CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les travaux consacrés à l’information, sa communication et sa mémoire ne sont pas une activité récente. Des théories et des pratiques ont été élaborées au temps de la tradition orale et se sont développées avec la découverte de l’écriture, entre autres, chez les Grecs, les Romains et dans le monde arabe. Ils ont connu, dans le monde occidental, un nouvel essor avec l’écrit imprimé. Nous citons ci-dessous quelques noms qui montrent bien qu’à toutes les époques il y a eu certains penseurs ou philosophes qui ont compris l’importance de ces questions.

2Déjà, au quatrième siècle avant notre ère, Platon s’est interrogé sur l’intérêt relatif des différents langages. Il privilégie l’oral, la parole vivante à la trace figée de l’image et de l’écrit. Pour lui l’écrit soulage la mémoire défaillante, mais fait courir le risque à ceux qui en bénéficient de rendre leur âme oublieuse car ils cesseront d’exercer leur mémoire.

3Aristote, son contemporain, s’est rendu compte qu’il existait un ensemble de sciences particulières (la logique, la rhétorique, etc.) indispensables à la mise en œuvre des autres sciences. Cela l’a conduit à élaborer un ensemble de sciences (de la manière de penser, de l’argumentation et du discours) qu’il a désigné sous le terme d’organon (outil).

4Marin Mersenne (1588-1648), philosophe et religieux, a été le premier animateur d’un réseau européen épistolaire rassemblant des dizaines de correspondants (Descartes, Galilée, Fermat, Torricelli, Gassendi, Hobbes, etc.). Pourfendeur des fausses sciences, il a eu le courage d’éditer et de diffuser notamment les travaux de Galilée au lendemain de sa condamnation par le Vatican.

5Paul Otlet (1868-1944), juriste et sociologue belge, avec son ami La Fontaine, a joué, au lendemain de la Première Guerre mondiale, un rôle remarquable au plan de la coopération internationale culturelle dans le champ documentaire et des bibliothèques. Intellectuel engagé, ses détracteurs le présentent comme un illuminé qui s’est lancé dans des projets utopiques et pharaoniques. En réalité, il a développé une activité débordante alliant pratique et réflexion théorique. Il a anticipé la notion de station de travail intellectuel, préfiguré la notion d’hypertexte et celle de réseau permettant la consultation et la modification de document à distance. Mais surtout Otlet, dans son impressionnant Traité de documentation : le livre sur le livre publié en 1934 (réédité en 1989), a posé les bases de la bibliologie, science de la communication écrite.

6Depuis la généralisation des médias audiovisuels, de l’informatique et d’Internet, les pratiques et les recherches se sont développées dans une multiplicité de directions de plus en plus spécialisées confortant la nécessaire dimension pluridisciplinaire des SIC. Il est intéressant de noter, lors du premier congrès de la SFSIC (Compiègne 1976), que plusieurs interventions ont été consacrées à l’écrit et au document (Estivals, Meyriat) ainsi qu’aux systèmes d’information (J.-L. Peaucelle). Pour reprendre l’expression de Gilbert Varet (Pour une science de l’information comme une discipline rigoureuse, Les Belles Lettres, 1987), est-il déraisonnable d’imaginer que les SIC deviennent le novum organon, l’instrument commun aux autres activités ?

Guy Pélachaud
Guy Pélachaud est ingénieur des Arts et Métiers et docteur en Mathématiques économiques. Il a créé (1966-1970) le centre de calcul de la direction de la Prévision (ministère des Finances), puis à partir de 1970 le service de documentation du PCF et l’agence télématique d’information documentaire Icadoc, avant de devenir (en 1992) maître de conférences à l’Université du Mans. Il est membre de la SFSIC et de l’AIERI.
Courriel : <pelachau@noos.fr>.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/24110
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