CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le renouveau des musées, espaces emblématiques de nos sociétés occidentales, est bien connu du grand public. Le visiteur enthousiasmé par ces établissements « qu’il faut voir » connaît moins l’ampleur des bouleversements internes à l’institution. Peu lui chaut, après tout, pour autant que le plaisir de la visite demeure. C’est évidemment une autre version des faits que l’on discerne chez la majorité des professionnels des musées, du moins ceux qui ont connu cette (r)évolution, et qui ne vivent pas sans crainte les développements actuels du mode de fonctionnement de l’institution dont ils ont la charge (Vital, 2011).

2La dernière définition du musée par l’ICOM (Conseil international des musées) date de 2007, celle qui l’a précédé remontait à 1974 ; autre monde s’il en est. L’année 1974 est aussi celle du premier choc pétrolier, jalon commode pour évoquer le renversement de politique économique qui va s’opérer sur l’échiquier anglo-saxon, et bientôt dans l’ensemble du bloc occidental, en ce compris sur le champ muséal. L’anéantissement du bloc de l’Est à la fin des années 1980 marque la fin d’un monde bipolaire qui avait sans doute facilité l’éclosion des social-démocraties européennes ; une nouvelle étape du processus de mondialisation voit le jour, porté par une vision néolibérale de l’économie. L’influence de ces évolutions, en France, est indéniable, bien qu’elle ait été tempérée par des conceptions étatiques particulières. On ne peut s’empêcher, dans un tel contexte, de se référer au principe d’exception culturelle et à l’ensemble des débats que celui-ci a engendré (Benhamou, 2006 ; Farchy, 2002). Ainsi, si les différents mandats présidentiels jalonnant les quarante dernières années peuvent être jugés comme responsables d’une progressive mise en marché de la culture, ils témoignent également d’une conception très particulière de la relation entre le pouvoir public et le musée.

Du développement social au développement économique

3« Le Musée est une institution permanente, au service de la société et de son développement » : ainsi commencent les deux définitions du musée par l’ICOM (celle de 1974 et celle de 2007). Mais de quel développement parle-t-on ? En 1974, la notion de développement de la société est inséparable du rôle que les musées étaient censés jouer dans les pays en voie de développement, engagement souligné deux ans plus tôt dans la déclaration de Santiago du Chili (Terrugi, 1973). Le rôle social du musée, alors promu par une génération de professionnels engagés, va donner naissance, dans les pays francophones, aux écomusées et au courant de la nouvelle muséologie, fer de lance d’une rénovation de l’institution muséale stigmatisée quelques années plus tôt pour son immobilisme. Ce mouvement est d’abord lié au développement des musées d’ethnographie, avant-garde de la rénovation muséale, à l’image du Musée national des Arts et Traditions populaires (ATP) et de son ancien (mais toujours actif) responsable, Georges Henri Rivière, directeur honoraire de l’ICOM. La réflexion est plus ancienne : depuis 1937 et la création du Musée de l’Homme par Paul Rivet, un esprit de modernité anime l’institution, plaçant la recherche en son centre, privilégiant les approches interdisciplinaires, imposant le Musée de l’Homme, puis les ATP, comme des modèles de fonctionnement sur le plan international.

4Deux générations plus tard, le site parisien du Musée des ATP a fermé ses portes, dans l’attente de la construction d’un nouvel établissement délocalisé à Marseille, tandis que le Musée de l’Homme, fermé au public et amputé d’une partie de ses collections (au bénéfice du Musée du Quai Branly), se cherche un avenir. La notion de développement, telle qu’elle figure encore dans la définition du musée, semble devoir être interprétée de manière radicalement différente. Certes, le musée affiche encore quelques intentions en matière d’inclusion sociale – surtout dans les pays anglo-saxons (Sandell, 2002) – mais il demeure avant tout recentré, comme il ne l’a sans doute jamais été, sur le développement touristique et économique de la région dans laquelle il se situe. Outil de développement, il le reste, mais au sein d’une économie mondialisée de service et d’expériences (Pine et Gilmore, 1999), en compétition constante. En témoigne le rapport Lévy-Jouyet présentant les musées comme des marques susceptibles, dans la logique de la Fondation Guggenheim, de participer au développement de l’économie de l’immatériel (Lévy et Jouyet, 2006).

5Le rôle joué par le musée dans le développement touristique et économique d’une région est ancien, on en trouve des traces dès le début du xixe siècle (Mairesse, 2010). Il n’en reste pas moins que, simple argument parmi d’autres, ce rôle va prendre une dimension prépondérante à la fin des années 1980, notamment en Grande-Bretagne (Audit Commission, 1991), et surtout à partir du succès de fréquentation du nouveau musée Guggenheim à Bilbao. L’équation qui semble en résulter, dans la tête de nombre de décideurs politiques (marque + architecte = rentabilité touristique et économique), partiellement contestable (Tobelem, 2010 ; Werner, 2009), apparaît de nos jours comme une formule presque magique, rituellement énoncée avant le lancement d’un nouveau projet de musée. L’union européenne l’a reprise à son compte (KEA, 2006 ; Commission européenne, 2010), englobant de plus en plus largement les musées dans l’économie des industries créatives, source potentielle de développement de l’économie dans son ensemble.

6Sans doute le musée a-t-il vu sa fréquentation largement augmenter, du moins si l’on s’en tient aux chiffres des plus grands établissements. Si le Louvre comptabilise actuellement plus de huit millions de visiteurs, il n’en accueillait que trois millions et demi en 1990, et moins de la moitié dix ans plus tôt. De telles statistiques ne rendent pas compte de la relative stabilité des pratiques culturelles des Français en la matière (Donnat, 2009), et de la fréquentation plutôt stagnante de la plupart des établissements qui n’ont pu bénéficier de rénovations à grande échelle, même si les politiques de gratuité, menées depuis quelques années, ont pu partiellement contrer cette tendance, comme en témoigne l’article de Jacqueline Eidelman et d’Anne Jonchery dans le présent dossier. The winner takes all – le gagnant remporte la mise est l’une des caractéristiques de l’économie du star-system telle qu’elle a été définie à la fin du siècle dernier (Rosen, 1981 ; Benhamou, 2002) et appliquée aux musées quelques années plus tard (Frey et Meiers, 2006). De ce qui pouvait encore apparaître comme un monde hétérogène et ouvert semblent émerger quelques très grands établissements « superstars », transformant un secteur largement « concurrentiel » (mais qui ne se voyait pas comme tel) en un oligopole à frange où les droits d’entrée sont de plus en plus importants (investissements architecturaux, frais d’organisation d’exposition et de communication) et dans lequel les règles semblent édictées par une poignée d’intervenants, célèbres et fort fréquentés, générant des rentrées financières largement supérieures à celles des autres.

La modernisation de l’intervention publique

7Même lorsqu’ils sont très populaires, les musées continuent d’être largement subventionnés par les pouvoirs publics (et dans les pays anglo-saxons, par la philanthropie). La logique de marché a ses raisons que la raison muséale ne connaît pas toujours, mais à laquelle vient également s’ajouter, surtout en France, la raison d’État. Si le musée moderne naît au xviiie siècle, il se voit consacré comme institution à la Révolution française (Deloche, 2011). Sans doute ce contexte historique explique-t-il la place particulière que le pouvoir, en France, réserve aux grands musées. On sait l’importance des décisions présidentielles, depuis la législature de Georges Pompidou, sur le paysage muséal. Impulsion portée par un véritable amour pour l’art moderne, la création du Centre national d’Art et de Culture initie une tradition à laquelle ne dérogera aucun président depuis lors, qu’il s’agisse de Valéry Giscard d’Estaing (Orsay, Cité des Sciences et de l’Industrie, Institut du Monde arabe), de François Mitterrand (le Grand Louvre, la Grande Galerie de l’Évolution), de Jacques Chirac (le Quai Branly et la Cité nationale de l’Histoire de l’immigration) ou de Nicolas Sarkozy (la Maison de l’Histoire de France). Symbole d’une législature, la constitution d’un musée rappelle le rôle politique de ces derniers et la volonté présidentielle de marquer le paysage patrimonial. Après tout, chaque président américain a lui aussi pris soin de bâtir un établissement consacré à la mémoire de son action. Il n’en reste pas moins que le geste français se distingue des autres modèles démocratiques dans sa volonté de marquer, voire d’influencer durablement, le paysage muséal et sa manière de fonctionner (si l’on retrouve parfois ce type d’interventions dans d’autres pays, notamment en Amérique latine, comme le montre María Isabel Orellana dans ce dossier, celles-ci sont sans aucune commune mesure avec l’investissement français). La France, par le biais d’une politique qui n’est pas sans rappeler le colbertisme, se voit ainsi dotée d’une infrastructure muséale exceptionnelle, avantage non négligeable pour maintenir sa position dominante au niveau des flux de migration touristiques. En arrêtant le pas du voyageur, le musée, instrument politique, génère aussi des revenus indirects.

8Mais ce renouveau patrimonial, partiellement mercantile, implique également un changement de culture sur le plan organisationnel. La nouvelle culture muséale proposée par le Centre Pompidou, réponse symbolique à la contestation de 1968, marque aussi, par son mode de fonctionnement, sa volonté de se distinguer de l’administration traditionnellement en charge des musées : le Centre Pompidou est d’emblée conçu comme un établissement public, et le chantier du Grand Louvre sera organisé de manière similaire. Le personnel politique se méfie-t-il d’une opposition de l’administration, voire des lourdeurs bureaucratiques ? Quoi qu’il en soit, l’organisation du Centre Pompidou innove, s’appuyant sur de nouveaux profils de compétences, comme celui du gestionnaire « formé à l’école du marketing » (Salaun, 1978, p. 86, Mollard, 1978), tandis que l’époque de la construction du Grand Louvre et d’Orsay marque le tournant commercial des musées (Bayart et Benghozi, 1993). Le Musée du Quai Branly, s’il entérine le principe du cannibalisme muséal (le dépeçage des collections du Musée de l’Afrique et de l’Océanie et du Musée de l’Homme ; Desvallées, 2007), constitue également un jalon important de l’organisation des musées. Présidé par un énarque, le musée des « Arts premiers » fonctionne selon un processus de sous-traitance particulièrement développé au niveau des activités d’accueil, de surveillance, de nettoyage, de maintenance des équipements techniques et informatiques, ou de l’entretien des espaces verts. Un tel modèle, aux antipodes du fonctionnement muséal des années 1970, fondé sur l’expertise scientifique du directeur/conservateur et le fonctionnariat, imprime la tendance de la plupart des musées à rejoindre les modèles de gestion privée.

9La critique des politiques publiques (Buchanan, 1968) constitue un mode de pensée largement diffusé parmi la classe politique, conditionnant sans doute les réformes de la fonction publique – depuis les lois de déconcentration à celles de finance : moins d’État, moins d’intervention publique. Par un curieux paradoxe, loin d’abandonner l’institution du musée à une logique de marché, la classe politique française, sans pour autant renier le tournant commercial qu’elle a favorisé, entend aussi ne pas renoncer à son pouvoir d’intervention. Le projet d’un Louvre à Abou Dhabi, largement soutenu par le Quai d’Orsay et par la présidence, ou la restitution de manuscrits à la Corée, deux gestes ayant suscité, d’emblée, la défiance de la profession, rappellent à juste titre la place de l’autorité publique dans l’échiquier muséal.

10Dans une situation où la fonction publique se voit régulièrement purgée, mais où l’autorité publique n’entend pas renoncer à son pouvoir d’intervention, c’est assez logiquement l’échelon intermédiaire qui pâtit de cette situation. Sous le couvert de modernisation, l’administration de la Culture fait, comme la plupart des autres ministères, l’objet d’une réforme en profondeur, supposée lui apporter une nouvelle dynamique de fonctionnement. Le non-remplacement de la moitié des agents partis à la retraite, mais surtout la réforme de l’organisation du ministère, ont conduit, fin 2010, à la disparition de la Direction des Musées de France, au bénéfice d’une Direction générale du Patrimoine, intégrant le service des musées à celui des archives, du patrimoine, de l’architecture et de l’archéologie. L’architecture générale du ministère paraît sans doute plus claire, favorisant de possibles actions transversales ou de nouvelles manières d’appréhender le monde des musées, ainsi que de potentielles économies d’échelle. Mais elle constitue aussi un moyen d’affaiblir d’éventuelles résistances au sein de l’administration, et surtout, à terme, de revoir plus aisément les priorités à l’intérieur du ministère. Un précédent révélateur : le service des musées de la Communauté flamande, il y a quelques années, avait été fusionné en une Direction générale du Patrimoine. Quelques années plus tard, la répartition des crédits, au sein de la division, avait connu – de manière discrète – des évolutions largement divergentes des précédentes, au détriment notamment des musées (de Gryse, 2009). Manière de moderniser ou d’affaiblir l’administration que de déconcentrer largement son activité, de rendre autonome la plupart des services dont ils avaient la responsabilité, et de regrouper les services restant ? Probablement les deux, dans une logique de bonne gestion selon les principes généraux du management, mais qui paradoxalement renforce le pouvoir des autorités finançant le système (Dreyfus, 2000), au détriment du scientifique, et parfois même du culturel.

La fin des conservateurs ?

11Si la situation française se distingue de celle des autres pays par le nombre de ses grands projets muséaux, la modernisation de l’organisation du secteur s’inscrit en revanche dans une dynamique générale à l’échelon européen. D’Amsterdam à Rome, en passant par la Grande-Bretagne, se dessine une manière relativement similaire de concevoir le musée, progressivement détaché de sa tutelle administrative, mais d’autant plus responsabilisé quant aux objectifs à remplir et aux indicateurs qu’il se doit d’établir. Il est vrai que la fonction publique tout entière repose sur des objectifs similaires (ministère de l’Économie, 2004). À ce jeu, les établissements britanniques et hollandais apparaissent comme les champions de ce mouvement de rénovation (Ballé et Poulot, 2004). L’Italie, longtemps présentée, avec les autres pays latins, comme réticente à la libéralisation de son appareil public constitue, depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Berlusconi, le pays qui a lancé les mesures les plus drastiques en matière de privatisation du secteur muséal, surtout depuis l’arrivée de Mario Resca, ancien directeur de McDonald’s pour l’Italie. Le lancement d’un gigantesque marché de service, concernant la gestion déléguée de plusieurs importants sites italiens, constitue la dernière résultante du processus, pour lequel des sociétés françaises comme Culturespaces ou la Réunion des Musées nationaux se sont positionnées [1].

12L’évolution du secteur, en France, traduit des changements similaires, conditionnés par la volonté de générer des revenus alternatifs, parmi lesquels figure la vente d’une partie des collections muséales. Un tel débat, sans doute l’un des plus controversés dans le Landerneau muséal, a trouvé un écho favorable au sein d’une partie de la classe politique. Le projet de loi visant à « établir une réelle liberté de gestion des établissements culturels » (Mancel, 2007) a fait long feu, après qu’un rapport établi par Jacques Rigaud (2008) a clairement conclu en défaveur du principe. Mais pour combien de temps ? La loi votée récemment afin de concrétiser les dispositions de déclassement, prévues dans la loi sur les musées de France (Richert, 2009), ne risque-t-elle pas d’être utilisée dans une optique similaire ?

13Pour conduire de telles opérations, une nouvelle génération de professionnels du musée semble graduellement s’imposer. Dans cette perspective, le parcours d’un Thomas Krens (titulaire d’une formation en gestion et dans le domaine des arts), à la tête de la Fondation Guggenheim entre 1988 et 2008, est révélateur des changements potentiels d’une partie du monde muséal. La présence d’énarques, à la tête de plusieurs grands établissements français – Branly, Versailles, la Très grande Bibliothèque ou Fontainebleau – si elle témoigne de l’intérêt administratif d’une telle position, autrefois dédaignée, ne traduit-elle pas une évolution similaire ? En tout état de cause, elle signe la fin de l’hégémonie des conservateurs ou des scientifiques à la tête de l’institution. Certes, la complexité des tâches de gestion, de plus en plus omniprésentes, nécessite une expertise pour laquelle le conservateur, actuellement bien peu préparé à de telles matières, se retrouve fort dépourvu. La situation n’est guère différente dans les autres pays, en ce compris aux États-Unis, où le dilemme du scientifique ou du directeur est tout aussi régulièrement pointé [2]. Parallèlement, les réductions imposées, dans la fonction publique française, inquiètent le monde des conservateurs. Ces derniers voient leur effectif se réduire très sensiblement, prélude au départ massif d’une génération tout entière, et s’inquiètent de leur non-remplacement ou de leur remplacement par des personnels moins formés (Vital, 2011).

14La France s’est imposée, sur l’échiquier international, comme le champion de la promotion de la diversité culturelle, par le maintien de la souveraineté nationale en matière de politiques culturelles et la limitation des politiques de libre-échange (Unesco, 2005). Mais le maintien de l’intervention publique n’exclut pas la modernisation de l’organisation du secteur, en ce compris ceux qui, comme les musées, n’étaient pas particulièrement visés par les règles du libre-échange. Car le musée apparaît aussi comme un enjeu sur le plan du développement touristique, ce que tous les pouvoirs publics – et particulièrement la France – ont parfaitement compris. Développement économique, gestion et performance apparaissent ainsi comme des maîtres mots dans l’administration du secteur muséal, et la tendance ne semble pas sur le point de s’inverser. Par-delà les débats idéologiques, on a déjà pointé les dérives potentielles d’une société ultra-gérée (de Gaulejac, 2005) dans laquelle la production se réoriente en fonction d’indicateurs et d’objectifs de plus en plus souvent détachés de la réalité, tandis que le non-mesurable tend à être négligé. Le domaine du non (ou difficilement) mesurable, dans les musées, est pour le moins étendu, qu’il s’agisse de recherche ou de conservation. En regard du flou de tels domaines, les indicateurs de fréquentation – d’audimat – apparaissent comme des données tellement plus faciles à maîtriser. Somme toute, la fréquentation du public (des citoyens contribuables qui les fréquentent) ne constitue-t-elle pas la raison pour laquelle les musées ont été conçus ? Nous ne le pensons pas. Les finalités du musée, qui reposent sur la préservation et la transmission d’une mémoire collective et dont le monde des conservateurs s’était, tant bien que mal, fait le porte-parole, ne peuvent être réduites à la seule fréquentation actuelle. Le rôle économique que l’on entend faire jouer à l’institution, s’il doit s’avérer prioritaire dans les années à venir, pour valable qu’il soit, encourt le risque de se développer au détriment de ce que nous comptons transmettre aux générations qui nous succéderont, et qui font de nous, êtres génétiquement humains, des hommes au plein sens du terme. Reste à savoir ce que nous voulons transmettre à nos petits enfants, et si les musées, conçus pour préserver le patrimoine, sont condamnés à n’être plus que des instruments tantôt utilisés par le pouvoir en place, tantôt par le marché ?

Notes

Français

Le monde muséal a considérablement évolué ces dernières années ; des notions telles que le développement touristique et économique, ou la performance, ont largement pris le pas sur les préoccupations sociales, voire sur la conservation du patrimoine. Dans une logique mondialisée, quelques grands « musées superstars », à l’instar du musée Guggenheim de Bilbao, imposent largement leur logique de fonctionnement, au détriment de nombre d’établissements de taille plus modeste.
Le rôle particulier de l’État, en France, contribue au développement d’une infrastructure muséale exceptionnelle, partiellement pour maintenir sa position dominante au niveau des flux de migration touristique. Mais ce renouveau patrimonial induit également un changement de culture sur le plan organisationnel. Des personnels purement administratifs remplacent les personnels scientifiques à la tête des établissements. L’autorité publique et l’intérêt économique encourent le risque de prendre le dessus sur l’intérêt scientifique et patrimonial.

Mots-clés

  • développement social
  • développement touristique
  • économie mondialisée
  • musées superstars
  • gestion muséale

Références bibliographiques

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André Desvallées
André Desvallées est conservateur général honoraire du Patrimoine (Musées de France). Il fut notamment l’assistant de Georges Henri Rivière pour la conception du musée des Arts et Traditions populaires et de ses expositions. Il a enseigné la muséologie à l’École du Louvre.
François Mairesse
François Mairesse est professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Il enseigne également la muséologie à l’École du Louvre et a dirigé, jusqu’en 2010, le Musée royal de Mariemont (Belgique).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 23/11/2013
https://doi.org/10.3917/herm.061.0030
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