1C’est en novembre 2001 que l’Unesco a adopté à Paris, lors de la 31e session de la Conférence générale, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, à la suite de circonstances très particulières, ainsi que le souligne Koïchiro Matsuura, le directeur général, en préambule : les événements tragiques du 11 septembre qui ont vu s’effondrer les tours du World Trade Center à New York. La déclaration a, en effet, été adoptée à l’unanimité, car « cela fut l’occasion pour les États de réaffirmer leur conviction que le dialogue interculturel constitue le meilleur gage pour la paix, et de rejeter catégoriquement la thèse de conflits inéluctables de cultures et de civilisations » (Unesco, 2002). La défense de la diversité culturelle n’est donc plus une dimension que l’on puisse continuer à considérer comme relativement secondaire : c’est un enjeu majeur dont les États sont aujourd’hui pleinement conscients, à l’échelle planétaire. L’entrée en vigueur, le 18 mars 2007, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco s’inscrit on ne peut plus clairement dans cette logique.
2Comme plus de 6 000 langues, selon les spécialistes, seraient actuellement parlées dans le monde, il est facile d’en conclure qu’il ne saurait exister de véritable « dialogue interculturel » sans le recours à la traduction. Le lien entre ces deux domaines est si évident que la question de la traduction est rarement abordée, en tant que telle, comme si elle allait de soi. Notre article prend le contre-pied d’une telle vision des choses : loin d’être un simple instrument au service du dialogue interculturel, la traduction l’oriente et le transforme selon la manière dont elle est (ou n’est pas) mise en œuvre. La traduction n’est pas seulement ce qui permet le dialogue entre les cultures : elle est ce qui, bien souvent, les façonne.
3La culture chinoise ne déroge pas à la règle : ni son altérité soi-disant radicale par rapport à d’autres cultures (et notamment à la culture occidentale) ni l’intraduisibilité supposée de la langue qui en est le vecteur n’ont jamais constitué d’obstacles insurmontables, contrairement à ce que l’on croit souvent, mais la source de synergies interculturelles qu’il devient vital, à l’heure de la mondialisation, de multiplier – ce qui ne peut se faire en ne s’appuyant que sur une langue internationale, à savoir l’anglais.
Traduction et altérité
4En chinois, Chine se dit zhongguo, c’est-à-dire le pays (guo) du milieu (zhong), que l’on a pu traduire par « Empire du Milieu ». Il est vrai qu’au cours de son histoire, la Chine s’est souvent fermée aux influences extérieures, mais c’est loin d’avoir toujours été le cas. Les périodes d’ouverture sont en effet moins rares et plus importantes qu’on ne le pense généralement. La pratique de la traduction en est un bon baromètre. Au cours de ses cinq mille ans d’histoire, la Chine a connu quatre grandes vagues de traductions. Si l’on laisse de côté les premiers exemples de traduction connus qui remontent au xie siècle avant J.-C., relativement isolés, c’est à l’époque des Six Dynasties (222-589) que la traduction commence à jouer un véritable rôle, avec l’introduction du bouddhisme en Chine : cette première période de traduction à grande échelle s’étendra sur près d’un millénaire, jusqu’à la fin des Song (960-1279). Toutes proportions gardées, l’influence de ces traductions peut être comparée à la traduction de la Bible dans le monde occidental. Le bouddhisme, comme on sait, est devenu l’une des religions majeures de la Chine, mais il y a un autre point commun : entre le pali ou le sanskrit, langues indo-européennes dans lesquelles étaient écrits les textes bouddhiques en provenance de l’Inde et le chinois, il y a autant de distance qu’entre l’hébreu de l’Ancien Testament et le grec de la Septante, le latin de la Vulgate ou l’allemand de la Bible de Luther.
5La traduction des écrits bouddhiques coïncide avec la première grande rencontre entre la Chine et une civilisation étrangère. Le nombre de textes traduits est considérable : les titres se comptent par milliers. Quant à l’impact sur la culture chinoise, il l’est tout autant, et dépasse très largement le cadre du religieux pour englober celui de la philosophie, de la littérature, de la danse, de la peinture ou de la sculpture mais également celui de la langue. On estime en effet qu’environ 35 000 mots sont venus enrichir le lexique du chinois par l’intermédiaire des traductions durant cette période, et des changements ont également eu lieu tant sur le plan de la syntaxe que du style (Wang, Shouyi, 1999). On ajoutera qu’une si vaste entreprise n’a été possible qu’en faisant appel à une division du travail savamment organisée entre traducteurs, réviseurs, copistes, correcteurs, qui n’a rien à envier aux écoles de traduction de Bagdad ou de Tolède.
6La deuxième vague de traductions commence à la fin de la dynastie Ming (fin du xvie siècle), avec l’arrivée des missionnaires jésuites tels que Matteo Ricci (1552-1610) qui n’ont pas seulement introduit le catholicisme en Chine mais aussi la science occidentale, que ce soit pour l’astronomie, les mathématiques, la physique, la cartographie, la médecine ou la linguistique. Ce n’est cependant qu’avec la vague suivante que l’influence occidentale allait connaître un retentissement majeur dans la société chinoise.
7La troisième vague de traductions s’opère dans un contexte radicalement différent, lorsqu’au milieu du xixe siècle les puissances occidentales forcent la Chine à s’ouvrir au monde extérieur, au moment des guerres de l’Opium, qui commencent en 1840, et de la signature du traité de Nankin (1842) et de Tientsin (1858). La question de la langue se pose alors en termes de pouvoir. L’article L du traité de Tientsin stipule en effet : « All official communications addressed by the Diplomatic and Consular Agents of Her Majesty the Queen to the Chinese Authorities shall, henceforth, be written in English. They will for the present be accompanied by a Chinese version, but, it is understood that, in the event of there being any difference of meaning between the English and the Chinese text, the English government will hold the sense as expressed in the English text to be the correct sense. This provision is to apply to the Treaty now negociated, the Chinese text of which has been carefully corrected by the English original [1]. »
8La dissymétrie est flagrante : la version chinoise du traité n’est pas sur le même pied que la version anglaise, ce qui reflète sans ambiguïté le rapport de forces entre les deux parties contractantes. C’est à cette époque également que l’intelligentsia prend conscience que la Chine ne peut espérer rivaliser avec l’Occident qu’en assimilant son savoir. Liang Qichao (1873-1929), l’un des intellectuels les plus influents de l’époque, considère qu’il est indispensable de se mettre à apprendre les langues occidentales dès l’enfance, et qu’il faut que les principaux ouvrages écrits par les Occidentaux soient traduits en chinois, l’un n’allant pas sans l’autre (Fan, 1999, p. 28). En effet, explique-t-il, la supériorité des puissances occidentales remonte à la Renaissance, au moment où elles se sont mises à traduire les textes des auteurs grecs et latins dans leurs langues respectives ; au xviiie siècle, Pierre le Grand avait fait de même pour la Russie, en faisant traduire en russe les ouvrages fondamentaux de la culture européenne ; le Japon de l’ère Meiji n’avait pas procédé autrement au xixe siècle. Si la Chine des Qing (1644-1911) a dû s’incliner, alors que jusque vers la fin du xviiie siècle, elle pouvait encore faire figure de grande puissance, c’est en raison du retard pris dans la maîtrise des sciences et des techniques sur lesquelles s’est bâtie la supériorité militaire, économique et politique des grandes nations occidentales. Les ouvrages fondamentaux que compte l’Occident dans ces diverses disciplines (notamment en philosophie et en sciences humaines) sont alors traduits et diffusés auprès des lettrés de la Chine entière. L’ampleur et l’impact de cette troisième vague sont immenses. C’est vrai, notamment, sur le plan politique : le renversement de la dynastie régnante en 1911, l’instauration de la République l’année suivante, ou la proclamation de la République populaire de Chine en 1949 sont difficilement imaginables en faisant abstraction de l’influence des conceptions occidentales transmises par l’intermédiaire des traductions. Sans celles-ci, l’histoire de la Chine moderne devient, pour une large part, tout bonnement incompréhensible.
Traduisible et intraduisible
9La quatrième vague commence à la fin des années 1950 : c’est celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Elle aussi est tributaire des fluctuations de l’histoire : c’est ainsi qu’elle s’est interrompue pendant la Révolution culturelle pour ensuite reprendre. Néanmoins, avant de se placer du point de vue de la mondialisation, une question demande à être examinée au préalable : celle de l’intraduisibilité radicale, supposée ou réelle, du chinois, dont les « idéogrammes » seraient l’incarnation emblématique.
10On fera tout d’abord remarquer que, comme la partie précédente vient de le montrer, la langue chinoise n’est en aucune manière dans l’impossibilité de traduire les textes les plus divers (littéraires, philosophiques, scientifiques, techniques, etc.) appartenant aux aires culturelles les plus éloignées et ce à partir de langues radicalement différentes. Si la traduction est possible dans un sens, on ne voit pas pourquoi elle ne le serait plus dans l’autre.
11Que l’écriture du chinois pose des problèmes spécifiques, c’est certain, mais il ne faudrait pas pour autant les exagérer : en effet, rien n’a empêché les Japonais d’emprunter les caractères chinois pour écrire leur langue, alors que celle-ci est aussi éloignée, typologiquement, du mandarin que le français peut l’être du hongrois ou du turc. À l’inverse, il serait tout aussi faux de prétendre que tout serait traduisible, comme par transparence.
12Les problèmes rencontrés par les traducteurs chinois tout au long de leur histoire sont semblables à ceux rencontrés par les traducteurs occidentaux, si bien que la théorie de la traduction, telle qu’elle a été élaborée en Chine, est très proche de celle qui a été élaborée en Occident (Ballard, 1995), et aboutit aux mêmes interrogations sur l’intraduisible. Pour illustrer ce point, on partira des retraductions en Chine du roman Le Rouge et le noir et du débat passionné que celles-ci auront suscité en 1995, qui rappelle celui provoqué par la traduction française des œuvres de Dostoïevski par André Markowicz à la même époque en France (voir Oustinoff, 2007, p. 64-65).
13En l’espace de quelques années seulement, alors que la Chine connaissait une période de retraduction littéraire sans précédent dans son histoire, on a vu paraître une douzaine de nouvelles versions du roman de Stendhal. Le débat qui s’en est suivi présente un intérêt aussi bien sur le plan proprement littéraire que du point de vue interculturel, sociologique ou historique. En association avec le Centre de traduction de l’Université de Nanjing, l’hebdomadaire de Shanghai, Lire, avait alors établi un questionnaire, dont voici quelques-unes des principales questions posées aux lecteurs (voir Xu, 1999, p. 50-51) :
- Le Rouge et le Noir, plusieurs fois retraduit, compte aujourd’hui plus de dix versions chinoises. Que pensez-vous de ce phénomène ?
- La traduction littéraire devrait-elle transmettre les valeurs exotiques en maintenant leur étrangeté ou plutôt les naturaliser ?
- La traduction littéraire devrait-elle faire prévaloir les avantages de la langue cible pour dépasser l’original ?
- Préférez-vous la traduction proche de la structure syntaxique de l’original ou plutôt celle qui, en changeant la structure syntaxique de l’original, s’exprime en chinois pur ?
14Hao Yun, l’un des traducteurs du roman Le Rouge et le noir résume sa démarche, qui consiste à préserver la lettre de l’original, de manière imagée (ibid., p. 52) : « Si l’original est une algue, j’essaie de l’offrir avec son goût original aux lecteurs chinois, sans la changer en nouilles, bien que l’algue soit peut-être plus difficile à digérer que les nouilles pour les lecteurs. » Xu Yuanchong, un autre traducteur du même ouvrage, se situe à l’autre bout du spectre, celui de la traduction naturalisante. Selon lui, la traduction étant une mise en concurrence de deux systèmes culturels, tout l’art du traducteur consiste à faire prévaloir la langue d’arrivée de manière à ce que la traduction soit, au regard de l’original, une recréation. En ce qui concerne la langue, Xu Yuanchong ne laisse planer aucune ambiguïté : « Je m’efforce toujours de traduire Le Rouge et le Noir en une langue purement chinoise », affirme en effet Xu Yuanchong dans la préface à sa traduction.
15Mais le public chinois donne-t-il la préférence à la traduction la plus sino-centrique ? C’est loin d’être le cas, comme l’atteste la réponse suivante (ibid., p. 54) : « La structure interne des phrases de l’œuvre française nous montre dans une certaine mesure la manière de penser française ; si le traducteur la remplace selon son goût par l’expression purement chinoise (y compris les métaphores et les proverbes), beaucoup d’informations très intéressantes au niveau de la pensée et de la sémantique ainsi que des valeurs de formes au niveau esthétique risqueront de rester inconnues des lecteurs chinois. »
16Comme il n’est pas question d’entrer ici dans le détail des problèmes que pose la traduction d’une œuvre aussi complexe, on se contentera d’un seul exemple. La dernière phrase du roman Le Rouge et le noir est : « Mme de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie ; mais trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants. » Xu Yuanchong s’est servi, dans sa traduction, du titre du récit XCVIII du Rêve dans le pavillon rouge pour en traduire la fin : « L’âme de la pauvre sœurette aux perles pourpres/revient se fondre au ciel des regrets abolis » (Yuan, 1999, p. 66). Le reproche fondamental que l’on peut adresser à ce type de traduction, c’est de donner l’illusion, en gommant ainsi toute trace d’altérité, que les langues – et, plus généralement, les cultures – sont interchangeables, ce qui n’est pas sans conséquences.
Diversité culturelle et mondialisation
17C’est la même problématique que l’on retrouve, toutes choses égales par ailleurs, dans le domaine de la traduction des sciences humaines, ainsi que le fait apparaître le Social Science Translation Project : « Dans quelle mesure une traduction en sciences humaines devrait-elle s’efforcer de reproduire la rhétorique et le style caractéristiques de sa source ? Bien qu’il n’y ait pas de réponse absolue, cette question est centrale et en soulève une autre qui lui est corrélative : quelle part du sens d’un texte de sciences humaines est-elle véhiculée par sa forme même ? Si la forme est perdue, une part du contenu ne l’est-elle pas également ? » (Heim et Tymowski, 2006, p. 8). Poser la question, c’est y répondre : si nous citons ce texte, c’est non seulement parce que nous y adhérons entièrement, mais parce que c’est également le cas d’un grand nombre de traducteurs et de traductologues chinois.
18On nous permettra donc également de reproduire ici la citation suivante, en dépit de sa longueur, figurant au début des Recommandations et extraite d’un ouvrage sur les récentes évolutions de la Chine (ibid., p. 3) : « Pendant plus d’un siècle, des intellectuels chinois se sont efforcés de traduire et d’introduire la pensée et la littérature occidentales en Chine. Les événements politiques, conflits mondiaux, guerres civiles et autres bouleversements, ont gravement ralenti ce long travail d’appropriation sans jamais l’interrompre complètement. Aujourd’hui, les lecteurs chinois ont accès dans leur langue maternelle à de vastes pans de la littérature et de la philosophie occidentales, à la pensée politique et économique, aux textes classiques et aux idées actuellement en circulation dans le monde. Mais ce processus d’appropriation est à sens unique. Ni la profondeur de la tradition séculaire chinoise ni le rôle joué par la Chine dans l’histoire contemporaine mondiale n’ont été reflétés dans les traductions occidentales de la pensée et de la culture chinoises. Si les œuvres de fiction et la poésie classiques ont trouvé des traducteurs fervents et expérimentés, l’histoire et la philosophie ont été beaucoup moins bien servies… Pour prendre l’un des exemples les plus frappants, il n’existe aucune traduction anglaise des principales œuvres de Hu Shi, figure centrale du premier libéralisme chinois ; il n’en existe pas non plus des essais de Lu Xun, qui ont exercé une influence au moins aussi grande que ses romans ; aucune traduction non plus des travaux historiques de Chen Yinke… Alors que depuis les années quatre-vingt, la littérature chinoise, toujours plus reconnue internationalement, a été considérée digne d’être rapidement et massivement traduite en d’autres langues, tel n’a pas été le cas du débat intellectuel contemporain, qui, en règle générale, ne parvient au monde extérieur que par le biais d’une couverture médiatique pauvre et intermittente [2]. »
19Quantité d’enseignements peuvent être tirés de cet extrait et de ce qui précède : dans le cadre de cet article, nous nous bornerons à en mentionner quelques-uns. Le premier, c’est que la traduction ne se cantonne pas à la répétition mécanique de ce qui se trouve dans la langue ou la culture « de départ », mais sert également à l’élaboration même de la pensée. Comme le dit si bien Yuan Xiaoyi (op. cit., p. 70), « c’est la traduction qui crée, pour elle-même, un espace de langage ayant sa propre histoire ». Les mots en apparence les plus simples sont là pour l’attester : « Aujourd’hui, par exemple, peut-être qu’on ne doute plus de la relation réciproque entre self et ziwo, car le dictionnaire le stipule ainsi. Mais cette relation n’a été fixée qu’au début de ce siècle, au cours du deuxième essor de la traduction en Chine. » (Ibid.) [3]. C’est de ce premier point, à notre sens, que découlent tous les autres.
20Deuxième enseignement : à partir de là, on ne voit pas ce qui empêche une plus grande réciprocité d’une culture à l’autre. Ce qui est vrai de la culture chinoise par rapport à la culture occidentale vaut également pour les autres. Si, par le passé, les notions les plus complexes ont pu d’abord transiter d’Orient en Occident entre des cultures aussi dissemblables que celles de l’Inde, de la Chine, du monde arabe, du monde gréco-latin, puis, plus tard, dans l’autre sens, alors il est souhaitable, pour ne pas dire indispensable, que ces mouvements ne se produisent plus aujourd’hui dans une seule direction (voir Sen, 2007). En particulier, la remarque s’applique non seulement aux grandes aires culturelles, mais également à celles d’un moindre rayonnement, que ce soit sur le plan historique, économique, politique ou culturel.
21Troisième enseignement : puisque la traduction n’est pas seulement du domaine de la reproduction, mais également de la production, elle doit par conséquent être analysée du point de vue des transformations qu’elle entraîne nécessairement, mais aussi de son impact sur la culture réceptrice. Celle-ci, en effet, obéit par définition à d’autres critères que la culture émettrice. La traduction n’est jamais une opération neutre, « transparente ».
Conclusion
22On ne peut que se réjouir de la récente adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles par l’Unesco et de la prise de conscience de l’importance du « dialogue interculturel ». Néanmoins, ce qui précède laisse assez entrevoir qu’un tel dialogue est loin, à l’échelle planétaire, d’être suffisamment développé. Que la traduction ait, en la matière, un rôle essentiel à jouer, voilà qui devient de plus en plus manifeste. Deux écueils majeurs sont cependant à éviter : le premier consisterait à faire de l’anglais la seule langue de référence ; le deuxième, plus dangereux encore, serait de croire qu’il suffit de traduire pour que ce dialogue permette d’éviter les conflits d’ordre culturel du xxie siècle. C’est une condition nécessaire, à promouvoir avec tous les moyens voulus, mais non suffisante : raison de plus pour s’intéresser à la traduction en tant que telle.
Notes
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[1]
Cité dans Wang et Shouyi, 1999, p. 18 : « Toutes les communications officielles adressées par les agents diplomatiques et consulaires de Sa Majesté la Reine aux autorités chinoises devront dorénavant être rédigées en anglais. Pour le moment, elles seront accompagnées par une version chinoise, mais il est entendu que, dans l’éventualité d’une différence de sens entre les textes anglais et chinois, le gouvernement anglais considérera le sens exprimé dans le texte anglais comme étant le sens exact. Cette clause s’applique au Traité actuellement négocié, dont le texte chinois a été dûment corrigé au vu de l’original anglais. » (notre traduction).
-
[2]
Chaohua, Wang (dir.), One China, Many Paths, Londres et New York, Verso, 2003, p. 9-10.
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[3]
Nous avons retranscrit en caractères latins les deux caractères correspondant à self en chinois : zi (quatrième ton) + wo (troisième ton).