1Depuis plusieurs années maintenant, le Grad communique par l’entremise de bandes dessinées. Comment ce choix s’est-il imposé ?
2Ce choix résulte d’une double évolution : celle des supports et celle des publics. Depuis vingt-cinq ans, le Grad utilise les montages diapositives en Afrique de l’Ouest pour faire circuler entre elles les expériences des organisations paysannes. De même, ici en Europe, comme outils de sensibilisation. Puis sont venues les vidéos pour la sensibilisation, et enfin les DVD et CD-Rom. L’écrit accompagné de cassettes (puis les disques audio) est une constante dans la production du Grad, soit pour le Sud soit pour ici dans les contes pour enfants.
3La BD est donc un nouvel outil sur la palette existante, qui est venu répondre à une autre nécessité : sensibiliser le public des 16-25 ans. En effet, il y a une dizaine d’années, les séjours (jeunes, étudiants, stages…) se sont ajoutés aux engagements de volontaires, provoquant une multiplication de petits projets conçus avec beaucoup d’a priori. Face à ce public très divers quant à son niveau d’information et de formation, la BD nous semblait être un bon média de sensibilisation (« la réalité n’est pas aussi simple et conforme à ma vision ») et surtout d’accroche (« je dois approfondir la réflexion sur ma démarche avant d’agir »).
4Si l’on examine donc les BD produites sous l’égide du Grad, on ne peut que remarquer que la bande dessinée devient un outil de sensibilisation à la solidarité Nord-Sud. Mais n’est-elle pas aussi le vecteur d’une communication Sud-Nord ?
5Pour le Grad, les deux aspects de la question sont indissociables. En effet, la démarche de l’association a toujours consisté à s’appuyer sur les expériences et les témoignages de ses contacts en Afrique de l’Ouest pour sensibiliser le ou les publics au Nord, c’est-à-dire changer son regard pour modifier les pratiques.
6La première BD – sur le commerce équitable – présente à travers cinq histoires non seulement son origine, son évolution, son fonctionnement mais place le lecteur dans une position de consommateur-citoyen au-delà de l’idée d’aide, et cela dans le concret. La deuxième (microfinance) et la troisième (souveraineté alimentaire) suivent le même cheminement en mettant plus particulièrement en scène des personnes ayant existé et fondatrices des concepts ou illustrant le combat de militants du Sud.
7Chacune des BD est complétée, en fin de livre, de fiches pédagogiques pouvant permettre d’approfondir le thème et servir de support d’animation pour les enseignants ou éducateurs.
8Avez-vous en projet d’éditer des BD directement dans les pays ciblés et de les élaborer à l’aide de scénaristes et dessinateurs locaux ?
9Pas particulièrement. Cependant, il faut préciser tout d’abord que nos produits, donc les BD, même quand ils sont spécifiquement écrits pour un public Nord, sont diffusés en Afrique de l’Ouest par l’intermédiaire du réseau des bibliothèques villageoises et d’un réseau de diffuseurs soutenus par le Grad.
10De plus, l’association cherche évidemment toujours à s’appuyer sur les talents de gens du Sud, puisque c’est l’un de ses messages majeurs que d’affirmer qu’il faut pour le développement d’abord partir des compétences existant au Sud. C’est ainsi que nos conteurs, techniciens, imprimeurs et bien sûr leaders paysans ont toujours contribué au travail de l’association. Enfin, pour répondre plus directement, nous travaillons actuellement sur trois BD qui seront dessinées par Pat Masioni, auteur congolais.
11Selon vous, la bande dessinée est-elle un médium qui favoriserait la communication dans un contexte d’interculturalité ? Existe-t-il une universalité du langage de la BD ?
12Pour répondre à la première question, mais je ne suis pas un spécialiste, j’ai envie de dire que cela dépend de l’intention des auteurs. Si on veut parler de tolérance, de respect des différences et même de construction de valeurs communes, la BD est « exemplaire » quant à la diversité des créatures qu’elle met en scène, des situations qu’elle peut créer, voire des messages qu’elle peut faire passer. Alors, effectivement, elle peut, dans nos sociétés, faciliter l’expression sous une nouvelle forme de pratiques ou de représentations et donc la compréhension entre individus et groupes d’origines différentes.
13Mais, même si je peux me tromper, je ne crois pas que la BD soit née d’un quelconque progrès technique contrairement à la cassette son ou à la vidéo. Elle est issue d’un contexte historique et culturel particulier, peut-être où l’image prend une dimension plus importante que l’écrit (plus récemment) et surtout que l’oral (comparativement). Alors il se pourrait bien que le langage de la BD ne puisse être universel qu’à condition que les éléments (culturels notamment) de ce contexte pénètrent suffisamment les autres sociétés.