« Journaliste, qui t’a fait roi ? »
1Le régime démocratique est issu d’un long combat dans lequel le journalisme a été partie prenante. En France, avec les libertés fondamentales acquises sous la iiie République et leur mise en œuvre, la « profession » a construit son discours sur sa nécessaire fonction de médiation entre la société (les citoyens) et le pouvoir politique (les élus et les instances publiques qu’ils dirigent ou contrôlent). Cette fonction modélisée s’est concrétisée dans l’expression « quatrième pouvoir » au cours d’une période à rebondissements où il était chaque fois nécessaire de penser l’organisation d’un système social comme un « Tout ».
2Depuis, la dérégulation ayant affecté le secteur des médias à partir des années 1980, la pratique de la médiation est mise en cause. Or, dans l’histoire du journalisme et de la presse française, celle-ci relève d’un contrat implicite avec la République dans le cadre d’un mouvement partagé qui s’est prolongé jusque dans la première alternance de gauche sous la ve République. En rappeler les grandes lignes est la gageure de ce court propos.
République des citoyens et « République des camarades » ?
Du combat pour les libertés…
3Après la période d’interdiction et de contrôle de l’expression publique de l’Ancien régime, puis des aléas politiques de la Révolution de 1789, du Premier et du Second Empire avec, entre les deux, la Restauration, la Monarchie de Juillet et la iie République, les personnes qui écrivaient dans les journaux, politiques, littéraires ou simplement d’annonces légales, et que l’on appelait encore des publicistes, ont progressivement revendiqué une identité professionnelle. Et encore, cette revendication s’est-elle précisée au fur et à mesure que les rédacteurs des journaux changeaient eux-mêmes de situation et de statut social et, surtout, devenaient en majorité des employés salariés. Ce processus avait déjà été amorcé au xviie siècle au Royaume-Uni. Dès les années 1830, aux États-Unis comme en France, des journaux sont vendus à un prix accessible au plus grand nombre (la « penny press » ou la presse à 10 centimes d’Émile de Girardin). Les débuts de la pratique du reportage conduisent à limiter le « journalisme de combat » ou de « tribune » qui, en France, caractérisera longtemps encore le journalisme avec son individualisme ancré dans le principe de la liberté d’expression. Le processus conduisant les journalistes à se dégager des préoccupations purement politiques ou littéraires s’est développé plus tardivement dans la seconde partie du xixe siècle avec l’industrialisation de la presse, l’appel croissant à des « employés de rédaction », « rédacteurs sédentaires » ou « petits reporters » sans omettre « occasionnels » et « amateurs » aux motivations diverses. Il prendra près d’un siècle pour aboutir à la loi du 29 mars 1935 reconnaissant un statut spécifique aux « journalistes professionnels ».
4L’argumentation de ce texte de droit social, qui ne donne pas de définition satisfaisante du journalisme [1], constitue une anthologie de considérations philosophiques positives sur la profession scellant de facto un contrat ancien et tacite avec la République, appuyé aussi en cela par la Ligue des droits de l’Homme intervenue en sa faveur lors de son congrès de 1933. Dans le rapport préalable, on relève la nécessité de recourir au législateur en raison de l’impasse des négociations entre partenaires sociaux mais aussi en raison de la nécessaire protection que la République doit apporter à ceux qui sont en charge de l’information [2]. On y lit que « le Parlement doit intervenir :
- parce que la profession de journaliste, entre toutes les professions libérales ou intellectuelles, possède des caractères d’un ordre particulier ;
- parce que, sous tous les régimes, le Parlement a légiféré sur la presse et les gens de presse ;
- parce que, dans tous les pays, la presse est placée sous un statut spécial, qu’il soit de privilège ou de contrainte ;
- parce que, si nous ne sommes pas de ceux qui prétendent faire de la presse un service public, nous considérons du moins que son rôle est capital dans un ordre démocratique, qu’elle n’est à même de le remplir que dans la liberté, et que le Statut professionnel des journalistes est une des garanties de cette indispensable liberté ;
- parce que de nombreux précédents s’offrent à nous, aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger ;
- enfin, parce que les Chambres françaises ayant eu à plus d’une reprise à prendre, en faveur de l’industrie des journaux, des mesures exceptionnelles, qui constituent de véritables privilèges, il est équitable qu’elles entendent l’appel que leur adressent les journalistes par la voie de leurs associations professionnelles unanimes. »
5Fait exceptionnel, la loi sur « l’institutionnalisation de la profession » sera inscrite dans le Code du Travail. Le législateur marquera ainsi l’importance que les professionnels de l’information (à l’époque on ne parlait évidemment que de presse) jouent dans le fonctionnement de la démocratie et de la Société en général [3].
… à la connivence pratique via un discours vertueux
6Une telle reconnaissance relève de la dynamique des libertés conquises au xixe siècle. Républicains et libéraux avaient fait de la liberté de la presse une de leurs revendications majeures. La loi de 1881 a été élaborée sur arrière-fond de la philosophie politique du « Contrat social » de Rousseau ou de « L’Esprit des lois » de Montesquieu qui lui a attribué « la vertu pour principe », et des idéaux de la Révolution pour le moins malmenés sous la ire République (1792-1804). Les liens de la presse et du journalisme avec « la » République sont particulièrement soulignés par l’historien Marc Martin pour qui, malgré leur évolution par rapport à des représentations idéalisées, ils ne sauraient être distendus [4]. La presse ayant pour finalité de « dire le bien » qui est la norme du droit de la République, comment pourrait-t-il en être autrement comme en témoigne encore la présence du mot « république » dans nombre de titres actuels ! Le courant « idéologique » professionnel, alimenté par l’évolution de la presse des États-Unis, soucieuse d’objectivité, ou plutôt de distanciation à l’égard de la subjectivité dans la relation des faits, s’est aussi nourri du positivisme scientifique en vogue ayant touché les sciences sociales, dont la « science de la presse » auquel le Syndicat national des journalistes apportera son concours avec la création de l’Institut de Science de la Presse (ISP) en 1937 [5]. Il a accompagné à la fois une diversification des contenus (avec l’accroissement de la pagination ou la spécialisation de titres) et une presse populaire a priori non politique, à l’exemple du Petit Journal à l’origine d’une « dépolitisation » des journaux et magazines. Avec le temps, cette forme de régulation « fondatrice » s’est imposée par l’élaboration de processus de collecte, de traitement et de présentation ou de mise en forme de l’information de plus en plus fins ou précis [6].
7La loi de 1881 n’aura cependant pas traité des rapports de la presse avec le pouvoir grandissant de l’argent qui, avant même sa promulgation, avait déjà investi les sociétés d’édition dont le statut ne dérogeait pas au droit commun. Pourtant, la lecture des retranscriptions des débats parlementaires montre que la dépendance des journalistes à l’égard des milieux économiques avec, bien entendu, des dérives auxquelles certains choix éditoriaux pouvaient conduire, était loin d’être ignorée même si son approche sociale n’était pas encore affirmée. Après 1881, l’histoire sera riche en scandales l’ayant, en diverses occasions, détournée de ses idéaux avoués. La professionnalisation, opposée à l’amateurisme en vogue, s’accentue avec la contestation des journaux et des journalistes par une partie du public lors, notamment, des « affaires » à la charnière du xixe et xxe siècles que sont le scandale financier que représente la spéculation sur le capital de la Société du Canal de Panama, la condamnation du capitaine Dreyfus – et, surtout, la machination qui l’a permise et s’est prolongée pour empêcher sa réhabilitation – la publicité sur les emprunts russes, la censure et la propagande militaire imposées lors de la guerre de 1914-1918 [7].
8La création du Syndicat des journalistes, le 10 mars 1918, en plein conflit mondial certes, mais aussi en pleine crise avec l’État-major et le gouvernement sur les « missions » de la presse, découle de ce souci de moralisation, de reconnaissance et de nécessaire cohésion professionnelle. Voulant être un contrepoids aux éditeurs, les journalistes qui y adhéraient estimaient devoir chasser les « brebis galeuses » en se fondant sur le modèle d’un « ordre », celui des avocats, avec une déontologie d’où, cette même année, la rédaction de la Charte des devoirs des journalistes français [8]. Malgré ce souci de vertu, les « affaires » d’entente entre presse et milieux financiers, politiques et judiciaires ont suscité un regard critique sur un système social se présentant comme une « République des camarades » installée dans une connivence pratique au quotidien [9].
Réalisme, nouveaux espoirs et nouvelles déceptions
L’enracinement de la culture du journalisme
9Les « affaires » n’ont pas diminué : elles ont leur place dans l’actualité jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’expression de « presse pourrie » date de cette période. Même aux États-Unis, la sensibilité libérale a été touchée par la révélation des divers dangers liés à l’emprise que tel ou tel magnat de la presse pouvait exercer dans la société. Citizen Kane, réalisé par Orson Welles et sorti en salles en 1941, déchaîne contre lui les journaux qui ne pouvaient accepter d’être représentés dans cette symbolisation du « quatrième pouvoir » allant à l’encontre des valeurs d’un régime idéalisé. Pourtant, cette œuvre cinématographique – devenue un « film culte » – révélera que l’investisseur et propriétaire d’un groupe de presse peut s’engager dans un contrôle de l’information en fonction de ses propres desseins et ainsi modifier les fonctions politiques et sociales que l’on reconnaît explicitement ou implicitement à la presse. Ce film contribuera à renforcer le courant de responsabilisation sociale des médias. Notamment lors des travaux de la Commission sur la liberté de presse (dite « Commission Hutchins ») qui livra, en 1947, une série de recommandations aux dirigeants des médias afin qu’ils soient plus respectueux des droits du public en matière d’information, recommandations qui entraînèrent un déchaînement analogue de la presse [10].
10À la Libération en France, suite aux compromissions d’une partie de la presse avec l’occupant et le régime de collaboration, des éditeurs et des journalistes, avec le concours du gouvernement provisoire, cherchent à lui donner de nouvelles assises dans le cadre général de la reconstruction d’un État ou la nécessaire « réorganisation du Tout » pour raisonner comme Marcel Gauchet sur un registre proche de la systémique [11]. L’ordonnance du 26 août 1944 devait contenir le « pouvoir de l’argent » sur les journaux en interdisant les « hommes de paille », la concentration des titres et encourager le pluralisme de l’information. Une proposition de « Déclaration des droits et des devoirs de la presse libre », élaborée par Albert Bayet, le président de la Fédération française de la presse (le regroupement des syndicats patronaux) est venue renforcer le modèle républicain de la presse en octobre 1945. Elle affirme que « la presse n’est pas un instrument de projet commercial, mais un instrument de culture ; sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain ». L’impéritie de la ive République et l’incapacité des gouvernements successifs à tenir les engagements pris entraîneront bien des désillusions dans ce domaine comme dans d’autres. Il n’empêche, malgré ces désillusions, un système général fondé sur la préservation du pluralisme des titres s’est construit en garantissant des règles de distribution équitable sur l’ensemble du territoire national.
11Dans cette logique et dans le contexte de l’époque, la République a organisé le service public de la radiodiffusion puis de la télévision en favorisant son accessibilité à chaque « citoyen ». Même sous l’ère du monopole d’État de la radiotélévision, dont le principe a pourtant quasi unanimement été réaffirmé au sortir de la guerre, puis de sa contestation ultérieure, l’arrière-fond demeurait la reconnaissance implicite de l’importance de la fonction des médias de masse dans l’idéal républicain malgré les ambiguïtés ou les paradoxes. Si le monopole est devenu discutable et discuté, il n’a pas représenté constamment et en toute circonstance une « liberté enchaînée » [12]. Le « service public » avait et a toujours une « culture de service public ». Les différentes émissions du magazine « culte » que fut Cinq colonnes à la Une, produites à partir de 1959, en sont un exemple, tant dans ses modes de présentation de l’actualité en quête d’objectivité, que dans les efforts de retenue et de pédagogie de ses présentateurs et reporters. La République de l’après-guerre, puis la ve à partir de 1958, auront su ménager un régime économique spécifique à la presse en raison de ses fonctions dans un régime démocratique. Si on connaît la suite avec les échecs des idéaux de la Libération, on ne peut pas dire que le discours sur la médiation dite « citoyenne » ait disparu.
L’échec des SDR
12Certains crurent alors en une autre formule d’équilibre entre rédactions et éditeurs. Au cours des années 1960-1970, à la suite de l’expérience du journal Le Monde en ce domaine, les « sociétés de rédacteurs », dont le principal artisan a été Jean Schwoebel (1912-1994), se développent sur la base d’une demande de participation des journalistes au capital des entreprises éditrices avec minorité de blocage [13]. La plupart des éditeurs et les syndicats de journalistes s’opposent à ce pouvoir nouveau fondé sur l’accès des journalistes aux orientations de leurs entreprises parce qu’ils ont des responsabilités sociales et éthiques. Un essai de reconnaissance aurait pu aboutir si le Rapport Lindon avait eu des suites positives en 1970 [14]. On en retrouvera une manifestation lors des débats relatifs à la loi « éphémère » de 1984 visant « à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse ». Elle reconnaîtra une responsabilité spécifique à « l’équipe rédactionnelle » (art. 14) en reprenant les principes de l’ordonnance du 26 août 1944 malmenée par l’expansion du « groupe Hersant ». Le discours « républicain » demeure présent, d’une façon quasi générale, dans les rapports parlementaires annuels où l’on traite du budget du « service public de l’information », notamment à propos des aides à la presse, des budgets de l’Agence France-Presse, de France Télévision ou encore du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). On le retrouve aussi dans la collaboration qu’entretient l’Éducation nationale avec la presse dans le cadre de la campagne annuelle – ritualisée et concrète pour bien des établissements scolaires – qu’est La presse à l’école [15]. Ou encore dans des jugements relatifs aux délits de presse. Il demeure justifié par les professionnels dans l’argumentation des syndicats – dans leurs prises de position ou dans leurs publications [16] – et des sociétés de journalistes là où elles existent, dans celle des formations dans les écoles de journalisme, et il a sa place dans l’opinion.
Décalages et paradoxes
13De toute évidence et conséquence d’une impossible perfection, le décalage entre la réalité des pratiques et la conception « citoyenne » du journalisme et de l’information produite par la presse puis les médias en général gagnera en ampleur. Son présupposé est que dans un régime démocratique chacun puisse être informé au mieux par les médias de toute situation ou de tout sujet à propos duquel il est appelé à choisir ou à donner un avis ! Les déceptions de la génération des journalistes de la Libération ont été rejointes par le scepticisme de la suivante face à l’emprise croissante de l’économie. Si nous hésitons à la qualifier simplement de « génération de 1968 », nous avons personnellement constaté que celle-ci avait encore des finalités proches de celles de ses aînés au sein d’une société de consommation en plein essor qu’elle contestait en partie. L’échec des SDR autant que le contexte ont contribué à renforcer l’individualisme professionnel originel. Il est difficile d’apprécier ces « désillusions » dans leur ampleur et, surtout, dans leurs conséquences en termes de combativité, de culture professionnelle et de culture d’entreprise pour défendre les idéaux du journalisme. Ceux-ci se sont davantage inscrits dans l’évolution des jeux d’acteurs, des rapports sociaux et de la dynamique culturelle générale.
14Relevons toutefois, que les idéaux républicains ayant fondé, entretenu et motivé la fonction de médiation du journaliste au sein des systèmes démocratiques, que ce soit dans les discours comme dans l’action au quotidien des professionnels de l’information ou des divers acteurs de ces mêmes systèmes, participent pleinement du « paradoxe » que Barel a relevé pour tout système humain [17]. Mais les « dérives » constatées depuis les origines de la presse moderne, malgré ce que l’on peut en dire sur les raisons profondes allant du conjoncturel au structurel, n’en sauraient pour autant en faire oublier le cap. En effet, sur le plan de l’information, du rôle de la presse et des médias, ou de la fonction journalistique, le système social, dans sa complexité comme dans sa vie représentée par le jeu de ses acteurs, n’a su rester pleinement fidèle à ses finalités. Il n’est pas « une machine logique expulsant hors d’elle-même ce qui la contredit, mais (…) une machine paradoxale, le paradoxe naissant de son vice logique inéliminable : la tâche d’imposer sa logique à son fondement, qui est hors de toute logique. (…) Un système social, tout le monde le sait, est un ordre social : il doit simplifier, orienter, déterminer le foisonnement de la vie sociale, et il n’y parvient jamais jusqu’au bout. Là est le cœur de son paradoxe : dans l’insécable combinaison qu’il représente d’ordre et de désordre » [18]. L’évolution des médias n’a rien simplifié en quittant la problématique du Tout au profit des Parties dans un processus que les alternances de gauche à partir de 1981, en France, ont quasiment validé par leurs concessions au libéralisme économique [19].
15Fort déçu de l’évolution des médias reflétant les mutations de l’économie marchande, Jean Schwoebel défendra jusqu’à la fin de sa vie, l’intérêt général comme finalité de la profession. Dans un de ses derniers articles, il revendiquera la création, sous l’égide d’une Fondation, d’une « chaîne de l’information pour les journalistes » afin de contrebalancer l’emprise de la concurrence et de ses dérives en préservant un lieu ad hoc, à défaut d’en avoir vu la généralisation comme il l’avait souhaitée avec d’autres, en faveur de l’exercice d’un journalisme critique avec un statut renforcé équivalent à celui des magistrats [20]. L’intérêt public oblige…
16Le journalisme a accompagné une évolution de la société qui n’a pas été en parfaite cohérence avec la logique de la culture professionnelle défendue sous l’idée de République. Le journaliste-citoyen, pas plus que le scientifique-citoyen pourrait-on ajouter, n’a pu intégrer et préserver l’épistémologie de sa culture fondatrice dans ses pratiques quotidiennes. Dans l’action d’informer, médiation et distanciation sont difficilement compatibles dans le contexte économique et culturel que les médias ont eux-mêmes créés et développés. Faute d’une culture professionnelle suffisamment affirmée ou d’une défense convaincante des valeurs de son héritage, le journalisme ne s’est-il pas retourné contre lui-même ?
Notes
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[*]
Question posée par l’ancien rédacteur en chef du Journal de Genève dans son livre Journaliste, qui t’a fait roi ? Les médias entre droit et liberté, Lausanne, Éditions 24 heures, 1988.
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[1]
Selon ce texte le journaliste est « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une publication quotidienne ou périodique éditée en France, ou dans une agence française d’informations, et qui en tire le principal de ses ressources nécessaires à son existence ».
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[2]
Source : Le Journaliste, Organe du Syndicat national des journalistes, supplément au n° 234, 2e trimestre 1995, « Les 60 ans du rapport Brachard ».
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[3]
Sur l’origine et le contexte politico-culturel du statut, lire l’article d’Arnaud Mercier, « L’institutionnalisation de la profession », in Hermès n° 13-14, 1994, p. 219-235, qui traduit fort bien l’approche quasi sacerdotale de la conception de l’intérêt public défendue par les initiateurs et défenseurs de la loi du 29 mars 1935.
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[4]
Marc Martin, Médias et journalistes de la République, Paris, Odile Jacob, 1997. Pour une approche plus large, on se référera à l’ouvrage faisant date dirigé par Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral, Fernand Terrou, Histoire générale de la presse française, Paris, PUF, 5 vol., 1969-1976. Cf. plus récemment, Christian Delporte, Les journalistes en France (1880-1950). Naissance et construction d’une profession, Paris, Seuil, 1999. Quant à la présence du substantif, qu’on pense aux titres : L’Est Républicain, Le Républicain lorrain, La République, La République du Centre, La Nouvelle République du Centre-Ouest, L’Écho républicain ou au magazine Marianne etc.
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[5]
Intéressante est la corrélation entre approches scientifique et journalistique des « faits ». Ainsi, la démarche américaine a été centrée sur la présentation « objective » des « faits rapportés » évitant tout élément subjectif et distinguant le commentaire. Un des premiers « manuels » est marqué par cette démarche : Le journalisme, Hachette, Paris 1892. Eugène Dubief, son auteur, secrétaire de la Ligue française de l’enseignement fondée par Jean Macé en 1866, fut aussi secrétaire général de la direction de la presse au ministère de l’Intérieur. Dans les années 1930, les chercheurs américains qui, autour de Berelson, Lazarsfeld et autres, ont développé « l’analyse de contenu » ont été portés par le même esprit de distanciation dans l’approche des expressions du social. L’ISP (ancêtre de l’actuel Institut Français de Presse) avec ses Cahiers de la Presse (1938) se place dans cette démarche.
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[6]
Ce que nous avons décrit dans Le système médiatique puis dans Les journalistes et le système médiatique à propos de « l’univers des contraintes » de la profession, Paris, Hachette, 1989, 1992.
-
[7]
Sut les « maladies du journalisme » et les débats de l’époque, cf. Ch. Delporte, op. cit., chapitre IV, p. 126 ss.
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[8]
Ce syndicat deviendra le Syndicat national des journalistes, unique jusqu’à la Libération. L’Ordre, en tant qu’organisation de discipline ou de « juridiction des pairs », sera une question qui s’estompera par la suite.
-
[9]
L’expression renvoie au titre de l’ouvrage de « sociologie pratique » que Robert de Jouvenel a publié avant la guerre sur les liens entre les « quatre » pouvoirs : La République des camarades, Paris, Grasset, 1914. « Entre les hommes chargés de contrôler à un titre quelconque les affaires publiques, une intimité s’établit. Ce n’est ni de la sympathie, ni de l’estime, ni de la confiance : c’est proprement de la camaraderie, quelque chose, en somme, d’intermédiaire entre l’esprit de corps et la complicité. (…) Il y avait jadis trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Aujourd’hui il y en a un quatrième, qui est la presse. En principe, les pouvoirs continuent à être séparés. Mais ils voisinent ». La « connivence » avec les trois pouvoirs est un sujet inépuisable malgré les progrès réalisés. Elle mériterait des études dépassant les révélations du documentaire de Pierre Carles, « Pas vu, pas pris », réalisé pour Canal Plus en 1995 et jamais diffusé par la chaîne, et les polémiques qui en ont découlé.
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[10]
Dans Judith Therpauve (1978), film de Patrice Chéreau, l’héroïne prend, malgré elle, la direction d’un journal selon un scénario inspiré de l’histoire du rachat de Paris-Normandie par Robert Hersant en 1972.
-
[11]
Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002, page IX-X.
- [12]
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[13]
La SDR est née de la mobilisation des journalistes s’opposant à la démission de son fondateur, Hubert Beuve-Méry. Jean Schwoebel en a exposé les principes dans La presse, le pouvoir et l’argent. Le Seuil, Paris, 1968. Si ce mouvement a eu son succès dans les années 1970-1980, il a connu son « échec » dans les années 1990. Il reste une vingtaine de sociétés et une fédération nationale moribonde. « Échec » que Jean Schwoebel a admis au regard des espérances suscitées. Cf. sa contribution : « Les sociétés de rédacteurs », dans Claude-Jean Bertrand, L’Arsenal de la démocratie : médias, déontologie et MARS, Paris, Economica, 1999, p. 253-257. Celle du journal Le Monde fonctionne toujours selon les principes initiaux : une place dans le capital de la société et le pouvoir de nommer les directeurs de la publication et de la rédaction.
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[14]
Attiré par ce mouvement, le président Pompidou avait demandé au conseiller d’État, Raymond Lindon, de lui faire des propositions pour envisager une formule à la française : Rapport sur les problèmes posé par les sociétés de rédacteurs, Paris, La Documentation française, 1970. Cf. aussi Marc Martin, « L’espoir perdu des sociétés de rédacteurs (1965-1981) », Histoire et médias, Journalisme et Journalistes français (1950-1990), Paris, Albin Michel, 1991 (dir.), p. 233-245.
-
[15]
Organisée par le Centre de Liaison de l’Enseignement et des Moyens d’Informations (CLEMI) établi à Paris. Associé au Centre national de la documentation pédagogique, sa mission est de promouvoir l’utilisation pluraliste des médias dans l’enseignement dans une perspective d’éducation à la citoyenneté.
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[16]
Ceci est patent lors de conflits avec les pouvoirs publics comme à la fin des années 1990 à propos de la volonté du gouvernement de supprimer l’abattement fiscal de 30 % des journalistes ou de la crise des agences photographiques et leur concentration. Le SNJ a demandé aux candidats à l’élection présidentielle de 2002 de respecter le statut juridique des entreprises de presse au motif que « la République risque de voir disparaître toute possibilité de contrôler à tout instant qu’aucune puissance étrangère ou organisation n’est à même de diriger l’information et l’opinion publique dans notre pays » (Le Journaliste, n° 265, 2e trimestre 2002).
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[17]
Yves Barel, Le paradoxe et le système. Essai sur le fantastique social, Grenoble, Presses Universitaires, 1979.
-
[18]
Op. cit., p. 19.
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[19]
Cf. Marcel Gauchet, op. cit., p. 395 et s. (« Feu le parti de la réforme »).
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[20]
« Confier aux journalistes une chaîne de l’information », Le Monde, 13 novembre 1992 : il revendiquait alors le « cinquième canal » libéré par l’arrêt de La Cinq et avait fait une proposition en ce sens au CSA.