CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Cet article [1] traite des frontières de l’Europe, de leur représentation médiale et de leur façonnage par les médias. Dans cette optique, un intérêt particulier sera porté sur le rôle joué par les médias dans la protection des frontières. Après avoir examiné certains aspects de la sécurité traditionnelle des frontières de la République démocratique allemande (RDA), le projet Grenze 2000 sera présenté dans un deuxième volet. Enfin, nous traiterons de Frontex (l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne [UE]), et en particulier, d’un procédé spécifique de la protection des frontières extérieures de l’Union : l’utilisation de caméras thermiques et infrarouges. Le rapport de la technologie des médias et du territoire, de l’Europe et du tracé de la frontière électronique se trouve au cœur de cette analyse. L’argument de la reformulation de l’espace sur la base d’une information médiale sera étudié, en partant de l’arpentage cartographié, jusqu’au codage médiagéographique du territoire. L’espace, dans le sens du rapport de l’espace réel et de l’espace virtuel, nous intéressera tout particulièrement ici. Lorsque l’intégrité territoriale de la société perd de sa pertinence, et les frontières de l’État de leur importance (Faßler, 2008), quel est alors le socle de la mise en œuvre du régime des frontières (Mau, 2008) à l’époque de la navigation sur le géoweb ?

L’époque analogique : la protection des frontières de la RDA

2Les frontières sont des repères transmis par des médias dans l’espace du paysage, dénué de repères, tels des panneaux indicateurs et des lignes au sol. Elles sont maintenues par des techniques médiatiques – les médias dans l’espace. Les pancartes aux frontières nous montrent par exemple une territorialisation de la technique du pouvoir et de la mise en œuvre de l’espace. D’ordinaire, on attribue la déspatialisation aux médias, en particulier aux médias numériques et à la communication globale des médias via Internet, ainsi qu’aux espaces de données numériques. En ce qui concerne les médias analogiques dans l’espace, les médias, et plus tard les médias numériques, ne servent pas à déspatialiser mais bien à marquer l’espace et à le sécuriser. Au regard de cette forme spécifique de protection médiatique des frontières, il est possible de dégager des considérations et des conclusions générales sur le rapport des médias et de l’espace.

3Si elles pouvaient être mortelles – et elles l’étaient d’ailleurs assez souvent –, ces mesures de protection des frontières étaient de nature mécanique et électrique, et fonctionnaient encore sur la base de la force de frappe des techniques balistiques. La transmission de signaux électriques utilisait un émetteur, une ligne de transmission et un récepteur et pouvait être déclenchée à un endroit, voire interrompue : elle datait de l’époque du parc des machines de la deuxième Révolution industrielle.

4À ce stade, celui de la protection analogique des frontières qui caractérise les deux premières générations de la frontière germano-allemande, la conception de l’espace semblait découler de la notion de territoire et être uniquement transmise par les médias. Dans le processus de protection des frontières extérieures de l’UE, cette conception du rapport des médias et de l’espace s’est inversée. Dans cette inversion – de l’espace vers les médias – il est intéressant de considérer un projet qui fut élaboré, planifié, mais jamais mis en œuvre.

Un projet virtuel : Grenze 2000

5Le développement technique pionnier de la technologie des signaux à la frontière nationale de la RDA culmina dans la planification de Grenze 2000 (Frontière 2000). En 1983, le ministre de la Défense de la RDA Heinz Hoffmann déposa une résolution afin d’optimiser « l’inviolabilité, le fonctionnement et l’efficacité du dispositif frontalier mis en place [2] ». L’objectif de la modernisation du dispositif frontalier était d’éviter l’usage des armes à feu et, surtout, de rendre les mines inutiles. Des protections électroniques contre l’escalade ou des capteurs au sol devaient empêcher la possibilité d’observation par l’ennemi et la visibilité des violations des frontières. La mise en œuvre des toutes dernières technologies de protection des barrières devait rendre impossible d’atteindre la ligne de démarcation.

6Grenze 2000 prévoyait des barrières infrarouges dont les rayons déclenchent des projecteurs lors de leur franchissement et qui activent à leur tour une alarme – contrairement aux fils de protection au ras du sol ou autres points de contact –, un procédé wireless fonctionnant via des ondes lumineuses propagées dans l’air qui font d’un champ entier un champ de rayonnement, un champ de vision, ou un champ de « mise en visibilité ». En outre, le système de transmission de signal de faisceau radio Vitim, qui pouvait exercer une surveillance jusqu’à un kilomètre, devait être mis en œuvre.

7Détecteurs de vibrations, radars de reconnaissance, protections électroniques contre l’escalade et capteurs au sol étaient les principaux éléments constitutifs du dispositif. Sans oublier le système informatique en réseau.

8Fin octobre 1989, les premiers ordinateurs de recherches furent reliés au réseau au point de passage de Drewitz. Le contrôle assisté par ordinateur à la frontière fut mené pour la première fois via un PC en réseau programmé avec ingéniosité, l’EC 1834. Ceci mit un terme au système de fichiers, rendit inutile les contrôles de papiers d’identité et de passeports qui reposaient sur les capacités d’interprétation des agents des douanes, et marqua la fin de leurs reproductions photomécaniques clandestines. Le degré d’automatisation avait évolué et ne s’inscrivait plus dans une ligne de développement continu des contrôles aux frontières : il avait réalisé un saut paradigmatique.

9Avec les nouvelles techniques de protection de la frontière, il n’y aurait plus eu lieu de déplorer l’anachronisme des techniques de protection analogiques qui faisaient paraître la RDA si archaïque et un système de répression plus parfait, plus total, aurait vu le jour. En passant à l’exploitation numérique de l’information, la commutation des points de passage des frontières par le réseau informatique et scientifique décentralisé, le système des contrôles locaux, à savoir limités dans l’espace, aurait été remplacé et l’aurait étendu à un contrôle national homogène. Sur le plan de la technologie des médias, l’utilisation des médias autrefois limitée dans l’espace (photographie de la pièce d’identité, examen minutieux du plancher des véhicules à l’aide d’un miroir, entre autres) serait devenue une représentation médiatique et infographique de l’espace, aurait fait desdits Güsts (Grenzübergangsstellen), les points de passage de frontière, une production de points d’intervention dans l’espace, en aurait fait une interface d’espace virtuel et de médias dans l’espace. Cette nouvelle interface entre l’homme et l’ordinateur aurait remplacé le visage terrible du garde-frontière, du collaborateur du ministère pour la Sécurité de l’État, qui se serait transformé en interface tandis que le face-à-face avec le visage aurait été perdu.

10Ce n’est qu’avec les mécanismes de transfert de la frontière vers l’intérieur du pays que le caractère suspect de tous les citoyens et citoyennes devient une suspicion généralisée et un cas normal. Pour ce qui est de Grenze 2000 comme de Frontex, le territoire n’est plus le point de départ, mais seulement la référence médiatique à un territoire limité, un État-nation dans le cas de la RDA, un État supranational dans le cas de la protection des frontières extérieures de l’UE.

Frontex

11Lorsque l’UE s’élargit en mai 2004 et que les contrôles frontaliers aux anciennes frontières de l’Union furent supprimés le 21 décembre 2007, l’ancienne frontière extérieure de l’UE devint intérieure et la périphérie se déplaça vers l’Est. Pour garantir la sécurité de cette nouvelle frontière extérieure, une institution européenne fut créée : Frontex.

12Frontex, du français « frontières extérieures », s’est fixée pour mot d’ordre la triade : Libertas, Justitia, Securitas. Sa spécificité réside dans l’interface particulière que constitue cette institution : d’un côté, des organisations nationales telles que la police, le corps de protection des frontières et les services secrets coopèrent en son sein tout en travaillant aussi de façon bilatérale entre deux États ; de l’autre, cette institution s’inscrit dans la formation supranationale de l’Europe, un groupement transnational qui agit pour la formation d’une volonté politique et un niveau institutionnel communs via des aspects de politique nationale et des transactions économiques globales.

13L’UE représente globalement, et Frontex en particulier, une réponse à des processus de mondialisation auxquels elle souhaite apporter une réponse européenne. Cette organisation veut réagir aux flux migratoires, découvre les voies de migration et repousse les manières d’agir aux motivations anti-mondialisation. Les tâches de Frontex consistent en l’analyse du risque, la mise à disposition d’un savoir concernant le champ géographique de la migration, mais aussi dans l’organisation d’opérations d’expulsion dans toute l’Union, autrement dit au-delà des différents États membres. Sa tâche principale consiste avant tout dans l’établissement d’un régime des frontières commun, la création de troupes de protection des frontières de l’Union européenne, la garantie de la surveillance et la sécurité de la frontière. Ceci comprend la création de structures de communication communes, d’un réseau de médias de communication sûrs, mais aussi l’équipement technologique et médiatique des troupes de protection des frontières fixes et mobiles, ainsi que la surveillance hautement technologique de la frontière elle-même. Parmi toute une série de technologies utilisées, je souhaiterais ici étudier de plus près l’une d’entre elles, caractéristique du terrain : la caméra thermique et à infrarouge.

Les technologies des médias

14La question de savoir de quelle façon ces technologies des médias [3] contribuent à la transformation du régime des frontières retiendra toute mon attention. D’après Steffen Mau, un régime des frontières désigne l’unité de la politique frontalière et du management de la frontière, à savoir l’ensemble de la réglementation institutionnelle et juridique d’un État ou d’une formation étatique – ceci constitue la politique frontalière – et la gestion opérative de frontière à frontière – essentiellement l’exercice des contrôles frontaliers. Au niveau du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne par Frontex, trois points sont particulièrement notables : 1) l’élargissement de l’espace frontalier (qui, depuis Schengen, va au-delà de la mer Méditerranée) ; 2) la délocalisation de la frontière, de la frontière à l’espace (avancement de la frontière à l’intérieur du pays via le système de visa de l’UE, avancement de la frontière extérieure dans des stations de transit à l’intérieur du pays tels que les aéroports, les ports ou les gares) ; 3) l’exterritorialité (camps de réfugiés hors Union, en Libye par exemple, stationnement de forces italiennes en Albanie, etc.).

15Le passage du régime des frontières de la RDA à Frontex s’éloigne d’une visibilité manifeste des marquages physiques voyants (clôtures frontalières, barrières et équivalents) pour passer à une invisibilité publique. Mais la véritable transformation du régime des frontières réside dans une nouvelle médialité. Des procédés tels que la localisation gérée par Global Positioning System (GPS) et le recensement biométrique ont engendré de nouvelles formes de perception qui s’appuient sur les technologies des médias que l’on peut uniquement visualiser et appréhender sur des images utilisant ces technologies, et dont on ne peut prendre connaissance que sous cette forme. Une telle mise en œuvre de la sécurité des frontières est la construction, le façonnage médiatique d’une frontière qui n’est plus une ligne de séparation, mais l’ensemble de l’espace géographique photographié par satellite, et opérée en lui. La carte géomédiale de la surface de la terre est devenue l’espace frontalier dans lequel les lignes s’inscrivent.

16Des prises de vue de caméra infrarouge peuvent être instantanément transformées en images numériques, sauvegardées puis envoyées. S’il s’agissait, avec la carte, d’attribuer une adresse référentielle de lieux dans l’espace physique qui suit les règles de la représentation, il s’agit là de la localisation de mouvements humains, en forme d’information médiatique sur des lieux, dans un espace physique, référencé en numérique, dont les règles de la représentation ne sont pas connues.

17Elles peuvent être utilisées à des fins d’évaluation statistique et, d’autre part, de localisation et de positionnement via le GPS, servant ainsi à la sauvegarde des voies de migration géomédiales. Cela a pour conséquence une maniabilité dans le sens d’un accès aux individus, aux chiffres, aux images, aux voies de migration. Bruno Latour (1997) décrit la performance de traduction et ici, concrètement, les voies de commerce et d’asservissement géomédiales.

18Les conclusions de Siegert (2003) permettent d’interroger la manière dont le paradigme commun de construction de l’image et de biopolitique se déroule. Quel lien de procédé d’imagerie technique et de migration peut être ici à découvrir ? Ces prises de vue de la caméra et leur utilisation par les troupes frontalières américaines sont-elles à imputer aux mesures d’ordre policières et biopolitiques de la société disciplinaire coloniale du début de l’ère moderne qui travaillait avec la cartographie sur papier ? Ou bien ces prises de vue posent-elles la question – à imputer à la société de contrôle – du lieu et se rapportent au « problème de la prévisibilité statistique et à la manœuvrabilité d’événements qui surgissent en lien avec les problèmes de migration » (Siegert, 2003) ?

19La classification des époques chez Foucault et Deleuze en société disciplinaire, société de contrôle et État gouvernemental s’accompagne de règlements relatifs aux correspondances de son parc de machines. Ainsi, le Web et sa technologie des médias est-il considéré comme l’état social du savoir gouvernemental et postcolonial. Normalement, à l’époque de la société gouvernementale et de ses médias, aucune déduction de la surface médiale ne peut s’appliquer à la surface de la terre, mais c’est plutôt le modèle de « poursuite » informatisé et militaire qui constitue le fondement des processus interactifs de la communication médiatisée via l’informatique. Autrement dit, le modèle dont l’objectif était jadis de trouver, d’appréhender, d’avoir un effet direct sur le territoire s’est transformé en modèle dont l’objectif est de poursuivre des traces sous forme de signes informatiques. Les forces gouvernementales recensent le nomadisme virtuel non sédentaire, le mouvement dans le cyberespace. À l’époque du nomadisme visuel, le contrôle du Web dépend de la connaissance du comportement migratoire de la population. D’après Siegert (2003), le concept européen moderne de lieu repose sur la différenciation entre données et lieux. Dans ladite « hyperréalité », les frontières ne passent plus entre ce qu’un lieu peut occuper et ne pas occuper : la nouvelle différenciation passe entre données et non-données.

20La logique d’ordre de l’enregistrement policier et biopolitique et la logique d’ordre de l’intervention militaire se déroulent ici. Ici s’opère encore une déduction de la surface de l’image médiatique vers la surface de la terre ; ici, la non-sédentarité, la migration permanente – non pas dans le sens d’une fonction de mise en œuvre d’une trame possible de principe et d’une poursuite potentielle, d’un suivi des traces comme éléments d’informations – mais la traduction directe, la relocalisation a lieu ici. Dans ce sens, c’est la démonstration de la domination de la société de contrôle qui, d’un point de vue purement technique, se sert de la technologie des médias que la cybernétisation de la trame biopolitique exploite, mais qui ne se trouve pas illimitée dans la logique de domination des pouvoirs gouvernementaux des non-sédentaires. Il ne s’agit pas ici de l’absence de lieu de la condition transcendantale du cyberempire postcolonial. Même si en raison de la technicité de l’image, la frontière entre individu et chimère est devenue perméable, la construction de réalité qui sous-tend cela suit encore la différenciation de la trame, encore différenciée par ce qu’un lieu occupe et ce qu’il n’occupe pas.

21La capacité de reterritorialisation des technologies des médias déployées réside dans la localisation, dans le contrôle territorial supranational. Se référant à la logique de la différenciation des lieux et des données, elles retombent dans une ancienne procédure autoritaire nationale prénumérique. Une telle logique de reterritorialisation peut être constatée en rapport avec la visualité.

22Avec la thèse du tracé et du maintien des frontières comme garants de la stabilité de la mondialisation (Mau, 2007), on renvoie au caractère localisable potentiel des individus. Il ne s’agit plus de savoir où se trouve leur lieu de séjour réel et actuel, mais de savoir comment pister leur lieu de séjour potentiel – le savoir-pouvoir est le symbole d’une société qui équivaut à ce que Deleuze appelle société de contrôle, à savoir une société qui module en permanence ses mécanismes de contrôle de façon créative. Avec Frontex, j’ai exploré un processus de reconstitution d’une société européenne moderne qui se constitue sur la base d’un développement de réseau numérique (Faßler, 2008). En tant que régime des frontières de la société moderne, Frontex essaie de correspondre à la dynamique de champs globaux et infogènes. La présentation numérique est partie de la performance moderne européenne de la cartographie, qui a, pour la première fois, créé un rapport indexical de la carte à la réalité, mais l’a dépassée. À présent, une nouvelle sorte de référencement a été introduite avec le lieu de sauvegarde géographique des données dans le numérique. Le codage géosocial se rapporte ici à une logique de la visualisation de l’invisible et prévoit une économisation des données.

23Le point de départ de mes réflexions a été la thèse selon laquelle les techniques de communication et les médias modernes libèrent des frontières, l’espace et le territoire perdant de leur importance. Dans le cas des technologies des médias utilisées pour la sécurité de la frontière, ce postulat déjà suffisamment connu, critiqué et développé doit être révisé. Le rapport de la déterritorialisation médiatique et du rétablissement spatiogéographique de la domination par les médias doit être réajusté. À la place du concept du territoire apparaît l’idée de la territorialité comme fonction régulatrice qui sera réinstallée, rétablie via les technologies des médias.

24La détermination de frontières territoriales nationales et leur contrôle a été le moyen politique le plus important depuis plus de deux siècles, car il a régulé les flux d’individus, de capitaux, de marchandises et de données. Le territoire, pensé comme domination nationale de l’espace, a été l’élément le plus important du container de l’État-nation, qui renfermait réceptacle, territoire, politique et société. Sa transformation dans le contexte de la mondialisation est présentée comme affaiblissement par des transactions transfrontalières qui ne proviennent plus d’acteurs nationaux ni ne sont contrôlées par l’État. D’aucuns admettent déjà la fin de l’État-nation ou annoncent tout au moins la fin de la territorialité nationale, et nombreux sont ceux à voir l’État-nation classique en crise.

25Le libéralisme transnational mènerait à la dissolution des espaces de juridiction nationaux, à la régulation administrative et au contrôle fiscal, et face aux technologies de communication modernes, il est désormais question d’un virtual state (Everad, 2001). Et pourtant, ne disparaissent ni la matérialité de l’espace ni l’État. Frontex ne part plus que d’une idée de la territorialité. La frontière (supra-)nationale s’accompagne de la médiatisation du territoire. Si, partout, l’effet de déterritorialisation d’une communication mondiale et d’une culture des médias globale est souligné par des organismes politiques d’envergure comme des États et des groupements d’États, le vestige anachronique de la frontière nationale de l’époque de l’analogique se transforme en système d’informations géomédiales à l’époque du numérique.

26Ce qui m’intéresse ici, c’est l’impact de la sécurité des frontières extérieures de l’UE du point de vue de la technologie des médias, non pas pour l’intégrer à une histoire des médias traitant de la dimension militaire (Kaufmann, 1996), mais bien pour l’interpréter d’un point de vue de la culture des médias. Ainsi, il s’agit de rapprocher les procédés de localisation de Frontex assistés par GPS des procédés d’organisation culturels afin de permettre d’identifier le lien indissoluble qui existe entre localisation et organisation géospatiale. L’interprétation culturelle des prises de vue de caméra thermique près de la frontière se trouve dans la zone de tension des formes anthropomorphes et de l’information visuelle technologique, et de l’image anthropomorphe et technologique.

27C’est seulement à l’aide d’une frontière hautement équipée de technologies des médias qui exprime « l’agencement nouveau de l’espace particulier de l’État-nation comme conséquence du croisement des nouvelles structures d’espace et de temps » (Sassen, 2000) que la territorialité entre de nouveau en vigueur en tant que principe d’application et maintient en vie la géopolitique et la géographie comme dimensions structurelles élémentaires, et par là même l’Europe supranationale. La frontière est à présent le principe et le lieu du croisement du global avec le national. C’est à la frontière que les technologies des médias apparaissent reterritorialisantes, de manière emblématique, tandis que le territoire se reconfigure sous l’impact de la médialité.

Notes

  • [1]
    Ce texte s’appuie sur l’article « (Supra-)nationalstaatliche Grenze, elektronischer Raum und globale Medienkommunikation », in Müller, D. et Scholz, S. (dir.), Raum – Wissen – Medien, Bielefeld, Transcript, 2011.
  • [2]
    Le ministre de la Défense de la RDA, Heinz Hoffmann, dans l’affaire secrète de commandement 27/26/83. Cité d’après Schmalz, 1996.
  • [3]
    Base de données des points, (Kasparek, 2008 ; Marischka, 2008 ; Marischka, 2007).
Français

Cet article porte sur Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne et de l’espace Schengen, et plus précisément sur les nouveaux procédés utilisés afin de protéger les frontières extérieures de l’Union européenne. Ces procédés régis par de nouveaux médias technologiques amènent une dématérialisation des frontières extérieures et de nouveaux mécanismes d’exclusion.

Mots-clés

  • Frontex
  • évolution de la protection des frontières
  • déterritorialisation
  • sécurisation numérique de frontière
  • mondialisation
  • technologie des médias
  • dématérialisation des frontières

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Hedwig Wagner
Hedwig Wagner, enseignant-chercheur à l’université Bauhaus de Weimar, faculté des médias, professeur de culture européenne des médias, chercheur en études cinématographiques et sciences et théories des médias, est en cours d’agrégation sur le thème suivant : Les frontières (supra-)nationales, espace numérique et communication globale des médias. Elle se consacre au phénomène de la frontière en tenant compte de la conception de la culture européenne des médias. Au centre de ce projet de recherche se trouve la corrélation entre les frontières territoriales et États (supra-)nationaux et la répercussion de l’histoire du savoir de l’Europe sur la sécurité technico-numérique des frontières.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48332
Pour citer cet article
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