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Introduction

1Cette contribution a pour objectif d’approfondir comment la dimension d’espace public que présentent les entreprises sociales peut être une source de leur légitimation vis-à-vis des pouvoirs publics. En préalable, il convient de présenter les caractéristiques des entreprises sociales, pour ensuite apprécier comment la notion d’espace public peut, au-delà de sa polysémie (Dacheux, 2000, p. 97-98), être approchée dans les entreprises sociales. Dans leur construction et dans leur fonctionnement quotidien, ces initiatives associent différents types d’acteurs qu’ils soient travailleurs, bénévoles, usagers dans des modalités d’espace public qui se réalisent parfois au sein même des organisations. L’espace public peut être approché comme le lieu de négociation ou de confrontation entre la légitimation des entreprises sociales par leurs pairs d’une part, et par la puissance publique d’autre part. Ces approches de l’expression de l’espace public posent la question de la légitimation de ces entreprises sociales à travers la reconnaissance du droit social (Gurvitch, 1932), à distinguer d’un droit, émanant uniquement de l’État, qui ne peut pas reconnaître ces organisations sans tenir compte des règles qu’elles se donnent à partir des espaces publics qui les constituent.

Les caractéristiques générales des entreprises sociales

2Les initiatives pouvant se reconnaître dans le concept d’entreprise sociale sont multiples (Clément, Gardin, 1999). Ainsi, dans le cadre de sa mission sur L’opportunité d’un nouveau type de société à vocation sociale, pour le compte du ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Alain Lipietz (2001) a pu interroger des représentants de Régies de quartier, d’entreprises d’insertion, d’entreprises de travail adapté, d’associations intermédiaires, d’associations d’aide à domicile, de centres d’hébergement et de réadaptation sociale, de systèmes d’échanges locaux, de coopératives, de mutuelles ; et l’on pourrait encore ajouter à cette liste les services de proximité, les crèches parentales, les associations de tourisme...

3Aufinal, il est possible de distinguer deux grands types d’entreprises sociales : les entreprises sociales d’insertion par l’économique, et les entreprises sociales produisant des biens et services ayant une utilité sociale ou collective. C’est cette distinction qui est déjà réalisée au sein des coopératives sociales italiennes dont il faut rappeler la montée en puissance (Laville, 1991 ; Burruni, Gardin, Laville, 1998). L’une des premières coopératives de solidarité sociale fut lancée en 1966 pour apporter un service à des enfants orphelins. En fait, jusqu’en 1976, il n’y eut qu’une dizaine de ces coopératives. Leur nombre commença à augmenter durant les années qui suivirent, lentement jusqu’en 1980 puis de plus en plus rapidement. En 1996, environ 3000 coopératives (Borzaga, 1997) sont présentes sur le territoire national. Elles regroupent 75000 travailleurs, environ 120000 membres, 11000 bénévoles, 400000 usagers, 10000 personnes défavorisées intégrées professionnellement pour un chiffre d’affaires annuel de 1,2 milliard euros.

4Selon la loi du 8 novembre 1991 qui les régit, ce n’est pas la maximisation des intérêts de ses associés qui est recherchée mais « l’intérêt général de la communauté pour la promotion humaine et l’intégration sociale des citoyens ». Cette loi reconnaît aux coopératives le principe, auparavant réservé aux associations, d’une solidarité tournée vers son environnement social. Leur objectif se réalise « à travers : a) la gestion des services socio-sanitaires et éducatifs ; b) le déroulement de diverses activités (agricoles, industrielles, commerciales ou de services) ayant pour but l’insertion dans le monde du travail de personnes défavorisées ». Les coopératives dites de type A gèrent des centres sociaux, des centres d’hébergements, des services d’aide à domicile, d’aide aux personnes âgées… Les coopératives dites de type B, appelées coopératives de solidarité sociale pour l’insertion par le travail, ont une double production : une production sociale, en favorisant l’intégration de personnes défavorisées sur le marché du travail et une production économique par leur activité agricole, industrielle, artisanale ou de services.

5Si l’on peut distinguer deux grands types d’entreprises sociales, certaines ont aussi parfois ces deux dimensions, ainsi, suivant la définition du Comité national de liaison des Régies de quartier (CNLRQ) en France : « Une Régie de quartier est une association qui regroupe des représentants des collectivités territoriales, des logeurs et des habitants. (…) L’objectif du dispositif est de recréer des liens sociaux sur un territoire et de reconstruire de nouveaux modes de démocratie dans la gestion du local, à partir d’une logique communautaire et partenariale. Il s’agir d’une requalification urbaine du quartier et de son développement économique. En offrant un travail rémunéré, le dispositif vise l’insertion des personnes en difficulté sociale ou professionnelle. Participer effectivement à toutes les étapes de la vie associative (réflexion, décision, mise en œuvre) constitue pour les habitants une authentique démarche de citoyenneté. » Les Régies sont donc, par leur fonctionnement, à la fois entreprise et association ; elles ont une activité économique (entretien et ménage des halls, cages d’escalier ; entretien des espaces publics-espaces verts, mobiliers urbains, eaux et assainissements ; maintenance ; second œuvre bâtiment…) imbriquée dans une vie associative.

6Se basant sur ces exemples er bien d’autres dans des contextes nationaux différents, une enquête réalisée par l’OCDE (1998) a offert une proposition de définition : « L’entreprise sociale fait référence à toute activité privée, d’intérêt général, organisée à partir d’une démarche entrepreneuriale et n’ayant pas comme raison principale la maximisation des profits mais la satisfaction de certains objectifs économiques et sociaux ainsi que la capacité de mettre en place par la production de biens ou de services des solutions innovantes aux problèmes d’exclusion et de chômage. » Cette définition est complétée par des mots-clefs caractérisant ces initiatives. Mais ni la définition fournie par l’OCDE, ni les mots-clefs qui la complètent ne font référence à la notion d’espace public.

La manifestation de l’espace public liée à la participation de multiples parties prenantes

7Cette dimension est précisée dans d’autres travaux. Le réseau Emes (Emergence de l’entreprise sociale) réunit des chercheurs des 15 pays de la Communauté européenne (Borzaga, Defourny, 2001). Ils se sont penchés sur l’organisation socio-économique de ces entreprises en tentant d’affiner ses caractéristiques concernant notamment « la propriété et l’organisation des facteurs de production au sein de l’entreprise » (Laville, Nyssens, 2001).

Les propriétaires des entreprises sociales

8Ils soulignent que les entreprises sociales appartiennent à des parties prenantes autres que les investisseurs. Ces parties prenantes ne sont pas seulement les travailleurs, mais peuvent être aussi les consommateurs ou les fournisseurs. Certaines analyses qui reposent sur le concept de multiple stakeholders enterprises ont mis en évidence la possibilité d’une hétérogénéité au sein même du groupe propriétaire de l’entreprise (Borzaga, Mittone, 1997 ; Pestoff, 1998). Cette qualification est basée sur un jeu de mots en anglais distinguant les entreprises dirigées par des stakeholders (parties prenantes) de celles qui sont dirigées par des stockholders (actionnaires). Ces organisations ont des formes de contrôle interne avec des membres et des organes dirigeants incluant une pluralité de parties prenantes. Par exemple, dans les coopératives sociales iraliennes sont propriétaires à la fois des usagers, des bénévoles et des travailleurs salariés. Avec les Régies de quartier, ces différentes parties prenantes sont représentées à des degrés divers ; comparées aux coopératives sociales italiennes, elles ont la particularité d’accorder une place plus grande aux collectivités locales et aux commanditaires de travaux et une place moins importante aux travailleurs.

9Le concept de capital social défini par Coleman (1990) pour le développement des personnes, et développé par Putman (1993) sur le plan du fonctionnement des organisations comme « les caractéristiques des organisations sociales tels les réseaux, les normes et la confiance qui facilitent la coordination et la coopération en vue du bénéfice mutuel », est mis en avant comme une des caractéristiques originales et importantes de ces entreprises par les chercheurs du réseau Emes. Reprenant les apports d’Habermas (1992 ; Eme, 1993), le capital social apparaît alors comme un facteur de démocratisation, à travers la constitution d’espaces publics locaux de débats sur la constitution d’activités et le fonctionnement des services.

L’implication de parties prenantes multiples

10À travers l’intégration de parties prenantes, on parvient à la constitution d’espaces publics dans ces organisations. « Les habitants ne sont plus vécus comme la clientèle d’un dispositif mais se situent au cœur d’un dispositif » explique un représentant du CNLRQ. Ainsi, sur plus de 2000 administrateurs bénévoles des Régies plus d’un tiers sont habitants des quartiers, 16 % sont liés aux autorités locales, 13 % aux bailleurs sociaux er 14 % aux associations (Gardin, Laville, 1997). Un exemple de débat dans une Régie de quartier permet d’illustrer la concrétisation des espaces publics. Suite au passage du quartier en zone franche, qui permet l’exonération de certains impôts et taxes pour les entreprises qui y sont installées, un débat sur le niveau de répercussion de la baisse des charges s’est mis en place (Gardin, 1999). La Régie qui associe habitants, collectivités locales, bailleurs, associations et salariés en est venue à débattre, en interne. De manière schématique, la Régie était placée devant cette contradiction : les excédents réalisés devaient-ils permettre une baisse des tarifs bénéficiant à la ville, aux bailleurs et indirectement aux locataires (baisse des charges locatives) voire aux contribuables (limitation des impôts) ? Ou devaient-ils permettre un développement de nouvelles activités bénéficiant aux nouveaux salariés, aux habitants et indirectement à la ville et aux bailleurs ? C’est parce que ce sont des espaces permettant une telle confrontation que les Régies peuvent être appréhendées comme des espaces publics. Mais cette originalité leur est déniée quand les pouvoirs publics décident de leur attribuer la gestion de certaines activités à partir d’appels d’offres les mettant en concurrence avec des prestataires privés.

11Au-delà de ce cas, suivant les activités des entreprises sociales, ce peut être la place des personnes âgées (associations de l’aide à domicile), celle des enfants (crèches à participation parentale…), ou la qualité de l’environnement qui sont abordées au sein de ces espaces publics où les différentes parties prenantes sont directement impliquées dans la réalisation quotidienne de ces services. Toutefois, cette constitution d’espaces publics ne doit pas occulter des rapports de force inégaux. Ainsi, les collectivités locales à la fois financeurs et parties prenantes de l’organisation peuvent être dans des positions dominantes car, si le fonctionnement de l’entreprise sociale s’appuie sur des espaces publics entre différentes parties prenantes, il est aussi confronté aux rapports à nouer avec les pouvoirs publics.

La reconnaissance de l’entreprise sociale par les pouvoirs publics

12La reconnaissance par les pouvoirs publics de l’entreprise sociale conditionne son fonctionnement socio-économique. En effet, une seconde caractéristique importante des entreprises sociales mise en évidence par le réseau Emes tient aux modalités de distribution des biens et services, c’est-à-dire aux types de relations économiques propres à ces initiatives.

Un fonctionnement socio-économique spécifique et ses implications dans le rapport aux pouvoirs publics

13Les auteurs soulignent l’importance d’une conception extensive de l’économie, où sont qualifiées d’économiques toutes les actions dérivées de la dépendance de l’homme vis-à-vis de la nature et de ses semblables. Les pratiques montrent que trois pôles économiques peuvent être mobilisés par l’entreprise sociale : le marché dans lequel il y a mise en correspondance de l’offre et de la demande de service entre agents économiques par le mécanisme de fixation des prix ; la redistribution dans laquelle une autorité centrale rassemble des moyens pour ensuite les répartir selon les normes qu’elle fixe elle-même ; la réciprocité où les échanges s’expliquent par la volonté d’entretenir ou de renforcer les liens sociaux entre différents groupes ou personnes.

14Partant de cette approche plurielle de l’économie, ces travaux rappellent combien les entreprises sociales se consolident à partir d’une hybridation des différents registres économiques. Parmi ces relations économiques, celles reposant sur la redistribution sont l’objet de débat parce qu’elles posent la question de l’implication des pouvoirs publics. Pour Lipietz (op. cit.), le secteur d’utilité sociale a vocation à bénéficier de dérogations fiscales ou sociales et de subventions publiques pour rémunérer les bénéfices qu’il produit pour la collectivité. Dès lors, se pose la question de savoir sur quels critères doivent être délivrés ces avantages par rapport aux entreprises du secteur privé capitaliste. Des pistes ont été ouvertes pout la définition de ces critères : possibilité de partage plafonné des bénéfices entre associés ; réalisation d’activités d’insertion ou d’activités ayant une utilité sociale ; fonctionnement démocratique intégrant les parties prenantes multiples. La définition d’un label avec des critères d’inclusion et d’exclusion est une voie en cours d’exploration. Néanmoins, si l’entreprise sociale présente comme centrale dans ses caractéristiques la dimension d’espace public, il convient de réfléchir à des modalités de reconnaissance la préservant.

L’exemple du label des Régies de quartier

15À cet égard, les modalités de reconnaissance des Régies de quartier présentent un exemple particulièrement intéressant (Gardin, Laville, op. cit., p. 4-17). C’est le Comité national de liaison des Régies de quartier (CNLRQ) qui autorise une association à utiliser le label « Régie de quartier », déposé par lui à l’Institut national de la propriété industrielle, et délivré par le réseau en référence à la Charte adoptée en 1991 · L’origine de cette Charte marque la volonté d’autonomie du réseau et de ses membres. Le début des années 1990 a coïncidé avec une attention soutenue des pouvoirs publics en direction des banlieues. Les troubles qui vont se produire dans certaines d’entre elles conduisent à la création d’un ministère de la Ville et à une volonté de redéployer de nouveaux moyens pour les quartiers dits en difficulté. Parmi ces moyens, une idée simple commence à se répandre : « il existe 400 quartiers prioritaires de la politique de la ville, il faut faire 400 Régies de quartier » suggèrent les cabinets ministériels. Soucieuses de maîtriser leur développement notamment qualitatif et d’éviter une instrumentalisation par l’État, les Régies de quartier vont décider de constituer un texte de référence. L’adoption de la Charte marque la volonté de ces initiatives de ne pas être l’instrument de politiques publiques et de pouvoir se constituer à partir de dynamiques locales, en respectant les principes de fonctionnement qu’elles choisissent, sans pour autant se couper de tout rapport avec les pouvoirs publics qui leur octroient cet tains moyens (appui à la tête de réseau, accords-cadres, aides en formation…).

16Dit autrement, c’est la volonté de préserver la constitution des Régies de quartier à partir d’espaces publics locaux qui a conduit le CNLRQ à refuser de devenir un dispositif défini par rapport à des circulaires administratives ou à des textes de loi. Ce type de préoccupation réapparaît avec les débats sur l’entreprise sociale et, plus généralement, sur l’économie solidaire. Les pouvoirs publics peuvent être rentes de définir ces initiatives à partir d’agréments qu’ils délivreraient aux expériences, faisant fi de leur capacité à produire leurs propres règles et ctitères de fonctionnement. La question est alors posée de la légitimité d’espaces publics se maintenant sans encadrement étatique.

Le droit social comme moyen de légitimation des entreprises sociales

17Cette interrogation renvoie à la notion de pluralisme juridique (Trêves, 1995, p. 144-146) tel que l’a abordée Gurvitch dans sa thèse consacrée à « L’idée du droit social » (1932). Pour lui, « dans la vie juridique, l’État est comme un petit lac profond perdu dans l’immense mer du droit, qui l’entoure de tous côtés » (Gurvitch, 1932, p. 152). « Le droit n’est pas un ordre purement négatif et limitatif, qui ne fait que défendre. Il faut se rendre compte qu’il est aussi un ordre de collaboration positive, de soutien, d’aide, de conformité. » (ibid., p. 19). Il met en évidence l’importance du droit social comme une partie du droit en général et il en dresse des caractéristiques importantes pour la reconnaissance des entreprises sociales. Le droit social est un droit d’intégration et non de subordination, il « tire donc toujours sa force obligatoire de l’autorité directe du tout, dont il règle la vie intérieure. C’est un droit autonome de chaque groupe (…) engendré directement par lui » (ibid., p. 19). Pour lui, l’opposition entre l’État et la Société « ne peut être précisée er construite juridiquement qu’à l’aide de l’idée du droit social ».

18Il conteste ainsi le préjugé, suggéré par « l’individualisme juridique et son ombre, l’étatisme », selon lequel l’État serait le seul apte à représenter l’intérêt commun et à détenir le monopole de sa représentation (ibid., p. 38). C’est une supposée « supra-fonctionnalité » de l’État qui est mise en cause : pour lui, aucune organisation ne peut être supra-fonctionnelle. Gurvitch souligne ainsi que la confrontation et la conciliation d’intérêts opposés au sein de groupements représentent un moyen de constituer un droit social commun servant à l’intérêt général. L’intérêt commun n’est pas ainsi « nécessairement lié à la supra-fonctionnalité » et il prend un exemple qui fait directement écho aux réflexions actuelles sut l’entreprise sociale et l’économie solidaire : « si une organisation réussissait, par exemple, à unir sur une base paritaire, pour régler d’un commun accord l’économie nationale, toutes les associations de producteurs et de consommateurs, dont les fonctions sont différentes et les intérêts opposés, elle représenterait indiscutablement l’intérêt commun dans son aspect économique » (ibid., p. 41) tout en ayant des buts et des compétences limités.

19Ce droit social, dont il dresse ensuite une typologie de ses rapports au droit étatique (droit social pur et indépendant, droit social pur mais soumis à la tutelle du droit étatique, droit social annexé par l’État…), qu’il serait trop long d’aborder ici, offre des pistes de recherche sur les rapports entre entreprises sociales et pouvoirs publics. Il permet de montrer comment la définition de nouveaux rapports économiques portés par l’entreprise sociale peut trouver d’autres bases que le marché ou l’État.

Conclusion

20Les présentations des entreprises sociales, à partir de leurs objectifs : lutte contre l’exclusion, réponse à des demandes sociales insatisfaites ; à partir de leur fonctionnement économique s’appuyant sur des ressources mixtes ; ou encore à partir de leur nature juridique privée, ne permettent pas toujours de révéler une dimension, pourtant essentielle, de ces organisations en termes de constitution d’espaces publics. C’est lorsque l’on s’intéresse à la diversité des acteurs qu’elles mobilisent, à la participation de ces multiples parties prenantes, à la conception et au fonctionnement de ces initiatives, aux débats qu’elles entraînent, que cette caractéristique apparaît. La question est alors posée du rapport aux pouvoirs publics. La mobilisation de multiples parties prenantes pourrait représenter un moyen de légitimation de ces organisations pout que l’État ne soit plus dans une position hiérarchique vis-à-vis de ces initiatives et pour qu’il leur reconnaisse le droit de se définir elles-mêmes, de maîtriser leur fonctionnement et leur développement. Dans cette optique de droit social, l’espace public des entreprises sociales ne serait pas ainsi appréhendé seulement comme un lieu qui influence le législateur ou les politiques publiques (Dacheux, 2000, p. 67-68), mais comme un lieu où, à travers la manifestation d’intérêts contradictoires peut aussi se définir l’intérêt commun.

Français

Les entreprises sociales connaissent un fort développement et font l’objet de nombreuses recherches qui analysent leurs spécificités. Les caractéristiques qui sont le plus souvent mises en avant ont trait a la nature de leurs activités, et a leurs poursuites d’objectifs a la fois économiques et sociaux. La mobilisation de multiples parties prenantes, a l’origine des espaces publics développés par ces initiatives, constitue aussi une dimension centrale. La question de leurs rapports aux politiques publiques, pour que la légitimation de ces initiatives n’entraine pas leur instrumentalisation et la perte de leur dimension d’espaces publics, est alors posée. La reconnaissance d’un droit social pour ces initiatives représenterait un moyen de respecter l’originalité de ces expériences, sans les soumettre au droit étatique.

Mots-clés

  • entreprise sociale
  • droit social
  • économie solidaire
  • espace public
  • multiples parties prenantes

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Laurent Gardin
Laurent Gardin, socio-économiste, Sociologie économique et démocratie (Sed), Laboratoire de Sociologie du changement des institutions (LSCI), CNRS.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/09/2014
https://doi.org/10.4267/2042/9360
Pour citer cet article
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