1Il n’y a pas une, mais des histoires de la bande dessinée. En effet, d’une aire géographique à l’autre, l’histoire du comic strip américain, celle de la BD européenne ou celle du manga japonais diffèrent. Mais même sur le vieux continent, suivant la définition que l’on adopte, le parcours historique est distinct.
La BD considérée comme un art
2La nature artistique de la BD est controversée. On peut identifier une dizaine de définitions différentes. Nous en avons choisi trois.
- Un art graphique narratif. Considérée comme un des arts graphiques narratifs, la BD, comme la peinture, pourrait faire remonter ses origines à la préhistoire, il y a 40 000 ans, lorsque les premiers hommes retraçaient leurs chasses sur les murs des cavernes.
- Un art du multi-cadre. Si ce qui caractérise la BD n’est pas l’image, mais la répartition d’un ensemble d’images distinctes (séparées par des cadres blancs) sur une même planche afin de mieux raconter une histoire mélangeant texte et dessin, alors les images d’Épinal (1740) sont les ascendants de la BD et c’est le Suisse Rodolphe Töpffer qui, sans conteste, inaugura dès 1827 (mais premier album paru en 1833) la BD telle que nous la définissons aujourd’hui.
- Un art séquentiel mixte. Si la BD se caractérise par la mixité du texte et de l’image, les premières séquences narratives mélangeant les deux genres se trouvent peut-être dans certaines pages du Livre des morts égyptien et dans des rouleaux inhumés avec les momies datant de – 3000 avant JC, montrant des scènes organisées en bandes superposées accompagnées d’un texte. Mais pour de nombreux spécialistes, c’est la tapisserie de Bayeux qui est la première BD de l’histoire. Broderie de laine sur une longue bande de toile de lin de 70 mètres de long sur 50 centimètres de haut, qui raconte la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, en 58 images surtitrées d’une inscription latine, la tapisserie de Bayeux fut achevée en 1077. Cette broderie séquentielle mixte invite, par son procédé même (découpage en scènes-images et légendes en latin), à faire des vitraux de certaines églises du xive siècle (Chartres, Bourges, etc.) des ancêtres inattendus de la BD.
La BD vue comme média
3En s’intéressant exclusivement à la dimension médiatique de la BD on peut également, mettre à jour différentes chronologies qui débutent toutes après l’invention de l’imprimerie.
- La BD comme livre graphique. La publication de BD sous la forme d’un ouvrage singulier est souvent née du désir de publier en un seul tenant des histoires déjà parues en plusieurs fois dans la presse. Mais elle trouve aussi ses origines dans les ouvrages religieux destinés à propager la foi (exemple, Le Martyre de saint Érasme, 1460), dans les portfolios réalisés à partir des gravures de W. Hoghart au xviiie siècle, dans les livres illustrés édités pour l’édification de la jeunesse à la fin du xixe siècle et dans les romans en gravure de Frans Masereel ou de Lynd Ward apparus dans les années 1920.
- La BD comme industrie culturelle. Dans la guerre sans merci qu’ils se livrèrent, Hearst et Pulitzer utilisèrent les comic strips pour doper leurs ventes. Le 9 avril 1893, la première page en couleur apparaît dans World. Ce journal est racheté par Pulitzer et voit, en 1896, l’apparition d’un personnage, Yellow Kid, créé par Richard Felton Outcault, considéré comme le père de la BD américaine. Hearst débauchera Outcault et créera le « King Features Syndicate », agence qui prend la responsabilité de commander puis de distribuer dans le monde entier des BD, assurant ainsi de confortables revenus aux auteurs. Se généralisant assez vite (1895-1920), ce type de structure favorisera l’essor du strip dans le monde entier tandis que, parallèlement, la lente émergence des comic books consacrera avec Superman (1938), Batman (1939) et consorts, la domination de l’industrie de la BD américaine dans la première moitié du xxe siècle.
- La BD, source d’information. La BD de reportage peut être reliée à deux origines distinctes remontant au xvie siècle : d’un côté, les croquis de voyage, en particulier ceux des naturalistes faisant œuvre de classification, dont Darwin est le plus célèbre exemple ; de l’autre les gravures politiques anglaises relatant la guerre de Trente Ans ou la révocation de l’Édit de Nantes. Au xxe siècle, elle s’ancre, à la fois, dans une tradition américaine du roman graphique dont Art Spiegelman est le représentant le plus connu (Maus, 1987) et dans la presse satirique (Pilote, Hara Kiri) des années 1970. La première BD de reportage identifiée est Palestine, de l’Américain Joe Sacco, éditée en France en 1996.
