CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1« Ainsi, seul le bidonville demeure une solution totalement admise au problème du stockage de l’humanité excédentaire au xxie siècle », écrivait il y a quelques années le sociologue américain Mike Davis (2006). En partant de cette affirmation, qu’on pourra trouver alarmiste, pessimiste ou seulement partielle, je voudrais reconstituer les processus qui associent aujourd’hui différents espaces de mise à l’écart (je les appelle des hors-lieux) et une nouvelle figure de l’étranger, défini selon une altérité non pas culturelle ou ethnique, mais biopolitique et ainsi radicale. De quelle façon est-ce que ces espaces se créent, sont habités et se transforment ? Il faut y aller voir de plus près. C’est précisément en y allant plusieurs années durant que je me suis aperçu que la question qui m’a vraiment guidé n’est pas (ou pas seulement) de comprendre ce qui meurt et est détruit, mais bien d’abord ce qui s’invente comme mondes à venir sur des lieux-frontières et dans des situations-limites auxquels, en vérité, l’anthropologie a toujours eu à faire dès qu’elle s’est intéressée aux situations de contact, aux tensions, dissensus, conflits et autres facteurs de changement dont elles étaient le lieu.

2Au long du xxe siècle, une poétique de l’exil a édifié le portrait romantique de l’exilé, à qui nous attribuions une dimension spirituelle très forte sur le plan intellectuel et artistique. De grandes figures ont émergé de cette situation de déracinement, jusqu’à s’affirmer dans une véritable littérature d’exil. Je pense notamment à l’intellectuel américain d’origine palestinienne Edward W. Said, dont les Réflexions sur l’exil ont été un des points de départ de ma réflexion (Said, 2008 ; Agier, 2011a), ou encore à la philosophe Hannah Arendt qui, la première, a pensé le statut des « sans État » et des réfugiés, en partie à partir de sa propre expérience de réfugiée allemande aux États-Unis. Malgré les pertes, les incertitudes et la souffrance produites par l’exil, les sujets de l’exil ont ainsi pu redonner sens à leur existence, se réancrer, trouver une place, être bien là tout en pouvant « penser ailleurs [1] ». Cette présence au monde si particulière et si riche s’est exprimée, selon les parcours des uns et des autres, sous les formes de la performance artistique, politique ou narrative, par le récit de soi : faire de soi un autre et ainsi se détacher d’un soi laissé « en souffrance ».

3Nous sommes aujourd’hui dans une situation historique bien différente. Les exilés n’ont plus de lieu d’arrivée à partir duquel ils peuvent faire le récit de cet exil. L’exilé devient invisible ou, pour être plus exact, les politiques européennes de l’étranger tendent à le rendre invisible. On est progressivement passé de la grandeur spirituelle de l’exilé à la misère institutionnelle du réfugié, voire de l’étranger sans-papiers. Le réfugié dépend de politiques reconnaissant son statut de demandeur d’asile ou d’assistance. La demande d’accès à cette assistance minimale crée une situation très étrange, humiliante, où l’exilé en vient désormais à mendier pour avoir un statut de réfugié. D’où la difficulté à penser aujourd’hui la grandeur de l’exil.

La mondialisation et son reste, l’exil intérieur

4Le 28 juillet 1951, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec ses trente millions de déplacés de force, et après le drame de la Shoah et ses six millions de morts, la convention de Genève est adoptée à l’initiative des États-nations européens. Elle prévoit l’attribution du statut de réfugié à toute personne qui :

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craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle […] ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
(Article 1 de la convention de Genève, 1951)

6Le droit d’asile, au principe de ce statut du réfugié de 1951, avait été inscrit quelques années plus tôt dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

7Rétrospectivement se dévoile toute la relativité de l’universalisme – une relativité toute politique en l’occurrence : l’adoption de la convention de Genève de 1951 s’inscrivait dans le nouveau contexte de la guerre froide qui culmina avec la construction du mur de Berlin en 1961. L’Ouest endossait la posture du monde libre et créait le cadre général au sein duquel prenait sens l’accueil de tous ceux qui étaient renvoyés par le bloc soviétique ou parvenaient à s’en échapper.

8Que s’est-il passé ? Une bifurcation a eu lieu dans l’histoire européenne, et notamment en France. Dans les années 1930, on a bien désigné un certain nombre d’étrangers comme des « indésirables ». Ce fut le cas des réfugiés espagnols dont près de 500 000 sont arrivés en France à la fin de la guerre d’Espagne en 1939. Plus de 200 000 d’entre eux sont passés par des camps d’internement, mais un plus grand nombre encore a été reconnu et secouru grâce à de fortes solidarités politiques et intellectuelles – si bien que la figure de l’exilé espagnol ne s’est pas résumée à la condition de réfugié mis en camp.

9Puis les décolonisations, la fin de la guerre froide et la mondialisation accélérée ont marqué la période allant de 1960 à 2000 : un tournant radical s’est produit dans les sphères gouvernementales européennes, vers une conception et une gestion de plus en plus classificatoires et fragmentées des « autres » (réfugiés, migrants, étrangers, etc.). Même si, au plan des organisations mondiales, le droit d’asile est étendu dans le temps et dans l’espace avec le protocole de 1967, dit de New York, les principaux pays européens conçoivent dès les années 1960 une politique anti-migratoire qui sera progressivement mise en œuvre, d’abord dirigée contre les « indigènes » et « sujets » des anciennes colonies ou leurs descendants puis en général vers tous les migrants des pays du Sud (Laurens, 2008). Si le droit des réfugiés semble avoir un temps résisté à cette politique montante de repli sur soi des pays les plus riches du monde (par exemple pour ce qui concerne les réfugiés angolais, vietnamiens ou afghans des années 1970-1980), l’attitude sécuritaire s’impose quand la mondialisation s’accélère. Sur les ruines de l’affrontement Est-Ouest, les années 1990 voient en effet les zones les plus prospères de la planète chercher à contrôler une géopolitique devenue mondiale, et non plus régionale ou internationale. Selon une vision idyllique et apparemment humaniste de la fin de la guerre froide, certains croient voir venir la « fin de l’histoire » et l’avènement de l’humain unifié, dans un monde homogène et obsédé par le consensus, ou un « village planétaire ». En fait, l’unité proclamée de la planète a produit et mis en évidence ses « restes » : des millions de vies en reste[2] sont rejetées et plus ou moins visibles à cette échelle planétaire.

10Dans ce nouveau cadre, celui d’une mondialisation fragmentaire et inégale, ce sont les pays du Sud qui fournissent, par comparaison, le plus grand contingent de vies fragiles et d’indésirables. L’argument prophylactique et sécuritaire – se protéger d’une « misère du monde » prétendument envahissante – trouve sa place dans ce moment historique où la fin de la guerre froide pose la question politique de l’unité du monde. Au même moment, la rhétorique universaliste devient encombrante alors même qu’elle devrait trouver dans l’échelle de la planète le périmètre naturel de son action.

11Tout se passe comme s’il fallait inventer pour cette altérité un extérieur du monde qui maintienne en vie physique ceux qui s’y trouvent sans reconnaître leur existence sociale. C’est la forme contemporaine de l’exil intérieur. Il décrit un parcours long, pénible, souvent dangereux, allant d’un quartier marginalisé à un camp, à un centre de rétention ou à un campement en forêt, ceux qui s’y trouvent passant aussi d’une catégorie institutionnelle à une autre – clandestin, demandeur d’asile, déplacé interne, réfugié ou sans-papiers – sans trouver la sortie vers une place et une reconnaissance dans une société ou une ville d’accueil.

12Ce couloir des exilés est un effet des politiques sécuritaires et excluantes du « premier monde » et, plus généralement, d’un inachèvement du monde. Mais il est aussi, en partie au moins, le terrain d’action et d’intervention du gouvernement humanitaire, concept par lequel je désigne les formes concrètes de gestion des indésirables dans le monde, dans des lieux et des situations où des ONG ont pris la place de gouvernements délégués (Agier, 2008). Une forme conjuguée d’encampement du monde et de gouvernement humanitaire s’impose ainsi comme la réponse biopolitique à un ensemble de phénomènes présentés comme des « catastrophes » réelles, médiatiques ou potentielles (aléas de la nature, crises politiques ou migrations humaines). Elle crée une forme distante de gouvernement sans citoyens pour des vies en restes, à l’écart du monde mondialisé.

13Il y a 12 millions de réfugiés reconnus par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), c’est-à-dire de gens qui ont une carte (du HCR, du Programme alimentaire mondial, etc.), dont le tiers environ vit en camp. Il y a 4,5 millions de réfugiés palestiniens dans le monde, dont 1,5 million vit dans des camps. À cela, il faut ajouter la catégorie des « déplacés internes » (internal displaced persons dans le langage des Nations unies). Ce sont des gens qui ont quitté leur lieu de résidence habituel dans un contexte de guerre ou de violence, mais n’ont pas franchi les frontières de leur pays, par exemple, en Afghanistan, en Irak ou au Soudan. On estime aujourd’hui officiellement à 28 millions leur nombre de ces déplacés internes. Au moins 6 millions d’entre eux vivraient en camp. Il convient encore d’ajouter les 20 millions de déplacés pour cause de « catastrophes naturelles » que l’Organisation des Nations unies a comptés en 2008, ainsi que des dizaines de millions de personnes (en général considérées comme « populations indigènes ») déplacées par des grandes opérations agroforestières, hydrauliques, etc. Au total, on peut considérer que plus de 75 millions de personnes sont en situation de déplacement forcé dans le monde, mais ces mouvements de populations se font aux trois quarts entre les pays du Sud eux-mêmes. Ces chiffres ne prennent pas en compte les personnes considérées dans divers pays comme « étrangères en situation irrégulière », qui peuvent avoir appartenu à l’une ou l’autre des catégories ci-dessus avant d’être déboutées de toutes leurs demandes de reconnaissance et peuvent alors se retrouver dans diverses sortes de lieux fermés (centres de rétention, zones d’attente, centre d’accueil, etc.). Partout, des personnes en mobilité précaire vivent dans des lieux à part, à l’écart de l’exercice de la citoyenneté commune : on compte ainsi 300 camps de réfugiés du HCR, 600 camps de déplacés internes officiellement recensés, des centaines de campements auto-installés, des refuges cachés et autres « ghettos ».

14La dimension géostratégique de cette organisation du monde inclut un contrôle gouvernemental des places et des déplacements, une distribution des « populations » dans une organisation du monde où la diffusion des camps d’une part et des murs de séparation d’autre part représente la véritable nouveauté logistique et politique depuis la fin de la guerre froide (Brown, 2009 ; Lussault, 2009).

L’étranger global

15Les années 2000 voient se développer un anti-universalisme officiel au nom du pragmatisme et de la Realpolitik. Si dans le même temps l’universalisme s’est aussi développé, c’est de manière de plus en plus théorique, rhétorique et délocalisée, dans les débats intellectuels ou parmi les organisations et les assemblées internationales, et sans effet gouvernemental. Cela tendrait à confirmer que le « lieu » de l’universalisme n’existe pas : ce lieu étant « par nature » le monde entier, il ne trouve aujourd’hui que les États-nations sur la « surface de la terre [3] ». Or, les gouvernements nationaux semblent trouver le fondement de leur légitimité dans une opposition, voire dans une « protection » des populations contre la mondialisation, dont le réfugié, le migrant dit « clandestin » ou le sans-papiers représenteraient la face négative. Pourtant, cette mondialisation existe bien sur les plans économique, financier, communicationnel, médiatique ou politique. Les États ayant déjà cédé sur l’essentiel de leurs prérogatives gouvernementales, tout se passe comme si leurs gouvernants retrouvaient jouissance pleine et entière de leur souveraineté dans la lutte contre la mondialisation humaine et contre ses plus fragiles manifestations : le corps des migrants les plus pauvres et des réfugiés, ou leurs descendants. À armes inégales, la puissance publique traque des individus et fait tenir désormais dans cette police désincarnée tout le sens de l’État.

16La place symbolique de cet étranger est celle d’un étranger global au sens où, ne trouvant de place nulle part, son altérité reste inexplorée : le mur qui le tient à l’écart empêche toute expérience de cette altérité. L’indésirable est le nouvel étranger, global et sans identité.

17Car il y a dans ces politiques et leurs justifications une incompatibilité de principe et une séparation politique entre le périmètre des « sociétés démocratiques [4] » et le champ d’action du gouvernement humanitaire qui, lui, concerne ceux qui sont maintenus dans une altérité radicale, non pas d’abord culturelle mais géopolitique. L’étranger global est littéralement « maintenu [5] » et rendu autant que possible invisible et inaudible dans une limite incertaine, marquée voire « souillée » par la proximité de ce qui viendrait d’un autre monde. Dans ces espaces et moments se trouvent indistinctement sollicitées, mobilisées ou convoquées les multiples organisations non gouvernementales, grandes ou petites, et leurs élans humanistes, compassionnels, réparateurs. Leurs intervenants circulent dans les mêmes lieux en s’adressant aux mêmes interlocuteurs que les intervenants militaires, policiers ou administratifs qui agissent, eux, au nom du contrôle national ou onusien des frontières et des espaces. Ces lieux (en fait, des hors-lieux) deviennent des espaces d’exception où l’individu quel qu’il soit sera en dehors de la loi commune ; un rapport incertain et marginal à la loi que Franz Kafka avait formulé par ces mots troublants, décrivant des positions hétérotopiques : « Nous sommes hors la loi, nul ne le sait, et pourtant chacun nous traite comme tels. » (Kafka, [1945] 2008)

18Ce qui fait l’étranger dans cette nouvelle forme du monde, ce n’est donc pas une identité ou une culture « différentes » mais un double procédé de mise à l’écart des espaces du monde commun et d’éloignement de la commune humanité, recréant ainsi le principe de la « superfluité humaine » déjà décrite par Hannah Arendt à propos des « sans-État » (Arendt, [1972] 1995).

19Alors que s’impose une homogénéisation culturelle du monde, aujourd’hui l’étranger est toujours d’abord montré comme étant « ailleurs », à l’écart – un écart qu’illustrent de façon extrême les camps de réfugiés, les zones d’attente et tous les espaces de rétention situés aux frontières. Mais il se trouve qu’en Europe, on désigne aussi comme « étrangers » les descendants de migrants, ceux qui n’ont pas quitté les lieux où sont arrivés leurs pères. Le ghetto était vu dans la tradition sociologique américaine comme un « sas » d’accès à la ville pour les migrants ou les étrangers ethniques (voir par exemple Wirth, [1980] 2006) ; il est maintenant le lieu où se stabilise et se reçoit en héritage un écart biopolitique pour exilés indésirables.

Mondes de l’exil

20Dans ces conditions, un récit et un sujet de l’exil sont-ils encore, ou seront-ils demain, à nouveau possibles ?

21En premier lieu, l’actualité des « politiques xénophobes » à l’heure de la mondialisation, combinée à celle de la « ghettoïsation » de la question sociale et urbaine, nous ramène à l’histoire politique et urbaine des ghettos, de tous les ghettos, avec ou sans guillemets. Tous ont commencé à exister comme des refuges (voir Agier, 2011b). Ce sont des lieux circonscrits, à l’écart, concédés à des gens qu’un pouvoir local ou d’État ne veut pas intégrer au-delà d’une certaine limite (ou d’un « ban »). Ce « ban-lieu » (lieu du ban ou du banni) désigne l’étranger de génération en génération, quelle que soit sa nationalité (comme les campements de Roms de France en ont fait spectaculairement l’expérience en 2010-2011). Le campement d’étrangers, comme le camp de réfugiés ou le ghetto, est le lieu même de la limite et de la frontière, une frontière imparfaite, instable et épaisse qui, selon les politiques, sera plus ou moins aspirée vers le dedans ou vers le dehors.

22En second lieu, les expériences d’exil qui sont vécues dans toutes les situations brièvement évoquées ici plongent entièrement et longuement celles et ceux qui les vivent dans une « double absence » dont parlait déjà Abdelmalek Sayad (1999) : ni vraiment partis du lieu d’origine ni vraiment arrivés quelque part. Mais aujourd’hui, ces expériences révèlent plus encore, même si c’est de forme juste naissante : ce sont des trajets qui ressemblent de moins en moins à des odyssées. Pour eux, la ville d’Ithaque s’est tant éloignée qu’ils se sont eux aussi éloignés du portrait et du projet d’Ulysse… dont tout le voyage est porté par la perspective du retour. Il faut chercher d’autres images et d’autres concepts pour décrire les exilés d’aujourd’hui, ou plutôt les exilants.

23Bien des agglomérations actuelles et à venir se forment dans un contexte social où le « lieu anthropologique » et, plus radicalement, encore la « racine » sont des fictions ou des histoires du passé, collées aux rhétoriques identitaires de l’autochtonie ou aux récits de soi nostalgiques. Ces rhétoriques et récits, ces fictions, font partie de ce à propos de quoi nous devons nous interroger, ce à propos de quoi les exilants, eux, s’interrogent, les « objectivant » ou les « instrumentalisant ».

24Ces pratiques et rhétoriques de la localité se placent aujourd’hui dans un contexte large et délocalisé qui a d’ores et déjà inclus la mobilité dans son fondement. Aussi, il s’agit désormais de penser la dynamique des mobilités et des ancrages, sans préjuger de la durée de ces derniers, d’élaborer des topographies de l’exil et d’appréhender des réseaux de lieux sans préjuger de leur temporalité et de leur reproductibilité.

25Il existe une inégalité dans l’accès à la mobilité et aux lieux d’ancrage. De cette inégalité naissent des espaces de l’entre-deux, provisoires, transitoires, intermédiaires, qui ne peuvent plus être perçus seulement et définitivement comme des espaces de l’attente : reliés aux circulations les plus précaires, ils représentent de manière exemplaire sur les plans politique, urbain et théorique les nouveaux espaces de la mobilité. Ceux qui réussissent à se stabiliser formeront, forment déjà, de nouveaux cadres, hybrides, du déplacement et de l’ancrage dans l’exil.

Notes

  • [1]
    Selon les mots de Nicole Lapierre, qui désignent le regard critique qu’offre l’exil lui-même, dans une étude passionnante de biographies d’intellectuels en, et à propos, d’exil (Lapierre, 2004).
  • [2]
    Les wasted lives dont a parlé Zygmunt Bauman (2006).
  • [3]
    Je fais allusion, bien sûr, à la « commune possession de la surface de la terre » qui est à la base du principe kantien du « droit cosmopolite » comme droit naturel de visite (et, en toute logique, de circulation) des hommes à l’échelle planétaire (Kant, 1991).
  • [4]
    Même lorsque, prônant le soin et reconnaissant les « victimes » en son sein, elles se font plus « immunitaires » qu’humanitaires (voir Brossat, 2003).
  • [5]
    Le terme « maintenu » désigne le fait d’être gardé en zone d’attente « pour personnes en instance » sans être juridiquement « détenu ».
Français

Cet article vise à décrire et comprendre un processus en cours, qui associe la formation d’espaces de mise à l’écart – des hors-lieux – et une nouvelle figure de l’étranger, défini selon une altérité non pas d’abord culturelle ou ethnique mais biopolitique, celle de l’étranger absolu. On cherche aussi à comprendre ce qui s’invente comme mondes à venir dans ces lieux-frontières et ces situations-limites.

Mots-clés

  • récits
  • hors-lieux
  • mondialisation
  • réfugiés
  • étranger

Références bibliographiques

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  • Kafka, F., Journal intime (traduit de l’allemand par Pierre Klossowski), Paris, Rivages, 2008 [1e éd., Paris, Grasset, 1945.
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  • Wirth, L., Le Ghetto (traduit de l’anglais par Pierre-Jacques Rojtman), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, [1980] 2006.
Michel Agier
Michel Agier est anthropologue et directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement, puis directeur d’études à l’EHESS. De 2005 à 2009, il coordonne « Asiles », un programme de recherches sur les réfugiés, sinistrés et clandestins dans le monde. Il a notamment publié Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire (Flammarion, 2008), Le Couloir des exilés. Être étranger dans un monde commun (éditions du Croquant, 2011) et a coécrit avec Sara Prestianni « Je me suis réfugié là ! » Bords de routes en exil (Donner Lieu, 2011).
Courriel : <agier@ehess.fr>.
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48325
Pour citer cet article
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