse d’une perte de connaissances des repères des dispositifs d’accès à l’information traditionnels. L’indexation sur Facebook organise des parcours et leur donne l’illusion de la possibilité d’un accès intuitif et sémantique centré sur leurs besoins alors que les classifications sont organisées sur des arborescences, systématiques, en réseaux sémantiques complexes comme les thésaurus. Les classements pertinents sont ceux qu’ils ont élaborés en situation et pour eux-mêmes. Organiser leurs documents, leurs notes, leur est possible tant qu’il s’agit d’élaborer des catégories. En revanche, ils parviennent difficilement à établir les liens hiérarchiques et systématiques. Le fait que sur Facebook les indices élaborés par eux et ceux induits par le dispositif se mélangent pour donner accès à une matière informationnelle – eux-mêmes, en fait – leur donne l’illusion d’une affordance qu’ils ne reconnaissent pas aux outils traditionnels. On sait la valeur pour la construction cognitive et l’élaboration de la pensée abstraite de l’appropriation des processus de classification et la compréhension de la systématisation du savoir. Cependant, pour les adolescents, en opposition aux pratiques formelles qui assurent la médiation des savoirs, peu travaillées à l’école, ce sont les pratiques d’indexation à l’œuvre sur les réseaux sociaux qui constituent l’essentiel de leur acculturation à des pratiques de classement.

Notes

  • [1]
    Chaque élément de profil est un élément traité informatiquement, et donc calculable, reproductible et susceptible d’être inscrit dans une chaîne documentaire, l’individu et ses données constituent alors une entité informationnelle.
  • [2]
    La méthodologie de constitution d’un corpus à partir de Facebook pose des questions éthiques et techniques, que je soulève dans ma thèse.
  • [3]
    La définition générale d’un réseau social proposée par Ellison (2011) est pertinente pour Facebook.
  • [4]
    Ce terme désigne en géographie, le rapport qu’entretiennent les espaces les uns avec les autres. Interagissent-ils ou non, selon les modalités d’emboitement, d’interface ou de commutation ? On peut prendre l’exemple de deux personnes assises côte à côte dans un train, qui peuvent être l’une endormie, l’autre lisant dans des formes d’espaces privés sans interaction, ou bien constituer deux espaces qui interagissent. L’interspatialité incite à aller au-delà des régimes de visibilités des matérialisations d’agencements.
  • [5]
    L’identité peut être malgré tout fictive, mais c’est sa forme qui doit automatiquement pouvoir être traitée comme un nom. L’identité réelle est souvent choisie parce qu’elle permet d’être retrouvé par des contacts.
  • [6]
    Cette question du nombre d’amis est pour eux un faux problème, les adolescents disent eux-mêmes qu’ils ne communiquent le plus souvent qu’avec une vingtaine d’entre eux. La faiblesse d’indexation des autres fait qu’ils peuvent réellement disparaître de leur horizon.
  • [7]
    Il y a d’ailleurs des formes de présentation pour établir le contact : « ma copine m’a dit de te souhaiter bon anniv’ », on dit à partir de quel ami on est informé de l’anniversaire ou on s’est préalablement signalé dans un commentaire à plusieurs interlocuteurs.
  • [8]
    « [L’écriture est bien à considérer comme] un objet complexe et socialisé, qui se définit dans sa matérialité, dans son organisation signifiante et dans ses usages sociaux, et ceci d’une façon qui la distingue d’une simple transcription des autres modes de communication. » (Souchier, Jeanneret et Le Marec, 2003).
  • [9]
    Même si certaines de leurs informations techniques étaient erronées.
Français

Les pratiques d’indexation et de classement plus ou moins réfléchies des adolescents sur Facebook font apparaître deux éléments : l’élaboration d’une performativité et d’une territorialisation sociale entre inclusion et exclusion. Ces éléments contribuent à construire une représentation et une pratique sociale du classement opposées à celles transmises par les institutions comme l’école.

Mots-clés

  • pratiques d’indexation adolescentes
  • Facebook
  • territorialisation sociale
  • performativité sociale
  • pratiques sociales de classement

Références bibliographiques

  • En ligneEllison, N., « Réseaux sociaux numérique et capital social », Hermès, n° 59, 2011, p. 21-23.
  • En ligneGranjeon, F., « Amitié(s) 2.0, le lien social sur les sites de réseaux sociaux », Hermès, n° 59, 2011, p. 99-104.
  • En ligneGrossetti, M., « Réseaux sociaux et ressources de médiation », in Liquète, V., (dir.), Médiations, CNRS éditions, coll. « Les Essentiels d’Hermès », 2012, p. 103-120.
  • Lussault, M., « Action(s) ! », in Lussault, M. et Lévy, J., (dir), Logiques de l’espace, esprit des lieux, Géographies à Cerisy, Paris, Belin, 2000, p. 11-36.
  • En ligneSouchier, E., Jeanneret, Y. et Le Marec, J., Lire, écrire, récrire – objets, signes et pratiques des médias informatisés, Paris, Bibliothèque publique d’information, 2003.
Élisabeth Schneider
Élisabeth Schneider est doctorante en géographie sociale et sciences de l’information et de la communication à l’université de Caen. Sa thèse porte sur l’économie scripturale adolescente du papier au numérique dans la variété des situations : privées, scolaires, en mobilité, en ligne/hors ligne, etc. et la caractérisation du processus mis en jeu.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/51580
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour CNRS Éditions © CNRS Éditions. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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