CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La BD nourrit et enrichit le lien social. Pas de manière aussi directe que les interactions sociales, l’apprentissage scolaire ou le travail. Mais la BD participe, comme tout média, à relier les individus les uns aux autres. Liens souples, légers, s’enracinant dans le plaisir singulier qu’elle offre, mais liens qui, du coup, permettent de conjuguer principe d’individuation et respect des altérités, qui sont au centre de nos démocraties pluriculturelles. La BD participe à la construction du vivre ensemble de deux manières différentes et complémentaires. D’une part, au niveau symbolique, elle offre une représentation de la réalité sociale. Représentation particulière qui n’entend pas, à la différence de la photographie ou de la télévision par exemple, enregistrer le monde tel qu’il est, mais qui offre un accès sensible à la réalité sociale. De plus, la BD est une industrie qui participe au lent processus de construction d’une culture commune d’une société qui évolue très lentement, mais sans cesse. En fabriquant des mythes communs (Tintin) en revisitant l’histoire commune (Astérix), la BD participe à l’élaboration d’un patrimoine et d’une sensibilité propre à une société donnée. D’autre part, au niveau des pratiques concrètes, la BD est créatrice de liens sociaux lorsqu’elle est utilisée par les organisations de la société civile pour lutter contre l’ostracisme affectant les malades du Sida, pour inviter les citoyens à participer à des outils de financements solidaires ou pour mobiliser les citoyens contre le nucléaire civil.

2Nous avons éclairé cette participation symbolique et pragmatique de la BD à la constitution du lien social à travers trois thèmes :

  • La culture. La BD reflète et irrigue la culture d’une société donnée. Elle est donc le résultat d’une culture singulière comme le montre Hilaire Mbiye Lumbal à propos de la BD en Afrique francophone. Mais la BD est aussi le lieu de lecture d’une culture particulière comme l’indique le texte de Jonathan Haudot sur la mise en récit des génocides et l’encadré de Céline Bénéjean sur la psychanalyse.
  • L’économie. La BD est une activité économique, c’est aussi un média qui propose une autre économie (textes d’Amélie Artis et Christophe Vadon), qui met en scène différentes théories monétaires (Jérôme Blanc) et qui donne des clefs pour devenir entrepreneur (encadré de Sandrine Le Pontois).
  • Le social. La BD nourrit de nombreuses activités associatives : elle est utilisée dans le domaine de la prévention des abus sexuels des jeunes enfants (E. Dacheux) et fut une arme dans la lutte sans merci opposant les mouvements de jeunesse laïcs et confessionnels (Éric Carton). Mais la BD peut également, parfois, établir une relation pédagogique entre universitaires et étudiants (Renaud Müller) ou devenir, de plus en plus souvent, un instrument de communication politique (E. Dacheux).
On le voit, si la BD n’est en rien comparable à une institution, elle est, justement parce qu’elle n’est pas en mesure d’imposer quoi que se soit, un plaisir singulier qui participe à l’élaboration du lien social.

Mis en ligne sur Cairn.info le 12/11/2013
https://doi.org/10.3917/herm.054.0143
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