CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Chacun sait sur quoi portent les sciences de « l’information et de la communication ». Ces deux termes suffisent d’ailleurs à faire venir à l’esprit une série de pratiques sociales, de lieux, de techniques et d’acteurs, considérés par le sens commun comme relevant de ces domaines d’activités. Un manuel parmi d’autres de la discipline indiquera donc les champs ou domaines d’études suivants : les NTIC, les communications de masse, les communications commerciales et politiques, la communication organisationnelle. On pourrait ajouter à cette liste l’ensemble des messages dits « ordinaires », les échanges interpersonnels, les transformations du système des industries culturelles et de l’espace public, et bien d’autres phénomènes encore. Cette liste spontanée a pour mérite de fournir une première idée du champ scientifique tel que l’a formé sa jeune « tradition » : les travaux qui, reconnus comme importants, ont fédéré autour d’eux des courants de recherche pérennes.

2On constatera pourtant que cette première approximation des Sic repose sur des domaines d’objets concrets. Or, plus d’un siècle d’épistémologie a suffisamment montré que la science n’explique pas les objets existants : elle se cherche des objets. Ce qu’on appelle construire des objets scientifiques. Les sciences de l’information et de la communication ont-elles un objet spécifique ? Il est clair que du point de vue d’une épistémologie normative, une discipline n’existe pas sans remplir cette condition. Mais il n’est pas non plus d’objets scientifiques spécifiques sans discipline pour les construire … On voit combien la question des objets est liée à celle de la vocation scientifique des Sic, et par conséquent de leur identité et de leur unité en tant que discipline (puisque les Sic sont une (inter)discipline, au moins sur le plan institutionnel [1]). En fait, et dans la mesure où les Sic sont aujourd’hui une discipline reconnue dont l’existence institutionnelle ne fait plus problème, c’est maintenant son autonomie cognitive qui dépend de sa capacité à construire scientifiquement ses propres objets.

3Nous ne tenterons pas d’établir une cartographie des objets que les Sic se donnent, aspect déjà traité et mieux que nous ne pourrions le faire (Jeanneret, 2001 ; Ollivier, 2000). Nous allons plutôt nous demander à quels problèmes épistémologiques et théoriques se heurte la construction des objets de la discipline, et tenter d’éclairer les solutions auxquelles elle a pu recourir. Il s’agit donc d’épistémologie analytique, et non normative, mais de la part d’un chercheur soucieux de rigueur scientifique et de la capacité de sa discipline à produire, sur un champ particulier, des connaissances nouvelles. Comme on va le voir, la construction des objets en Sic n’a guère à envier aux autres sciences humaines, même si ces dernières jouissent, vues de loin, de plus de dignité. Elle se fait pourtant à partir de particularités qui sont autant de chances et de difficultés spécifiques : la polysémie du terme communication et, surtout, la revendication d’interdisciplinarité. Enfin, à la lumière de ces remarques, peut-être sera-t-il possible de revenir sur l’importance de cette expression qui, pour une bonne partie des chercheurs en Sic, caractérise leur projet scientifique : « penser communicationnellement la communication » (Bougnoux, 1993).

Les Sic, une discipline sectorielle ?

4On sait que les Sic aujourd’hui, de l’aveu même de plusieurs de leurs chercheurs, souffrent d’un certain trouble de l’identité (Mucchielli, 2000 ; La Lettre d’Inforcom, 2000 ; Jeanneret, 2001). Celui-ci s’exprime notamment par un « désir de disciplinarité », c’est-à-dire de la reconnaissance commune d’un paradigme unitaire. Cette situation est, semble-t-il, due au fait qu’il semble définitivement impossible de définir une théorie « standard » (allant bien sûr de pair avec une méthodologie « standard »), spécifique à l’Infocom, qui fasse l’unité de la discipline et le fonds commun de ses chercheurs. Pourtant cette impossibilité n’a rien d’original [2], elle constitue au contraire une caractéristique commune à toutes les disciplines constituées : le désir de délimiter en principe le champ d’une discipline se heurte en effet à deux apories classiques concernant les critères de reconnaissance et de validité d’une science.

5• Au plan socio-historique, le cercle du relativisme : une discipline est ce que les chercheurs qui l’animent décident qu’elle est. Son identité repose donc plus sur l’accord entre la communauté des chercheurs que sur des attendus conceptuels, et dépend avant tout de l’état des rapports de force entre eux.

6• Au plan théorique, le cercle de la connaissance : tout jugement sur la pertinence ou la validité d’un énoncé repose lui-même sur la reconnaissance implicite d’un certain paradigme donc sur un autre jugement lui-même indémontrable. Dès lors il n’y a pas et il ne peut y avoir de définition scientifique de la scientificité, ni de « théorie d’une bonne théorie ».

7Sans pouvoir éviter ces cercles, les tentatives de définition successives de l’Infocom, de la part de ses auteurs ou par des actes officiels, ont alternativement choisi deux pôles [3] :

  • le pôle socio-historique correspond à une définition pragmatique, par le domaine : des objets « concrets » sont socialement considérés comme relevant de la communication. On dira alors que l’Infocom est une discipline sectorielle qui s’intéresse aux activités de communication, et uniquement à celles-là. On considère donc qu’il y a des objets plus « communicationnels » que d’autres ;
  • le pôle rationnel correspond à une définition conceptuelle ou théorique. Les objets sont théoriquement construits comme relevant de la communication. Il n’existe pas d’objets plus communicationnels que d’autres, l’essentiel réside dans le mode de traitement communicationnel des objets. Il s’agit d’alors d’adopter une « approche communicationnelle », sur n’importe quel objet, en droit.
C’est la première option qui a prévalu dans l’histoire de la discipline, ce qui n’est guère étonnant étant donné les conditions et les enjeux de son apparition. À un niveau très général en effet, les études de communication sont apparues avec la nécessité de comprendre et de situer les transformations techniques et sociales qui s’accélèrent avec la seconde moitié du xxe siècle, et qui ont présidé à l’essor de ce qu’on a appelé la « société de communication ». En outre, dans la situation particulière de la France, l’apparition et le développement de la discipline doivent beaucoup aux exigences concrètes de la formation (Boure, 2002) et ses fondateurs ont toujours privilégié le développement institutionnel (Sfsic, 1994). Cette politique des Sic naissantes a eu le grand mérite de se pencher sur des objets assez largement méprisés par l’université et les disciplines traditionnelles (les médias, la publicité, le graphisme, la documentation, etc., c’est-à-dire en fait tous les messages non nobles). Cette solution a donc permis d’amorcer les recherches en communication, et d’ouvrir à l’analyse de nouveaux domaines en leur donnant une assise universitaire. Elle pose cependant plusieurs problèmes.

8Une première difficulté de délimitation des objets en Sic tient au terme de « communication », qui présente le défaut de désigner des objets existant à la fois partout et nulle part. Comme chacun sait, il n’est pas d’activité humaine qui ne puisse à l’un ou l’autre titre être décrite comme un fait de communication. On peut donc supposer qu’il y a de la communication partout, voire que « tout est communication ». Cette difficulté renvoie à un risque de dilution déjà souvent souligné (Wolton, 1997 ; Ollivier, 2000) : comme l’a fait remarquer Philippe Breton, « croire que tout est communication place les sciences de la communication dans la position intenable d’être la science de tout » (Breton, 1994, p. 74). En fait, il n’est pas de définition « neutre », indépendante d’une théorie ou du sens commun, de ce qu’est concrètement la communication. Rien n’est communicationnel en soi, et ne se donne directement comme tel dans la réalité. C’est pourquoi une discipline qui ne se définirait qu’à partir de ce qu’il est socialement convenu d’appeler « communication » reste dépendante de théories spontanées qui lui sont étrangères, et risque fort de se voir dicter ses objets par la demande sociale, voire par les problématiques professionnelles du champ.

9Une autre difficulté tient au risque de parcellisation et d’hétérogénéité : du fait de leur jeunesse, les Sic ont été et sont encore animées par des chercheurs venus d’autres disciplines. Or, comme le remarque Robert Boure, la tendance spontanée des fondateurs a été de « continuer à fonctionner intellectuellement à l’intérieur de [leur] discipline d’origine » (Boure, 2002, p. 11). Tendance qui s’est poursuivie logiquement par la suite, les quelques étudiants formés à l’intérieur de la discipline y ayant fait l’objet d’un enseignement non spécifique à celle-ci ; les autres, en l’absence de recommandations claires, appliquant spontanément les grilles d’analyse de leur formation d’origine. Cet usage du transfert de problématiques depuis d’autres disciplines pose en outre un problème concernant la gestion des échanges entre chercheurs que la définition de la compétence des Sic par la délimitation de domaines d’objets concrets ne résout pas non plus. En effet, la possibilité pour chaque chercheur de conserver son propre programme disciplinaire rend difficile la discussion de l’un à l’autre et favorise au contraire les diverses querelles et procès en réductionnisme.

10Enfin et surtout, le travail sur des objets concrets de communication à partir de paradigmes déjà constitués des autres disciplines des sciences humaines revient à tirer un trait sur la capacité des Sic à construire des objets spécifiques. D’où la question finale : à quoi sert de forger une discipline nouvelle si, premièrement, ses chercheurs ne travaillent pas à partir des mêmes paradigmes sur les mêmes objets scientifiques, et si, deuxièmement, chacun d’eux a plus de points communs avec les chercheurs de sa discipline d’origine, qu’il utilise, qu’avec les collègues de sa propre discipline ? En autorisant les chercheurs à privilégier une dimension donnée parmi d’autres, celle qui correspond à leur discipline de formation, et à envisager leur objet à partir d’elle, la revendication d’interdisciplinarité a sans doute ici joué un rôle critiquable, venant masquer l’absence de théorisation originale des travaux.

11Cette dernière difficulté en dit long sur la construction scientifique des objets et sur la nature de l’organisation disciplinaire des connaissances en sciences humaines, si bien qu’il faut nous y appesantir un peu plus longuement.

Expliquer le communicationnel par le communicationnel ?

12Il est impossible de choisir entre les objets d’études concrets et la théorie, entre la dimension historique et la dimension rationnelle. Une discipline est une manière spécifique d’interroger un certain domaine d’objets concrets. Mais, d’une part, les contours de l’objet concret contribuent à dessiner la théorie, d’autre part l’intention théorique choisit l’objet concret, le découpe dans le réel, découpage par lequel elle le constitue en objet scientifique. Si bien qu’une discipline est toujours l’intégration problématique et dynamique de ces deux pôles, qui se co-construisent simultanément selon un processus de genèse réciproque.

13Un paradigme disciplinaire consiste à s’intéresser à un ordre de faits spécifique, distinct des autres et doté d’une relative autonomie. Chacun sait que la sociologie consiste à « expliquer le social par le social », mais que cet ordre de fait est distinct théoriquement, par souci d’intelligibilité, et non physiquement (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1968). Il est donc construit dans l’acte même de sa saisie, ce qui revient à dire que c’est le point de vue qui crée l’objet. Ainsi, en sociologie, il n’existe pas d’objets plus sociologiques que d’autres, l’essentiel réside dans le mode de traitement sociologique des objets. Pour le dire autrement, c’est la sociologie qui fait le social et le social qui fait la sociologie. Dans la réalité n’existe qu’une poussière de fait, et sans les concepts qui le font exister, le social n’a pas d’existence plus « réelle » que n’importe quelle autre des dimensions que l’existence collective et l’histoire de l’organisation des connaissances nous ont rendu familières : le politique, le technique, le psychologique, le langagier, etc. La sociologie s’est développée à la fin du siècle dernier parce qu’à cette période « le social » est apparu comme une réalité distincte … Nous venons de voir qu’il en est exactement de même pour la communication, dont les sciences se développent à mesure que le phénomène lui-même, encore difficile à distinguer, pose question.

14Pour en revenir aux Sic, on peut tirer de ces remarques deux fortes conclusions. D’abord, si une discipline est, en partie, un paradigme ou un « point de vue », il faut garder à l’esprit le fait que les différents points de vue ne se comparent pas, faute d’étalon absolu auquel les ramener. Les objets étant construits, on ne peut trouver d’échelle d’observation plus pertinente, ou d’angle de vue plus juste, car il n’existe pas de point de vue transcendant et intégrateur. À l’intérieur d’un paradigme donné, il est donc légitime que coexistent plusieurs manières de construire les objets de recherche (Lahire, 1998). D’où, d’une part, l’inanité des conflits de compétence entre, par exemple, le point de vue des acteurs (auxquels on rapporte les discours) et le point de vue des signes (qu’on commente, de loin, par leurs acteurs). Et, d’autre part, le fait que les chercheurs sont fondés à construire, expliciter, puis défendre des approches particulières, et à les présenter comme telles sur le marché de la théorie en Sic, comme l’a fait par exemple Alex Muchielli (Mucchielli, 2000).

15Enfin et surtout, on voit mal, en droit, ce qui oblige les Sic à se fonder sur les paradigmes des autres et ce qui les empêche de construire les objets à partir de leur propre niveau de pertinence, à savoir le « communicationnel ». De ce point de vue, nous nous inscrivons en faux contre les positions défendues par exemple par Bernard Miège, pour lequel une bonne manière d’unifier les champs des Sic serait de les envisager comme des constructions sociales (Miège, 1998). Le social n’est pas le substrat du communicationnel. Plus exactement, il ne l’est que pour les sociologues. À moins bien sûr de voir dans le social ce que le marxisme faisait de l’économie : un ordre de fait prédominant, tendanciellement cause de tous les autres, et existant donc « plus objectivement » que les autres dimensions du réel, ce dont on attend depuis un siècle et demi un signe tangible (Veyne, 1971). Le social, mais aussi le technologique et le sémiotique, sont des dimensions de la communication, non des causes finales.

Une caractéristique métathéorique commune : la multi-dimensionnalité

16Résumons-nous : pour le moment les objets de l’Infocom montrent une discipline qui s’est davantage développée au plan pragmatique (par l’interrogation d’objets concrets) qu’au plan rationnel. Pourtant, il est indéniable que le souci propre aux chercheurs des Sic de respecter la complexité des phénomènes et de rendre justice à chaque niveau d’analyse, s’il a pu mener à un certain déficit d’intégration, n’en a pas moins permis de concevoir un nouveau mode d’interrogation des objets : le regard multidimensionnel. On l’a vu, les Sic récupèrent des dimensions d’analyse nées dans les disciplines déjà existantes. Mais elles les retravaillent en liaison avec d’autres dimensions, en veillant toujours à articuler les différents niveaux du phénomène. Cette volonté de construire des objets complexes, caractérisés par une multiplicité de niveaux emboîtés, n’est pas présente chez les disciplines mères auxquelles les Sic empruntent. C’est pourquoi ces dernières nous paraissent se diriger aujourd’hui vers un programme de la multi-dimensionnalité.

17Les Sic construisent donc leurs objets aux frontières de ce que les disciplines classiques reconnaissent comme pertinent à analyser, et à un niveau différent, à la fois plus vaste et plus précis, de ce que celles-ci retiennent traditionnellement : celui des relations entre dimensions, et des processus de composition des phénomènes. À un niveau très général, on peut distinguer trois pôles, trois dimensions dont toute recherche en communication cherche à élucider les rapports : celui de la circulation du sens, celui des acteurs et des pratiques sociales, celui des techniques. Les Sic sont la discipline qui s’intéresse prioritairement aux relations croisées que chacun de ces termes entretient avec les deux autres. Son originalité est de construire des axes de recherche guidés par l’intention de traiter conjointement ces dimensions que les spécialisations traditionnelles laissent séparées : comment faire se rejoindre les signes et les supports, les acteurs et les objets, les situations et la génération du sens ? C’est pourquoi les concepts les plus usités en Sic sont des concepts de composition entre dimensions, où ces trois pôles que nous indiquons sont généralement traités par deux : le linguistique et le social (discours), le sémiotique et le technique (dispositif), le social et le technique (usage). Pour prendre un exemple emblématique de cette tendance, le chercheur en Sic peut travailler sur la « médiatisation », objet complexe relevant d’un domaine concret de communication, les médias, et tentant d’articuler : la dimension pragmatique, qui concerne les producteurs de messages comme types particuliers d’acteurs sociaux, le discours médiatique comme parole publique spécifique, le journal comme objet langagier, les dimensions de la forme et du contenu des discours en question, la dimension de la publicisation des problèmes sociétaux, et enfin le caractère processuel de l’ensemble (Delforce, Noyer, 1999).

18À la lumière de cet état de choses, nous pouvons faire quelques remarques plus personnelles quant à la capacité des Sic à produire des connaissances nouvelles, rigoureuses et discutables sur ces nouveaux objets que sont les processus de communication.

19Le risque pour l’Infocom aujourd’hui repose sur la tentation de remplacer la construction paradigmatique des objets par un point de vue épistémologique ou méta-méthodologique : l’interdisciplinarité et la multi-dimensionnalité des faits et des processus. Par conséquent, au lieu de « penser communicationnellement » la communication (comme passage et transformation), la tendance est à la penser multi-dimensionnellement (comme articulation de niveaux) ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Cette situation peut engendrer deux dérives.

20D’abord, en l’absence de paradigme communicationnel reconnu, la revendication interdisciplinaire dévie aisément vers la tentation de s’intéresser à tous les aspects d’un phénomène en même temps. Comme si les Sic, parce qu’elles se veulent une pensée des relations, devaient prendre en compte et articuler l’ensemble des dimensions d’un phénomène. On retombe alors dans le risque déjà évoqué de dilution qui ne peut conduire, en pratique, qu’à généraliser les approches partielles et les problématiques hétérogènes.

21Ensuite, si l’interdisciplinarité trop focalisée peut conduire à un cloisonnement des recherches et des chercheurs, l’interdisciplinarité non focalisée peut présenter la limite inverse : vouloir traiter les différentes dimensions qu’elle se donne sur un même plan. Cela vaut mieux que de rabattre la communication sur le social ou la technique, mais cela n’est pas encore la reconnaissance d’un principe communicationnel d’explication de la communication, ce qui supposerait une reconnaissance de la primauté de ce type de phénomènes (circulation, transformation, émergence de significations, langages, supports, places, etc.) sur celles traitées par les autres disciplines des SHS. Dire qu’en communication il n’est pas de théorie générale possible parce que les phénomènes sont « complexes » marque une confusion entre la complexité du réel et la nécessaire organisation disciplinaire (ou, en tous les cas, paradigmatique) de la connaissance. C’est croire que la muldimensionnalité des faits, qui est réelle, prive chaque dimension de son autonomie ou de sa logique spécifique de fonctionnement. Les objets construits par les sciences de l’information et de la communication ne se doivent pas particulièrement d’être multidimensionnels, mais de placer la dimension « communication », ou celle du rapport « information/communication », au centre de l’analyse, et de n’étudier les autres dimensions qu’à partir d’elles et depuis leur point de vue : « expliquer la communication par la communication ». Il est donc normal que coexistent en Infocom des courants de recherche concurrents, à condition que cette concurrence s’organise autour de conceptions de la communication, et non autour de ce que les autres sciences humaines font de la communication : un produit des pratiques sociales, un produit de la technique, un produit des systèmes de signes.

Notes

  • [1]
    Pour ne pas alourdir la discussion, on nous autorisera à parler familièrement « des Sic » ou même de « l’Infocom », comme le font étudiants et enseignants.
  • [2]
    Jean-Marie Berthelot rapporte que par rapport aux économistes et aux historiens, les sociologues eux-mêmes se caractérisent par « un rapport tourmenté à leur identité », (Berthelot, 1996, p. 169).
  • [3]
    En particulier la définition de son domaine de compétence par la 52e section des universités en 1975 (Miège, Meyriat, 2002, p. 59), et son inverse, le rapport du Comité national d’évaluation de 1993, pour qui tous les phénomènes abordés par les autres sciences ressortissent également des Sic à condition de faire l’objet d’une « approche communicationnelle » (cité in Muchielli, 2000, p. 10).
Français

Les Sic se sont fondées sur l’analyse des activités concrètes de communication et une attitude d’interdisciplinarité, plus que par une interrogation spécifiquement communicationnelle. Mais cela a permis des constructions spécifiques dans la mesure où les Sic accordent une grande importance à l’articulation entre objets techniques, systèmes d’actions et circulation du sens.

Mots-clés

  • sciences de l’information et de la communication
  • interdisciplinarité
  • multidimensionnalité
  • objet scientifique
  • discipline

Références bibliographiques

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  • Boure, R. (dir.), Les Origines des sciences de l’information et de la communication, Regards croisés, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2002.
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  • Lahire, B., L’Homme pluriel, les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 1998.
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  • En ligneMiège, B., « Le communicationnel et le social : déficits récurrents et nécessaires (re)-positionnements théoriques », Loisir et société, 1, vol. 21, 1998.
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  • Ollivier, B., Observer la communication, Paris, CNRS Éditions, 2000.
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  • Veyne, P., Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971.
  • Wolton, D., Penser la communication, Paris, Flammarion, 1997.
Jean-Baptiste Perret
Université de Paris 4 Sorbonne (Celsa)
Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication (Gripic)
Jean-Baptiste Perret, docteur en sciences de l’information et de la communication. Chercheur au Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication (Gripic), (Celsa), université de Paris 4 Sorbonne.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/9435
Pour citer cet article
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