CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Jean-Jacques Gagnepain n’a eu de cesse, tout au long de sa riche carrière, de décloisonner la recherche sur l’industrie, l’armée, la société, de franchir les frontières – parfois au sens littéral, comme lorsqu’il fut chercheur aux États-Unis ou lors de ses nombreux voyages d’études. Avec son décès, survenu le 2 mai 2012, c’est un inlassable passeur que perd la recherche française.

2Docteur en sciences physiques, spécialiste des ondes acoustiques et électromagnétiques en milieu solide, il commence sa carrière à l’université de Franche-Comté. Il sera par la suite (1978-1991) directeur du laboratoire de physique et métrologie des oscillateurs à Besançon et directeur scientifique du département des sciences pour l’ingénieur du CNRS (1991-2001), champ par nature interdisciplinaire. Dans La revue pour l’histoire du CNRS, il a ainsi raconté la tumultueuse genèse de ce département. Au total, Jean-Jacques Gagnepain aura publié plus d’une centaine de textes scientifiques, articles, préfaces ou communications.

3Sans jamais abandonner sa discipline d’origine, il milita pour un approfondissement des échanges entre différents domaines de recherche. En 1995, il déclarait ainsi à Libération, à propos des relations entre sciences sociales et sciences formelles et de la nature : « L’association des deux grands types de savoirs est donc indispensable. Elle ne peut se faire uniquement par des collaborations occasionnelles, mais passe par des équipes fortement pluridisciplinaires à l’intérieur d’un même laboratoire, ce qui n’existe aujourd’hui que de manière exceptionnelle. »

4Très actif lors du lancement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), il avait été le premier président de son groupement d’intérêt public. Il œuvra également au rapprochement entre monde de la recherche et monde de l’entreprise, et fut le délégué aux entreprises du CNRS de 1997 à 2001. Il ne concevait pas que soient disjointes une recherche « pure », fondamentale, et l’univers de ses applications industrielles, et fut donc un ardent défenseur de la valorisation de la recherche au sein du CNRS. Par ailleurs, proximité géographique, intérêt pour les microtechniques et conception ouverte de la recherche scientifique firent de lui un soutien précieux de l’industrie horlogère en Franche-Comté.

5En 2003, au moment de le nommer directeur de la Technologie au ministère de la Recherche et des Nouvelles Technologies, Claudie Haigneré avait souligné « l’ampleur des responsabilités qu’il a déjà exercées, dans le champ des sciences, de la technologie et de l’innovation, à l’Université, au CNRS et, plus récemment, au ministère de la Défense ». La diversité de cette longue carrière montre bien à quel point cet « honnête homme » des temps modernes avait su briser les barrières et les pesanteurs disciplinaires et institutionnelles. Et son talent pour trouver les hommes et les valoriser était également remarquable. Un humaniste curieux, discret, efficace, ironique et chaleureux.

Pierre Guillon
Institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes – CNRS (2010-2011)
Mission pour l’interdisciplinarité – CNRS (2011-2012)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48350
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