CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le triomphe du néo-libéralisme, puis la montée de « l’alter-mondialisation » [1] à travers Seattle, Gênes ou Porto Alegre l’ont clairement montré : l’économique et le politique sont dans des interactions étroites qui ne sont pas sans effets sur la configuration de l’espace public.

2Comment rendre compte de cette configuration ? L’objet de ce volume est de le faire à travers un prisme particulier : l’économie solidaire appréhendée, dans un premier temps, comme l’ensemble des expériences visant à démocratiser l’économie à partir d’engagements citoyens. En situant ainsi de manière générale l’économie solidaire on en reste à une approximation, mais on saisit en même temps ce qui fait l’originalité de cette perspective, à savoir la volonté de relier la contestation politique de la « globalisation » actuelle avec des pratiques de citoyenneté économique. En somme, il s’agit à la fois de résister et de construire, de contester et de proposer.

3Ainsi caractérisée, l’économie solidaire peut constituer un prisme à travers lequel regarder l’espace public pour en renouveler l’analyse. Tel est, en tout cas, le pari de ce numéro. Mais, lire l’espace public à travers l’économie solidaire s’avère un pari impossible à tenir, si on ne précise pas quelque peu ces deux notions. La notion d’espace public est plus familière au lecteur d’Hermès qui lui a consacré de nombreux numéros. Nous donnerons donc une définition liminaire relativement synthétique du type d’approche de l’espace public auquel nous nous référons et centrerons nos efforts de définition préalable sur l’économie solidaire [2].

Une approche de l’espace public

4Nous nous intéressons ici à la dimension politique de l’espace public qui est tout à la fois :

5• Le lieu de légitimation du politique. C’est par l’espace public que les citoyens ont accès aux informations politiques, qu’ils peuvent débattre et se forger une opinion et qu’ils peuvent choisir les personnes qui exerceront le pouvoir politique. C’est par l’espace public que les citoyens se sentent non seulement destinataires du droit, mais aussi auteurs de ce droit (Habermas, 1987).

6• Le fondement de la communauté politique. L’espace public est un espace symbolique qui permet de relier entre eux des individus n’appartenant plus à des communautés traditionnelles (Tassin, 1991).

7• Une scène d’apparition du politique. C’est sur l’espace public que les acteurs politiques se mettent en scène et que les problèmes politiques deviennent visibles (Arendt, 1983).

8Cette définition repose sur un certain nombre d’options théoriques de natures diverses qui s’opposent parfois frontalement à d’autres traditions de recherches. Il ne s’agit pas ici de les justifier, mais de les expliciter afin de favoriser une lecture critique de notre travail en soulignant ce qu’implique notre définition initiale de l’espace public.

9- L’espace public ne se réduit pas à l’espace institutionnel. L’espace public n’est d’ailleurs pas une institution, mais un espace potentiel, ouvert à tous les acteurs ; ce n’est pas une donnée a-historique, mais une construction sociale toujours en évolution. Ces caractères soulignent la fragilité intrinsèque de l’espace public.

10- L’espace public est un lieu où l’on traite des questions relevant de la collectivité, où se formulent des visions antagonistes du bien commun et de l’intérêt général ; il n’est donc pas l’apanage du pouvoir et suppose que les acteurs sociaux possèdent une certaine capacité critique auto-réflexive.

11- C’est un espace qui se veut universel, mais qui est inégalitaire puisque tout le monde n’y accède pas. De plus, les individus et les organisations collectives qui se rencontrent dans l’espace public n’ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes compétences politiques, ni le même poids social.

12- L’espace public, dans sa dimension symbolique, concourt à une certaine pacification des mœurs sociales en substituant la communication à la violence physique, ce qui d’ailleurs n’exclut pas une certaine violence symbolique.

L’économie solidaire : une articulation des dimensions politique et économique

13L’économie solidaire relève, pour partie, de l’espace public puisqu’elle renvoie à des pratiques associationnistes qui, par le biais de rencontres inter-personnelles, opèrent justement le passage de l’espace privé à l’espace public. Mais leur spécificité ne peut être saisie à partir de cette seule composante ; elle réside bien, comme il a été noté d’entrée de jeu, dans l’articulation des dimensions politique et économique. Les expériences se revendiquant de l’économie solidaire conçoivent leur action politique à travers la prise en charge d’activités économiques, ce qui suppose d’identifier et de mobiliser une pluralité de registres économiques.

14Ce sont les principes économiques qui sont pluriels. Au principe du marché, s’ajoutent ceux de la redistribution et de la réciprocité (Polanyi, 1977). La redistribution correspond au principe selon lequel la production est remise à une autorité centrale qui a la responsabilité de la répartir, ce qui implique une procédure définissant les règles des prélèvements et de leur affectation. La réciprocité correspond à la relation entre des groupes ou des personnes grâce à des prestations qui ne prennent sens que dans la volonté de manifester un lien social. Indissociable des rapports humains qui mettent en jeu des désirs de reconnaissance et de pouvoir, le cycle de la réciprocité se distingue donc de l’échange marchand parce qu’il n’est pas basé sur l’équivalence contractuelle, comme de l’échange redistributif dans la mesure où il n’est pas imposé par un pouvoir central.

15Ce sont également les formes de propriété qui sont plurielles. En sus des entreprises privées et publiques, existent des entreprises « sociales » dont la propriété est collective, qui constituent des patrimoines indivisibles et dans lesquelles la rémunération du capital et l’appropriation privée des résultats sont soumis à des limites. Les statuts associatifs, coopératifs et mutualistes manifestent la persistance d’un entrepreneuriat qui n’est pas mû par le souci de la rentabilité de l’investissement.

16Les réalisations d’économie solidaire refusent donc la réduction de l’économie au marché et l’assimilation entre entreprise et entreprise capitaliste. Les personnes qui s’y engagent en tant que citoyens prennent appui sur des logiques d’action économique différentes pour promouvoir des activités qu’elles jugent pertinentes au regard des problèmes auxquels elles sont confrontées. Plus précisément, deux traits complémentaires les singularisent.

17• Une impulsion réciprocitaire dans des espaces publics de proximité. En premier lieu, leur émergence repose sur une finalité de service à la collectivité, c’est-à-dire la recherche explicite, par leur activité économique, d’effets positifs pour la société en termes sociaux ou environnementaux, (par exemple la justice sociale dans l’accès aux services, la contribution à la cohésion sociale, la priorité accordée aux énergies renouvelables…). Comme cette recherche de « bénéfices collectifs » ne peut guère attirer les investisseurs privés (Callon, 1999), il est logique que ces initiatives soient plutôt initiées et contrôlées par des parties prenantes de l’activité (usagers, bénévoles, salariés). Concrètement, elles se construisent à travers des relations réciprocitaires entre ces parties prenantes dans des espaces publics autonomes que l’on peut désigner comme espaces publics de proximité parce qu’ils s’inscrivent dans « l’espace concret de l’intersubjectivité » (Godbout, Caillé, 2000) tout en faisant sortir les questions traitées de la sphère privée. Autrement dit, ils introduisent « dans le domaine discursif des aspects de la conduite sociale qui étaient auparavant intangibles ou réglés par des pratiques traditionnelles » (Giddens, 1994, p. 120).

18• Une hybridation entre les principes économiques. En second lieu, cette création par des espaces publics de proximité est à consolider par une hybridation entre les principes économiques. L’hybridation ne désigne pas seulement un mixage de ressources que la plupart des entités économiques réalisent, elle évoque un équilibrage entre les ressources se donnant pour but de respecter dans la durée la logique du projet initial. Si les activités d’économie solidaire peuvent mobiliser des ressources marchandes, leur objectif revendiqué de générer des effets sociétaux appelle des ressources redistributives et réciprocitaires permanentes. Les effets recherchés ne peuvent être financés par des mécanismes de marché et ils justifient l’intervention publique. Mais leur reconnaissance est rendue possible par l’existence de ressources volontaires ; ces dernières peuvent favoriser l’expression de nouvelles demandes sociales et stimuler la démocratie participative que la dépendance de l’action publique vis-à-vis des processus de décision inhérents à la démocratie représentative n’autorise pas toujours. Pour résumer, la consolidation est d’autant plus réussie qu’elle subordonne la captation de ressources marchandes à des priorités solidaires.

Les réalités évolutives de l’économie solidaire

19À cet égard, dès le xixe siècle, se sont affirmées deux conceptions contrastées de la solidarité, l’une la rapportant à la philanthropie, l’autre l’inscrivant dans un cadre démocratique.

20La version philanthropique s’est largement diffusée dans une vision où la charité était appréhendée au xixe siècle comme un principe social, une composante nécessaire à la société démocratique, contribuant à sa pacification par l’engagement volontaire. L’impératif charitable renvoyait à une société éthique dans laquelle des citoyens motivés par l’altruisme remplissaient leurs devoirs les uns envers les autres. À l’évidence, cette conception philanthropique de la solidarité fut, et est encore aujourd’hui, fortement marquée au coin de préoccupations libérales. Focalisée sur la question de l’urgence et la préservation de la paix sociale, elle se donne pour objet le soulagement des pauvres et leur moralisation par la mise en œuvre d’actions palliatives.

21Par contraste, une référence à la solidarité démocratique s’impose. Les études historiques montrent qu’à partir du xviiie siècle, il a existé des espaces publics populaires se manifestant en particulier par un foisonnement associationniste dans la première moitié du xixe siècle dont l’une des principales revendications a été celle de l’organisation du travail (Chanial, 2001 ; Laville, 1999 ; Revue du Mauss, 2000). Dans celui-ci, la solidarité démocratique est abordée comme une réciprocité volontaire unissant des citoyens libres et égaux en droit, contrastant avec la charité et la philanthropie qui reposent sur l’inégalité des conditions. Face à l’échec de la prophétie libérale selon laquelle la suppression des entraves au marché équilibrerait forcément l’offre et la demande du travail, de très nombreuses réactions ont lié résolution de la question sociale et auto-organisation populaire. Dans les associations ouvrières et paysannes s’interpénètrent production en commun, secours mutuel et revendication collective. Elles esquissent le projet d’une économie qui pourrait être fondée sur la fraternité et la solidarité tout en invalidant la thèse de la discontinuité entre espace public et économie (Laville, op. cit.).

22Au fur et à mesure que progressent productivisme et capitalisme, cet élan réciprocitaire, touché par la répression, s’essouffle toutefois. La solidarité prend progressivement une autre signification, celle d’une dette sociale entre groupes sociaux et à l’égard des générations passées que l’État a pour mission de faire respecter en canalisant les flux de la redistribution. Parallèlement, l’associationnisme pionnier conquiert droit de cité tout en donnant naissance aux institutions différentes que sont les syndicats, les mutuelles, les coopératives et les associations sans but lucratif. Le projet d’économie solidaire s’efface. Il fait place à des organisations d’économie sociale qui ne sont pas épargnées par la banalisation et à un mouvement syndical qui s’en éloigne et pèse pour l’instauration d’un État Providence redistributif comme pour la reconnaissance de droits sociaux dans les entreprises. L’État élabore un mode spécifique d’organisation, le social, qui rend praticable l’extension de l’économie marchande en la conciliant avec la citoyenneté des travailleurs. La sécurité obtenue se paie toutefois d’un abandon de l’interrogation politique sur l’économie.

23Le social constitue au xxe siècle « l’une des formes de légitimation du politique », mais ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’il « enregistre une mutation décisive caractérisée par une quadruple extension de l’économie, de l’industrialisation, du salariat et de l’action social étatique » (Lazar, 2000, p. 341-352). Le couple formé par l’économie de marché et l’État social débouche sur le compromis fordiste (Boyer, 1987) et providentialiste (Bélanger, Lévesque, 1991) propre à la période d’expansion des Trente Glorieuses. Il témoigne d’une régulation du marché par les droits accordés aux travailleurs comme d’un mouvement de démarchandisation de certaines activités attesté par la création de services sociaux universels et gratuits. Ces acquis ont néanmoins des contreparties qui tiennent à l’espace national auquel ils se limitent, comme à l’absence de participation tant pour les salariés à l’organisation du travail que pour les usagers à la définition des soins.

24Ce sont des contreparties qui vont être mises en cause à partir des années 1960 par « les nouveaux mouvements sociaux » (écologiques, féministes…). En même temps que s’expriment ces nouvelles sensibilités, le militantisme généraliste, lié à un projet de société, impliquant une action dans la durée et de fortes délégations de pouvoir dans le cadre de structures fédératives s’affaiblit comme le montre le recul de certaines appartenances syndicales et idéologiques. Par contre, cette crise du bénévolat, constatée dans des associations parmi les plus institutionnalisées, se double d’une effervescence associative à base d’engagements concrets à durée limitée, centrés sur des problèmes particuliers et œuvrant pour la mise en place de réponses rapides pour les sujets concernés (Barthélémy, 1994 ; Ion, 1997). Parmi les démarches témoignant de cette inflexion de l’engagement, certaines affirment leur dimension économique tout en l’articulant à une volonté de transformation sociale. Des entreprises « autogestionnaires » ou « alternatives » veulent expérimenter « la démocratie en organisation » et aller « vers des fonctionnements collectifs de travail » (Sainsaulieu et al., 1983).

25Il est indéniable que beaucoup de ces expériences se sont épuisées dans les affrontements idéologiques et la confrontation à la pénurie, elles n’ont pas moins fourni des inspirations qui vont être reprises, dans d’autres cadres, par d’autres groupes sociaux qui se réclament aujourd’hui de l’économie solidaire. En tout cas, elles montrent que la renaissance de l’économie solidaire est antérieure à la « crise » économique et ne s’explique pas par le chômage et l’exclusion même si ces phénomènes ont ensuite influé sur les formes de ce renouveau.

Architecture du numéro

26Ce détour était nécessaire pour situer les termes d’un débat que les textes suivants amorcent. En effet, les chercheurs en sciences politiques, en communication ou en sociologie qui s’intéressent à l’espace public ne s’intéressent guère à l’économie solidaire ; réciproquement, les économistes et sociologues travaillant sur le thème de l’économie solidaire n’utilisent pas souvent la notion d’espace public dans leur appareillage conceptuel. D’où l’agencement de ce numéro qui consiste à demander aux spécialistes de l’économie solidaire de présenter leurs recherches sous l’angle de l’espace public puis à examiner quelles réflexions théoriques peuvent être formulées à la lumière des expériences décrites.

27La première partie est consacrée à la mise en perspective internationale et historique. Le détour international permet de mieux saisir les enjeux contemporains de l’économie solidaire que deux auteurs s’attachent à cerner, respectivement pour l’Europe et les Amériques. Un retour aux origines peut également aider à mieux comprendre des réalités actuelles, comme le développe par ailleurs Philippe Chanial dans sa contribution.

28La deuxième partie porte sur les figures de l’économie solidaire et rentre dans le détail des pratiques. Ainsi, des initiatives comme celles présentées par Isabelle Guérin s’attachent à consolider le lien civil en s’appuyant sur la participation des femmes. Avec d’autres, elles expliquent la montée du thème des « entreprises sociales » que restitue Laurent Gardin. Les initiatives de finances solidaires veulent, quant à elles, promouvoir un autre rapport à l’argent. Critiquant l’évolution du système financier qui rend le crédit sélectif et inaccessible pour nombre d’entrepreneurs, elles cherchent à orienter l’épargne vers des activités ayant une finalité sociale et un ancrage local, comme le souligne David Vallat dans son texte. En cela, elles convergent avec des réalisations comme les pôles de l’économie solidaire dont Pénélope Codello-Guijarro explique la genèse à partir d’un exemple.

29Si les moyens choisis sont différents, le souci de démocratiser l’initiative est le même dans différents réseaux d’échanges non monétaires qui mettent en évidence les menaces liées à un excès de monétarisation de la vie sociale et réhabilitent les systèmes d’échanges locaux et l’auto-production collective, comme le montrent Jérôme Blanc, Cyrille Ferraton, Gilles Malandrin d’un côté, Daniel Cerezuelle de l’autre. Quant au commerce équitable, abordé par Elisabetta Bucolo, il témoigne d’une protestation contre un commerce international où producteur et consommateur sont privés de tout contact direct, ce qui favorise des formes nouvelles de surexploitation dont pâtissent, en premier lieu, les producteurs du Sud. Améliorer leur sort tout en sensibilisant l’opinion publique du Nord aux injustices dont ils sont victimes, tel est le double objectif que se fixent, en conséquence, les acteurs du commerce équitable qui mènent à la fois des actions de sensibilisation et organisent des circuits de distribution.

30On l’a compris, il existe un risque d’instrumentalisation de l’économie solidaire consistant, dans une perspective philanthropique, à la cantonner dans le rôle d’une économie de réparation, qui agirait seulement sur les effets de la pauvreté sans en combattre les causes. Elle ne serait alors acceptable que sous la forme d’une économie caritative favorisant le démantèlement de l’État social en organisant des services moins chers, sur la base d’un bénévolat subi et d’un recours massif à des emplois précaires.

31Mais les acteurs de l’économie solidaire se démarquent de cette vision qui priverait de sens leurs pratiques puisque leur raison d’être est le combat contre l’extension sans fin du marché. D’où l’hypothèse formulée par Daniel Goujon et Jacques Poisat dans leur contribution sur l’hôpital d’une continuité des actions publique et associative. Les pratiques analysées dans la deuxième partie permettent donc de préciser les formes prises par l’économie solidaire et son projet politique, celui de la construction d’une autre mondialisation par un comportement solidaire dans les actes quotidiens.

32Compte tenu de ces apports, la troisième partie peut présenter une lecture de l’espace public à travers l’économie solidaire. Il s’agit de proposer un aller et retour entre théorie et empirie. La théorie de l’espace public permet d’éclairer, en partie, les initiatives d’économie solidaire, la description de ces initiatives vient en retour modifier partiellement la théorie de l’espace public. Plutôt que d’insister sur une crise de la représentation réelle, mais inhérente à une démocratie non censitaire, ou de mettre l’accent sur une crise de l’État – dont les marges de manœuvre sont certes réduites par la mondialisation financière, la construction européenne ou la régionalisation mais restent non négligeables – il convient d’insister sur l’inversion historique du couple : politique et économie. Si, hier, l’expérience totalitaire a mis en évidence le danger d’un contrôle politique sur l’économie, la soumission du pouvoir politique aux impératifs économiques menace aujourd’hui la santé politique des démocraties. C’est en tout cas l’une des conclusions auxquelles nous invitent les auteurs, que ce soit Philippe Chanial, Bernard Eme, Bernard Floris, Laurent Fraisse, Laurence Roulleau-Berger, Guy Roustang ou encore Julien Weisbein. Ces derniers ont tous accepté de tirer des conclusions théoriques à partir des expériences décrites, expériences qui étaient pourtant loin d’être familières à tous. Qu’ils en soient ici remerciés, comme nous remercions les auteurs de la partie précédente d’avoir simplifié leur écriture et leur analyse afin de rendre la lecture de leurs travaux accessible à des lecteurs qui ne sont pas forcément familiarisés avec l’économie solidaire [3].

Notes

  • [1]
    Les Forums sociaux mondiaux de Porto Alegre ont consacré des travaux, en 2002 et 2003, à l’économie solidaire. De même, au sein du comité scientifique d’ATTAC, s’est créé un groupe de réflexion sur l’économie solidaire.
  • [2]
    Hermès a consacré plusieurs numéros à cette notion : le n° 4 Le Nouvel espace public ; le n° 10 Espaces publics, traditions et communautés, et le n° 13-14 Espaces publics en images.
  • [3]
    Cette notion est soumise à un fort travail social ; un exemple récent l’illustre. Le gouvernement Jospin avait créé, au printemps 2000, un secrétariat d’État à l’Économie solidaire. Une décision qui a eu des effets modifiant la réalité analysée.
Français

Les chercheurs en sciences politiques, en communication ou en sociologie qui s’intéressent à l’espace public ne s’intéressent guère à l’économie solidaire ; réciproquement, les économistes et sociologues travaillant sur le thème de l’économie solidaire n’utilisent pas souvent la notion d’espace public dans leur appareillage conceptuel. Ce cloisonnement est dû, en partie, à une opposition entre le travail, activité aliénante et l’activité politique qui est celle de l’homme libre que beaucoup d’auteurs disent emprunter à Hannah Arendt et qui introduit une dichotomie radicale entre sphère économique et espace public. Or, comme le montre un détour par l’histoire, la distinction analytique entre ordre politique et ordre économique ne saurait être transformée en une dissociation empirique. L’économie solidaire invite donc le chercheur à penser ensemble l’activité économique et l’activité politique afin d’approfondir le concept d’espace public.

Mots-clés

  • économie solidaire
  • espace public
  • politique

Références bibliographiques

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  • Hugon, P., « La mondialisation implique-t-elle moins d’État ? », Sciences de la société, n° 54, 2001.
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  • Sainsaulieu, R., Tixier, P.-E., Marty, M.O., La Démocratie en organisation, Paris, Librairie des méridiens, 1983.
  • En ligneTassin, E., « Espace commun ou espace public ? », Hermès, n° 10, 1991.
Éric Dacheux
Éric Dacheux, maître de conférences à l’IUT de Roanne, responsable de l’équipe espace public européen ; chercheur associé au Laboratoire Communication et Politique (LCP), CNRS, Paris.
Jean-Louis Laville
Jean-Louis Laville, sociologue, directeur du Laboratoire de Sociologie du changement des institutions (LSCI), CNRS.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/09/2014
https://doi.org/10.4267/2042/9352
Pour citer cet article
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