1La politique, entendue comme lutte pour la conquête et la préservation du pouvoir, est la toile de fond de nombreuses BD. Au cours de leurs aventures, Tintin, Blueberry, Achille Talon ou Fantasio empêchent l’assassinat de présidents, déjouent des complots et font triompher des révolutions. La palme revenant bien sûr à XIII qui en 18 épisodes est mêlé à la mort de deux présidents américains, sauve les États-Unis d’une dictature et favorise une révolution démocratique en Amérique latine. Cependant d’autres aspects du politique sont aussi couverts par la BD. Voici quelques pistes de recherche.
La dystopie
2Dans le sillage du Voyageur des Limbes de Godard et Ribera, beaucoup de BD de science-fiction ont pour toile de fond une dystopie trouvant son origine dans le dysfonctionnement actuel de nos sociétés. Par exemple, la crise écologique se trouve en toile de fond de séries comme Neige (L’Europe est devenue une réserve glaciaire où s’affrontent des bandes plus ou moins civilisées) ou Les Eaux de Mortelune (qui décrit un monde où l’océan n’existe plus), tandis que la marchandisation du monde conduit à la domination universelle des Princes marchands (Lanfeust des Étoiles) et à l’existence de forces de l’ordre obéissant à la Guilde des marchands (Finkel). Ces deux dystopies se rejoignant dans une série comme Universal War où la prise du pouvoir interplanétaire par un consortium marchand se traduit par l’explosion de la planète Terre.
Le militantisme
3Produit culturel et médium apprécié, la BD est utilisée par de nombreuses organisations militantes pour élargir les ressources de l’association (elle est vendue à son profit) et propager leurs idées. C’est ainsi que le réseau Sortir du nucléaire diffuse un album de 48 pages édité par l’association Énergie solaire qui met en scène un extra-terrestre en mission sur la terre entraînant deux garçons dans une enquête sur les énergies renouvelables. Mais la BD est aussi un moyen d’expression politique individuel qui cherche à faire évoluer les normes collectives. La BD Eva Miranda qui dénonce l’industrie publicitaire ou le formidable Shooting War, paru pendant les présidentielles américaines de 2008, dans lequel le scénariste A. Lappé se projette en 2011 dans un monde ou John McCain est un président des États-Unis ayant fait bombarder l’Iran, en sont les preuves les plus parlantes.
La théorie
4C’est peu connu, mais des théoriciens comme Hayeck ou Marx ont vu certaines de leurs œuvres transposées en BD. Profitant de la crise du libéralisme, l’éditeur japonais East Press a fictionnalisé (en 2008) Le Capital (dans une fromagerie, le personnage central est tiraillé entre ses ambitions personnelles et sa culpabilité devant l’exploitation des travailleurs) pour le transformer en un Manga qui devrait être traduit sous peu. Projet qui fait suite à la parution du Manifeste du Parti communiste en BD chez Savelli en 1977.
La biographie politique
5Le Marx pour débutant de Rius paru chez Maspéro en 1982 avait ouvert la voie. Aujourd’hui, la collection « Rebelle » de Casterman propose les récits de vie de Che Guevara, de John F. Kennedy ou du Commandant Massoud.
La propagande et la censure
6C’est connu, dans les premiers temps de leur existence, les super-héros comme Superman servaient l’effort de guerre américain en triomphant des nazis et des Japonais. Ce qui l’est moins c’est que, sous le régime de Vichy, les revues françaises de BD de l’époque (Cœurs Vaillants, Âmes Vaillantes, etc.) se virent expurgés de leurs séries américaines et concurrencées par une revue nazie, Le Téméraire, qui va publier 38 numéros de propagande qui évoquent, par exemple, la dégénérescence du peuple de l’Atlantide, personnes blondes aux yeux bleus, qui se sont mélangés aux indigènes sémites d’Afrique et au Noirs américains.
Le roman historique
7Communautés imaginées (Anderson, 1983), les nations sont, en partie, façonnées par les représentations de l’histoire. Or, l’école ou la science historique ne sont pas les seules sources de ces dernières. La BD en est une autre. Importante, si l’on songe aux 300 millions d’albums d’Astérix vendus dans le monde. Expression artistique de la mémoire, la BD peut servir le roman national et renforcer l’idée d’une construction linéaire et progressive de la nation française. C’est clairement le cas des 1 200 pages de L’Histoire de France en BD, publiée de 1976 à 1981 par Larousse sous forme de fascicules, puis rééditée depuis sous forme d’album. Mais la BD peut aussi proposer une vision concurrente de ce roman national, en mettant en lumière les aspects passés sous silence de grands personnages (la vie sexuelle débridée de Henri IV dans Les Chemins de Malfosse, l’homosexualité de Louis XIII dans Les Sept Vies de l’Épervier) ou en se focalisant sur des périodes historiques écornant ce roman (le commerce triangulaire dans Les Passagers du Vent, la Commune dans Le Cri du peuple de Tardi).
8L’indifférence des chercheurs n’est que conformisme intellectuel, la BD nourrit la communication politique contemporaine.