1Au moment où se déroule un débat sur la politique culturelle, parlons des Fonds régionaux d’Art contemporain (FRAC), parce qu’ils apportent une réponse originale à beaucoup de questions. Or, les FRAC sont trop peu connus. Pour la simple raison qu’il est difficile d’avoir une vision d’ensemble de la très grande diversité de ces vingt-trois associations financées par l’État et les Régions. D’autant que chacune a une forte personnalité et qu’elles n’entrent dans aucune catégorie préétablie. Ces associations ne sont ni des musées, ni de grosses institutions culturelles, mais une manière efficace et unique de rapprocher les Français de l’art de leur époque. Peu d’outils culturels se sont révélés aussi bien adaptés à leur mission :
2– Les FRAC sont un exemple de décentralisation culturelle réussie, fruit d’un partenariat unique entre État et Régions, installé sur la longue durée, que les Régions se sont appropriées, au meilleur sens du terme. Ce sont des structures légères et réactives qui ont en moyenne un peu moins d’un million d’euros de budget annuel et une dizaine d’employés.
3– Les FRAC ont constitué un « patrimoine contemporain » unique – au total près de 27 000 œuvres de 5 000 artistes – et très international, puisque près de la moitié des créateurs sont étrangers. Peu de collections dans le monde sont aussi représentatives de la création des trente dernières années. La valeur de ces collections montre aux élus et aux responsables qui ont permis de les financer qu’ils ont fait un bon investissement. Pour ne prendre qu’un exemple, le FRAC Aquitaine a dépensé, depuis vingt-sept ans, 2,6 millions d’euros à ses achats et sa collection est aujourd’hui estimée à 19,6 millions d’euros.
4– Les FRAC sont un outil privilégié de la démocratisation de l’art contemporain. Près de 40 % des collections tournent constamment dans les Régions ou à l’étranger. En animant des réseaux d’associations et de musées – un écosystème culturel local très vivant –, les FRAC atteignent dans des lieux les plus divers un public que de plus grandes institutions ont plus de mal à rencontrer. Chaque année, leurs expositions et leurs actions touchent plus d’un million de personnes.
5– Les FRAC jouent un rôle essentiel en faveur de la création contemporaine et ne cessent d’envoyer des signaux de modernité dans les Régions. Ils achètent (avec en moyenne 100 000 à 120 000 euros de budget d’acquisition), produisent des œuvres et interviennent tout au long de la chaîne de création.
6Ce qui caractérise les FRAC aujourd’hui, c’est leur dynamisme tourné vers l’avenir. Six d’entre eux sont en train ou vont construire de nouveaux bâtiments. Partout en régions, de grands architectes (Kengo Kuma, Lacaton et Vassal, Odile Decq, Jakob et MacFarlane…) créent des bâtiments qui marqueront le paysage. Ces nouveaux outils ne changeront ni la nature ni l’esprit des FRAC. Nulle part, il ne s’agit de créer de grands espaces muséaux. Tous ces projets veulent rester fidèles à la vocation des FRAC, celle de petites structures tournées vers l’expérimentation, soucieuses d’être présentes sur le terrain, là où les autres ne peuvent aller. Des structures capables de travailler en réseau et en étroite complémentarité dans chaque région avec les musées, les centres d’art, les écoles d’art, l’Éducation nationale, les associations et en liaison avec les galeries et les collectionneurs qui sont des acteurs de plus en plus dynamiques de la scène artistique d’aujourd’hui. Certains responsables sont parfois tentés de mettre en place des regroupements ou des structures différentes. Mais, toujours, après quelques années, on en vient à redécouvrir le caractère essentiel des missions nomades des FRAC, sans lesquelles il manquerait quelque chose pour atteindre le public.
7Il y a vingt-trois FRAC en France ; dans une famille nombreuse, il y a toujours des hauts et des bas, en particulier au niveau budgétaire. Mais, globalement, les efforts financiers de l’État et des Régions en faveur des FRAC sont poursuivis. Soyons vigilants, car cela vaut la peine de soutenir la France des FRAC, celle qui s’adapte et qui est tournée vers la création. Celle qui montre que les bonnes idées et les bonnes méthodes sont au moins aussi importantes que les moyens. Thomas Mann disait que l’art est une anti-toxine. Quel meilleur qualificatif pour les FRAC ! Ils auront trente ans dans deux ans ; nous nous préparons à célébrer cet anniversaire comme il le mérite !