CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Il existe d’innombrables murs qui séparent deux territoires, la plupart du temps de manière unilatérale et arbitraire, comme entre l’Afrique du Sud et le Mozambique (1975, 120 km), le Koweït et l’Irak (1991, 173 km), l’Ouzbékistan et le Kirghizistan (1999, 870 km), l’Ouzbékistan et le Turkménistan (2001, 1 700 km), l’Arabie saoudite et le Yémen (2004, 75 km), le Botswana et le Zimbabwe (2003, 500 km), Brunei et la Malaisie (2005, 20 km), l’Arabie saoudite et l’Irak (2006, 700 km), la Russie et l’Abkhazie (2009, le long de la rivière Inguri), etc. Parfois même, comme à Padoue, ce sont les édiles qui en août 2006 font ériger un mur d’acier de 84 mètres de long sur 3 mètres de haut afin de séparer la ville « convenable » de la ville gangrenée par les dealers... N’oublions pas non plus Belfast et ses peacelines, Ceuta et Melilla (villes espagnoles au Maroc) ou encore les États-Unis et leur « mur » frontalier avec le Mexique. Mais la réalisation la plus impressionnante en matière d’urbanisme discriminant concerne Israël et la Palestine. Là, on y construit, depuis avril 2002, une « clôture de sécurité » (security fence) longeant la ligne verte (frontière de juin 1967) en Cisjordanie. Ce véritable mur en béton haut de 8 à 9 mètres, avec alarme électrique, fossés, barbelés, route réservée aux militaires, doit atteindre 700 km d’ici quelques années. Son existence même entrave tout processus de paix et désorganise l’économie locale en coupant en deux des champs, des villages, des quartiers et en gênant les flux habituels de travailleurs palestiniens vers Israël et entre localités palestiniennes, ainsi que les relations familiales. Gaza est aussi séparé de l’Égypte par un mur édifié sous Hosni Moubarak... Ces murs divisent, opposent, ségrègent. Ils sont l’expression d’une communication parasitée, dévoyée et contrariée. Ils représentent la peur, ce sentiment irrationnel inexplicable.

Thierry Paquot
Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, est professeur des universités (IUP-UPEC), membre de la rédaction des revues Hermès, Books, Diversité, Esprit, Urbain (Milan), Localities (Corée du Sud) ‘Scape (Pays-Bas). Il a été l’éditeur de la revue Urbanisme de 1994 à 2012. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont L’Art de la sieste (Zulma, 1998), Éloge du luxe : de l’utilité de l’inutile (Bourin éditeur, 2005), Petit Manifeste pour une écologie existentielle (Bourin éditeur, 2007), L’Espace public (La Découverte, 2009), L’Urbanisme c’est notre affaire ! (Atalante, 2010), Un philosophe en ville (Infolio éditions, 2011).
Courriel : <th.paquot@wanadoo.fr>.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48322
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