CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Beyrouth dresse ses immeubles de verre et affirme la modernité la plus avancée à Ain Mreissé ; elle s’affiche luxueuse et mondaine sur la corniche de Ras Beyrouth, tandis qu’elle s’attarde dans les ruines de la guerre civile [1] à Bachoura. Elle multiplie ses autoroutes, mais se perd dans le lacis des rues et ruelles de Chiyah où, la nuit venue, on craint de tomber dans des embuscades. Le soir, la jeunesse se rencontre à Gemmayzé, le quartier actuellement le plus branché de Beyrouth : garçons et filles s’éclatent à quelques pas de la gare routière Charles Hélou, qui joue les coupe-gorge au milieu des immondices depuis la guerre civile. D’un côté, la ville accueille les meilleures griffes d’Occident – les nouveaux souks en témoignent – et, sur la colline d’Achrafieh, les demeures bourgeoises du vieux Beyrouth font place à des tours orgueilleuses ; de l’autre, elle se ruralise (Messara, 2009) en se réfugiant dans des pseudo-villages ou des culs-de-sac, se délabre dans des zones délaissées, voire s’enferme dans des zones interdites comme Haret Hreik, le quartier général du Hezbollah, entièrement détruit par l’aviation israélienne en 2006. On peut additionner les exemples à l’envi : l’espace beyrouthin est discontinu et barré par des frontières invisibles.

2La ville se fait en multipliant les échanges et les services, ce qui précipite les circulations ; mais en sens inverse, on observe un marquage urbain de la déliaison sociale : ghettos riches (gated communities de Saïfi) et pauvres s’enferment de plus en plus, tandis que leur nombre croît. Dans ces lieux clos, la ville fait place aux territoires qui la dévorent et la mettent à la merci de telle ou telle féodalité, qui finit d’ailleurs par l’interdire en la parquant derrière des gardiens ou des barrages, voire des blocs de béton, tandis que les appartenances religieuses ont tendance à être affichées quartier par quartier. Mais un mouvement inverse existe également, quand des camps de réfugiés s’urbanisent et s’intègrent à la ville par exemple.

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Carte du centre de Beyrouth

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Carte du centre de Beyrouth

(libre de droits)

3Comment expliquer ce mode de construction, qui admet la destruction et la renaissance suivant le mythe du Phénix, adopté par Beyrouth, qui garde en mémoire le tsunami qui, en 451, l’avait fait disparaître ?

Une mosaïque au cœur d’une diaspora

4Ville mosaïque, elle est instable, en tension : pas moins de dix-sept communautés la composent, avec trois dominantes – chiites, sunnites, chrétiennes – qui elles-mêmes se subdivisent. Des voisinages bien marqués s’affirment, mais le peuplement urbain qui, du temps de la guerre civile, avait été soumis à une épuration ethnique est à nouveau plutôt mixte ; nombreux sont les riches sunnites qui viennent investir les quartiers chrétiens et réciproquement : aujourd’hui, le quartier résidentiel sunnite de Verdun attire des chrétiens fortunés. Seul Beyrouth-Sud demeure une zone d’implantation chiite exclusive. Cependant, et malgré la puissance de la circulation automobile qui semble assujettir l’espace urbain, l’usage relationnel de la ville demeure sélectif et les voisinages sont fermés ; tout anonymat y est impossible car chacun s’insère dans un zonage identitaire.

5Mais la ville est polyglotte. Dans les taxis-services, elle parle toutes les langues et à la devanture des magasins elle expose tous les produits du monde. En fait, elle est diasporique. Pour quatre millions de Libanais au pays, il faut en compter neuf dans le monde. Tous ne reviennent pas, mais une majorité entretient un rapport familial totalement investi dans un site local, quartier ou village, et chaque villageois a des attaches à Beyrouth, tant la ville couvre le Liban ; d’ailleurs, à côté de la place des Martyrs, l’ancien centre (quatre mosquées, deux cathédrales, une église) fut rebaptisé « el-Balad », c’est-à-dire le pays du pays en arabe. Par ailleurs, les Beyrouthins, comme tous les Libanais, sont des experts en réseaux sociaux, qu’ils déploient à travers l’Afrique de l’Ouest, l’Amérique latine et l’Amérique du Nord. Mais de façon paradoxale, ces nomades dans le monde et le cyberespace sont sédentaires et communautaires dans leur pays.

Entre espace public et espace communautaire, la ville hésite

6Depuis son apparition au xixe siècle, le site rue de Damas-place du Burj (qui devient place des Martyrs en 1921) concentre l’historicité de la ville et du Liban. C’est l’axe de convergence de tous les conflits, qui s’agrègent là pour n’en former plus qu’un. Entre émergence, destruction, réhabilitation, la place des Martyrs est toujours en quête d’une existence qui met en évidence une crise de l’unité politique. D’autant que celle-ci fut refondée par la foule plus que millionnaire du 14 mars 2005 suite à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, avant de devenir pour partie et pendant 18 mois un camp retranché entouré de barbelés (2007-2008).

7L’expansion rapide de la ville qui, de quelques milliers d’habitants en 1800, atteint les 100 000 dès le dernier quart du siècle, exige dès 1850 des aménagements. Sur trois décennies, on observe l’émergence de la rue de Damas et de la place du Burj qui, d’espace marginal, va devenir un foyer central (Tuéni et Sassine, 2003). La place s’imposa comme l’espace public central, la Sahat el Balda, le lieu d’expression du pouvoir, des parades militaires et des manifestations officielles, comme les fêtes ou les grands rassemblements populaires.

8C’est ainsi que, contre le morcellement de l’espace urbain dominé par les communautés et leurs zaïms, la ville stimula l’émergence d’un espace public. Mais en relation avec la Nahda (Renaissance arabe), les deux nationalismes – l’un arabe et l’autre maronite libanais – qui contestaient la présence ottomane vont rivaliser et ourdir des complots. Le premier s’associe aux Anglais, le second aux Français. Jamal Pacha, le gouverneur turc, fait pendre leurs représentants, à égalité. Malgré le sacrifice commun, l’opposition entre nationalisme arabe et libanais suscita un affrontement qui allait perdurer, tout en creusant une division profonde, et justifier, dès les premières années de la guerre civile (1975-1990), la transformation de la place et de la rue de Damas en ligne de démarcation. Toutes les dissensions allaient s’y concentrer.

La frontière Liban/Syrie s’est imposée comme une frontière intérieure

9Dès 1921, la place du Burj (qui va devenir la place des Martyrs) s’affirme d’un côté comme gare routière et de l’autre comme un jardin à la française qui, resserré sur lui-même et peu à peu réduit, fait place aux taxis-services qui en font le tour à toutes les heures du jour et de la nuit. À la limite de ces deux mondes, on érige une sculpture représentant deux pleureuses, l’une musulmane (voilée) et l’autre chrétienne, à la mémoire des martyrs. Cette sculpture disparut dans les années 1950 pour être remplacée par des martyrs plus glorieux : une femme debout, seins dévoilés, portant haut le flambeau de la liberté avec, à ses côtés, un jeune homme dénudé qu’elle protège et, à ses pieds, un homme à terre qui tend la main vers elle. Ne fallait-il pas gommer l’antinomie latente des nationalismes et faire disparaître toute dualité ? Ne fallait-il pas proclamer une unité sacrificielle plus évidente ? À travers le symbole de la place, la ville s’inquiétait de son unité.

10Le centre-ville prend le nom d’el-Balad, le pays du pays en arabe, comme si le lieu concentrait toute la diversité. Mosquées et cathédrales s’y rencontrent au milieu d’un même espace. Commerces, cafés, brasseries, cinémas, théâtres, bordels, édifices publics et religieux y exercent une grande attractivité tandis que la foule assure à chacun l’anonymat.

11En 1943, l’Indépendance ouvre sur un âge d’or qui voit les banques libanaises recevoir l’argent du pétrole alors que les magasins et les cinémas de la place el-Burj et de la rue Hamra (qui lui fait suite à travers les souks) se donnent comme des vitrines de l’Occident.

12La place est au cœur de tous les trafics et de tous les transits. Elle attire les intellectuels et la presse du monde arabe. Elle concentre les services et les biens ainsi que tous les plaisirs, mélange les confessions, les opinions, les plus riches et les plus pauvres. Elle connaît un état permanent de surchauffe et se tient au bord de l’asphyxie. On dit qu’elle est « la perle de la Méditerranée ». Elle accueille une seconde Nahda (renaissance). Par son succès et la liberté qui la caractérise, Beyrouth attire la richesse et la misère des régions voisines. Les équilibres vont se rompre.

13Toutes les tensions israélo-arabes se concentrent dans la multiplication d’affrontements meurtriers entre Israël et le Liban et s’intègrent à toutes les dissensions dont joue le protecteur syrien. Tout d’abord suscitée par les nationalismes arabes et libanais, la bipolarisation (Beauchard, 1985b) de la société s’est déplacée dans l’espace communautaire pour devenir identitaire. On va s’entretuer entre musulmans et chrétiens, mais aussi entre musulmans et entre chrétiens. La tolérance de l’autre se transforme en haine.

Entre Beyrouth-Est et Ouest, une ligne de démarcation coupe la ville en deux

14L’axe rue de Damas-place des Martyrs se retrouve au centre de tous les combats. De 1975 à 1990, toutes les milices vont s’y confronter, comme si c’était là le haut lieu de l’autre qu’il fallait réduire à tout jamais (Beyhum, 2003). Après un an de bataille, la place des Martyrs et la rue de Damas se transforment en no man’s land et deviennent un espace de tir pour les snipers. Autour de la place, à travers les murs, les miliciens s’ouvrent des passages d’un immeuble à l’autre, délimitant ainsi des squats.

15Bordée d’arbres et de jardins, la rue de Damas se transforme en ligne verte alors que la végétation qui prolifère marque la frontière entre l’est et l’ouest ; elle isole et circonscrit la place en faisant d’elle un espace polémogène central. Sur la rue de Damas, le musée et le lieu-dit Sodeco deviennent des points de passage qui s’ouvrent et se ferment au gré des accords entre miliciens ; des processions de camions et de Beyrouthins se précipitent alors, car oser franchir la ligne verte en dehors des heures d’ouverture ou tenter le passage en d’autres lieux fait courir un risque mortel. Il est intéressant de constater que ces deux portes sont aujourd’hui les carrefours les plus encombrés de la ville.

16La mise à mort de la place et de la rue de Damas jetait à bas la ville et donnait à voir l’unité politique en ruine :

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Plusieurs années après la fin de la guerre civile […] l’ancien centre restait à l’écart, plié dans ses belles ruines, sous les arcades renversées, les terrasses éventrées, les porcelaines, les mosaïques et les carrelages vomis par les fenêtres arrachées : immense place désolée autour de la statue déchiquetée des martyrs.
(Beauchard, 2006)

18En 1994 et sous l’impulsion de Rafic Hariri, la société Solidere (Société libanaise pour le développement et la reconstruction de Beyrouth) rachète les droits des propriétaires du Balad et du pourtour de la place des Martyrs. Après de vives polémiques, le Balad est restauré à l’identique, tandis que la place des Martyrs est rasée. Ses ruines poussées en mer prolongent le cap et laissent place à une esplanade dédiée aux transits et à des parkings, toujours présente aujourd’hui. Seuls subsistent des panneaux qui indiquent la place des Martyrs et sa direction, alors que celle-ci n’existe plus que dans l’esprit des gens.

19La disparition de l’espace public ne met-elle pas en évidence l’effacement de l’unité politique libanaise et sa reconstitution problématique ?

Le retour de la place

20Pourtant, le 14 mars 2005, un million de Libanais accourus des quatre coins du pays se rassemblent sur l’ancienne place des Martyrs ouverte jusqu’à la mer. Commémorant la mémoire de Rafic Hariri, Premier ministre assassiné le 14 février, chrétiens, musulmans et druzes se soulèvent ensemble. Jour après jour, bravant la police et l’occupant syrien, par vagues successives, leurs protestions envahissent la place. Le 14 mars, l’émotion atteint son paroxysme : la foule acclame l’appel de Bahia Hariri, sœur de Rafic et députée de Saïda, qui réclame la vérité, le départ des Syriens, l’application des accords de Taëf [2] et de la résolution 1559. En sens contraire, le 8 mars, non loin, place Riad el-Solh, plusieurs centaines de milliers de Libanais encadrés par le Hezbollah et le mouvement Amal avaient observé une minute de silence et acclamé Hassan Nasrallah, qui apportait son soutien au gouvernement et à la Syrie.

21Le même drapeau était brandi, mais les deux mouvements s’opposaient radicalement quant à la constitution politique : le Hezbollah et Amal tirent leurs garanties d’une grande Syrie, alors que la foule du 14 mars exige le départ des Syriens et la chute du gouvernement. Mais surtout, les deux foules ne sont pas de même nature. Celle de la place des Martyrs est une communion : tout d’abord individuel, le ralliement s’est transformé en liesse populaire qui, de seuil en seuil, a cristallisé une fusion entre musulmans, druzes et chrétiens. Elle va provoquer la chute du gouvernement et le départ de l’armée syrienne. La manifestation de la place Riad el-Soleh est organisée, avant tout communautaire, ordonnée, portée par la parole charismatique de Hassan Nasrallah. Ce n’est pas une émotion, mais une manifestation de masse (Beauchard, 1985a). Par contre, la foule du 14 mars est en fusion [3] : la place en communion reprend la prière musulmane des morts avant de répéter le serment de Gébrane Tuéni et Samir Kassir (qui tous deux seront assassinés) : « Nous jurons par Dieu tout-puissant, chrétiens et musulmans, de rester unis jusqu’à la fin des temps, pour défendre le magnifique Liban. » (Beauchard, 2006)

22Ce jour-là, le public en liesse a fondé dans la puissance d’une fusion la souveraineté de l’unité au cœur de la place qui avait disparu ! Dans cette perspective, Solidere lance un concours international qui vise à réhabiliter l’axe place des Martyrs-rue de Damas comme axe de la réconciliation.

23Mais dès décembre 2006, suite à la guerre des 33 jours entre Israël et le Hezbollah (juillet-août 2006) et afin de faire tomber le gouvernement, l’opposition (Hezbollah, Amal, Courant patriotique libre de Michel Aoun) occupe le haut de l’ancienne place des Martyrs et dresse un village de tentes entre des chevaux de frise. Le sit-in va durer 18 mois. La circulation est interdite. Il faut un laissez-passer spécial, les cartes d’identité sont refusées. Une fois de plus, l’espace public central est fracturé.

24La circulation automobile se détourne, les restaurants et les magasins ferment leur porte. La levée du sit-in se fera dans la violence. Suite à l’assaut des quartiers sunnites de Beyrouth-Ouest les 7-9 mai 2008 par les miliciens du Hezbollah et d’Amal, qui fera une centaine de morts, un compromis est trouvé sous l’égide du Qatar : l’accord de Doha (21 mai 2008) amende les accords de Taëf et accorde à l’opposition une minorité de blocage au sein d’un gouvernement « consensuel ». Le sit-in prend fin.

25En juin 2005, Solidere a sélectionné les lauréats du concours international lancé en 2004 en vue de la reconstruction de la place et de la réhabilitation de l’axialité place des Martyrs-rue de Damas.

26Suivant le cahier des charges, la place publique et la rue de Damas doivent être traitées comme lieux de la réconciliation nationale, espace d’ouverture et de contact, tandis que la place devrait retrouver le statut qui fut le sien dans l’histoire du Liban.

27Trois lauréats ont été sélectionnés. Guillaume Ethier (2008) rend compte des trois projets sélectionnés. Je reprends ici la présentation critique qu’il en propose. Dans tous les cas, la rue de Damas est intégrée en l’état. Le troisième projet [4] décline la place comme élément d’un centre d’affaires : ordonnée par le bâti qui la détermine et l’absorbe en partie, elle lui devient interstitielle. Le deuxième prix [5] l’étend jusqu’à la mer et propose un mail où s’efface la figure circonscrite de la place. Enfin, toujours suivant l’axe nord/sud de la rue de Damas, le cabinet grec d’architecture [6] Noukakis et alii, premier prix, la divise en quatre secteurs parcourus par une fissure qui figure la fracture de la société libanaise que cherchent à résorber ou à dépasser quatre grands lieux urbains. Au sud : le site des affaires qui sert de seuil (Threshold), suivi du lieu de mémoire (Memorial void) récente et tragique, avec la statue des Martyrs au milieu d’un plan d’eau, prolongé vers le nord par la tranchée (Trench) qui ouvre sur l’histoire longue du sous-sol phénicien et romain, et pour finir un jardin suspendu face à la mer (Gateway to the sea).

28Sous la houlette de Solidere, ne sommes-nous pas face à une privatisation des lieux et de l’histoire, se demande Guillaume Ethier ? Déjà avec la réhabilitation à l’identique du Balad, l’auteur s’interrogeait quant au risque d’une esthétique totalisante, une sorte de « monde suivant Disney » (Belmessous, 2009) ? L’emprise de Solidere sur le centre de Beyrouth est-elle porteuse d’un projet communautaire implicite qui rendrait a priori vaine la création d’un espace public ? Ou faut-il admettre que de toute façon, la ville viendra envahir et détourner le projet des architectes, quel qu’il soit ?

29Aujourd’hui, en 2011, la statue des Martyrs émerge, isolée, au milieu des parkings. La place demeure virtuelle : ne flotte-t-elle pas dans l’imaginaire, à l’instar de l’unité du Liban ?

Ouverture et fermeture de l’espace public

30Depuis son apparition il y a cent trente ans, la place a connu trois moments où se cristallisa autour d’elle un ordre public avant qu’un nouveau morcellement ne l’emporte.

31Au tournant du xixe siècle, avec le jardin des lilas de Perse, se dessine un espace public qui s’étend sur la ville suivant la séparation du privé et du public, tandis que les libertés se multiplient. Tout s’effondre avec la famine, la grande guerre, les martyrs de Jamal Pacha et l’occupation française. Mais peu à peu, une autre place prend la suite de l’ancienne et se désigne comme place des Martyrs. À partir des années 1950, elle montre une ville en état de surchauffe et la présente comme perle de la Méditerranée. La guerre des nationalismes va la détruire, à preuve de la mise à mort de l’Autre.

32À trois reprises au cours de ces cent trente années, un espace public ouvert est apparu avant de s’effacer et de laisser place au fractionnement de l’espace urbain. Ainsi, la manifestation du 14 mars 2005 se répète d’année en année (700 000 personnes en 2011) avant que les divisions ne l’emportent. Cependant, des élections législatives et municipales sont intervenues, ainsi qu’un changement de majorité et une alternance gouvernementale. La souveraineté du peuple qui se manifeste ainsi régulièrement ouvre sur le développement d’une transition démocratique au cœur de Beyrouth.

33Fractionnement, barrages, frontières s’effacent et laissent place à un espace urbain ouvert, jusqu’à ce que la division ne vienne à nouveau s’y projeter. L’axe rue de Damas-place des Martyrs ou encore l’autoroute de l’aéroport en sont les témoins : les trafics y sont fluides jusqu’à ce qu’un conflit vienne tout interrompre plus ou moins violemment, plus ou moins longtemps. Beyrouth ne cesse de s’ouvrir et de se fermer.

Notes

  • [1]
    La guerre civile déchira la ville de 1975 à 1990 et fit plus de 100 000 morts.
  • [2]
    Les accords de Taëf, promulgués en septembre 1990, mirent fin à la guerre civile et furent intégrés à la Constitution ; en référence à ceux-ci, la résolution 1559 exigeait le départ de l’armée syrienne du Liban.
  • [3]
    « Le caractère essentiel du groupe en fusion, c’est la brusque résurrection de la liberté […] c’est précisément ce caractère de liberté qui fait naître en chaque tiers la saisie de l’Autre (de l’ancien Autre) comme le même… » (Sartre, 1960)
  • [4]
    Architectes Hashim Sarkis, Mark Dwyer, Evy Pappas et Pars Kibarer.
  • [5]
    Architectes Nabil Gholam, Vincent van Duysen, Vladimir Djurovic.
  • [6]
    Architectes Antonis Noukakis, Vasiliki Agorastidou, Lito Ioannidou, Bouki Babalou-Nounaki.
Français

Beyrouth, « ville phénix », est fiévreuse ; à nouveau menacée par la guerre civile, elle se précipite dans toutes les passions. Alors qu’elle lutte pour fluidifier les trafics qui l’étranglent, ici ou là, elle s’enferme dans des villages communautaires. Des lignes de démarcation demeurent actives tandis qu’elle ne cesse de se reconstruire et d’effacer son histoire.

Mots-clés

  • ville diasporique
  • mosaïque
  • ghetto
  • lignes de démarcation
  • ville en guerre

Références bibliographiques

  • Beauchard, J., La Puissance des foules, Paris, Presses universitaires de France, 1985a.
  • Beauchard, J., La Dynamique conflictuelle, Toulouse, Erès, 1985b.
  • Beauchard, J., Beyrouth, la ville, la mort, La Tour-d’Aigues, éditions de l’Aube, 2006.
  • Belmessous, H., Le Nouveau Bonheur français. Le monde suivant Disney, Nantes, L’Atalante, 2009.
  • Beyhum, N., « La place des canons et la guerre », in Tueni, G. et Sassine, F. (dir.), El Bourj. Place de la Liberté et porte du Levant, Beyrouth, Dar An-Nahar, 2003 [3e éd.].
  • Ethier, G., Patrimoine et Guerre : reconstruire la place des Martyrs à Beyrouth, Montréal, MultiMonde, 2008.
  • Messarra, A., « Constantes et mutations de la ville, témoignage vécu d’un Beyrouthin, récit de vie 1938-2009 », communication au colloque Lectures multiples de la ville de Beyrouth, Université libanaise, Faculté des Lettres, département de français, Beyrouth, avril 2009.
  • Sartre, J.-P., Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard, 1960.
  • Tuéni, G. et Sassine, F. (dir.), El Bourj. Place de la Liberté et porte du Levant, Beyrouth, Dar An-Nahar, 2003 [3e éd.].
Jacques Beauchard
Jacques Beauchard est professeur émérite de sociologie, université Paris-Est Créteil Val de Marne. Découvrant Beyrouth en octobre 1990, il écrit Beyrouth, la ville, la mort (éditions de l’Aube, 2006), où il décrit sa rencontre avec la ville détruite, et Liban, mon amour (éditions de l’Aube, 2007), où il rend compte de la révolution du Cèdre. Il est également l’auteur de La Dynamique conflictuelle (Erès, 1981) et La Puissance des foules (Paris, Presses universitaires de France, 1985).
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/48328
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