1Quel est votre parcours dans les mondes de la bande dessinée et de la communication ?
2Après avoir obtenu le diplôme de Sup de Co Le Havre, j’ai été réalisateur-producteur à France-Inter pendant dix ans. Dans le même temps, j’ai écrit des essais et un roman qui m’ont valu deux invitations de Bernard Pivot à Apostrophes. Je suis venu à la bande dessinée au culot. Morris cherchait un scénariste, puisque Goscinny était mort peu de temps auparavant. Je me suis arrangé pour le rencontrer à Angoulême et lui ai proposé une idée d’album pour Lucky Luke. J’ai appris sur le tas la technique d’écriture du scénario en écrivant pour Lucky Luke, Rantanplan, le Marsupilami et Percevan.
3Quelle est la genèse de votre entreprise « Une bulle en plus » ? De fait, qu’est-ce qui, selon vous, fait la spécificité de ce média pour une entreprise de communication des organisations ?
4« Une bulle en plus », créée en 1991, était une sorte de synthèse entre Sup de Co et ce que j’avais appris à écrire : une agence spécialisée dans la communication des entreprises et des institutions par la bande dessinée. Au début je n’étais pas très sûr de moi ; je craignais d’être cantonné dans des problématiques traditionnelles telles que l’hygiène et la sécurité. Mais les clients sont venus, d’horizons très divers (Assemblée nationale, Michelin, Armée du Salut, HP, Lafarge, Galeries Lafayette, Cnav…) me demandant de travailler sur des sujets que je n’imaginais pas avoir à traiter un jour. Le plus curieux, c’est que je n’ai pas eu de difficulté à les convaincre ; ce sont plutôt eux qui m’ont conforté dans mon idée !
5Le fait de communiquer sur la LOLF, la fermeture d’une usine, la nécessité de changer de pneus par le biais de la BD est-il un facilitateur d’un point de vue communicationnel ou, au contraire, une difficulté à surmonter ?
6Autrefois le domaine de la bande dessinée était considéré come une sous-culture. Aujourd’hui des patrons emblématiques tels que Michel-Édouard Leclerc, Vincent Bolloré ou Louis Schweitzer affichent leur passion. Ce secteur de l’édition est porteur ; l’offre est considérable et les chiffres de vente en constante augmentation.
7Utilisée en communication, la bande dessinée doit être prise pour ce qu’elle est : ce n’est qu’un outil de sensibilisation, mais c’est un outil de sensibilisation exceptionnel, à forte connotation « récréative ». Quel atout ! Le support est attirant par lui-même : la plupart des destinataires, employés de l’entreprise ou prospects, tendent la main pour l’obtenir !
8Reste, bien sûr, que le contenu doit être irréprochable. Il faut d’abord circonscrire le message. Ensuite le traduire en situations et en mots. Enfin choisir le dessinateur qui portera au mieux le projet. Le plus souvent le traitement graphique réaliste s’impose. C’est le plus consensuel, celui qui permet d’identifier l’entreprise sans la déformer.
9On a dit que la bande dessinée associe la crédibilité de l’écrit et la séduction du dessin. Cette « double approche » du lecteur est une réalité. Mais ce qui me semble le plus remarquable dans ce média c’est qu’il est « discontinu ». En passant successivement d’une case à une autre case, le lecteur fait le lien, s’implique, donne du sens. C’est la raison pour laquelle Hergé disait que le lecteur d’une bande dessinée en est aussi véritablement le co-créateur.
10Les BD que vous produisez sont essentiellement issues, esthétiquement, de la ligne claire. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
11Parmi bien d’autres cas, nous avons démontré en quoi la juste pression des pneus conditionne la sécurité routière, décrypté la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances), expliqué qu’un site minier doit fermer pour raison économique ou sensibilisé à la déontologie bancaire. Dans le travail d’élaboration du produit, « Une bulle en plus » se veut une force de propositions. Le processus de création est chaque fois le même : d’abord une écoute attentive des attentes du client (brief). Ensuite des allers et retours fréquents avec le client pour qu’il choisisse, valide et en dernier ressort s’approprie l’outil que nous créons avec lui (synopsis, découpage, crayonnés, encrage et mise en couleurs).
12Pour conclure, prenez-vous le même plaisir à scénariser un épisode de Lucky Luke et une BD de commande pour une organisation ? Pensez-vous que la réception qui en est faite par le lecteur puisse être la même ?
13L’écriture est toujours difficile, exigeante, que ce soit pour un album de Lucky Luke ou pour une bande dessinée de communication d’entreprise. Les créateurs le savent, la relecture du lendemain est une épreuve, ce n’est jamais parfait. L’écriture est une transpiration, et il est bienheureux celui qui n’a qu’à changer une virgule ou un adjectif pour être satisfait de son travail de la veille…