CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1À la fin des années 1990, le décalage dans l’adoption d’Internet au Japon posa une énigme aux observateurs japonais et étrangers. En effet, le taux de connexion d’Internet pour une nation est (sans surprise) associé à ses indicateurs de développement comme le PIB ou le pourcentage de la population ayant reçu une éducation secondaire et supérieure, ainsi qu’à la qualité des infrastructures de télécommunications existantes (Norris, 2001). Or, malgré le poids de son économie, sa population éduquée et des systèmes de télécommunications fiables, le Japon s’avérait être « sous-performant » dans l’adoption d’Internet. Son taux de diffusion était bien en dessous de ce qui était attendu selon les indicateurs et j’ai même consacré un mémoire sur ce sujet. Le gouvernement désespérait de pouvoir mettre la nation en ligne. Il dut subventionner des cours de formation en informatique et il organisa une « Expo Internet » pour promouvoir ce support de communication [1].

Des technologies de l’information et de la communication trop ou pas assez utilisées ?

2Un observateur occidental (français pour être précis) attribua l’absence d’Internet au Japon à son essence culturelle, apparemment incompatible avec l’idée de délibération démocratique. De plus, son système d’éducation forme les étudiants à être des travailleurs silencieux et serviles qui n’ont jamais leurs propres opinions et les expriment encore moins.

3

« J’ai vécu ici quinze ans et je pense que je peux expliquer les nombreuses raisons – parfois contradictoires – de ce manque d’enthousiasme. Le taux de pénétration des ordinateurs domestiques au Japon, estimé à environ 15 %, est certainement bas… Un nombre croissant (mais toujours faible) de Japonais familiers du Web ont des difficultés à trouver des informations utiles et des services pratiques sur les pages Web locales qui sont superficielles et remplies de commérages et d’anecdotes… L’effondrement économique du Japon a révélé une crise sociale aiguë : la population est sans voix, incapable d’exprimer son malaise… L’indifférence de la jeunesse japonaise à l’égard de la structure sociopolitique n’est pas le fruit d’un choix volontaire et presque zen qui préférerait la modestie aux opinions tranchées. Elle est plutôt le résultat du système scolaire où règne l’apprentissage par cœur et une compétition féroce… Le Japon a besoin d’une catharsis sociale. Et Internet, s’il était adopté dans toute sa gloire faite de panache et d’intrépidité, pourrait y contribuer. Cependant, le médicament est terriblement dur à avaler pour cette nation. Parce que le Web, loin d’être neutre culturellement, est fortement chargé d’une vision particulière des relations humaines, du discours et de la rhétorique, qui n’a aucune racine au Japon. »
(Dersot, 1998)

4En résumé, la démocratie et Internet représentaient un défi pour des Japonais ultra-conformistes. La suite de l’histoire donna la solution à cette querelle. Avancée rapide vers le xxie siècle : alors qu’il était supposé rester à la traîne à cause de ses défauts culturels, le Japon se trouve parmi les premiers à adopter la connexion Internet haut débit et il innove en matière de téléphonie mobile Internet. En fait, loin de déplorer le manque d’intérêt pour Internet, les parents japonais s’inquiètent d’un usage excessif d’Internet, d’ordinateurs et de téléphones mobiles par leurs enfants.

5Quelques explications peuvent expliquer ce changement soudain d’« une attitude réfractaire à un engouement pour Internet » jusqu’aux inquiétudes quant à une utilisation excessive ou une addiction :

  • soit la culture japonaise a changé en une nuit et a rattrapé le reste du monde ;
  • soit le téléphone mobile et un accès haut débit à Internet sont chargés de visions particulières des relations humaines qui sont complètement distinctes de l’accès à Internet par réseau téléphonique depuis un ordinateur ;
  • soit, enfin, l’idée qu’Internet soit imprégné d’une vision particulière et que seules les sociétés réceptives à cette vision puissent adopter avec succès Internet, est totalement infondée depuis le départ.
Pour tout chercheur en sciences sociales compétent, la réponse correcte devrait être la troisième. La proposition est fausse tant du point de vue de la théorie que des faits. Des recherches rigoureuses sur les implications sociales de la technologie et des innovations ont montré à maintes reprises que la société et la technologie se créaient mutuellement. Ou si l’on pousse plus loin l’approche constructiviste radicale, la société et la technologie deviennent inséparables. Je laisserai la tâche de réfutation théorique à la littérature en sociologie de la science et de la technologie et m’intéresserai principalement ici aux vérifications s’appuyant sur la réalité. S’il existe une abondante littérature sur les erreurs des perspectives déterministes, le cas d’Internet au Japon est peu connu.

6Cet article se concentre par conséquent sur les tendances générales et les modes d’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) au Japon et sur leurs implications dans la société civile. Il a pour modeste objectif d’aller au-delà des images répandues et contradictoires d’un Japon technophile ou à l’inverse d’une culture non moderne, non démocratique, autoritaire, confucéenne.

7Les faits sont importants. Par exemple, il est assez facile de réfuter avec des faits l’argument de la « culture déficiente ». Comme Dersot lui-même l’a écrit, « un système de facture téléphonique exorbitant est un puissant repoussoir pour aller en ligne ». Lorsque le réseau téléphonique commuté était le standard pour Internet, qu’ils soient démocratiques ou non, les Japonais ne pouvaient tout simplement pas se permettre d’être en ligne pendant de nombreuses heures. Cependant, ce n’est pas qu’une question de coût. Les Japonais pensent qu’Internet est inapproprié pour certains types de communications. Par exemple, dans le cadre des échanges rituels des vœux saisonniers, les Japonais sont attachés au vieux support des cartes écrites à la main parce qu’une belle écriture est hautement valorisée. L’influence de la culture est présente mais subtile. De plus, la majorité des Japonais ne parlent pas couramment l’anglais. Ce n’est ainsi pas surprenant qu’ils manifestaient peu d’intérêt pour le World Wide Web lorsque celui-ci était « jeune » et que la plupart des matériaux disponibles étaient écrits en anglais.

8Afin d’établir des types généraux d’usage et leurs implications sur la société civile, je distingue plusieurs classes d’âge et j’exclus de mon champ d’analyse différentes formes de militantisme en ligne, même si celles-ci sont également un objet de recherche pour étudier Internet et la société civile (avec ses 130 millions d’habitants, tout ce qui peut se produire existe au Japon). Un exemple est le mouvement anti-nucléaire. Ses membres se font entendre en ligne, mais ne disposant pas de canal légitime pour influencer les prises de décision dans l’appareil administratif, leur impact est négligeable (Lawless et al., 2009). Si l’usage de la perspective générationnelle peut sembler arbitraire, il n’est toutefois pas totalement irraisonnable. On sait que les modes d’usage des TIC sont largement fonction des âges et des générations. Les études empiriques se concentrent par conséquent sur des générations particulières (la jeunesse, les gens d’âge moyen, les personnes âgées, etc.). Partout, les modes d’usage des TIC sont fortement stratifiées en fonction de l’âge, comme l’est la société japonaise. Chaque génération est confrontée à différents types de possibilités et de défis. Identifier ces variances (sans réifier les différences) nous permet de mieux comprendre la nature de la société civile qui est favorisée ou contrainte par l’avènement des technologies de communication.

Les enfants, les jeunes et leurs parents

9Comme cela a été mentionné, le débat sur le téléphone mobile en classe se poursuit au Japon comme dans d’autres parties du monde. Professeurs, parents et décideurs politiques considèrent le téléphone mobile comme une source de distraction. Dans le même temps, les élèves sont encouragés à utiliser des ordinateurs personnels, selon l’hypothèse (et certaines preuves) que ces compétences informatiques seront utiles quand ils entreront dans la vie active. Les recherches existantes suggèrent que certaines différences en matière de revenus et de situations sur le marché du travail peuvent être expliquées par des différences en matière de compétences informatiques (DiMaggio et Bonikowski, 2008). Au Japon, le ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports et de la Science favorise l’usage des ordinateurs à l’école, offrant des bourses, des programmes de formation pour les enseignants, des manuels et du matériel multimédia éducatif. Il n’est pourtant pas certain que les classes sans téléphones mais équipées d’ordinateurs soient le meilleur environnement d’apprentissage pour les élèves. Pour des raisons évidentes, aux États-Unis, l’industrie du téléphone mobile avance que le smartphone mériterait d’être présent dans les classes (Richtel et Stone, 2009). Au Japon, l’industrie du téléphone tente de présenter ses produits et services comme protecteurs vis-à-vis des enfants.

10Il semble exister une opinion répandue, si ce n’est un consensus, selon lequel l’ordinateur serait par nature pédagogiquement utile tandis que le téléphone mobile ne serait qu’une distraction. Il n’est pas certain que cela soit vrai. Le supplément de revenu lié aux compétences informatiques a peut-être déjà diminué (Asplund, 2002). L’usage des téléphones mobiles est associé à des situations économiques, politiques et sociales positives à la fois dans le monde industrialisé et celui en voie d’industrialisation. Au Japon, comme nous allons le voir un peu plus loin, le téléphone mobile sert d’« égaliseur » : alors que l’usage d’ordinateurs dépend du statut socio-économique et de variables démographiques, l’usage du téléphone mobile est distribué de manière plus ou moins égale au sein de la population. Par ailleurs, comme l’illustre la popularité des petits ordinateurs portables, la technologie est en changement constant et la relation entre différents types de matériels renégociée en permanence. Ce qui est perçu aujourd’hui comme des « compétences informatiques » sera peut-être dépassé et inadapté dans l’économie que rejoindront les enfants et les jeunes lorsqu’ils deviendront adultes. L’efficacité du principe « l’ordinateur à l’intérieur, le téléphone mobile à l’extérieur » est donc au mieux incertaine.

11Que devrait être une technologie appropriée aux jeunes ? Cette question tourmente également ces derniers et leurs familles. Les parents devraient-ils, et de quelle manière, surveiller l’usage que font leurs enfants des TIC ? Il s’agit d’un problème difficile pour lequel n’existe aucun consensus. Le nombre d’enfants japonais impliqués dans diverses affaires et activités illégales est élevé – allant de la brimade entre enfants, de la complicité non intentionnelle dans des délits, jusqu’à devenir la cible d’exploitation sexuelle. Alarmé, le ministère des Affaires intérieures a rendu obligatoire l’usage de programmes de filtrage pour les mineurs souscrivant à un abonnement de téléphone mobile en 2007 (le filtrage des ordinateurs domestiques n’a pas été rendu obligatoire, la majorité des affaires et délits survenant par l’intermédiaire du téléphone mobile). Par exemple, durant le premier semestre 2007, 604 enfants (99 % de filles) furent impliqués dans des problèmes liés à des services de rencontres. 95 % de ces affaires concernaient des services accessibles depuis des téléphones mobiles (National Police Agency, 2008).

12Il est techniquement difficile de séparer complètement les sites Internet « sûrs » de ceux « non sûrs ». La tâche d’établir une liste noire a été laissée à l’industrie. Il n’existe pas de normes communes concernant ce qui devrait être filtré et ce qui devrait être conservé. Certains sites Internet qui traitent de religion, d’homosexualité et de politique ont été filtrés par l’industrie, provoquant des controverses. Par ailleurs, les services de filtrage ne sont pas ajustés finement aux catégories d’âge. Les mêmes règles de filtrage s’appliquent aux étudiants de 18 ans et aux enfants d’école maternelle. C’est pourquoi ces mesures de protection de l’enfance font aujourd’hui l’objet d’une forte controverse.

13Même si le gouvernement rend obligatoire l’installation de logiciels de filtrage, l’attitude des parents varie. Lors d’une enquête récente que j’ai conduite avec des collègues, nous avons interrogé des parents sur leur niveau de connaissance des activités en ligne de leurs enfants, ainsi que sur les règles et les pratiques de surveillance mises en place pour les guider. 56 % des parents ont déclaré connaître les sites Internet sur lesquels naviguent régulièrement leurs enfants et 46 % savent avec quelles personnes leurs enfants correspondent par communications téléphoniques ou par emails. 20 % ont installé un programme de filtrage dans l’ordinateur domestique utilisé par leur enfant et 40 % n’utilisent actuellement pas de programme de filtrage mais seraient intéressés d’en utiliser un. Pourtant, 40 % des parents n’avaient pas l’intention de filtrer les documents accessibles en ligne par leurs enfants. À la question de savoir si un parent devrait contrôler le comportement en ligne d’un enfant, des entretiens avec les parents révèlent deux perspectives contrastées mais aussi rationnelles l’une que l’autre :

  • Je ne me préoccupe pas de ce que ma fille va voir sur Internet. Je veux qu’elle explore librement le Web. Je n’installe pas de programme de filtrage. Je veux qu’elle soit une utilisatrice intelligente des TIC en explorant de nombreux mauvais documents.
  • Je surveille étroitement mes enfants. Je les autorise à accéder à Internet seulement depuis un ordinateur dans le salon. J’utilise un programme de filtrage. J’observe par-dessus leurs épaules ce qu’ils font.
Il est intéressant de noter que ces interviewés ont une origine familiale, un statut démographique et socio-économique relativement similaires. Les parents sont confrontés au dilemme de protéger leurs enfants tout en les encourageant à explorer le monde pour être indépendants. En présentant de nouvelles formes de menaces et de risques pour les familles, Internet et les technologies liées ont ajouté une nouvelle strate à l’alternative classique de protéger ou de conférer du pouvoir aux jeunes. La société japonaise reconnaît que ce dilemme est de la même forme que les questions familiales traditionnelles et le problème demeure controversé sans offrir de solution simple.

Les adultes en âge de travailler

14La phase de diffusion lente semble maintenant appartenir à l’histoire. Aujourd’hui, un visiteur à Tokyo verra des hommes et des femmes d’affaires occupés à écrire leurs emails et à consulter des sites Internet sur leurs téléphones au restaurant, à l’hôtel, à l’aéroport, dans les trains, sur les quais de gare et autres espaces publics. Ces communications omniprésentes dissimulent pourtant une distribution inégale de l’accès et de l’usage. Dans l’ensemble et d’un point de vue comparatif, l’accès mobile à Internet est moins déterminé par la démographie, le statut socio-économique et l’intérêt pour la technologie (Akiyoshi et Ono, 2008), par contre, celui à partir d’un ordinateur est fortement influencé par ces facteurs.

15Si le modèle de Rogers de la diffusion de l’innovation suggère qu’avec le temps les moins dotés en ressources rattraperont finalement le retard, ce n’est pas le cas concernant l’accès à Internet à partir d’un ordinateur. Les téléphones avec Internet sont devenus disponibles après les ordinateurs à la fin des années 1990 mais leur diffusion parmi la population a été beaucoup plus rapide. La diffusion de l’accès à Internet depuis un ordinateur domestique n’est PAS fonction du temps. En 2007, plus de 50 % des foyers japonais disposaient d’un accès haut débit à Internet, mais comme le suggère la littérature sur la fracture numérique, avoir accès à Internet est une chose, l’utiliser en est une autre (Akiyoshi et Ono, 2008).

16Comme on pouvait s’y attendre, le niveau d’éducation et les revenus du foyer ont une incidence positive sur l’utilisation ou non par un individu d’Internet à partir d’un ordinateur domestique. Ce qui est frappant dans le cas du Japon est l’influence du genre. Dans les autres sociétés industrialisées, les hommes étaient sur-représentés parmi les premiers utilisateurs d’Internet, mais l’écart a disparu autour de 2000. Dans les autres sociétés industrialisées, le niveau d’éducation et le taux d’activité sont corrélés positivement. Le Japon est une exception (Hirao, 2001). Indépendamment de leur niveau de formation, les femmes tendent à sortir du marché du travail après la naissance d’un enfant. Lorsqu’elles entrent de nouveau dans ce marché, elles reviennent de manière typique à la périphérie. Si un emploi, en particulier de col blanc, favorise l’utilisation d’un ordinateur, l’écart de genre persistant dans l’usage des TIC n’est pas une anomalie en soi, mais plutôt la manifestation nouvelle de structures sociales spécifiques qui perpétuent une division du marché du travail en fonction du genre.

17Une proportion substantielle de personnes accède à Internet exclusivement à partir d’un téléphone mobile : les personnes les moins éduquées, les moins influentes, ainsi que les femmes étant sur-représentées dans ce groupe. Ordinateurs domestiques et téléphones mobiles apparaissent correspondre à des usages différents. Ne pas utiliser d’ordinateur implique ainsi de ne pas être engagé dans certaines activités réalisées principalement sur Internet à partir d’un ordinateur domestique. Ceux qui envoient de nombreux emails via leur téléphone ont des réseaux plus larges et plus diversifiés (Miyata et al., 2005). Comparés à ceux qui accèdent à Internet uniquement via leur téléphone, ceux qui utilisent Internet à la fois sur leur téléphone mobile et sur leur ordinateur domestique possèdent des réseaux plus larges. Par ailleurs, les ordinateurs sont utilisés pour des activités à la fois de production et de divertissement, tandis que les téléphones mobiles servent en premier lieu de supports à des activités de loisir et sont rarement utilisés pour des activités productives. Pourtant, ceux qui n’accèdent pas à Internet depuis un ordinateur domestique ne semblent pas voir cela comme un problème. Les non-utilisateurs d’ordinateur domestique optent souvent pour le téléphone mobile parce que celui-ci remplit davantage leurs besoins de communication. Si un individu a surtout besoin d’accéder aux emails et aux sites Internet, le téléphone mobile est suffisant.

18Les technologies mobiles sophistiquées donnent lieu à des usages réellement innovateurs au Japon. Par exemple, un service appelé « réseaux otetsudai » (que l’on pourrait traduire par « réseaux de soutien ») met à profit la fonctionnalité des systèmes de localisation globale (GPS) installés dans tous les téléphones mobiles pour fournir une banque d’emploi instantanée. Un employeur potentiel, par exemple le propriétaire d’un café, qui vient d’apprendre qu’une serveuse ne sera pas disponible aujourd’hui, poste une annonce d’emploi sur la carte offerte par le service. Les employés potentiels situés dans les environs et ayant du temps disponible informent de leur intention de travailler et postulent en ligne. La micro-coordination des emplois et des personnes est rendue possible par l’information de localisation.

19Plutôt que de se concentrer sur diverses activités de revendication qui prospèrent dans le cyberespace et sont conventionnellement associées à la notion de société civile, nous avons essayé de présenter certains faits élémentaires sur l’usage des TIC au Japon à partir des différences entre générations et couches sociales. Ce qui apparaît comme de nouvelles questions sur l’émergence des TIC ne sont qu’un nouvel aspect de certains problèmes classiques : comment les parents devraient-ils surveiller leurs enfants et comment le statut socio-économique et les variables démographiques sont-ils reliés entre eux dans la production de la situation du marché du travail ? Les enfants pourraient ne pas tirer le meilleur profit des TIC parce que les adultes ne savent pas ce qui est le meilleur pour eux et sont indécis sur la façon de contrôler ce flot d’informations. Certaines personnes sont exclues des divers bénéfices offerts par l’usage des TIC en raison de contraintes structurelles sociales fortement enracinées.

20Ainsi, Internet n’est pas seulement un support transparent pour l’expression d’une société civile pré-existante. Si la société civile renvoie à un domaine plus ou moins indépendant des institutions de l’État et du marché, et dans lequel sont représentés différents intérêts et valeurs, alors Internet en constitue un aspect crucial plutôt qu’un élément extérieur favorisant simplement les processus de revendication. Surveiller les comportements en ligne des enfants et promouvoir l’égalité dans l’usage des TIC sont des exemples des défis qui mettent en jeu les valeurs fondamentales de la société civile. Le Japon partage ces défis avec d’autres sociétés et, dans ce sens, il n’est qu’un pays moyen en dépit de ses particularités culturelles et technologiques.

Note

  • [1]
    C’est un grand honneur de contribuer à la revue Hermès. Je remercie Olivier Arifon et le comité éditorial pour cette invitation. L’auteur témoigne également sa gratitude à Andrew Abbott, Jeff Boase et Gerard Lombardi pour leurs précieux conseils. Cette recherche a été financée par la Japan Society for the Promotion of Science et la Foundation for Multimedia Communications.
Français

Cet article rend compte des modes d’utilisation et d’accès aux TIC au Japon, sous l’angle des controverses et des défis qui se présentent aux différentes générations. Pour les parents, il s’agit d’assurer un environnement informatique sans risque tout en aidant leurs enfants à découvrir des informations en ligne et à en tirer le meilleur parti. Quant aux adultes en général, les inégalités existantes déterminent la nature et les modes d’utilisation des TIC. En conclusion, l’article suggère qu’Internet présente non pas un moyen d’expression transparent à une société civile pré-existante, mais soulève au contraire des problématiques classiques dans la société civile japonaise, ayant trait par exemple à l’égalité, à l’intégration et à la participation aux délibérations civiques.

Mots-clés

  • Japon
  • téléphone mobile
  • Internet
  • éducation
  • inégalité

Références bibliographiques

  • En ligneAkiyoshi, M., Ono, H., « The diffusion of mobile Internet in Japan », The Information Society, vol. 24, n° 5, 2008, p. 292-303.
  • Asplund, R., « The disappearing wage premium of computer skills », 2002. En ligne sur <http://econpapers.repec.org/paper/rifdpaper/619.htm>.
  • Dersot, L., « Letter from Japan, where Net adoption lags », Computerworld, vol. 32, n° 39, 28 septembre 1998, p. 33.
  • En ligneDiMaggio, P., Bonikowski, B., « Make money surfing the Web ? The impact of Internet use on the earnings of US workers », American Sociological Review, vol. 73, n° 2, 2008, p. 227-250.
  • En ligneHirao, K., « The effect of higher education on the rate of labour force exit for married Japanese women », International Journal of Comparative Sociology, n° 41, 2001, p 423-433.
  • En ligneLawless, W., Whitton, J., Poppeliers, C., Akiyoshi, M., « Stakeholder participation in the environmental cleanup of radioactive wastes in the United Kingdom, Japan and United States », Waste Management Conference, 1-5 mars 2009, Arizona.
  • Miyata, K., Boase, J., Wellman, B., Ikeda, K., « The Mobile-izing Japanese : connecting to the Internet by PC and Web phone in Yamanashi », Portable, Personal, Pedestrian : Mobile Phones in Japanese Life, MIT Press, Cambridge, Massachusetts, 2005, p. 143-69.
  • National Police Agency, White Paper on Crime, National Police Agency, 2008.
  • En ligneNorris, P., Digital Divide : Civic Engagement, Information Poverty and the Internet Worldwide, Cambridge University Press, 2001.
  • Richtel, M., Stone, B., « Industry makes pitch that smartphones belong in classroom », The New York Times, 16 février 2009.
Mito Akiyoshi
Mito Akiyoshi est professeur associé au département de Sociologie de l’Université Senshu, Japon. Elle travaille sur les usages des TIC, notamment sur les questions d’inégalité et sur les réseaux sociaux. Parmi ses récents articles, citons (en collaboration avec H. Ono) « The Diffusion of Mobile Internet in Japan », The Information Society, vol. 24, n? 5, p. 292-303.
Traduit de l’anglais par 
Aurore Merle
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/31498
Pour citer cet article
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