CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La BD est un art reconnu mais reste un média méconnu. Pour la communauté scientifique en tout cas. En effet, si de nombreux sémiologues, à la suite d’Umberto Eco, se sont intéressés et s’intéressent encore au rôle de la BD dans la construction des mythes (Alary et Corrado, 2006) ou aux spécificités du langage BD (Fresnault-Deruelle, 1977), peu la considèrent comme un média à part entière. De même, les chercheurs en communication qui ont abordé ce domaine l’on fait, en règle générale, à la marge. A. Mattelart et A. Dorfman, dans Donald l’imposteur, traitent de BD chiliennes traduites de l’américain mais en méconnaissant totalement l’histoire, les auteurs et les spécificités de ce média ; D. Bougnoux, dans La Communication par la bande, utilise des planches uniquement pour illustrer ses thèses sur l’origine des sciences de la communication, etc.

2Pourtant, la BD mérite mieux que d’être utilisée comme illustration de thèse ou domaine d’application d’une théorie sociologique. La BD est un média à part entière, utilisé comme tel par les acteurs. Le but de cette seconde partie n’est pas de rassembler des nouvelles théories sur ce média, mais de donner à voir la diversité actuelle des formes et des usages de la BD. Diversité qui est, certes, liée aux derniers bouleversements technologiques qui ont fait évoluer la production (conception assistée par ordinateur), la diffusion (BD en ligne) et la réception (consultation à l’écran) de ce média. Mais, fidèle à la tradition de la revue Hermès, cette seconde partie s’efforce de ne pas tomber dans un déterminisme technologique simpliste en restituant ces nouveautés technologiques dans un mouvement social beaucoup plus large, profond et ancien d’éclatement des formes traditionnelles de la BD. Comme un numéro entier ne suffirait pas à exposer toute la diversité des usages médiatiques due à cet éclatement, nous avons choisi cinq domaines, cinq terrains empiriques riches de promesses scientifiques :

  • BD et journalisme. Ce que l’on nomme la « BD de reportage » rend immédiatement visible la dimension médiatique de la BD. L’article d’Aurélien le Foulgoc sur le BD-reporter Davodeau et le témoignage de Christophe Dabitch explorent ce nouveau moyen de transmission de l’information qui remet en question, au moins autant qu’Internet, la place, le rôle et les méthodes du journalisme
  • BD et cinéma. Les héros de BD (Superman, Batman, Largo Winch, Corto Maltese, etc.) envahissent les écrans de cinéma, tandis que les films comme Valse avec Bachir ou Star Wars donnent naissance à des BD. Quelles sont les transformations qui se produisent lorsqu’une histoire est transposée d’un média à l’autre ? À cette question, Pauline Escande Gauquié et Bruno Julia apportent des éléments précis. La première en étudiant Persepolis (BD devenue film), le second en s’intéressant à Pinocchio (dessin animé devenu BD).
  • BD et jeux vidéo. Le glissement d’un média à un autre est aussi l’un des thèmes abordés par Jean-Paul Lafrance et Yves Chevaldonné dans un article dressant un parallèle entre BD et jeux vidéo. Article mis en perspective par un encadré percutant de Pierre Fastrez et Baptiste Campion. Le tout offre un dialogue transatlantique (Québec-Belgique) rappelant la dimension francophone de la BD.
  • BD et Internet. Comme tout média, la BD se voit touchée par Internet qui offre de nouvelles possibilités et crée de nouvelles contraintes. S’agit-il, pour autant, d’une révolution venant redéfinir le média lui-même ? Comme pour la télé ou la radio, il semble que non. C’est, en tout cas, l’analyse que font Sébastien Rouquette (à propos des blogs dédiés à la BD) et Khaled Zouari (étudiant un site d’auto-publication), dont les textes sont complétés par une réflexion plus générale d’Étienne Candel sur la BD en ligne.
  • BD et communication d’entreprise. La BD fait, comme la télé ou la radio, partie du plan média des agences de communication. Elle est utilisée en communication interne comme en communication externe comme en témoigne l’article de Béatrice Jalenque-Vigouroux et Céline Pascual Espuny qui donne différents exemples de BD réalisées dans le cadre d’un programme de sensibilisation au développement durable et comme l’indique également l’entretien accordé par Xavier Fauche, scénariste et fondateur de l’agence de communication « Une bulle en plus ».
La BD n’est plus une bulle d’enfance emprisonnée dans un livre d’images, c’est un média qui en se frottant aux autres médias est devenu un outil de mise en relation entre les hommes.

Mis en ligne sur Cairn.info le 12/11/2013
https://doi.org/10.3917/herm.054.0073
Pour citer cet article
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