CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La gouvernance électronique, ou e-gouvernance, cherche à tirer avantage des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour transformer les processus internes des organisations publiques, et rendre leur offre de services publics plus efficace et performante. Elle vise également à améliorer les modes opératoires des relations qu’entretient le gouvernement avec les usagers (les citoyens et les entreprises en particulier), pour permettre davantage d’implication et de participation dans les politiques et les processus démocratiques. L’e-gouvernance, en tant qu’utilisation stratégique des TIC par les gouvernements, comprend donc des modes opératoires au sein de l’administration, des prestations de service public et des processus démocratiques [2]. L’e-gouvernance en tant que paradigme transformationnel fondé sur les TIC pour l’administration et la gestion publiques est bien établie et largement acceptée. Les initiatives transformationnelles sont en général mises en place dans le cadre d’un Programme général de réforme administrative du gouvernement. Ces programmes de réforme cherchent avant tout à former des gouvernements qui coûtent moins, offrent des services personnalisés de grande qualité, soient dotés d’une fonction publique professionnelle, puissent tirer profit des TIC de façon stratégique, aient une meilleur capacité de régulation et soient intègres et transparents dans leur mode de gouvernance [6][7][8].

2Les initiatives d’e-gouvernance soutiennent les programmes de réformes fondamentales du gouvernement, et s’alignent de plus en plus sur les objectifs socio-économiques et de développement pour permettre la création d’une réelle valeur publique. Les études internationales mesurant les progrès de l’e-gouvernance à différents niveaux de gouvernement, nationaux et municipaux, sont certes utiles, mais les différents contextes socio-économiques et politiques des pays imposent de choisir une perspective locale pour analyser les conditions et les impacts des initiatives d’e-gouvernance.

3Ces dix dernières années, l’Asie a, en général, bénéficié d’une forte croissance économique, d’une gestion fiscale efficace, d’une augmentation des investissements directs étrangers, d’une hausse du taux d’alphabétisation et d’une amélioration de l’offre de services sociaux aux citoyens [14]. La région (incluant la zone pacifique) a également connu un développement significatif de ses infrastructures de TIC, avec notamment une augmentation du nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles (de moins de 5 abonnements pour 100 habitants en 1997 à 36,6 pour 100 habitants en 2007) [3] et des réseaux à haut débit [14]. De nombreux défis persistent néanmoins dans la région, liés aux inégalités de revenus entre citoyens, et à l’état des infrastructures et de l’environnement. En fait, malgré l’impressionnant développement des infrastructures de TIC au cours de la dernière décennie, le taux de pénétration du haut débit dans la région reste faible comparé à celui d’autres régions telles que l’Europe ou le continent américain [9]. Ces réussites et défis définissent le contexte de l’e-gouvernance en Asie.

4Cet article a un triple objectif. À partir des rapports de référence sur la Préparation à l’e-gouvernance des Nations Unies (dont on peut considérer qu’il s’agit de la source la mieux informée sur le sujet) de 2004, 2005 et 2008 [11], nous évaluerons tout d’abord l’état de l’e-gouvernance dans la région en étudiant la performance relative de la région asiatique. Deuxièmement, nous chercherons à déterminer les modèles de la fracture de l’e-gouvernance entre les sous-régions et entre les pays de la région. Troisièmement, nous analyserons l’impact potentiel du développement de l’e-gouvernance dans la région sur la qualité de la gouvernance, en fonction de deux indicateurs de gouvernance fournis par la Banque mondiale [15] : la participation et la responsabilisation d’une part, l’efficacité du gouvernement d’autre part, pour les années 2004, 2005 et 2008.

La gouvernance électronique : quelques concepts

5De nombreuses définitions du gouvernement électronique ont été formulées par des chercheurs et de grandes organisations internationales. L’une des plus simples et certainement des plus complètes est offerte par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle définit l’e-gouvernement comme l’utilisation des TIC pour obtenir un meilleur gouvernement [9]. Une définition similaire de la gouvernance électronique serait donc l’utilisation des TIC pour obtenir une meilleure gouvernance. Le « meilleur gouvernement » de la définition de l’OCDE implique une plus grande efficacité et de meilleures performances de la part du gouvernement, ainsi que sa capacité à offrir des services publics de qualité ; une meilleure gouvernance inclurait également la possibilité pour les intervenants de s’engager davantage dans les politiques et les processus démocratiques. Par souci de simplicité, nous considérerons ici ces deux concepts comme synonymes.

6Des modèles de maturité pour l’e-gouvernance, variés mais très similaires, ont été proposés par les organisations internationales telles que le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (UNDESA) [11] et l’OCDE [9], ainsi que par de grandes entreprises de consultants comme Accenture. Ces modèles définissent quatre étapes majeures dans la maturité des e-gouvernements : information, interaction, transaction, transformation [1].

7Les stratégies d’e-gouvernement guident la transition des pays au cours des différentes étapes de maturité. Ces stratégies se concentrent sur trois zones principales de développement [12] : infrastructure, intégration et transformation. Les stratégies orientées vers l’infrastructure s’intéressent à la création d’infrastructures de l’information à la fois au sein du gouvernement et dans la société – dont les connections Internet abordables pour les citoyens font partie. Les stratégies orientées vers l’intégration s’intéressent à la façon dont le développement des infrastructures peut être utilisé pour le partage des informations, et à la façon dont les services publics peuvent être mieux délivrés par des systèmes de package et d’intégration, à partir de modèles de gouvernance centrés sur les citoyens et les entreprises. Les stratégies de transformation précisent la façon dont les services peuvent innover, grâce à des modèles de gouvernance en réseaux et des pratiques de gestion des connaissances. Ces questions ont fait l’objet de rapports détaillés de l’OCDE [9] et de l’Unesco [14].

Bilan de l’e-gouvernance en Asie

8Notre analyse de l’e-gouvernance en Asie et de la nature de la fracture de l’e-gouvernance entre les sous-régions et les pays de la région s’appuie sur les données fournies par l’UNDESA dans sa Base globale de connaissances sur la préparation à l’e-gouvernement [11]. Nous avons utilisé les données de trois années consécutives : 2004, 2005 et 2007/2008 [13].

9L’enquête sur l’e-gouvernement de l’UNDESA évalue le capital humain, le degré de développement des infrastructures, et l’accès des citoyens à l’information et aux services dans chaque pays membre des Nations Unies. Elle permet d’établir un niveau comparatif de développement de l’e-gouvernement. L’index d’e-préparation d’un pays est un index composite, incluant l’index de capital humain, l’index de mesure du Web, et l’index des infrastructures de télécommunications [12].

10L’enquête de l’UNDESA fournit également un index d’e-participation qui mesure la capacité d’un État à fournir un gouvernement transparent grâce à la participation des citoyens à l’élaboration des politiques publiques [12]. Cet index est composé de trois indices : (1) l’index d’e-information, qui évalue le contenu de l’information des sites Internet du gouvernement sur les fonctionnaires élus, les programmes, les politiques, etc. ; (2) l’e-consultation, qui mesure la disponibilité des outils de discussion sur les sites du gouvernement et la présence de sites Internet permettant aux fonctionnaires élus de communiquer avec leurs électeurs ; (3) la prise d’e-décisions, qui mesure le degré de prise en compte, dans les processus de décision des gouvernements, des éléments apportés en ligne par les citoyens.

11La moyenne globale et les moyennes régionales sont calculées à la fois pour les indices d’e-préparation et d’e-participation, à partir des indices des pays de la région. Ces indices vont de 0 au minimum à 1 au maximum.

La compétitivité de la région asiatique

12Les indices d’e-préparation pour l’Asie en 2004, 2005 et 2007 sont de 0,3905, 0,4179 et 0,4467 respectivement. Pour la même période, les indices d’e-participation pour la région sont de 0,1141, 0,1388 et 0,2084. En termes d’e-préparation, l’Asie est proche des moyennes globales dans les trois enquêtes consécutives – derrière l’Europe et le continent américain mais devant l’Océanie (marginalement en 2007) et l’Afrique. En termes d’e-participation, l’Asie se trouve également derrière l’Europe et le continent américain (marginalement) mais devant l’Afrique et l’Océanie. Nous remarquerons que pour l’e-participation, les valeurs sont assez basses pour toutes les régions – le maximum restant inférieur à 0,30 pour l’Europe. L’Asie a néanmoins amélioré son profil d’e-participation de façon significative en 2007.

Perspective subrégionale

13Une étude plus précise des performances au niveau des sous-régions révèle la forte supériorité de l’Asie orientale (Chine, République Populaire Démocratique de Corée, Japon, Mongolie et République de Corée) sur les trois autres sous-régions, Asie du Centre-Sud, Asie du Sud-Est et Asie occidentale, avec un index moyen d’e-préparation (selon l’enquête de 2007) de 0,650 et un index d’e-participation de 0,4682. La sous-région la moins avancée, l’Asie du Centre-Sud, avec un index moyen d’e-préparation de 0,3569 et un index d’e-participation de 0,1120 en 2007, comprend : Afghanistan, Bangladesh, Bhutan, Inde, Iran, Kazakhstan, Kirghizstan, Maldives, Népal, Pakistan, Sri Lanka, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan. L’Asie occidentale suit l’Asie orientale en terme d’e-préparation mais est plus proche de l’Asie du Sud-Est en terme d’e-participation. Les performances de l’Asie orientale, de l’Asie occidentale et de l’Asie du Centre-Sud entre 2004 et 2007 en termes à la fois d’e-préparation et d’e-participation n’ont cessé de s’améliorer. Cependant, pour ces deux mesures, l’Asie du Sud-Est a fléchi en 2007 et s’est rapprochée de la moyenne régionale asiatique.

Évolution de la fracture entre les sous-régions et les pays

14Il apparaît pour le moins significatif de mesurer la fracture de l’e-préparation et l’e-participation entre les sous-régions, en prenant la sous-région d’Asie orientale comme référence pour les trois années considérées. Les écarts mesurent les fractures ou inégalités. Ils sont ici calculés en faisant le ratio de l’index de la sous-région désavantagée et de l’index de la sous-région de référence (ou de la meilleure) pour chaque année considérée. Les résultats démontrent une fracture croissante en termes d’e-préparation entre l’Asie oriental et les trois autres sous-régions. À l’exception de l’Asie du Sud-Est, les autres sous-régions comblent le fossé avec l’Asie orientale en termes d’e-participation.

15Une vision plus précise des écarts existant à l’intérieur de la région asiatique peut être obtenue en analysant la fracture entre les 47 pays de la région. À partir des indicateurs d’e-préparation et de l’index d’e-participation pour les trois années considérées, les profils des pays sont déterminés et analysés grâce à une technique de regroupement, par exemple celle des cartes auto-organisatrices [10], afin de créer des groupes de pays. Ces groupes sont composés de pays ayant des profils d’e-gouvernance similaires, et ils apportent un classement des pays en fonction du développement de leur e-gouvernance.

16Si l’on s’intéresse aux valeurs moyennes des indicateurs (capital humain, infrastructure, activité Web et e-participation respectivement en 2004, 2005 et 2007) tels qu’on les retrouve dans chacun des quatre groupes considérés, c’est le Groupe 1 qui prend le pas sur tous les autres groupes (Groupes 2, 3, et 4) et sur tous les axes étudiés. Par ailleurs, les modèles concentriques révèlent un ordre explicite des groupes : le Groupe 2 étant supérieur au Groupe 3, lui-même supérieur au Groupe 4. La composition des groupes est la suivante : le Groupe 1 comprend la République de Corée. Le Groupe 2 réunit le Japon et Singapour, alors qu’Israël, la Malaysia, les Philippines et les Émirats Arabes Unis se trouvent dans le Groupe 3. Les 40 pays restants sont rassemblés dans le Groupe 4. Il existe donc bien une fracture de l’e-gouvernance, même si d’éventuelles progressions rapides de certains pays de la région ne sont pas à exclure.

17Les différences de valeurs entre les Groupes sur chaque axe indiquent un certain degré de fracture. Une mesure plus formelle de la fracture entre les pays peut être obtenue en calculant des statistiques d’inégalité (comme le coefficient GINI) pour l’e-préparation et l’e-participation. Le coefficient GINI calculé pour l’indicateur d’e-préparation était de 0,27 en 2004, 0,26 en 2005 et 0,24 en 2007. Le coefficient GINI calculé pour l’indicateur d’e-participation était de 0,69 en 2004, 0,69 en 2005 et 0,56 en 2007. Si l’on considère l’évolution des inégalités entre les pays et donc de la fracture entre 2004 et 2007, l’on s’aperçoit que s’il existe bien une certaine fracture dans l’e-préparation entre les pays, celle-ci tend à se réduire avec le temps de façon continue, alors que la large fracture dans l’e-participation ne commence à se résorber qu’en 2007/2008.

18Ainsi, nos analyses de l’e-gouvernance en Asie mettent en valeur les éléments suivants :

  1. L’Asie s’est systématiquement classée derrière l’Europe et le continent américain mais devant l’Océanie et l’Afrique en termes d’e-préparation et e-participation de 2004 jusqu’à nos jours. Pour l’e-préparation, les infrastructures et la présence en ligne sont les points faibles de la région, alors que la disponibilité du capital humain est l’un de ses points forts.
  2. Bien que l’index global d’e-participation soit faible (environ 0,15 en 2007), la région asiatique a fait des progrès significatifs entre 2005 (index de 0,1388) et 2007 (index de 0,2084).
  3. L’Asie oriental est très nettement supérieure aux autres sous-régions en termes d’e-préparation et d’e-participation, alors que l’Asie du Centre-Sud est systématiquement en retard sur le reste de la région.
  4. Il existe une fracture croissante entre les sous-régions en termes d’e-préparation. Plus précisément, le fossé entre l’Asie orientale et les autres sous-régions s’est élargi entre 2005 et 2007. Cependant, la fracture en termes d’e-participation se réduit entre l’Asie orientale et les autres sous-régions, à l’exception de l’Asie du Sud-Est.
  5. Les 47 pays considérés dans la région peuvent être répartis en 4 groupes en fonction de leur profil d’e-préparation et d’e-participation de 2004 à 2007. Les trois premiers groupes se composent des 7 pays moteurs en Asie en termes d’e-gouvernance : la République de Corée (Groupe 1) ; le Japon et Singapour (Groupe 2) ; Israël, la Malaysia, les Philippines et les Émirats Arabes Unis (Groupe 3). Le dernier groupe (Groupe 4) comprend les 40 pays restants. Ces groupes révèlent également les lignes de fractures de l’e-gouvernance entre les pays d’Asie.
  6. Il existe une fracture significative entre les nations asiatiques en termes d’e-préparation à un e-gouvernement, mais cette fracture est encore plus large pour l’e-participation. Cependant, ces deux fractures se réduisent avec le temps, surtout en 2007/2008.

Impact de l’e-gouvernance sur la gouvernance en Asie

19Les indicateurs de gouvernance comprennent [4] : (1) les processus de sélection, contrôle et remplacement des gouvernements ; (2) la capacité des gouvernements à formuler et appliquer de bonnes politiques ; (3) le respect des citoyens et de l’État pour les institutions qui gouvernent leurs interactions économiques et sociales. Sur les six groupes d’indicateurs de gouvernance disponibles, deux ont été sélectionnés pour l’analyse : (1) participation et responsabilisation ; (2) efficacité du gouvernement. Les indicateurs de participation et responsabilisation mesurent différents aspects du processus politique, les libertés civiles et les droits politiques, ainsi que le degré de participation alloué aux citoyens d’un pays dans la sélection du gouvernement. Les indicateurs d’efficacité du gouvernement mesurent la qualité de l’offre de services publics, la qualité de la bureaucratie, la compétence des fonctionnaires et la crédibilité de l’engagement du gouvernement dans les politiques. Des informations détaillées sur ces deux groupes d’indicateurs sont disponibles dans le travail de Daniel Kaufmann, Aart Kraay et Massimo Mastuzzi, Governance Matters III : Governance Indicators for 1996 to 2002 (2003) [5].

20Un point de départ de l’analyse de la relation de cause à effet (ou impact) entre l’e-gouvernance et la gouvernance est l’évaluation de la corrélation entre l’index d’e-préparation et l’indicateur consolidé d’efficacité du gouvernement, d’une part, et l’index d’e-participation et l’indicateur consolidé de participation et responsabilisation, d’autre part. Les données de trois années ont été considérées dans cette analyse : 2004, 2005 et 2007. Le calcul des coefficients de corrélation pour les paires d’indicateurs « e-préparation et efficacité du gouvernement » et « e-participation et participation et responsabilisation » nous permettent d’observer qu’il existe une forte corrélation positive entre les indicateurs d’e-préparation et les indicateurs d’efficacité du gouvernement pour les pays de la région. Le degré de cette relation s’accroît avec le temps (entre 2004 et 2007). Il semble par ailleurs n’y avoir aucune relation entre l’index d’e-participation et les indicateurs de participation et responsabilisation dans les pays de la région asiatique. En revanche, en 2008, une petite corrélation positive (0,1) semble apparaître entre les deux variables.

21Alors qu’une simple analyse de corrélation n’établit pas un lien de causalité entre les variables, elle fournit une bonne base pour de plus amples études de leurs relations. Les détails des indicateurs de gouvernance fournis dans l’étude de Daniel Kaufmann, Aart Kraay et Massimo Mastuzzi [4] montrent que le groupe d’indicateurs de l’efficacité du gouvernement comprend des informations liées à des éléments variés : utilisation des télécommunications pour le commerce, qualité de l’administration publique, gestion des programmes de développement, compétences administratives et techniques, efficacité de la bureaucratie nationale, formulation et application des politiques nationales, coordination entre les gouvernements centraux et locaux, efficacité des institutions, dépenses gouvernementales inutiles, etc.

22Puisque les indicateurs de gouvernance sont formés à partir d’enquêtes fondées sur les perceptions, des développements évidents de l’e-gouvernance sont susceptibles de produire des réponses positives aux questions formulées ci-dessus. De même, le degré relativement faible d’e-participation en Asie pourrait être responsable de la relation neutre entre l’e-participation et l’indicateur de participation et responsabilisation.

Combler le fossé intra-régional

23D’après les résultats présentés précédemment, les principaux défis auxquels est confrontée la région sont :

  1. Construire les infrastructures nécessaires à l’e-gouvernance, en tenant compte de l’innovation possible dans l’utilisation des infrastructures existantes de télécommunications et de réseaux, des opportunités offertes par les réseaux de nouvelle génération tels que le haut débit mobile, et des fortes contraintes de ressources présentes dans de nombreux pays de la région.
  2. Permettre aux régions en retard d’accélérer leur développement, combler le fossé existant et améliorer la compétitivité régionale qui repose actuellement sur quelques pays de la région.
  3. Mettre en place davantage de processus de participation et de meilleures structures démocratiques fondés sur les TIC à travers l’Asie, si possible dans les environnements et cultures traditionnellement non démocratiques.
  4. Soutenir les pays en retard (les membres du groupe 4) dans le développement de leurs programmes d’e-gouvernance, et en particulier assurer l’alignement des programmes d’e-gouvernance sur les problèmes socioéconomiques urgents (par exemple la gestion des catastrophes) et sur les questions de développement politique, en particulier pour une sous-région comme l’Asie du Centre-Sud.
  5. Garantir que les initiatives d’e-gouvernance apportent les résultats et l’impact attendus sur la gouvernance, en liant par exemple de façon transparente l’investissement dans l’e-gouvernement et les résultats tels que l’efficacité du gouvernement, l’État de droit, la qualité de la régulation, le contrôle de la corruption et la responsabilisation.

Stratégies et politiques

24Les stratégies d’e-gouvernance sont en général des composantes d’une stratégie globale pour les TIC ou l’établissement d’une société de la connaissance. Nous nous appuyons sur la base de données constituée par nos soins [2] pour extraire et réunir des stratégies d’e-gouvernance, des stratégies d’infrastructures IT et des stratégies contre la fracture digitale, communes aux quatre économies. Ces stratégies incluent :

  • le renforcement du lien entre l’informatisation et la réforme de l’administration publique ;
  • une meilleure intégration des structures du gouvernement ;
  • la promotion d’une plus grande participation électronique dans le processus politique par différents canaux (par exemple le Web 2.0) ;
  • le développement d’infrastructures de gouvernement mobiles ;
  • l’utilisation courante de la consultation et des réactions publiques, en particulier en ce qui concerne les politiques ;
  • la construction d’un partenariat stratégique avec le secteur public et la société civile ;
  • l’offre de services électroniques pour le secteur privé ;
  • le développement de l’utilisation des services publics électroniques par les citoyens ;
  • le développement d’une politique de l’information sans barrière ;
  • l’élaboration d’un programme d’inclusion digitale couvrant les PME ;
  • des services publics de nouvelle génération, très personnalisés, généralisés et si possible omniprésents ;
  • l’investissement dans des réseaux à haut débit de nouvelle génération ;
  • l’offre de mesures de sécurité pour Internet [12].
Pour simplifier la mise en œuvre de ces stratégies, les organisations régionales de développement (comme la Commission économique des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique) peuvent élaborer un cadre d’e-gouvernement adapté à l’ensemble de la région.

Renforcer les actions et communautés régionales

25Au-delà de l’approche régionale top-down, la mise en œuvre à l’échelle d’un pays peut réellement profiter d’un partage des connaissances et d’actions collaboratives permises par les communautés d’intérêts. Les communautés spécialisées sont de plus en plus populaires, car elles sont efficaces pour traiter des problèmes généraux ou communs. En effet, les stratégies, défis et opportunités du développement de l’e-gouvernance sont similaires dans leurs grandes lignes.

26Pour étudier l’évolution des communautés d’e-gouvernance dans la région asiatique, nous avons effectué une classification automatique (en utilisant les cartes auto-organisatrices [8]) des profils d’e-préparation et d’e-participation des 47 pays d’Asie en 2004, 2005 et 2007. L’expérience révèle un nombre d’agrégats de pays plausibles, fondés sur les similarités. L’un de ces résultats d’agrégats organiserait les 47 pays en 9 communautés : communauté 1 (Koweit, Pakistan, Qatar) ; communauté 2 (Bahrein, Chypre, Israël, Japon, Malaysia, Philippines, République de Corée, Singapour, Thaïlande, Turquie, Émirats Arabes Unis) ; communauté 3 (Chine, Jordanie, Liban) ; communauté 4 (Brunei Darussalam, Mongolie, Arabie Saoudite) ; communauté 5 (Kazakhstan, Maldives, Vietnam) ; communauté 6 (Inde, Kirghizstan, Sri Lanka) ; communauté 7 (Afghanistan, Arménie, Bangladesh, Cambodge, République populaire démocratique de Corée, Indonésie, Irak, République populaire démocratique du Laos, Myanmar, Oman, République arabe syrienne, Tadjikistan, Timor oriental, Turkménistan, Yémen) ; communauté 8 (Azerbaïdjan, Géorgie) ; communauté 9 (Bhoutan, Iran, Népal, Ouzbékistan).

27Un classement spatial des groupes sur la carte topographique permettrait en outre de renforcer la proximité des communautés créées. Cela permettrait d’identifier des problèmes communs, de partager des solutions et de développer celles-ci conjointement afin de réaliser des économies d’échelle.

Conclusion

28Les enjeux cruciaux que nous avons identifiés ici pourraient être traités à la fois au niveau régional et national. Par ailleurs, les stratégies développés par les pays « moteurs » de la région apparaissent comme fondamentales, au moins parce qu’ils montrent l’exemple en matière de bonnes pratiques. Enfin, le cadre des « communautés » nous semble le plus à même de soutenir les interventions régionales développés par les organisations internationales ou les entités régionales.

29Au vu du classement global actuel de la région, et de la présence de fractures internes, on pourrait conclure que l’Asie n’a pas encore atteint un degré suffisant de développement d’e-gouvernance. Mais la forte relation positive entre l’e-préparation et l’efficacité du gouvernement incite à de plus amples recherches sur la relation de causalité entre ces deux variables. De même, l’indépendance apparente entre l’e-participation et les efforts de responsabilisation mérite certainement l’attention des décideurs politiques de la région.

Notes et références

  • [1]
    Accenture, Leadership in Customer Service : Delivering on the Promise, Government Executive Series, 2007.
  • [2]
    Adegboyega Ojo, Mohamed Shareef et Tomasz Janowski, Macao IT Strategy for 2010-2020 : Process, Scenarios, Strategies and Governance, Macao IT Strategy Project, E-Macao Program, Center for Electronic Governance at UNU-IIST, Macao, 2008.
  • [3]
    Clay G. Wescott, E-Government in the Asia and the Pacific Region, consultable sur <http://www.adb.org/documents/papers/e_government/egovernment.pdf>.
  • [4]
    Daniel Kaufmann, Aart Kraay et Massimo Mastuzzi, Governance Matters III : Governance Indicators for 1996 to 2002, The World Bank, 2003.En ligne
  • [5]
    Elaine Kamarck, Government Innovation Around the World, Faculty Research Working Paper Series, John F. Kennedy School of Government, Harvard University, 2003.
  • [6]
    Hong Kong Office of Government CIO, 2008 Digital 21 Strategy – Continuing to Build on our Strength through Technology across the Community, Office of Government Chief Information Officer, Commerce and Economic Development Bureau, Government of the Hong Kong SAR, 2008.
  • [7]
    ITU-D, Information Society Statistical Profiles 2009 Asia and the Pacific, ITU, 2009.
  • [8]
    James SL Yong, E-Government in Asia – Enabling Public Service Innovation in the 21st Century, Times Edition, Singapore, 2003.
  • [9]
    OCDE, The E-Government Imperative, OCDE e-Government Studies, OCDE, 2003.
  • [10]
    Tuevo Kohonen, Self-Organizing Maps, Springer, 2001.En ligne
  • [11]
    UNDESA, UN E-Government Readiness Knowledge Base, consultable sur <http://www2.unpan.org/egovkb/>.
  • [12]
    UNDESA, UN E-Government Survey 2008 – From E-Government to Connected Governance, DPADM/DESA, New York, 2008.
  • [13]
    UNESCAP, Statistical Yearbook for the Asia and the Pacific, UNDESCAP, UN Publications, 2008.
  • [14]
    UNESCO, E-Government Toolkit for Developing Countries, UNESCO, 2005.
  • [15]
    Banque mondiale, Worldwide Government Indicators, consultable sur <http://info.worldbank.org/governance/wgi>.
Français

Le concept de « gouvernance électronique » visant à une administration publique moderne et à la bonne gouvernance, s’est développé grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Cette e-gouvernance est bien établie et acceptée par les gouvernements – quels que soient leur niveau de développement et leur région. Il existe actuellement de nombreux rapports internationaux de référence sur le paysage de l’e-gouvernance globale. Mais ces études fournissent rarement une image détaillée ou des analyses de pays et régions spécifiques, qui permettraient aux politiques et décideurs de mener des actions concrètes. Cet article tente d’apporter une vision plus précise du paysage de l’e-gouvernance dans la région asiatique. Il dresse tout d’abord le bilan de l’e-gouvernance en Asie – compétitivité régionale et performances intra-régionales. Il analyse ensuite la structure de la fracture de l’e-gouvernance dans la région, en distinguant le niveau subrégional, et le niveau national. Cet article s’intéresse dans un troisième temps à l’impact que peut avoir l’e-gouvernance sur la qualité de la gouvernance en termes de participation et responsabilisation des populations, et d’efficacité des administrations concernées.
Nos résultats montrent une fracture significative entre les sous-régions, notamment pour l’e-participation. Ils révèlent également une forte corrélation positive entre les indices d’e-préparation et les indicateurs d’efficacité du gouvernement des pays de la région. Aucune relation ne peut cependant être établie entre les indices d’e-participation et les indicateurs de participation et responsabilisation pour ces pays. Pour réduire la fracture et développer la capacité régionale d’e-gouvernance, nous proposons donc des stratégies concrètes, en partie inspirées des stratégies des pays moteurs de la région. Enfin, pour favoriser le partage des connaissances au sein de la région et les actions collectives des pays asiatiques dans le domaine de l’e-gouvernance, nous suggérons la promotion de « communautés d’intérêts » constituées de pays ayant un niveau de développement similaire, les mêmes défis et priorités. Ceci permettrait de renforcer les habituelles actions top-down régionales et subrégionales.

Mots-clés

  • gouvernance électronique
  • bonne gouvernance
  • fracture de l’e-gouvernance
  • communautés d’intérêts
Adegboyega Ojo
Adegboyega Ojo, titulaire d’un doctorat en informatique de l’Université de Lagos (Nigeria), est chercheur au Centre sur la gouvernance électronique de l’Université des Nations Unies (Macao). Ses sujets de recherche concernent le développement stratégique, la mise en conformité et l’harmonisation des structures et des architectures électroniques en matière d’e-gouvernement.
Courriel : <ao@iist.unu.edu>.
Mohamed Shareef
Mohamed Shareef, titulaire d’un Master d’ingénierie de l’Université de Birmingham, est chercheur au Centre sur la gouvernance électronique de l’Université des Nations Unies, IIST (Macao). Il est actuellement en congé de son poste de Directeur général adjoint du Centre national des technologies de l’information des Maldives. Mohamed Shareef a été très impliqué dans le développement de l’e-gouvernement aux Maldives depuis 2003. Ses recherches portent sur l’e-gouvernement et particulièrement sur la planification stratégique et le degré de préparation à l’e-gouvernement.
Courriel : <mohamed@iist.unu.edu>.
Tomasz Janowski
Tomasz Janowski est le directeur-fondateur du Programme sur la gouvernance électronique de l’Université des Nations Unies, IIST (Macao). Il s’intéresse tout particulièrement aux TIC dans le développement de la gouvernance électronique et a été le maître d’œuvre de plusieurs grandes enquêtes sur la gouvernance électronique dans les pays en développement. Ses écrits sont autant destinés au monde de l’entreprise qu’aux pouvoirs publics.
Courriel : <tj@iist.unu.edu>.
Traduit de l’anglais par 
Séverine Bardon
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/31516
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour CNRS Éditions © CNRS Éditions. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...