CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Françoise Héritier reconnaissait « la différence des sexes » comme un « butoir ultime de la pensée », en ce que cette différence était « fondée sur une opposition conceptuelle essentielle : celle qui oppose l’identique au différent, un de ces themata archaïque que l’on retrouve dans toute la pensée scientifique, ancienne comme moderne, et dans tous les systèmes de représentation » (1996). Inscrivant cette permanence dans l’histoire longue, Héritier la reconnaissait également valable en tous lieux, par-delà les découpages territoriaux et leurs changements d’échelle. Cette différence classée de facto au rang des invariants s’expliquait par les mécanismes simplifiés de son observation qui, sollicitant nos sens, engendrait la possibilité d’une opposition binaire entre hommes et femmes, sans continuum (à la différence de l’âge, de la couleur de peau, du capital économique ou culturel, etc.). Son professeur et maître, Claude Lévi-Strauss, que l’on ne peut pas suspecter d’affinités précoces avec ce qui deviendrait les gender studies, accordait lui aussi une place centrale aux dissemblances entre les femmes et les hommes. Ces dernières (sous sa plume « la répartition sexuelle des tâches ») étaient, en 1971, des « trois piliers » universaux qu’il estimait repérables de tout temps et en tout lieu, au côté de la prohibition de l’inceste et de l’instauration d’une forme reconnue d’union. Des différences entre les hommes et les femmes sont repérées depuis longtemps ; mais quid d’une observation de ces variations dans un espace qui gagne en matérialité ?

Des « piliers » aux « champs » : des murs sans frontières aux frontières sans murs

2Sans répertorier l’ensemble des publications d’ethnologie antérieures à la période contemporaine s’étant intéressées, parfois en filigrane, aux rapports entre les hommes et les femmes, disons que la question apparaissait régulièrement (et continue d’apparaître) autour des descriptions de structures de la parenté – par exemple chez Lévi-Strauss. Dans ces travaux, les dimensions spatiales reposent essentiellement sur la description de modèles tour à tour matrilocaux ou patrilocaux, c’est-à-dire que sont questionnés les effets du lieu où grandissent les enfants, soit dans le village d’origine de la mère, soit dans celui du père. À quelques exceptions près, le domus y est décrit comme le domaine réservé des femmes. Quant à l’espace public, il est notamment figuré par la « maison des hommes » (lieu physique mais aussi habermassien de levée du secret). Autour de ce que nous nommons aujourd’hui le genre, l’anthropologie classique, souvent structuraliste en France [1], s’est donc plus souvent intéressée aux effets de murs séparant la sphère privée de la sphère publique qu’aux effets de frontière entre les peuples. En effet, si elle considère les représentations des hommes et des femmes, et du masculin et du féminin, comme un produit de culture et non de nature, elle a eu prétention à des généralisations transhistoriques et transtemporelles. Il est aussi vrai qu’une réflexion partant précisément du genre, ou précisément de l’espace, a fortiori de l’articulation des deux, était peu compatible avec son projet initial, hostile à la division de la discipline en différents champs.

3Sur fond de féminisme puis de politisation de la sexualité, les sciences humaines et sociales entamaient pourtant un tournant décisif dès les années 1970. C’est d’abord aux femmes exclusivement qu’il a fallu s’intéresser puis, avec les chercheuses féministes matérialistes, aux « rapports sociaux de sexe » (Mathieu, 1991) ou au « sexe social » (Delphy, 1998), enfin, avec les post-structuralistes, au « gender » (Butler, 1990) et, tout récemment dans une littérature francophone souvent libérée des écoles, à son pluriel, les « genres ». Sans prendre parti dans la pertinence des différents concepts [2], leurs superpositions partielles, leurs réductions ou détournements, demandons-nous de quel mouvement ils participent et comment l’intérêt pour le genre, voire l’injonction à en faire un angle d’analyse prioritaire, a modifié les manières de comprendre les usages et les représentations des femmes et des hommes dans l’espace. Déjà, la constitution du « genre » en champ légitime s’inscrit dans le cadre plus large d’une spécialisation progressive des sciences sociales. En même temps qu’il devenait un angle d’attaque admis, l’espace dans ses dimensions physiques, et non plus seulement l’urbain ou la ville, se constituait également en champ de la sociologie et de l’anthropologie ; pensons en France aux travaux de Marion Ségaud. Ces deux manifestations de l’éclatement en différents champs ne sont pas pour autant la garantie d’une rencontre entre genre et espace. Ensuite, le passage des études sur les femmes aux problématiques de genre s’accompagne d’une traversée d’écoles de pensée parfois dans la continuité ou en rupture les unes des autres. De la pensée matérialiste, souvent marxiste en France, aux chercheuses et chercheurs contemporains inspirés – contre Pierre Bourdieu et sa domination unidirectionnelle – par Michel Foucault et sa circulation des pouvoirs, il y a des divergences de fond. Les recherches sur ce qui est devenu le genre se sont non seulement souvent dégagées du militantisme en même temps que le champ gagnait en légitimité (ce tournant peut parfois s’interpréter comme une adhésion au libéralisme), mais elles ont aussi progressivement appris à mêler formes particulières de dominations avec maintien de formes d’agency pour celles qui étaient réduites, avant, à un statut de victimes.

4Mais comment, d’un intérêt pour les murs et d’un oubli des frontières dans les travaux structuralistes, en sommes-nous venus à l’inverse dans les productions contemporaines, c’est-à-dire à une surattention aux frontières géopolitiques et à un effacement de l’intérêt pour les murs physiques ? De l’énoncé du concept à aujourd’hui, le genre a été abordé massivement dans le cadre de la sociologie du travail. Avec le sida et le redéploiement des recherches sur la sexualité, il a pris de l’ampleur dans les travaux de sociologie de la santé ou de la sexualité. C’est principalement de l’intersection entre santé et répartition des tâches en termes de genre que sont nées plus récemment les nombreuses recherches sur le care. Jusque-là toutefois, il y a eu peu de réflexions abouties autour des aspects spatiaux du genre [3]. C’est pourtant aussi du travail et de la santé que viennent, depuis une dizaine d’années à peine en France, des travaux qui, au minimum implicitement, obligent à réinvestir l’espace. À cela s’ajoutent deux explications : les migrations transfrontalières de femmes n’ont cessé de gagner du terrain, des migrations dont on découvre qu’elles sont aussi de nature économique et professionnelle [4] ; puis, les pays d’Afrique, particulièrement touchés par le sida, voient une population non négligeable d’hommes et de femmes se déplacer vers les pays européens. En France, c’est en 1999 seulement que les statistiques sur l’incidence des origines géographiques sur les taux de prévalence au VIH sont autorisées. Dès lors, deux types de problématiques apparaissent clairement autour du genre : celles associées aux effets du déplacement transfrontalier ; celles qui questionnent, ici ou là-bas, la mise en proximité physique de populations issues d’origines géographiques, culturelles, économiques, possiblement dissemblables [5]. Dans une certaine mesure, les travaux contemporains sur le genre conduits selon ces deux problématiques sont associés aux postcolonial studies ; certains participent également du récent concept d’intersectionnalité [6], qui encourage, en renouant avec une approche matérialiste, à aborder de front les effets du genre, de la race, de la classe, etc., sur les itinéraires individuels et collectifs. De facto, ces travaux, parfois opposés quant aux présupposés théoriques qui les guident, mettent la frontière au cœur du débat. Si l’intérêt pour la séparation entre espace public et espace privé ne disparaît pas tout à fait, il prend souvent un caractère théorique et abstrait qui fait perdre à ces espaces-là leur épaisseur.

La police mondialisée du genre

5Gwenola Ricordeau, investie elle-même dans ce nouveau flot de recherches qui questionnent les résultats de mixité culturelle et géographique – son terrain porte sur les unions entre femmes philippines et hommes occidentaux – met en garde contre les effets pervers de ces travaux qui, involontairement souvent, et paradoxalement au nom de la protection des femmes, contribuent à « une police mondialisée des femmes dont elles sont les premières victimes » (Ricordeau, à paraître). Sa crainte paraît devoir s’étendre par-delà les enquêtes qui lient explicitement questions de migration et de genre. En France, les recherches sur la prostitution ont repris après l’arrivée massive de jeunes femmes d’Europe de l’Est ou d’Afrique anglophone dans les grandes villes (Deschamps, 2006) ; en arrière-fond, la question de la frontière administrative était en jeu, une frontière qui évidemment était aussi symbolique et représentée [7]. Et dans nombre de travaux sur les interactions entre jeunes femmes des pays pauvres et hommes plus âgés des pays riches, non seulement une suspicion de prostitution n’est jamais totalement écartée, avec tous les risques de stigmates afférents, mais aussi les questionnements directs portent sur les raisons et stratégies des femmes lorsqu’ils pourraient aussi bien porter sur les raisons et stratégies des hommes (Roux, 2011). Nous sommes en quelque sorte revenus au premier temps des recherches sur les femmes, où ces dernières intéressaient dans leur spécificité et non dans le cadre plus large des rapports de genre. Mais c’est un fait que toute l’histoire de la sociologie et de l’anthropologie témoigne d’une attention plus marquée pour la raison sociale de celles et ceux classés au rang des dominés, même dans les écrits de posture foucaldienne.

6Dans l’observation de cette « police mondialisée des femmes », les lois françaises sont également édifiantes, qui pourtant font peu l’objet de travaux de recherche associant genre et espace. La reprise des recherches sur la prostitution que j’évoquais plus haut date, en France, du projet de « loi Sarkozy », devenu le 18 mars 2003 la loi pour la sécurité intérieure. Cette loi fait du racolage sur la voie publique un délit passible d’une peine d’amende et de prison. Loi et changement de profil des populations concernées sont ici étroitement associés. En 2004, autour du voile et des signes religieux au sein de l’école publique, en 2010 autour du port de la burqa hors de la sphère privée, deux lois sont par ailleurs venues statuer en France sur la place de certaines femmes, musulmanes en l’occurrence, dans l’espace public. Là, ce n’est plus la frontière entre les États qui est en cause, mais une frontière symbolique tout autant que physique malgré tout, déterminée par les religions, que l’on porte sur soi, et dont les vêtements sont les murs. Attachons-nous au poids de certains des arguments invoqués lors des discussions de ces lois, et à leur imbrication avec des arrangements législatifs plus larges. Certains ont argué qu’il s’agissait, par l’interdiction du voile et de la burqa dans l’institution et l’espace public, de délivrer des femmes de l’emprise masculine, la seule apparemment à même de les obliger à cacher partiellement ou totalement leur visage. Ces arguments réduisaient de facto les « jeunes filles », les « épouses », les « mères » ou les « sœurs », souvent nommées en référence à leurs liens de parenté avec des hommes (donc signifiées mineures) à la passivité, en particulier dans leurs usages de l’espace – ce mécanisme rappelle des raisonnements utilisés contre les prostituées pour invalider leur parole, par exemple lorsqu’elles manifestaient sur la voie publique en 2002 et 2003. En creux, la maison, par le désintérêt juridique qu’elle suscite, devient si ce n’est explicitement un espace de liberté, du moins par défaut le lieu de tous les possibles : les femmes peuvent bien y être voilées ou non, influencées ou influentes, le législateur n’a rien à dire et l’intérieur semble le no man’s land des morales républicaines. Par contraste, la rue figure un espace de contrainte, vestimentaire au moins. De même que les publicisations de la prostitution, par-delà la figure d’exception de la prostituée, renforcent les représentations de la place de l’ensemble des femmes sur l’espace public (Deschamps, 2011), il est probable que la publicisation des rapports de genre dans l’islam au moment des lois de 2004 et 2010 s’insère également dans une représentation plus large des rapports socialement autorisés des femmes et des hommes aux lieux, par-delà les particularités d’une religion.

La police publique du genre

7Mais poursuivons par une des propriétés des lois qui, peu ou prou, encadrent les autorisations ou interdictions spatiales de genre. Que ce soit celle qui crée le délit de racolage actif ou passif sur la voie publique (en théorie aussi bien pour les prostitués hommes que femmes – de facto ce sont des femmes dont ont essentiellement parlé les médias et qui ont eu des procès) ou, tout récemment, celle qui interdit de se promener dans l’espace public sans que le visage soit identifiable (là encore, la loi paraît universaliste) : dans les deux cas, il s’agit de lois qui s’inscrivent dans des dispositifs législatifs plus larges, en l’occurrence des lois-cadres votées au nom de la sécurité[8]. Que les lois qui statuent sur l’espace public soient presque toujours promulguées au nom de cet argument est une chose. Par contre, et en termes anthropologiques et non politiques cette fois, que ces lois sécuritaires s’adressent de facto plus aux femmes qu’aux hommes paraît révélateur. Implicitement, elles représentent toujours les espaces privés comme plus cléments et libres pour les femmes, alors même que les statistiques des meurtres et des crimes prouvent le contraire : ce sont des proches, à l’abri des murs, qui le plus souvent tuent, violent et violentent. Généralement, des femmes sont alors victimes d’hommes. Mais lorsque ce sont des femmes qui commettent des crimes contre des hommes, ceux-ci ont également le plus souvent lieu derrière les murs, dans l’espace privé. Les meurtres ou les violences entre hommes se tiennent par contre fréquemment dans l’espace public ou semi-public, là même où les représentations leur assignent pourtant une place centrale [9]. Cette disjonction, tant pour les hommes que pour les femmes, entre espaces de risques représentés et espaces de risques réels, doit commencer à être investiguée.

8Le genre est pourtant étrangement devenu quasiment absent des recherches qualitatives qui questionnent le rapport de différentes populations à l’espace, et notamment à l’espace public. Ou alors faut-il tronquer le genre des femmes pour ne s’intéresser qu’aux hommes, certes dans des travaux qui continuent souvent d’interroger la place du masculin et du féminin. De nombreux travaux ont été consacrés aux « hommes entre eux », euphémisme issu du sida pour ne pas parler d’homosexualité afin de permettre des identifications. La déferlante a commencé bien avant l’épidémie de VIH aux États-Unis (Humphreys, 1970), pour se poursuivre massivement ensuite, y compris en France (Mendès-Leite et de Busscher, 1997 ; Proth, 2002 ; Redoutey, 2002 ; Gaissad, 2007). Ces travaux sont riches pour la plupart, mais le manque d’intérêt scientifique pour les femmes dans l’espace qu’ils dessinent en creux est significatif [10]. C’est une des raisons qui m’a conduite à travailler depuis 2008 sur le rapport de femmes séductrices à l’espace parisien, de la maison aux bars où elles draguent ou se font draguer, dans leurs stationnements comme dans leurs déplacements. L’observation de ces femmes (ainsi que des hommes avec qui elles commercent), nombreuses à Paris, non majoritaires sans pour autant être marginales ou spectaculaires, montre à quel point les usages de l’espace public et son apprentissage, notamment la nuit, demeurent différents pour les hommes et pour les femmes (Deschamps, 2011). Bien des indices signalent en effet l’existence d’un dispositif global qui, de l’absence de lieux extérieurs appropriés par les femmes pour certaines pratiques au récit de certains faits divers, enjoint les femmes, et les femmes seules en particulier, à passer le moins de temps possible en dehors du foyer ou en dehors du lieu, fermé et contrôlé, de l’activité professionnelle. Le dispositif pèse même sur les femmes prostituées, pourtant dites « femmes publiques ». Une analyse de leur discours montre que, bien davantage que leurs confrères, elles privatisent leur bout de trottoir, faisant de l’extérieur un pis-aller de maison.

9Comment expliquer que l’espace contemporain soit tellement peu investigué dans les travaux de sciences sociales sur le genre, alors même qu’il est peut-être l’un des derniers bastions d’une inégalité d’usage manifeste entre hommes et femmes, voire d’une inégalité de possibilités d’usage, dont les uns et les unes sont producteurs actifs et passifs ? De quelle incorporation participe ce silence de la recherche ? Des questions qui resteront sans réponses suffisantes aussi longtemps qu’une attention au genre de l’espace ne se doublera pas d’un examen des impensés de l’espace académique.

Notes

  • [1]
    Des courants non structuralistes de l’anthropologie ont pu aborder la question différemment. Ici, nous nous concentrerons principalement sur les développements des écoles dominantes en France, parfois sur l’influence d’autres écoles (notamment américaines) lorsqu’elles ont sensiblement influencé les recherches publiées en France.
  • [2]
    Je choisis ici d’utiliser le mot « genre », au singulier, comme synonyme générique des rapports, parfois de pouvoir, parfois de connivences ou d’intérêts, fondés à la fois sur les représentations de ce qui, socialement, fait et montre les hommes et les femmes puis, conjointement ou séparément, sur les représentations de ce qui est identifié au masculin ou au féminin.
  • [3]
    Pour indice, aucune entrée ne lui est consacrée dans Le Dictionnaire critique du féminisme (Hirata et alii, 2000) ; les seuls articles qui s’en approchent sont « migration » et, dans un second temps, « public/privé ». Dans un autre registre, rien sur l’espace dans le très beau livre de Thomas Laqueur (1990).
  • [4]
    Dans un court article, la sociologue Jeanne Singer (1985) est en France parmi les premières à produire des analyses statistiques sur l’emploi des femmes étrangères. D’une manière beaucoup plus conceptuelle et qualitative, Collette Guillaumin incite dès les années 1980 à questionner les rapports entre « classe de sexe » et « classe de race ». Il faudra attendre longtemps que ces travaux entraînent massivement d’autres recherches associant migration et genre.
  • [5]
    En France, évoquons, entre autres, les travaux de Nasima Moujoud. Ces problématiques sont anciennes, mais elles ne concernaient de facto quasiment que les hommes auparavant : pensons aux travaux d’Abdelmalek Sayad.
  • [6]
    En France, c’est Danièle Kergoat, laquelle a initialement travaillé sur le travail et le genre, qui porte le plus fermement l’idée d’une « simultanéité des oppressions ». On peut lire tout autant le concept d’intersectionnalité comme un retour à un plus haut niveau de généralisation à travers la réunion de plusieurs champs disciplinaires, que comme une réaction marxiste contre la perte d’influence de ce courant de pensée, notamment en France.
  • [7]
    Les représentations présentes dans les médias sur les proxénètes montrent clairement que les derniers arrivés dans une ville sont toujours figurés comme les plus violents : les Corses à Paris, des années 1950 à 1970, les Albanais à la fin des années 1990 et au début des années 2000, enfin, plus récemment, les Chinois. En même temps qu’il y a familiarisation progressive, il y a adoucissement des représentations (Deschamps, 2006).
  • [8]
    La loi qui interdit le port des insignes religieux à l’école en 2004 (en théorie pour les enfants des deux sexes quelle que soit leur religion – dans la presse, ce sont les filles musulmanes dont il a été question) ne s’inscrit pas dans une loi-cadre statuant sur la sécurité ; c’est la défense de la laïcité qui a été invoquée. Néanmoins, comme les lois de 2003 et 2010, elle encadre de facto le rapport de personnes de sexe féminin à l’espace, en l’occurrence celui de l’école.
  • [9]
    En France, les crimes mesurables entre femmes paraissent trop peu nombreux pour donner l’occasion d’un traitement statistique significatif.
  • [10]
    Un colloque qui s’est tenu à Tours en 2006, intitulé « La femme, avenir de la ville », contenait significativement en grande majorité des interventions sur les utopies ou sur des épisodes passés de l’histoire, comme si le thème se conjuguait difficilement avec l’observation des réalités contemporaines concrètes.
Français

Autour du genre, l’anthropologie s’est historiquement intéressée davantage aux effets de murs (privé/public) qu’aux effets de frontières. Sur fond de féminisme puis de politisation de la sexualité, les sciences sociales entamaient pourtant un tournant. Deux types de problématiques prennent de l’ampleur : celles associées aux effets du déplacement transfrontalier, celles qui questionnent la mise en proximité physique de femmes et d’hommes issus d’origines possiblement dissemblables. Une crainte émerge alors, celle de la mise en place et de l’incorporation progressive d’une police mondialisée du genre.

Mots-clés

  • espace privé
  • espace public
  • frontières
  • genre
  • anthropologie
  • sociologie

Références bibliographiques

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Catherine Deschamps
Catherine Deschamps est docteur en anthropologie et habilitée à diriger des recherches en sociologie. Maître de conférences en sociologie urbaine à l’École nationale supérieure de Paris-Val de Seine, elle poursuit par ailleurs ses recherches au Sophiapol/Lasco de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Ses travaux les plus récents portent sur la prostitution de rue en Île-de-France et sur les circulations spatiales occasionnées par la séduction à Paris pour des femmes multipartenaires. Le sida et la gestion des risques font partie des fils conducteurs de l’ensemble de ses enquêtes.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48314
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