CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« C’est à peine s’il existe une marchandise au monde plus étrange que les livres ;
imprimés par des gens qui ne les comprennent pas ;
vendus par des gens qui ne les comprennent pas ;
reliés, censurés et lus par des gens qui ne les comprennent pas ;
bien mieux, écrits par des gens qui ne les comprennent pas. »
Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1966

1S’il est de fait que l’auteur, depuis un temps immémorial, ne sait pas écrire, les lecteurs hésitent entre deux positions pour qualifier l’éditeur : tantôt le réduire à une anonyme poste restante tantôt en faire ce démiurge mystérieux, ce Pygmalion sans qui le talent (de l’auteur) ne serait qu’une sale manie. La réalité est sans doute plus complexe et nous verrons qu’elle obéit dans le domaine scientifique ou issu de la recherche à des règles particulières qui n’appartiennent pas précisément aux lois communes de la communication.

2Dans le giron des publications, il est nécessaire de distinguer trois grands domaines d’écriture auxquels est confronté l’éditeur : la création, les jargons, les langages techniques. Ce que le monde anglo-saxon nomme fiction que j’appelle création n’appelle pas de remarques particulières ; la force d’un texte fera peut-être la fortune de la maison qui l’a publié. La non-fiction est tout ce qui sera documentaire, essais scientifiques, livres pratiques et de cuisine, manuels, guides, dictionnaires… la plupart du temps sur commande d’un éditeur, en dehors de la publication des thèses.

La création

3Dans le domaine littéraire, sur lequel je ne m’étendrai pas, l’ego créatif de l’auteur doit faire se rencontrer une œuvre et la curiosité du lecteur. Ceci par le biais inconscient d’une culture partagée qui souvent ne dépasse pas celle acquise au cours des études secondaires. Et pourtant, si certains ouvrages sont volontairement ardus, du Nouveau Roman à la littérature expérimentale, les jalons sont mis au cours de la scolarité (de Rabelais à Nothomb, de Roussel à Gracq) pour faire face avec plus ou moins de succès à l’œuvre d’invention, assimiler les narrations proposées et ne pas s’étonner de textes aux limites des genres et du sens. Comment c’est de Beckett ou certains textes obéissant aux lois oulipiennes (citons ceux de Benabou, de Perec ou de Le Lionnais) peuvent déranger mais rarement contrarier. Car la contrainte est ici un jeu attendu par le lecteur, comme dans cet extrait d’Exercices de style de Raymond Queneau :

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« Translation : Dans l’Y, eu un hexagone d’affouragement. Un typhon dans les trente-deux anacardiers, chapellerie modeste avec coréopsis remplaçant la rubellite, couchette trop longue comme si on lui avait tiré dessus. Les gentillesses descendent. Le typhon en quêteur s’irrite contre un voiturier. Il lui reproche de le bousculer chaque fois qu’il passe quelqu’un, tondeur pleurnichard qui se veut méchant. Comme il voit une place libre. Se précipite dessus […]. »

5Cet extrait d’une variation (sous contrainte) sur un thème de départ est tiré d’un ouvrage qui connaît un succès de librairie sans faille, alors que certaines variations sont en latin.

6Je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase de Jean Ricardou (1971), dix ans à peine après la sortie des premiers Nouveaux Romans : « Le roman n’est plus l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une écriture. » Le texte pour le texte. Affaire de décodage et de poupées russes, on prend les lettres alignées sur la page au sérieux, pour les démystifier.

7Allons plus loin, un texte « culte » peut être un texte que ses plus fervents adeptes affirment avec dévotion n’avoir pas compris : citons Le Monde des Ã, de Van Vogt. Le « Ã » étant à comprendre comme « non aristotélicien ». Tout un programme dans un projet de science fiction. Locus solus de Raymond Roussel (1914), déjà, offre un projet déroutant qui n’est pas sans ressembler sur le plan de l’artificialité au À Rebours de Jorys-Karl Huysmans (1884). Dans Comment j’ai écrit certains de mes livres (1935), Roussel dévoile les « mécanismes » de son écriture, comme l’homophonie et l’enchâssement. Peu d’élus dans son royaume… mais beaucoup d’émules, de Breton à Perec. À dire vrai, il s’agit autant d’écriture difficile que de difficulté d’écriture qui est en jeu. L’éditeur est ici face au non-négociable, il doit rentrer dans l’univers de son auteur comme un voyageur dans un meublé.

8Autant de livres aiguiseurs des sens de la lecture qui provoquent parfois une jubilation que seule peut donner la fiction. « Il faut être inventeur pour bien lire » affirmait déjà R.W. Emerson en 1837 dans The American Scholar. Car la difficulté d’un style n’est jamais un handicap pour un roman, elle crée par l’admiration une paradoxale empathie. Chacun écrit le livre qu’il lit. La fiction semble à première vue ne pas exiger d’éditeur. Et pourtant, il est ce premier croyant, puis ce metteur en scène sans qui, peut-être, la rencontre avec le public ne se ferait pas.

9On dira d’un roman qu’il est « dense », « fleuve », « profond », « universel », « trop court », « juste » ou « interminable », sans se douter des choix et des réécritures que l’éditeur a pu parfois imposer. Et c’est oublier que nos grands romanciers du xixe siècle, Dumas et Balzac en tête, ont publié d’abord en feuilletons leurs plus belles pages, avec les exigences dictées par la presse de masse naissante. Dans l’édition littéraire, l’éditeur est avant tout un découvreur, un metteur au jour de ce qu’il estime lisible à un moment donné. Ici, pas de langue de bois, sauf dans l’organisation des prix littéraires.

Les jargons

10La publication des ouvrages de non-fiction – notamment ceux dits académiques, de même que les essais scientifiques – suit d’autres critères d’écriture qui tiennent à l’histoire des disciplines. C’est pourquoi je ferai immédiatement une différence, un écart, entre l’écriture des sciences dites « dures » et celle des sciences humaines et sociales (SHS ou « sciences molles »…). Le travail académique par excellence, la thèse, très imprégnée en SHS, dès son origine, de sa proximité avec la thèse littéraire est bavarde au contraire de la thèse en sciences dures (mathématiques, physique…) nettement plus concise. Quand l’une fait 500 pages l’autre ne dépasse pas les 200, et encore. Souvenons-nous que l’ancienne thèse littéraire d’État atteignait jusqu’à 1 000 pages, encore au début des années 1980.

11Les travaux remarquables en sciences dures suivent le chemin obligatoire des revues à comités de lecture. Ici l’article (très spécialisé) est la norme de jalon et de reconnaissance. Pas forcément en SHS, où l’ouvrage de maturité (qui peut, pour sa part, être accessible à un public assez large) est plus attendu, les articles ayant moins d’importance. Par ailleurs, qu’en est-il du contenu, de ce qui fait la matière de ces travaux académiques, de ces essais ou de ces manuels ?

12Les langages techniques se sont développés avec l’essor des sciences nouvellement apparues au xviiie siècle et différenciées au xixe siècle, anthropologie, sociologie, physique, histoire ou sciences de l’éducation. Mais l’essor des sciences sociales va déterminer d’un poids particulier l’évolution descriptive des langues de la recherche et de l’essai en SHS. Si les langages techniques en sciences dites « dures » sont admis sans discussion dès leur apparition parfois très récente, parce qu’ils empruntent quasi tous au langage mathématique, considéré comme le langage formel ultime, les sciences dites humaines et sociales (SHS) ne s’appuyant pas sur des modèles abstraits de description du réel ont eu à faire leurs preuves.

13On avance depuis l’origine sur du « mou », presque sur de l’illégitime. Or, si la légitimité passe par la répétition de l’expérience, elle passe avant tout par un langage qui décrit et formalise. La prétention à la légitimité doit ensuite se distinguer par l’altérité, la spécificité, la difficulté : en d’autres termes si les langages sociologique et anthropologique cherchent à faire voie commune avec la physique quantique, tout va bien. On parle alors de réappropriation, de discursif, d’intrication et d’endogamie pour ce qui ressort souvent d’un domaine banal de description. La récurrence de ces termes aide (ou s’essaye) à convaincre d’une compétence puisqu’on vous déroule un « langage technique » qui ferait sérieux s’il ne sentait son déjà dit et déjà vu quelque part.

14Ici, un ouvrage, bien oublié, peut être rappelé. En 1938, René Daumal, essayiste et spécialiste du sanscrit faisait paraître La Grande Beuverie, tableau sidérant, satirique et apocalyptique du monde social et culturel de l’époque. Rabelais et Père Ubu. Où se reconnaissent les « Explicateurs de discours » partagés entre d’une part les « Explicateurs d’explications » comprenant les « scients » divers et variés et d’autre part les « Moijes » parmi lesquels abondent « Borborygmomanciens », « Esthéchiens » et autres « Philophasistes ». Tous ces « Politologues », « Psychographes » et « anthropographes » « flattent les Scients en arborant la règle et la balance et les Sophes en affichant le mépris de l’immédiat et du proche » (voir l’excellent livre de Roland Lardinois, 2007). Grand pourfendeur de dogmes, il a démasqué ceux qui créent les jargons, les certitudes construites sur du sable, et en bon imprécateur il s’est posté au centre de l’agora.

15Daumal avait-il raison sur cette déraison ? Masquer le vrai savoir par un « système » ? D’où l’utilisation revendiquée du modèle statistique par les historiens se revendiquant de l’école des Annales ou par l’anthropologie structuraliste. Défaire le lien avec l’objet d’étude, le quantifier. Le réduire à l’appréciation technique, à l’hypothèse sans cesse reproduite, à du « mécanique plaqué sur du vivant » pour paraphraser Le Rire de Bergson dans un autre contexte. On parle alors de systémique ; l’histoire et la sociologie sont conditionnées sous forme de tableaux.

16On ne saurait trop comprendre la situation actuelle sans revenir brièvement sur la fin des années 1960 et sur les années 1970. Celles-ci voient le couronnement (par l’onction quasi divine des colloques de Cerisy, et de deux papes, Jean Ricardou et Roland Barthes) de « l’instance écrivante » : « La substitution de l’auteur par le “scripteur” […] deviendra […] un mot de la novlangue en cours à Cerisy. Cette substitution n’est qu’une conséquence du structuralisme et de l’immanence du texte. » (Jost, 2007, p. 75). Roland Barthes, dans ses Nouveaux Essais critiques (1972) en parlant de Flaubert nous assène que « l’écriture est la fin de l’œuvre, non sa publication ». Dans le chapitre « Ecrivains et écrivants », il fait une distinction subtile : l’écrivain est celui qui travaille sa parole, la parole est sa matière ; l’écrivant écrit pour transmettre un message, pour lui la parole est un instrument.

17La dématérialisation de l’auteur (devenu scripteur) va s’imposer pendant plus d’une décennie, laissant au langage une supposée autonomie puisant ses références dans la culture sociale. Ce que nous appelons maintenant avec plus de lucidité « jargon » est né du structuralisme qui a déterminé l’écriture en sciences sociales. Le métadiscours, ou discours sur le discours a contaminé par fonction le discours lui-même, déjà enclin, par sa propre spécialisation à l’hermétisme.

18Le « jargon » ou « sociolecte » pour les sciences du langage, a donc une fonction identitaire et n’a pas pour but d’obscurcir (sauf inconsciemment) le propos. Il y a un jargon sociologique, un jargon anthropologique, un jargon linguistique, comme autant de parlers locaux destinés à des villages clos… L’éditeur scientifique se trouve alors, s’il pense en termes de collections et/ou de lectorat, confronté à l’incompréhension des auteurs qui n’entendent pas céder un pouce de terrain lorsqu’il s’agit de traquer l’expression trop marquée, la formule absconse ou le tic de langage.

19À l’opposé de l’idéologie ricardienne, se maintient pourtant dans certains cercles de l’essai littéraire et philosophique ce que décrivait Camus en 1958 dans L’Envers et l’Endroit : « Le métier d’écrivain, particulièrement dans la société française, est en grande partie un métier de vanité. Je le dis d’ailleurs sans mépris, à peine avec regret. Je ressemble aux autres sur ce point ; qui peut se dire dénué de cette ridicule infirmité ? » Mais la vanité est-elle présente dans l’écriture scientifique et académique, celle des sciences humaines et sociales ? Non, mais une soumission au groupe, au sens où l’écriture ici prévient le risque d’être blâmé par ses pairs, toujours à l’affut d’un écart mal venu dans une carrière qui s’annonce pourtant prometteuse. Une écriture libérée du jargon et de sa technicité exposée, fluide en somme voire claire, serait faire office de simplification, ou pire, de vulgarisation. Ce dernier mot est à comprendre ici non pas comme une écriture accessible à tous mais comme un renoncement vulgaire dicté par les lois du marché… De fait, le jargon masque la vanité, fige l’essor d’une pensée personnelle que l’on attend pourtant à chaque mot. Jargon et abus de citations sont les mamelles du mauvais ouvrage type en SHS. De là, on peut comprendre que l’éditeur a du travail. Surtout pour convaincre.

20Le snobisme technico-langagier suscite des dérives qui contaminent jusqu’aux pratiques éditoriales. Je prendrai juste deux exemples où le lectorat est tout simplement ignoré : La Condition littéraire de Bernard Lahire et le Walter Benjamin. Un désir d’authenticité de Marino Pulliero, autant de stratégies masquées où l’on offre au lecteur le produit « pur », non contaminé par l’éditeur.

21Dans l’ouvrage de B. Lahire, les 7 000 caractères à la page distribués en lignes serrées empêchent tout bonnement de lire un contenu dense, mêlant réflexions théoriques, citations et analyses conversationnelles. Mais on renonce au travail éditorial lorsqu’il s’agit de publier sans doute l’un des plus sûrs héritiers de Pierre Bourdieu. La « vanité » de l’auteur est en miroir de la « vanité » de l’éditeur. C’est un choix éditorial pourtant que je ne conteste pas. La quatrième de couverture du livre annonce parfaitement la couleur. La préface ouvrant le livre de Pulliero annonce, par défi ou pour préparer à l’ascèse de la lecture, que cette thèse (déjà un défi pour une maison d’édition plutôt grand public) a été considérablement augmentée. On crie presque au courage. Mais on déchante très vite pour frôler l’anéantissement. De nombreux intertitres et citations en allemand ne sont pas traduits et le nombre de notes est proprement effarant, constituant un bon tiers de l’ensemble. J’ai sans doute passé deux mois à le déchiffrer, pestant contre un ouvrage certes très correctement imprimé et relu, mais qui aurait mérité un travail réel d’édition. Une thèse franco-germanique brute. De quoi décourager les plus fidèles amateurs de Benjamin. Vanité dans l’extrême.

Les langages techniques ou technolectes

22L’histoire est bien connue, l’astrophysicien américain Stephen Hawking demandait à son éditeur de quelle marge de manœuvre il disposait dans l’écriture de son livre. Réponse de l’éditeur : chaque équation lui enlèverait 1 000 lecteurs. De là à faire la part entre sciences et langages scientifiques. C’est le principe de la vulgarisation qui simplifie le propos et le monte en généralité. On peut parler de sciences sans langue technique, mais le propos sera bref, à la surface de ce qui est à peine décrit. Le non-initié pense comprendre, il comprend d’ailleurs ce qui lui est dit, mais ce qui lui est dit n’est qu’un « alias » peu conforme à la réalité. La langue technique a comme mérite de très bien connaître son sujet et comme inconvénient de sa nouveauté de n’être pas traduisible en langage commun. Mais si ce qu’elle dit est au plus proche de ce qui est, elle n’est pas comprise par le non-initié.

23À la différence des jargons, les langages techniques (ou « technolectes » toujours selon les sciences du langage) n’ont de prétention que de dire ce qu’ils ont à dire, ce en quoi ils sont souvent irremplaçables. Lorsque j’ai commencé à réfléchir avec Rémy Lestienne, physicien et neurobiologiste, à un ouvrage sur le cerveau affectif, je ne me doutais pas de la difficulté qui nous attendait avec ce projet d’essai visant un public éclairé mais large. Au niveau de compétence de mon auteur et surtout dans notre souhait commun d’exposer les derniers états de la recherche, le langage technique s’est vite avéré incontournable. Je voyais s’envoler mes lecteurs. Comment dire autrement : « Le réseau attentionnel supplémentaire dont nous parlons mobilise, outre le colliculus supérieur et le pulvinar, le noyau réticulé thalamique […] et les aires associatives des lobes occipitaux et pariétaux du cortex. » (Lestienne, 2008).

24Comme je l’écrivais précédemment, où il y a vulgarisation et simplification, il y a obligatoirement perte d’information. C’est un choix. Restituer finement les mécanismes physiques ou biologiques ne peut pas toujours faire l’impasse sur le langage technique. Et si le lecteur doit faire un léger effort, pourquoi pas, c’est un exercice salutaire. L’éditeur – il est ici pleinement dans son rôle – doit alors mettre en marche avec l’auteur une stratégie d’écriture adaptée au public visé : glossaires, encadrés, index, focus, lexiques, schémas… qui dégagent le texte de lourdes descriptions techniques. Ces principes aèrent la narration, donnent une autonomie nouvelle au lecteur qui a la liberté de se déplacer dans un corpus réorganisé. Le sens est comme sujet à la récréation. On autorise au lecteur des pauses, des renvois ou des sauts, il est au fond récompensé de l’effort qu’il peut produire ailleurs.

25Trop vulgariser, c’est perdre de la profondeur, en somme passer d’un espace à trois dimensions à un espace à deux dimensions. Camille Flammarion l’avait déjà compris lorsqu’il publia dans la maison naissante de son frère son Astronomie populaire en 1880. Dessins, encadrés alternent avec un texte dense qui se veut accessible voire parfois affectif. Ses deux volumes connurent un énorme succès de librairie et préfigurent l’édition de vulgarisation scientifique.

En guise de conclusion : fenêtre sur cour

26À l’heure de la numérisation massive des corpus scientifiques et de l’essor de l’édition électronique, le rôle de l’éditeur reste plus que jamais fondamental. Au-delà de son souci de faire transmettre selon des règles souvent anciennes d’édition, il reste celui qui évite aux contenus l’enfermement et la déformation, celui par qui l’auteur a sans doute les meilleures chances de se faire entendre.

27Je garde un souvenir très riche du comité de lecture de CNRS Éditions, mêlant chercheurs du CNRS et membres de l’Université. On y côtoyait des astrophysiciens, des germanistes, des architectes, des mathématiciens, des littéraires, des anthropologues, des médiévistes, des neurobiologistes… Sciences dures et SHS réunies. Autant de sociolectes et de technolectes en puissance ? Non pas. Lors de l’examen des expertises, chacun faisait spontanément l’effort d’être accessible pour être compris des autres membres. Ce comité était l’un des rares terrains non pas de reproduction scientifique mais de porosité scientifique, où le disciplinocentrisme faisait place à la pluridisciplinarité, où la curiosité de spécialistes pour des domaines qu’ils découvraient souvent était remarquable.

28L’éditeur aussi, à sa manière, est à la croisée des chemins. Entre un auteur et un consommateur, mais pas seulement. André Schiffrin déplorait il y a déjà quelques années (1999) l’emprise toujours plus forte de la rentabilité sur les choix éditoriaux. L’éditeur, par sa capacité à agir sur les textes, peut leur permettre, quels qu’ils soient, d’être proposé aux publics qu’ils méritent. Je terminerai simplement sur la devise ramenée en frontispice des éditions Armand Colin par mon collègue et ami Jean-Christophe Tamisier : « Labeur sans soins, labeur de rien ».

Français

D’où vient le jargon scientifique ? Quel lien l’éditeur et l’auteur entretiennent-ils dans l’écriture ? Pascal Rouleau, s’appuyant sur son expérience, montre qu’il faut distinguer trois domaines d’écriture, la création, le jargon et les langages techniques, et que l’éditeur ne doit pas chercher à vulgariser à tout prix.

Mots-clés

  • jargon
  • éditeur
  • fiction
  • non-fiction
  • auteur
  • sociolecte
  • technolecte
  • vulgarisation

Références bibliographiques

  • Barthes, R., Nouveaux Essais critiques, Seuil, coll. « Point », 1972.
  • Camus, A., L’Envers et l’Endroit, Gallimard, 1958.
  • Daumal, R., La Grande Beuverie, Gallimard, 1938.
  • Jost, F., Le Culte du banal, CNRS Éditions, 2007.
  • En ligneLardinois, R., L’Invention de l’Inde. Entre ésotérisme et science, CNRS Éditions, 2007.
  • Lestienne, R., Miroirs et Tiroirs de l’âme. Le cerveau affectif, CNRS Éditions, 2008.
  • Ricardou, J., Pour une théorie du Nouveau Roman, Seuil, coll. « Tel Quel », 1971.
  • En ligneSchiffrin, A., L’Édition sans éditeurs, La Fabrique, 1999.
Pascal Rouleau
Pascal Rouleau a fait toute sa carrière dans l’édition scientifique, et plus récemment comme responsable éditorial à CNRS Éditions puis responsable des éditions de l’Université Pierre et Marie Curie. Après avoir assuré un enseignement en Master d’édition à l’Université de Cergy-Pontoise, il a lancé sa propre structure d’édition et mène des activités de consultant.
Courriel : <pascalrouleau@sfr.fr>.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/11/2013
https://doi.org/10.3917/herm.058.0113
Pour citer cet article
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