1Malgré les transformations radicales des conditions de production du discours des médias des dernières décennies, l’œuvre d’Eliseo Verón garde sa puissance d’analyse et peut encore contribuer considérablement au développement des recherches sur les nouvelles configurations de l’univers médiatique contemporain et, tout particulièrement, des médias numériques.
2Tout au long de son œuvre, Eliseo Verón a réitéré la nécessité de tester la dimension théorique de ses réflexions sur des études empiriques. Sa préoccupation principale étant le fonctionnement idéologique des discours, il propose dans ses travaux de discuter et d’appliquer des concepts, puisés essentiellement dans la linguistique de l’énonciation et dans la sociologie, non seulement à propos de l’analyse proprement dite d’un corpus, mais également à propos de leur pertinence au cours du processus de la constitution et de la sélection du fragment discursif qui en fera l’objet.
3Sur ce plan, les techniques de segmentation des matériaux signifiants revêtent, dans son œuvre, une importance considérable car elles « conditionnent la nature des résultats et les objectifs de l’analyse ». Ainsi, la nécessité permanente, selon Eliseo Verón, d’un regard critique porté sur la constitution des échantillons discursifs à analyser demeure et nous incite, aujourd’hui encore, à suivre la même démarche sur les médias en général et, particulièrement, sur l’espace médiatique virtuel. Disons que pour Eliseo Verón, le fonctionnement idéologique se caractérise comme une dimension constitutive des discours depuis toujours. Ce qui a changé maintenant est la nature de la complexité du discursif, compte tenu des traces nouvelles laissées par ce fonctionnement sur les discours sociaux contemporains.
4Ainsi, il amorce une critique des études actuelles sur les problèmes contemporains de la communication et l’on peut entrevoir dans sa démarche un certain reproche à l’égard des recherches entreprises par les « études culturelles » qui, selon lui, se fondent essentiellement sur des réflexions générales, au détriment de l’élaboration d’instruments opérationnels capables de contribuer aux descriptions empiriques des échantillons discursifs. On constate, par exemple, des phénomènes interculturels dans l’univers médiatique globalisé.
5Compte tenu des nouvelles conditions de production du discours des médias, qui sont de nature sociale, culturelle aussi bien que technologique, la démarche d’Eliseo Verón mérite aujourd’hui d’être reprise et actualisée en fonction des nouvelles réalités des conditions globalisées de production des discours sociaux. Mais, je suis certain qu’elle pourra susciter en retour un ensemble de réflexions sur la problématique de la communication tout à fait pertinent pour la réalisation de descriptions du fonctionnement des discours sociaux contemporains, y compris du discours globalisant du cyberespace.