CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’article 34 de la Constitution du Burkina Faso reconnaît le français comme la « langue officielle ». Quant aux langues locales, une soixantaine environ, elles sont des « langues nationales » dont « la loi fixe les modalités de promotion et d’officialisation ». La décision d’introduire les trois langues nationales, mooré, jula et fulfuldé, parlées par 70 % de la population (Napon, 2003, p. 147), dans le système éducatif rentre dans ce cadre. Mais pour diverses raisons – politiques, économiques, sociolinguistiques ou psychologiques – analysées par Napon (2003 et 2005), le français, dont les locuteurs se situent entre 10 % et 15 % selon les estimations optimistes [1], demeure l’unique véhicule de l’enseignement. C’est « la langue de promotion sociale [...] omniprésente dans tous les domaines de la vie de la nation : économique, politique et culturelle » (Napon, 2008, p. 13) contrairement aux langues nationales qui ne procurent aucun avantage socio-économique à leurs locuteurs.

2Dans le cadre de sa politique linguistique, l’État a fait voter des lois d’orientation de l’éducation (1996, 2007) qui semblent mettre les différentes langues du Burkina Faso sur un pied d’égalité. Si ces lois étaient appliquées cela constituerait une révolution dans la mesure où elles affirment respectivement dans leurs articles 4 et 10 que « les langues d’enseignement sont le français et les langues nationales aussi bien dans la pratique pédagogique que dans les évaluations ». Malheureusement, il n’existe vraiment ni de politique en matière de promotion des langues nationales [2], ni de politique de traduction. Dans les dispositifs évoqués ci-dessus, nulle part il n’est question de traduction. Comment alors promouvoir la diversité dans un contexte plurilingue comme celui du Burkina Faso sans une politique linguistique et une politique de traduction ? Nous suivons Swaan (2001, p. 45) qui soutient que, face à l’inégalité des différentes langues dans le monde, la traduction constitue un moyen pour réconcilier les langues locales à communication restreinte et les langues de grande communication.

3Mais pour que la traduction devienne un moyen de préservation et de promotion linguistique et culturelle, une politique de traduction est indispensable. En effet, comme le montre Holmes (2000, p. 182), concepteur des Translation Studies, une politique de traduction (translation policy) définissant la place et le rôle du traducteur, de l’activité traduisante et de la traduction (le produit de cette activité) dans la société est indispensable.

4Cependant, même s’il n’existe pas de politique officielle de traduction, à l’instar de certains pays comme le Canada ou la Suisse, la traduction constitue une réalité et une activité incontournables en raison du contexte plurilingue du Burkina Faso. Elle est indispensable à toutes les situations de communication (administrative, politique, culturelle, etc.) du fait que la langue officielle n’est parlée que par une minorité. Les gouvernants et l’ensemble de la classe politique arrivent à communiquer avec les populations grâce à la traduction. Lors des campagnes électorales, les messages des partis politiques sont repris dans le maximum de langues nationales afin de toucher le maximum d’électeurs. Lorsque le président de la République s’adresse à la nation, il utilise la langue officielle, le français, mais en général son discours est immédiatement interprété et traduit dans les principales langues nationales.

5La traduction qui résulte d’un contexte plurilingue contribue-t-elle à promouvoir la diversité linguistique et culturelle du Burkina Faso ? Et, dans la mesure où la traduction n’est pas neutre, à quelle(s) langue(s) ou culture(s) profite-t-elle ?

6Pour répondre à ces interrogations, nous allons d’abord exposer brièvement ce qu’est la traduction au Burkina Faso avant de proposer une typologie plus approfondie. Nous utiliserons le concept de traduction dans le sens large de Newmark [3], c’est-à-dire comprenant la traduction orale et écrite.

La traduction littéraire et audiovisuelle au Burkina Faso

7Pour évoquer le plurilinguisme et la traduction au Burkina Faso, faute d’espace, nous allons nous contenter de ce qui se dégage de la production littéraire et du traitement de l’information à travers les médias audiovisuels dans le contexte plurilingue du pays.

8La littérature écrite du Burkina Faso, à l’instar des littératures des anciennes colonies françaises africaines, ne reflète pas sa diversité linguistique puisqu’elle utilise essentiellement le français qui bénéficie d’un statut privilégié. L’importance du français est inversement proportionnelle au nombre de ses locuteurs. Il suffit de prendre n’importe quelle édition du Grand Prix national des arts et des lettres (GPNAL) depuis son institution en 1983 dans le cadre de la Semaine nationale de la culture qui se déroule à Bobo-Dioulasso tous les deux ans. L’édition de 2008, par exemple, a enregistré par genre 8 œuvres pour la bande dessinée, 12 recueils de contes pour enfants, 33 nouvelles, 31 recueils de poésie pour enfants, 31 romans et 23 pièces de théâtre. Les œuvres en compétition utilisent le français. On est frappé par l’absence des langues nationales et de la traduction dans la production littéraire burkinabè. Or, la traduction comme le montre Woodsworth (1996, p. 212) constitue un moyen non seulement d’enrichir la langue et la littérature de la culture réceptrice, mais également de renforcer l’identité culturelle.

9La traduction dans la production audiovisuelle – en particulier, le cinéma burkinabè – semble plus représentative du plurilinguisme et du multiculturalisme du pays. En effet, la majorité des cinéastes tournent leurs films dans les langues nationales. C’est également dans l’art cinématographique que la traduction joue son rôle de médiateur ou de pont entre deux cultures. Même si le sous-titrage a ses propres exigences spécifiques et ses contraintes, comme le montre Sanon (2009), le cinéma constitue un moyen d’expression authentique de la culture africaine du fait de son oralité. Pour Sanon (2009, p. 474) « le film est l’un des rares canaux privilégiés de traduction littéraire en langues nationales et européennes ».

10En plus de l’utilisation de la traduction dans le domaine cinématographique, on est tenté de considérer les productions littéraires burkinabè comme étant des métatextes, car la production littéraire, qui est en langue française, fait généralement table rase du plurilinguisme. En effet, « la problématique linguistique est curieusement absente de la littérature romanesque d’expression française, alors qu’elle pourrait y occuper une place centrale » (Caittucoli, 1988, p. 191). Le passage sous silence peut être interprété de plusieurs façons. On peut donner une portée politique à cette absence de la problématique linguistique. En occultant le plurilinguisme, la littérature burkinabè affiche sa volonté de participer à l’unité nationale, en faisant parler systématiquement la langue officielle, le français, par ses personnages.

11Pour être concret, prenons un seul exemple, le roman de Fidèle Pawindbé Rouamba, Le Carnaval de la mort, qui a obtenu le grand prix de la littérature lors de la Semaine nationale de la culture, en 1994 (avant d’être édité en 1995). Le cadre de ce roman est Gouldou, un petit village mossi [4]. Les protagonistes, à l’instar du personnage central, Yamba, n’ont pas été scolarisés et vivent tous du travail de la terre. Dans ce contexte de culture orale, on est frappé de voir que tous les personnages s’expriment en français et non pas en mooré. Il est vrai que nous sommes dans le domaine de la fiction, mais celle-ci ne constitue-t-elle pas un miroir qui reflète la réalité ? Même les chants, les proverbes, les contes et autres éléments de la tradition orale mossi qui foisonnent dans l’œuvre sont en français. On peut considérer le discours des personnages comme ayant fait l’objet de traduction par l’auteur.

12Compte tenu du fait que la littérature orale sert de modèle à la littérature écrite burkinabè, et en raison d’une certaine perception de la traduction comme création d’un modèle de texte original [5], on peut considérer l’écrivain burkinabè comme un « traducteur », à condition de dépasser la conception étroite de la traduction comme transfert purement linguistique pour mettre davantage l’accent sur l’aspect culturel et à condition de ne pas réduire le sens du texte au texte littéraire, mais de le considérer dans son sens le plus large : « Social and cultural activities as well as events and forms of expression can be regarded as text » (Wolf, 1997, p. 128).

13Par ailleurs, le style de l’écrivain africain, dans bien des cas constitue, selon M’Boukow, « une traduction très soignée de sa langue maternelle » (cité par Nitai, 1993, p. 567). Le style de l’auteur du Carnaval de la mort fourmille de techniques qui font partie des stratégies utilisées par les traducteurs pour résoudre des problèmes d’équivalence. Ce sont, par exemple, la traduction littérale, le calque, l’emprunt au mooré et l’adaptation. Ce roman montre que le concept de traduction est très complexe et qu’il y a une nécessité de revoir la notion de texte. Il illustre assez bien la thèse selon laquelle les textes littéraires burkinabè, et africains en général, constituent des métatextes même s’ils ne nous renvoient pas à des prototextes au sens traditionnel. Aussi les textes africains constituent-ils un défi aux notions « d’auteur / texte original », d’une part, et à celles de « traduction / traduction-copie », d’autre part, telle que présupposées par la théorie littéraire et la théorie de la traduction en Occident.

14Quant à l’utilisation du français dans la littérature burkinabè, elle confirme également l’idée selon laquelle la langue officielle joue le rôle de langue nationale [6]. Dans ces conditions, on peut dire que le plurilinguisme n’existe pratiquement pas dans la littérature écrite burkinabè et que le type de « traduction » observé ne contribue pas véritablement à promouvoir la diversité culturelle mais plutôt à renforcer l’emprise de la langue officielle, le français, qui ne véhiculent pas les mêmes valeurs culturelles que les langues nationales.

15Dans le domaine de l’information et de la communication, le droit d’être informé dans sa propre langue n’est pas respecté dans un contexte de mondialisation où l’information constitue un élément important dans le développement socio-économique et culturel. La prédominance de la langue officielle, le français, se retrouve au niveau de l’information aussi bien dans l’audiovisuel que dans la presse écrite. Selon Balima et Frère (2003, p. 176), « la situation d’ensemble aujourd’hui confirme bien la prédominance du français qui reste la langue de l’information et de la culture, donc du pouvoir ». La radio, ainsi que l’indiquent Balima et Frère, constitue l’exception, car elle accorde une place importante aux langues nationales. Pour des raisons socio-économiques et culturelles (analphabétisme très élevé, accessibilité à un poste de radio…) la radio demeure le média le plus populaire au Burkina Faso. Mais lorsqu’on regarde la grille des programmes de la radio nationale qui est la seule à couvrir tout le territoire national, on se rend compte que même si la radio accorde une place importante aux langues nationales, celle-ci est relative, car les émissions en langue française dépassent largement les émissions en langues nationales. Et en général, les plages horaires consenties aux langues et aux cultures nationales ne sont pas des heures de grande écoute (Napon, 2005, p. 144), car la plupart des émissions ont lieu aux heures de service des fonctionnaires et employés.

16Au niveau du traitement de l’information par les médias, en particulier, l’audiovisuel, on recourt à la traduction en raison d’un modèle de modernisation à l’occidentale où l’information joue un rôle important. D’où l’utilisation des langues nationales en vue de changer les comportements des populations pour parvenir au développement (Balima [7], 2005). Mais comme nous le verrons ci-dessous, la traduction audiovisuelle consacre plutôt la domination des langues européennes sur les langues nationales.

Typologie de la traduction au Burkina Faso

17Pour des raisons historiques et politiques sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, le français, la langue de l’ancienne puissance coloniale, qui est parlée par une minorité, est la langue du pouvoir. Sans sa maîtrise, il est pratiquement impossible d’accéder à un emploi dans l’administration ou dans les autres secteurs modernes de l’économie. Parler le français procure un certain prestige et des avantages que les langues nationales n’offrent pas.

18La direction des traductions reflète la hiérarchisation des langues. Il existe deux types de traduction : la traduction horizontale et la traduction verticale. La première désigne la traduction entre deux langues ayant un statut égal ou comparable. Il s’agit, dans le contexte du Burkina Faso, des langues européennes auxquelles on peut ajouter l’arabe. Cependant, la traduction du français vers l’anglais et de l’anglais vers le français sont les plus importantes (Ouédraogo, 1997, p. 68). La traduction dans ces langues, qui est demandée par l’administration, les ONG, les entreprises et de manière générale le secteur économique moderne, se limite surtout à des textes dits pragmatiques. Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale dispose en son sein d’une Direction de l’Interprétation et de la Traduction (DIT) pour répondre aux besoins en traduction de l’administration publique. Quant à la traduction entre les langues nationales, elle n’existe pas du tout.

19La seconde, la traduction verticale, concerne la traduction d’une langue jouissant de statut inférieur vers une langue ayant un statut plus élevé et vice versa. Ce serait par exemple le cas de toute langue burkinabè avec toute langue européenne. En général, la traduction verticale concerne la traduction biblique, la traduction audiovisuelle (le cinéma et la radio en particulier), la traduction de textes de vulgarisation en matière de santé, d’agriculture et d’alphabétisation, du français vers les langues nationales. Il existe également quelques textes littéraires bilingues (français - langues nationales) à but pédagogique.

20Cependant, il faut souligner que dans le domaine de l’audiovisuel où la traduction entre langues nationales et langues européennes constitue l’une des caractéristiques du cinéma burkinabè, la direction de la traduction confirme la hiérarchisation des langues déjà mentionnée et la suprématie du français sur les langues nationales. Le sous-titrage ne se fait ni entre les langues nationales, ni à partir des langues européennes vers les langues nationales, mais elle se fait à sens unique : des langues nationales vers les langues européennes. Sanon (2009, p. 489) affirme : « Aucun film burkinabè fait en langue française n’a été traduit en langues nationales, alors qu’à l’inverse pratiquement tous les films présentés comme faits en langues nationales sont soit sous-titrés soit doublés en français ou dans d’autres langues européennes. »

21À la différence du cinéma, on assiste à un phénomène contraire au niveau de la radio où l’on traduit du français vers les langues nationales, mais il s’agit d’une traduction qui « donne lieu à des improvisations », à la « défiguration » et au « gonflement » (Balima, 2005, p. 7) de l’information de la part d’animateurs de radio. Par conséquent, les francophones (le public du texte source) et les locuteurs des langues nationales (le public du texte cible) ne reçoivent pas le même type d’information avec une telle traduction approximative. Ce type de traduction non seulement manque de professionnalisme et d’éthique en s’abstenant de traduire les points de vue exprimés dans les langues nationales vers la langue officielle, le français, mais également méprise les locuteurs des langues nationales et leurs valeurs (Balima, ibid.). Tout comme la traduction littéraire évoquée plus haut, la traduction audiovisuelle ne contribue ni à la promotion des langues nationales ni à la préservation de la diversité culturelle.

22Comme conséquence de la suprématie du français et des langues européennes, la traduction dans ces langues est plus attractive et plus valorisée que celle dans les langues nationales. L’expérience du Département de Traduction et d’Interprétation de l’Unité de Formation et Recherche en Lettres, Arts et Communication (UFR/LAC) de l’Université de Ouagadougou est révélatrice. Créé en 1997 pour former en deux ans après la licence des traducteurs bilingues ou trilingues, d’une part en français et d’autres langues étrangères et, d’autre part en français et les langues nationales, les options comportant celles-ci ont été suspendues après la première année faute de candidats. La raison est que les titulaires de la licence ou de la maîtrise « ne s’intéressent pas aux langues nationales » (Guiré et Kinda, 1995, p. 63).

23Le manque de vitalité de la traduction entre les langues nationales du Burkina Faso résulte de l’absence de productions dans les différentes langues du pays et du rôle de langue nationale que joue la langue officielle, le français. Le statut privilégié dont jouit la traduction horizontale provient de cette situation. Cependant, il faut noter que la typologie de la traduction au Burkina Faso s’inscrit dans un cadre global de domination économique, culturelle et politique du Nord sur le Sud, accentuée par la mondialisation selon Richard Jacquemond (1992, p. 139). Une telle situation constitue un paradoxe par rapport à la volonté affichée des instances internationales, régionales et nationales de protéger et de promouvoir la diversité culturelle, qui ne peut se faire sans que « la traduction ait, en la matière, un rôle essentiel à jouer » (Xu, 2007, p. 191).

Conclusion

24La traduction est souvent perçue non seulement comme un moyen d’information et de communication dans un contexte plurilingue, mais également comme un moyen d’enrichissement et de conservation de la diversité culturelle. Mais, l’exemple du Burkina Faso nous montre que les facteurs socio-économiques et politiques influencent la place et le rôle des langues en présence et de la traduction dans la société. La traduction horizontale, qui concerne les langues européennes, notamment le français et l’anglais, est privilégiée. Quant à la traduction verticale, en dehors de la traduction audiovisuelle, elle se limite à quelques domaines tels que la santé, la religion et l’alphabétisation.

25La hiérarchisation des langues, qui accorde un rôle de premier plan au français, ne permet pas à la traduction de participer à la promotion des langues nationales et à la préservation de la diversité culturelle, telle que préconisée par la plupart des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux, en particulier la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée par l’Unesco en novembre 2001, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle, adopté en octobre 2005 et la Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique, adoptée en 2002. Cette diversité sera difficile à préserver si on n’accorde pas une place essentielle à la traduction. Dans le contexte plurilingue du Burkina Faso, une traduction efficace constitue non seulement un moyen de communication pour surmonter la barrière linguistique, mais également un vecteur de l’information en vue d’un développement socio-culturel et économique. Pour cela une politique de la traduction est indispensable.

Notes

  • [1]
    Pour en savoir davantage sur le plurilinguisme au Burkina, voir Yoda (2007).
  • [2]
    Napon (2001, p. 210) constate : « La promotion des langues locales est symbolique. En effet, depuis les indépendances, rien n’a été fait en vue de l’adoption du statut des langues nationales. Quand bien même on note une disposition de principe à utiliser les langues nationales à travers l’adoption de textes administratifs. »
  • [3]
    Pour Newmark (1993, p. 35), la traduction dans son sens large « comprises any method of transfer, oral and written, from writing to speech, from speech to writing, of a message from one language to another ».
  • [4]
    Nom du groupe ethnique qui parle la langue mooré.
  • [5]
    Idée développée par Hermans (1993, p. 69).
  • [6]
    Selon Tine (1988, p. 16-17), « le statut de la langue nationale est réellement joué par la langue officielle qui jouit de la même légitimité que l’hymne ou le drapeau national ».
  • [7]
    Serge Théophile Balima est professeur titulaire, directeur du Centre d’expertise et de recherche africain sur les médias et la communication (Ceram) et l’auteur de plusieurs publications sur les médias et la communication.
Français

Le Burkina Faso comporte, en plus du français, « langue officielle », environ une soixantaine de langues locales dites « langues nationales ». Malgré des lois favorables à l’égalité des langues, on constate dans la pratique une hiérarchisation linguistique qui consacre la domination du français sur les autres langues.
Dans ce contexte plurilingue, on pouvait s’attendre à ce que la traduction puisse contribuer à la préservation de la diversité linguistique et culturelle du pays, voire à l’enrichissement des langues nationales. Mais l’analyse de la traduction littéraire et audio-visuelle révèle une direction (ou un sens) qui reflète cette hiérarchisation des langues. En effet, la traduction entre langues européennes est de loin la plus importante, en particulier entre le français et l’anglais. La traduction entre les langues nationales n’existe pas. Dans le domaine audio-visuel, en particulier le cinéma, le sous-titrage se fait toujours des langues nationales vers les langues européennes. En l’absence d’une politique linguistique et d’une politique de traduction, la traduction ne peut pas jouer son rôle de promotion des langues et de préservation de la diversité culturelle.

Mots-clés

  • Burkina Faso
  • langues locales
  • langues nationales
  • hiérarchisation linguistique
  • plurilinguisme
  • diversité linguistique
  • traduction
  • langues européennes
  • langues africaines
  • politique linguistique
  • politique de traduction

Références bibliographiques

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Lalbila Aristide Yoda
Lalbila Aristide Yoda est maître de conférences à l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso) où il enseigne la civilisation britannique et la théorie de la traduction, respectivement au département d’études anglophones et au département de traduction-interprétation. Ses travaux de recherche et ses publications portent sur les aspects culturels de la traduction, les institutions britanniques, l’histoire de l’Empire colonial britannique et des pays du Commonwealth, ainsi que sur la littérature africaine.
Courriel : <arisyoda@yahoo.com>
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/37391
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