CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le 4 octobre 1957, le monde converge sur un objet unique : Spoutnik-1. Le premier satellite artificiel construit et lancé par l’homme est en orbite ; il est soviétique. Son désormais célèbre « bip-bip » résonne sur tous les continents, frappe les peuples de stupeur admirative et secoue les États-Unis comme un raz-de-marée [1]. L’Union soviétique, non seulement démontre ce jour-là ses capacités technologiques mais rend aussi accessible à l’humanité tout entière un rêve : l’espace, revêtu du caractère sacré de tout ce qui se rattache au « ciel », objet d’élection de l’imaginaire collectif et des littérateurs. L’impact extraordinaire que cet événement a eu s’est mesuré notamment par les sondages effectués à cette époque. En novembre 1957, en moyenne 88,4 % de la population des pays occidentaux savaient qu’un satellite avait été lancé par les Soviétiques [2]. Rarement une telle mobilisation n’avait été remarquée, si on excepte, dans un tout autre registre, Hiroshima et Nagasaki [3]. L’Union soviétique venait de réussir un tour de force prodigieux : parler tout autant à la raison qu’à l’imaginaire, donner dans le même temps un message menaçant et une « espérance aventureuse » (l’homme dans l’espace) [4]. Allégorie religieuse, lieu d’interrogations philosophiques et scientifiques, l’espace fascinait en tant qu’ailleurs infini et inaccessible. Le 4 octobre 1957 marque le début de son incarnation en symbole, symbole universel et identitaire. Universel parce qu’il représentait l’avenir de l’humanité et la foi, à son apogée au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, dans le progrès scientifique, moteur du développement économique et social pour les sociétés industrialisées [5]. Identitaire, parce qu’il fit l’objet d’un réel processus de symbolisation nationale, au service d’objectifs politiques internes et externes, de la part des États-Unis et de l’URSS. Si les modes choisis pour construire ce processus divergent, comme on le verra plus loin, les raisons profondes qui l’animent sont les mêmes dans les deux cas. Elles tiennent à l’utilisation, dans l’exercice politique, du symbole en raison de sa nature et de ses fonctions. Le sumbolon a le sens général chez les Grecs de représentation de la réalité, il montre et rend sensible ce qui ne l’est pas. Il a aussi comme fonction de réunir et de signaler l’appartenance [6]. L’évolution linguistique, au cours des siècles, et selon les disciplines envisagées, ajoutera progressivement d’autres sens. Aujourd’hui il est couramment admis que « le symbole a deux faces : une face régressive où il restitue un acte réel du passé en stabilisant la manifestation et une face progressive où il incite à la recherche du sens au moyen de sa simple marque » [7]. Deux conceptualisations principales sont donc recevables : d’une part, il peut incarner une représentation d’un réel lui préexistant ou une idée abstraite et le rapport entre le symbole et l’objet qu’il est censé représenter est alors de type analogique ; d’autre part, une relation arbitraire et contingente peut être établie, avec un rapprochement conventionnel de deux domaines d’objets où l’un va symboliser l’autre. Le rapport est alors normatif et non plus inductif, il est établi de toutes pièces. À ce titre, tout système politique se doit de mener un travail de construction symbolique, afin de donner à voir concrètement l’abstrait, à savoir la capacité à être la force légitime de l’exercice du pouvoir, ne serait-ce qu’en établissant un rapport visible entre le pouvoir et son sens [8] ainsi que pour fonder, représenter et consolider une communauté identitaire. Par suite, le symbole a une efficacité sociale au service d’un pouvoir et d’une société. L’univers symbolique encadrant une société humaine lui permet une auto-compréhension d’elle-même qui accentue le caractère d’appartenance de chaque individu à ladite société [9].

2Trois caractéristiques peuvent être attribuées à un symbole utilisé politiquement. Elles correspondent à ses trois fonctions. Il montre et a ainsi « la capacité à légitimer ou délégitimer les pouvoirs qui s’exercent dans la société. Les formes symboliques, quelles qu’elles soient, ont pour effet de dire qui est au centre ». Il réunit, signale l’appartenance et a donc une « capacité à structurer des enjeux de société. Les symboles authentiques peuvent offrir des points d’ancrage et de ralliement à des groupes qu’ils contribuent ainsi à définir ; ils proposent des grandes causes et des mythes prospectifs auxquels les individus seront susceptibles de s’identifier pour exister politiquement ». Enfin, il enjoint et peut donc servir de « levier efficace pour mobiliser des soutiens ou des ressources » [10]. Les caractéristiques, mais surtout les enjeux associés à la conquête de l’espace, permettaient tout ceci et même appelaient toutes ses fonctions. Enjeux militaires tant de par la nature des technologies développées et utilisées que de par les potentialités que l’espace offre (surveillance, détection, communications, armes spatiales éventuelles…) ; enjeux diplomatiques (problématique du désarmement et du statut de l’espace par exemple) qui prennent un relief particulier dans le contexte de la Guerre froide ; enjeux économiques, que ce soit en raison de l’ampleur des budgets à mobiliser, indispensables à l’exploration spatiale ou des perspectives commerciales entrouvertes à l’époque ; enjeux scientifiques pour la compréhension de l’univers [11] ; enjeux industriels, enfin, en raison des développements technologiques nécessaires à l’occupation de l’espace qui jouent un rôle de moteur et ceux apportés à la société civile de par les découvertes technologiques attendues [12]. Intrinsèquement, l’occupation de l’espace traversait toutes les grandes questions de politiques nationales et internationales contemporaines de l’époque. Toutes les conditions étaient alors réunies pour devenir un symbole identitaire fort sur le plan international, comme extension de la Guerre froide avec des conséquences sur le plan interne du fait de la mobilisation de ressources sans précédent qu’il fallait justifier auprès de l’opinion publique [13].

3Pour autant, quelle capacité intrinsèque a l’espace à servir de symbole sachant qu’il s’agit aussi d’un produit socio-historique nécessitant un travail de mise en sens, de construction symbolique à savoir « le travail culturel et politique de sédimentation de sens autour d’un signifiant » [14] ? L’investissement qui transforme un objet en symbole n’est jamais spontané ; il y a nécessité à apprendre à reconnaître l’objet comme symbole. Il s’agit donc d’opérer une activité de persuasion et de conditionnement socio-culturel qui passe entre autres par les commentaires officiels, l’école et les médias.

4Dans la construction symbolique effectuée par l’URSS, il y avait une analogie profonde entre l’idéologie socialiste et l’occupation de l’espace [15]. Sur la scène internationale comme sur le plan interne, les succès soviétiques dans l’espace allaient symboliser la validité du système politique adopté, une « victoire » sur le système capitaliste : volonté de discréditer le système de « l’Ouest » mais aussi de prosélytisme en direction des élites des pays « non-alignés ». L’objectif principal visé était les États-Unis et la confiance que les alliés avaient dans la supériorité militaire, scientifique et technologique américaine notamment pour les protéger. Il ne faut en effet pas négliger que Spoutnik démontrait entre autres la capacité balistique intercontinentale de l’Union soviétique, qui, si elle prônait officiellement une utilisation scientifique et pacifique de l’espace, n’en oubliait pas moins de faire remarquer que la technologie de lancement était avant tout militaire [16]. Sur le plan interne, l’exploration spatiale allait être glorifiée par tous les instruments de communication (journaux, radios, télévisions, cinéma) mais aussi par la mise en place de clubs pour les jeunes. La figure du héros allait de même être institutionnalisée. L’espace s’incarnait dans un homme, Gagarine, auquel tous les hommes pouvaient s’associer. Le vol de Valentina Terechkova remplissait le même objectif en direction des femmes. Plus, encore, Krouchtchev en profitait pour renforcer la personnification du pouvoir. C’est ainsi que Youri Gagarine déclarait en 1961 dans la Pravda que « les cosmonautes soviétiques étaient les enfants bien-aimés de Krouchtchev…[qui] est le pionnier de l’exploration spatiale » [17]. Les États-Unis, quant à eux, réagirent très rapidement après le lancement du Spoutnik qui objectivement les décrédibilisa sur la scène internationale et particulièrement en Europe [18]. Les sondages effectués en novembre 1957 [19] montrent que la majorité des Anglais, des Français et des Italiens plaçaient l’URSS devant les États-Unis sur le plan des développements scientifiques et technologiques. Les Américains en avaient fortement conscience, comme en témoigna le représentant du ministère des Affaires étrangères, Christian Herter, qui déclara le 10 octobre 1957, au sujet des réactions que suscita Spoutnik, que les États-Unis avaient à « accomplir beaucoup pour en contrer les effets, et pour rappeler l’existence de notre propre force scientifique et militaire » [20]. Il était notamment reproché à Eisenhower d’avoir privilégié un programme spatial, existant parallèlement à celui de l’URSS depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, aux objectifs restreints, qui n’exaltait pas l’imaginaire populaire [21] et caractérisé par le secret [22]. Du côté américain il fallait donc mobiliser l’opinion publique interne en faveur d’un effort conséquent et séduire l’opinion internationale, et les États-Unis utilisèrent, en l’exacerbant, l’anxiété générée par la Guerre froide et la possession par l’Union soviétique de l’arme atomique [23].

5En outre, les responsables américains cherchèrent à créer un sentiment de solidarité nationale en valorisant le fait que l’exploration spatiale était le fruit de toute une nation, mettant en avant le produit d’un travail collectif qui concerne et implique chacun des membres de la communauté. À la télévision, à la radio, au cinéma, dans les journaux, c’est toute une « armée » d’ouvriers et de techniciens qui symbolise l’effort spatial « cette même armée qui avait construit les avions, les barrages, les gratte-ciel, les navires ; c’est elle qui forge la victoire » [24].

6En l’occurrence, la conquête spatiale devient alors rapidement une affirmation et un symbole de souveraineté et de puissance. Elle fut aussi, et peut-être surtout, un symbole identitaire dans la lutte pour l’imposition de la « vision légitime ». La compétition entre les États-Unis et l’Union soviétique dans l’espace symbolisait de manière plus globale le conflit entre leurs deux conceptions du monde. L’image de l’astronaute plantant le drapeau américain sur la Lune fut vécue comme une proclamation éclatante de la suprématie et de la doctrine capitaliste et du monde « libre » avec toutes ses valeurs et plus particulièrement des États-Unis dont le système en sortit plus que jamais légitimé et renforcé.

7Au regard de ce qui s’était passé pour les États-Unis et l’URSS, l’espace pouvait théoriquement être ce symbole nécessaire à l’Europe qui en a besoin comme tout système politique, a fortiori s’il est en devenir. La construction européenne en marche ne pouvait se passer d’effectuer ce travail. Cependant l’exploration spatiale européenne n’a jamais réellement eu un visage symbolisant l’Europe malgré quelques réussites éclatantes comme le lanceur Ariane.

8Ce qui pouvait fonctionner dans l’environnement particulier de la Guerre froide pour l’Union soviétique et les États-Unis n’était pas de fait reproductible en Europe. Le contexte, la mise en œuvre et les objectifs de la construction du spatial en Europe, étaient radicalement différents de ceux de l’Amérique et de l’URSS. Pour que le travail de construction du symbole soit effectué correctement, il faut que les acteurs en charge de ce travail aient identifié clairement l’objet symbolique et soient en accord sur son contenu. Or, dès les origines, l’organisation du spatial fut loin d’être homogène et consensuelle. Il suffit de revenir au contexte entourant la mise en place des premières organisations spatiales. Dans le cas européen, l’impact psychologique et politique de la Deuxième Guerre mondiale conduit après-guerre à la volonté de trouver des solutions pour réduire les tensions. À ce titre l’intégration est alors vue comme l’issue possible aux limites de l’État-nation considéré en lui-même comme une source de tension [25]. Cette vision est partagée par les scientifiques qui, en outre, ont conscience du poids croissant de la science américaine et du fossé technologique qui est en train de se creuser et de l’émergence d’une « big science » demandant des moyens considérables que les pays européens pris individuellement ne peuvent assumer. Toutefois, le rapprochement apparent entre hommes politiques et scientifiques n’allait pas simplifier pour autant la mise en place des organisations spatiales. Les années 1950 sont en effet marquées par deux querelles qui animent les débats politiques européens. La première concerne la nécessité de définir une politique des sciences et de la technologie. Certains prônent la dynamique fertilisatrice de la science pour l’économie, là où d’autres jugent que seules les économies déjà fortes peuvent soutenir le progrès scientifique. Une fois admis par tous que la science et l’innovation technologique étaient l’un des cœurs du développement économique des pays industrialisés, une seconde controverse éclata sur le choix des secteurs à promouvoir. Dans de multiples pays européens, des personnalités mettaient en doute la rationalité à choisir le domaine spatial quand d’autres secteurs pouvaient s’avérer plus directement exploitables et plus rapidement rentables. Ensuite, les pays européens n’évaluèrent pas immédiatement à sa juste valeur la situation de duopole auxquels ils furent confrontés et la nécessité de coopérer pour y faire face [26]. Ce sont alors les scientifiques qui, forts de l’expérience réussie du CERN [27], proposèrent les premières organisations spatiales. Plus spécifiquement ce sont les physiciens nucléaires, particulièrement le physicien italien Eduardo Amaldi, qui donnent l’impulsion nécessaire. L’objectif alors n’est pas tant l’exploration spatiale en elle-même que l’amélioration des connaissances sur la physique des particules qu’elle permettra. À la base l’espace est vu comme une étape nécessaire dans les développements scientifiques et nullement en tant qu’objectif en soi comme dans le cas d’un investissement symbolique.

9Cet intérêt purement scientifique est à l’origine de la césure qui va être effectuée dans les activités spatiales entre les satellites et les lanceurs et qui aboutira à la création de deux organisations distinctes. Le projet d’Eduardo Amaldi, de 1959, baptisé « Eurolune », est étudié au tout début de l’année 1960 [28] et, deux ans plus tard, en juin 1962, donne naissance à l’ESRO [29]. Celle-ci réunit la France, la Grande-Bretagne, la RFA, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l’Italie, l’Espagne, la Suède et la Suisse. Elle a pour objectif « d’assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la collaboration entre États européens dans le domaine de la recherche et de la technologie spatiale » [30]. La question des lanceurs est exclue de cette organisation pour des raisons politiques auxquelles les scientifiques vont adhérer, soucieux de se distinguer des applications militaires de l’espace [31]. En effet, le projet de lanceur est défendu, de son côté, par des responsables gouvernementaux et émerge sur proposition britannique. Soucieuse de ne pas laisser improductives les 70 millions de livres investies dans le programme « Blue Streak » de missile balistique, déjà obsolète en tant qu’arme de dissuasion, la Grande-Bretagne propose une collaboration européenne destinée à mettre au point un lanceur spatial. Ici, encore, ce projet ne porte pas réellement de valeur symbolique mais bien au contraire se veut répondre à un souci d’efficacité. La France se montre très favorable car elle y voit aussi le moyen de rentabiliser son propre programme de missile et le développement d’un lanceur national qu’elle envisage [32]. En février 1961, une conférence intergouvernementale est réunie pour procéder à l’examen détaillé du projet. Une seconde conférence en novembre de la même année fixe les principes de l’accord et un traité est signé au printemps 1962 créant l’ELDO [33]. Seuls six pays européens en sont membres : la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, la RFA, les Pays-Bas et la Belgique. L’Australie qui met à disposition le champ de tir de Woomera en fait également partie. L’objectif de l’ELDO est de développer un lanceur, baptisé « Europa » composé de trois étages qui seront construits respectivement par la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Les autres pays se partagent la conception des satellites technologiques servant aux tests de mise en orbite (Italie), la station de guidage au sol (Belgique) et la télémétrie (Pays-Bas). Ces regroupements affirmaient officiellement une identité européenne. Il y avait donc tentative de construction d’un symbole de l’Europe qui se traduisit dans les faits par la présence dans l’élaboration de l’ESRO et de l’ELDO de représentants du Conseil européen ainsi que dans les rapports établis ultérieurement par les deux organisations spatiales. L’espace est associé de manière explicite à la construction européenne dans le premier rapport du CECLESELDO, même si c’est en négatif : « il apparaît difficile de formuler des programmes futurs concernant les activités spatiales tant que l’Europe n’aura pas établi dans ce domaine, une politique unifiée et cohérente » [34]. L’identité européenne est rappelée de même dans le premier rapport du CERS-ESRO qui considère qu’il « permettra au lecteur d’apprécier les efforts entrepris par l’Europe pour mettre à la disposition de ses savants les moyens matériels nécessaires à la poursuite de leurs travaux dans le domaine de la recherche spatiale ». Pour autant, la succession de crises qui jalonnèrent l’existence de l’ESRO et de l’ELDO témoigne surtout de l’importance des intérêts nationaux dans les questions spatiales et donc de la difficulté à produire un symbole résolument européen.

10Dans le cas de l’ESRO, la volonté des scientifiques était de créer une organisation destinée exclusivement à des fins scientifiques, gérée et réglementée par eux, aussi indépendante que possible vis-à-vis des pays membres. Cependant la nature des enjeux du spatial et la détermination des États, instruits par l’expérience du CERN, à instaurer un minimum de contrôle n’autorisèrent pas une autonomie substantielle. L’implication politique des différents États-membres passait par le droit de veto instauré par la convention et pouvait bloquer un programme dès qu’un pays le souhaitait [35]. De même la fixation de plafonds financiers pour les budgets [36], exigée par la Grande-Bretagne, s’opposait à une logique programmatique efficace car ils ne pouvaient alors être établis en fonction du développement d’un programme, et notamment permettre les adaptations nécessaires [37]. Puis, la loi du « juste retour » industriel [38] et la question des modalités d’attribution des contrats produisirent très vite des conflits entre États-membres en raison du niveau de développement inégal des industries spatiales des différents pays.

11La question des satellites d’application qui ne figuraient pas dans les attributions envisagées par la convention de l’ESRO a mis en relief les dissensions existantes et les divers arrières-plans symboliques en œuvre. Le développement de satellites de télécommunication qui correspondait à une démarche d’indépendance européenne entrait en contradiction avec les scientifiques qui ne voulaient pas voir leur budget amputé et le British Post Office qui ne croyait pas à de réels débouchés commerciaux pour l’Europe et était effrayé par la présence dominante des Américains dans ce domaine [39]. La décision, en 1968, des Anglais de ne pas financer les augmentations de budget et de ne pas participer au programme « Eurovision » et la dénonciation par la France et le Danemark de la Convention ESRO en 1970 traduisent l’absence fondamentale d’objectif commun et donc de construction symbolique possible.

12En ce qui concerne l’ELDO, le fractionnement du programme initial où chaque morceau était placé sous l’autorité et la responsabilité du gouvernement concerné, empêchait l’intégration du projet, entraînant des retards considérables, une escalade des budgets [40] et amena aussi à des approches très différentes. Alors que la France, inquiète des programmes russes et américains proposant des lanceurs nettement plus performants, demandait dès 1965 une réorientation plus ambitieuse du programme, les partenaires, notamment anglais, soucieux de l’augmentation des coûts [41] menaçaient en 1966 de se retirer du projet. C’est encore un compromis qui est trouvé. En contrepartie d’une révision à la baisse de la cotisation britannique, le programme s’oriente vers le développement d’un lanceur capable de correspondre aux besoins européens dans le domaine des télécommunications. En 1968, la suppression dans le programme de l’étage d’apogée, pour des raisons budgétaires, provoque la colère de l’Italie qui en avait la responsabilité, et l’échec du vol d’Europa 1 accentue la crise. En 1969, le Royaume-Uni, puis l’Italie décident de se retirer de l’ELDO. La proposition en 1970 de lancer un nouveau programme, « Europa III », ne survivra pas à l’échec du lancement de Europa II en novembre 1971. Et, en 1973, tous les programmes de l’ELDO sont arrêtés.

13Pour autant, cette multiplication des difficultés au sein des deux institutions spatiales européennes n’amène pas à un renoncement et l’idée d’unifier les actions des différentes instances spatiales (la CETS, de l’ELDO et de l’ESRO) émerge [42]. Les activités spatiales sont perçues comme une nécessité même si elles demeurent non-prioritaires alors même que de multiples querelles sur le choix des programmes d’application et sur la question du lanceur jalonnent les discussions sur la fusion des trois organisations qui est enfin décidée en 1972 par la CSE. Ceci est suivi en 1973 par l’annonce de la mise en place de trois programmes : celui d’un lanceur lourd « Ariane » sur proposition française, celui d’un laboratoire spatial « Spacelab » et enfin d’un satellite pour la navigation maritime. Mais une fois encore, il s’agira d’une simple juxtaposition de politique nationale empêchant la mise en place d’un référentiel cohérent pour une construction symbolique.

14La signature en 1975 de la convention de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) semble inaugurer une nouvelle ère. L’appellation en elle-même se veut symbolique. Le terme d’agence était jusque-là une caractéristique nationale et son emploi montre une certaine volonté de dépasser les revendications et les clivages nationaux. Cependant, objet de négociation et de compromis délicats, l’Agence Spatiale Européenne n’apporta que peu d’innovations par rapport à la convention de l’ESRO [43]. Si l’existence de programmes facultatifs et obligatoires est institutionnalisée, en revanche la problématique du « juste retour » industriel, très controversée, est toujours présente. De même les procédures de décision laissent encore une large place au droit de veto, or les positions sont encore massivement influencées et dominées par les intérêts nationaux compromettant encore une fois l’incarnation de l’espace en tant que symbole européen.

15Longtemps incriminées, les contraintes budgétaires ne sont pas pour autant les responsables du mauvais fonctionnement de l’Europe spatiale. Elles ne sont en effet que le reflet de choix politiques. Et c’est là que se situe un des problèmes fondamentaux de l’Europe en matière spatiale : l’absence de politique spatiale commune. Elle s’explique notamment par un défaut d’objectif commun précis qui a toujours caractérisé l’Europe de l’espace. Les raisons globales invoquées pour entreprendre un effort spatial en coopération étaient d’accroître le niveau de la recherche scientifique en optimisant par extension les activités nationales, de renforcer les alliances politiques et d’encourager l’industrie de pointe. L’idée d’une autonomie substantielle par rapport aux deux grandes puissances de l’époque était aussi importante, bien que les pays européens sachent qu’ils n’avaient pas les moyens de rivaliser avec les États-Unis et l’Union soviétique. Cependant pour chaque pays, et notamment pour les plus importants (France, Grande-Bretagne et Allemagne), l’objectif véritable était de compléter son propre programme spatial national par une coopération européenne [44]. Les considérations nationales l’emportaient donc sur les aspects européens. Par la suite, l’ASE n’a pas réussi véritablement sa mission d’harmonisation des politiques nationales qui lui était dévolue [45]. L’espace, enjeu également de souveraineté nationale, pouvait-il être un symbole européen quand la souveraineté ne tolère aucun partage ?

16La volonté de faire de l’espace un symbole d’excellence nationale comme c’était le cas pour certains pays compromettait dès lors fortement tout travail de symbolisation au niveau européen. Il n’y avait pas construction de sens autour de l’espace pour qu’il puisse devenir symbole mais lutte de sens. En outre, l’absence de politique spatiale unifiée avait comme conséquence une absence de centre de pouvoir clairement identifié. Or, tout processus symbolique doit émaner d’un centre, et le « qui gouverne ? » est alors incontournable. Condition qui manquait cruellement à l’édification du spatial comme symbole dans une Europe qui se caractérisait par une mosaïque d’organisations spatiales (présence simultanée d’agences nationales, d’organisations européennes, de coopérations bilatérales…).

17Ensuite, comment l’espace pouvait-il être le symbole d’une identité européenne qui d’une part n’existait pas au début de l’ère spatiale et qui d’autre part se construisait en dehors de lui ? Le rapprochement arbitraire effectué entre l’espace et l’Europe aux fins d’un processus de symbolisation n’est en définitive qu’un rapprochement de deux objets en devenir. Or, si un symbole peut être polyvalent et acquérir des significations différentes selon le contexte, il doit, en revanche, s’appuyer sur un référentiel tangible et aux contours précisément définis. Dans le cas de l’URSS comme des États-Unis, le travail de construction du symbole se basait sur un État à l’identité géographique mais aussi politique clairement définie, sur une nation cimentée par le partage de valeurs, d’une culture, d’une langue et d’une histoire, d’une idéologie commune selon le pays envisagé. L’absence de lien entre la construction spatiale et la construction communautaire n’a fait que renforcer cette absence de référentiel. Outre les caractéristiques précitées, un symbole est aussi censé représenter une réalité dont il tient lieu ; il a donc comme caractéristique de participer aussi à la réalité qu’il est censé désigner. Le secteur spatial européen, complètement établi en marge du processus communautaire, n’entretenait, lui, aucun rapport effectif et concret avec la construction européenne.

18Enfin, si, les activités spatiales pouvaient être une « des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » comme le souhaitait Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950 présentant le projet de Communauté européenne du charbon et de l’acier [46], existait-il une réelle détermination à faire de l’espace un symbole communautaire de la part des responsables politiques et scientifiques concernés ? L’objectif d’incarner l’espace en symbole participant à la création d’une identité européenne et renforçant le sens d’un projet d’union politique tout en affirmant une certaine puissance européenne apparaissait plus comme un élément de politique déclaratoire que comme une réalisation. Il faut aussi apprécier la capacité de l’Europe à fabriquer du symbolique, aptitude sur laquelle de nombreux chercheurs se sont interrogés ces dernières années [47]. Tous constatent une difficile émergence de la dimension symbolique. Une des raisons invoquées est la nature-même de la construction européenne. Un état d’inachèvement permanent existe qui « implique l’absence de référentiel stable, et, en pointillé, la perspective toujours ouverte d’une montée en puissance de cette construction dont on ne sait trop quelle sera sa configuration définitive » [48].

19L’Union européenne est en même temps en « acte et en puissance », comment dès lors asseoir une identité européenne, et la symboliser, sur une communauté en perpétuelle édification ? Il s’agit d’une question qui va bien au-delà d’un problème de définition de l’identité. Par suite, à la question du « comment produire une activité symbolique qui fonde un processus de légitimation politique ? », répond la question du « comment est construite la réalité que le symbole doit incarner ? »

20La convergence entre l’Agence Spatiale Européenne et l’Union européenne (en œuvre concrètement depuis l’adoption de la communication « l’Europe et l’espace : ouvrir un nouveau chapitre » [49] par une résolution conjointe des Conseils de l’ESA et de l’Union en novembre 2000 et la constitution d’un groupe particulier « task group ») amène une dynamique qui peut permettre à terme de constituer une base politique et institutionnelle adéquate à une activité symbolique [50] si tant est qu’une réelle volonté existe pour cela. Mais, l’entrecroisement des responsabilités et des instances de décisions qui caractérise, sous des formes diverses, l’Agence Spatiale Européenne mais aussi l’Union européenne n’est pas l’un des moindres problèmes à résoudre. En outre, « les institutions européennes œuvrent dans un environnement politique tellement imbriqué avec les institutions nationales, infranationales et transnationales que leur capacité autonome à construire l’Europe est relativement faible » [51] et, a fortiori, leur capacité à définir une et une seule instance légitime de pouvoir.

21Enfin, la nature du domaine spatial aujourd’hui permet-elle encore une symbolisation ? Si, dans les années 1960, il pouvait être « un lieu privilégié pour des manifestations symboliques » [52], est-ce toujours le cas aujourd’hui ?

22Un phénomène de banalisation des activités spatiales, en raison de la multiplication de leurs applications jusque dans la vie quotidienne d’une société, est actuellement visible. L’espace, selon l’opinion commune, ne mobiliserait plus vraiment les opinions publiques, qui n’y voient qu’un processus technologique de plus [53]. Selon, Marc Abelès, il y a en outre « effondrement de l’idée régulatrice du progrès qui a longtemps orienté les comportements et les rapports sociaux » [54]. Le secteur spatial souffre des transformations de ses représentations en grande partie dues à son « âge » et à l’évolution du contexte international dans lequel il évolue.

23Peter van Ham, dans The Rise of the Brand State, démontre qu’à l’instar de CNN, de Microsoft et de tous établissements commerciaux, un État se doit aujourd’hui d’avoir une action « publicitaire » car il se trouve dans le même type de rapport qu’une entreprise entretient avec ses clients. Il doit se construire un pouvoir attractif afin de recueillir l’attention politique et économique des autres États [55]. Comme tout produit, il doit alors être « marqué » et signifié par une image valorisante. Et, comme, « les écharpes Hermès et le beaujolais nouveau évoquent l’art de vivre français, BMW et Mercedes-Benz traduisent l’efficacité et la fiabilité allemande » [56]. Être présent dans l’espace ne deviendrait-il pas alors simplement une « marque de fabrique », une manifestation de qualité ?

24Le développement et l’exponentialité de notion comme celle « d’espace utile » ou d’applications utiles à la société viennent confirmer que cette voie existe indubitablement. Ainsi, les premiers pas de l’Inde dans l’espace avaient pour objectif clairement affiché d’utiliser les ressources spatiales pour répondre à des préoccupations sociales auxquelles la nation était confrontée. Les télécommunications spatiales, les prévisions météorologiques et l’observation de la Terre étaient une priorité pour ce vaste territoire avec une population en hausse constante. Cependant, cela ne remet nullement en cause l’aptitude intrinsèque de l’espace à être symbole. Il existe une tradition fortement ancrée à voir l’espace comme un symbole illustrant la situation d’un pays. La compétition dans l’espace de l’Union soviétique et des États-Unis pendant la Guerre froide a enraciné cette perception. En outre, les deux démarches, « espace utile » et « espace symbolique » ne sont nullement exclusives l’une de l’autre et au contraire peuvent interagir étroitement. L’Inde est là encore un exemple à prendre en compte. En effet, l’annonce faite par le gouvernement fédéral en décembre 2001 d’entamer une étude de faisabilité pour une mission exploratoire lunaire participe aujourd’hui plus d’une politique de prestige que d’une politique publique d’applications utiles à la société. Citons aussi la Corée du Nord dont le premier satellite mis en orbite en septembre 1998 diffusait des hymnes révolutionnaires [57]. Cette démarche est éminemment symbolique et n’est pas sans rappeler le message d’Eisenhower contenu dans les premiers satellites de télécommunications américains !

25La capacité symbolique de l’espace ne serait alors peut-être pas liée à sa nature même mais plutôt à la conjonction de différents facteurs politiques et d’un contexte socio-historique particulier. La dynamique d’intégration européenne mise en œuvre concrètement peut alors permettre de constituer le contexte socio-historique nécessaire à l’espace pour incarner un symbole et permettre un travail de construction symbolique à partir d’un succès technique. Les perspectives sont ouvertes avec, par exemple Galileo, programme de satellites de navigation et de localisation européen ou encore GMES [58], programme d’observation de la Terre, projets portés beaucoup plus par la Commission européenne que les États-nations et leurs agences nationales.

26Il faudra cependant prendre en compte ce que nous montrent les États-Unis à savoir une exponentialité des applications militaires de l’espace. Il y a de ce fait une intégration croissante des activités spatiales dans les intérêts nationaux. Or l’Europe de la défense, malgré quelques progrès, est encore dans les limbes. Comment concilier ces intérêts nationaux avec ceux, encore inexistants de l’Europe ? De la réponse apportée à cette question dépend en partie la capacité de l’espace à devenir réellement un symbole européen.

Notes

  • [1]
    En effet, il est frappant de constater que le monde n’était pas préparé à un tel événement notamment les États-Unis. En 1949, George Gallup effectua un sondage dans lequel il demandait aux Américains d’imaginer quels seraient en l’an 2000 les développements scientifiques les plus importants. Seuls 15 % des personnes interrogées estimaient que l’homme pourrait atteindre la Lune. C’est un chiffre quelque peu étonnant si l’on regarde la production d’articles et de livres dans les années précédant le début de la « conquête spatiale » aux États-Unis. Voir à ce sujet le livre de Howard E. M cCcurdy, Space and the American Imagination, Washington, Smithsonian Institution Press, 1997.
  • [2]
    Source Elmo C. Wilson, « World Poll on Satellite Launching », New York, 1957, cité in Outer Space in World Politics, sld Joseph M. Glodsen, New York, Praeger, 1963.
  • [3]
    « The only other event that can match Sputnik in general awareness was the explosion of the atomic bomb in 1945 […] In comparison with popular reaction to other issues and events, these figures for interest and concern are high and, along with the evidence on awareness, suggest an unusual public appreciation of the significance of the development of artificial satellites. », Outer Space in World Politics, op. cit.
  • [4]
    « By successfully launching Sputnik, the Soviet Union had given proof of the advanced state of it’s long-range missile technology. Thus, the West had to reckon with a new, ominous strategic threat, in addition to the soviet challenge to its technology primacy. », Paul Kecskemeth, « Outer Space and World Peace », in Outer Space in World Politics, op. cit.
  • [5]
    « In international prestige value, space exploration now surpasses all other scientific activities », in Outer Space in World Politics, op. cit.
  • [6]
    Littéralement un sumbolon est soit un objet coupé en deux, chacune des moitiés étant confiées à un porteur et permettant une reconnaissance réciproque, soit un objet prouvant l’identité.
  • [7]
    Séminaire « symbole, symbolisme, activités symboliques » organisé par Jean Lassègue du laboratoire Langues, Textes, Traitements informatiques et Cognition de l’ENS, 2000-2001.
  • [8]
    Voir, par exemple, les ouvrages suivants : Bronislaw Bacsko, Les Imaginaires sociaux, mémoires et espoirs collectifs, Paris, Payot, 1984, « Tout pouvoir cherche à monopoliser certains emblèmes et à contrôler, sinon gérer l’usage d’autres. L’exercice du pouvoir, notamment du pouvoir politique, passe ainsi par l’imaginaire collectif. Exercer un pouvoir symbolique, ce n’est guère ajouter de l’illusoire à une puissance réelle, mais doubler et renforcer une domination effective par l’appropriation des symboles, par la conjugaison des rapports de sens et puissance » ; Philippe Braud, L’Émotion en politique, Paris, presses de Science Po, 1996 ; Lucien Sfez , La Politique symbolique, Paris, PUF, 1993 ; George Balandier, Le Pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992.
  • [9]
    Autrement dit, « cette auto-élucidation de la société à travers les symboles fait partie intégrante de la réalité sociale, et l’on peut même dire qu’elle constitue sa part essentielle, car c’est à travers une telle symbolique que les hommes font l’expérience de la société dont ils sont membres, et qui est plus qu’une simple contingence ou qu’une simple commodité […] Et, réciproquement, les symboles attestent qu’un homme n’est vraiment un homme à part entière qu’en vertu de sa participation à une totalité qui transcende son existence particulière, c’est-à-dire de sa participation au xynon, à la communauté, comme dit Héraclite, le premier penseur occidental à avoir élaboré ce concept. », in La Nouvelle Science du politique, une introduction, Éric Voegelin, Paris, Édition du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », mars 2000.
  • [10]
    In Philippe Brode, L’Émotion en politique, op. cit.
  • [11]
    Ainsi, par exemple, le physicien Amaldi, un des pères fondateurs des organisations spatiales en Europe considérait l’espace « no more than a modest beginning in a field of research so enormous and important that it far surpasses anything that can be imagined today », cité par A. Lebeau in « Scientific Organizations and European Unification : A Personal View », Technology in Society, n° 23, 2001.
  • [12]
    La Deuxième Guerre mondiale marque un tournant dans les perceptions occidentales de la science et de la technologie. Les États, notamment les États-Unis et l’URSS, prennent conscience des possibilités des ressources scientifiques et technologiques pour servir une politique de puissance. L’innovation scientifique et technologique devient alors un objectif essentiel des politiques publiques.
  • [13]
    Il est d’ailleurs intéressant de remarquer l’étroite imbrication des logiques de politiques internes et externes concernant l’exploitation de l’espace. Ceci questionne la pertinence de l’analyse réaliste des théories internationales, « hegemon » des théories à cette époque, qui ne prend pas en compte les faits de politique interne dans l’étude des relations internationales.
  • [14]
    Philippe Braud, op. cit.
  • [15]
    « Socialism is the reliable launching pad from which the USRR launches its spaceships », slogan recurrent cité par Arnold L. Horelick in « The Soviet Union and the political uses of Outer space », chapitre 3, in Outer Space in World Politics, op. cit.
  • [16]
    Krouchtchev, Pravda, 9 juillet 1960.
  • [17]
    Pravda, 18 juin 1961.
  • [18]
    Voir les conclusions de Gabriel A. Almond, in Outer Space in World Politics, op. cit., chapitre 4, Public Opinion and the Development of Space Technology : 1957-1960 : « The first point to made on the basis of present evidence is that the demonstration of Soviet satellite superiority represented a significant foreign-policy victory for the Soviet Union. It weakened the American alliance system […], it reduced confidence in American technological and military strength and hence sharpened doubts as to the wisdom of alliance with the Unites States. »
  • [19]
    Les sources sont basées sur les chiffres de l’Institut britannique d’opinion publique, l’Institut français d’opinion publique, l’Institut italien d’opinion publique, cité in Public Opinion and the Development of Space Technology : 1957-1960, Gabriel A. Almond, chapitre 4, in Outer Space in World Politics, op. cit.
  • [20]
    Cité par Xavier Pasco, in Prise de décision et politique étrangère : le cas de la politique spatiale américaine, 1994, thèse de doctorat, Université Paris I, p. 242 et suivantes. Pour les aspects généraux de la politique spatiale américaine voir aussi son livre.
  • [21]
    Notamment de par son opposition à tout programme ambitieux d’homme dans l’espace.
  • [22]
    Ibid., note 1.
  • [23]
    Les États-Unis vont alors « livrer » bataille contre l’idéologie communiste par le biais des activités spatiales.
  • [24]
    Ibid., note 17.
  • [25]
    Il faut prendre en compte l’influence de théoricien comme Jean Monnet dans la construction européenne.
  • [26]
    C’est surtout dans les années 1960 que le débat sur le « technology gap » prend de l’ampleur, largement initié par la France, elle-même entraînée par un modèle américain attractif. Elle se lance alors dans une politique de grands programmes notamment dans les domaines de pointe.
  • [27]
    Centre européen de recherche nucléaire. Voir à ce sujet L’Europe spatiale, filiation et spécificité, adaptation aux contraintes actuelles, étude pour le compte du ministère des Technologies de l’Information et de la Poste, Isabelle Sourbès-Verger et Laurence Jourdain, CREST, 1995.
  • [28]
    Lors du premier symposium du COSPAR (Committee on Space Research, créé en 1957 par le Conseil international des Unions scientifiques) et aboutit à la création d’une commission préparatoire, la COPERS (European Preparatory Commission for Space).
  • [29]
    European Space Research Organization.
  • [30]
    Article 2 de la Convention ESRO.
  • [31]
    « A distinction that was in the line with both the intention to prevent the military from having any control over the scientific side, and the desire of governments to hold onto political control over the development of European launchers. », André Lebeau, in « Scientific Organization and European Unification : A Personal View », Technology in Society, art. cit.
  • [32]
    En décembre 1960, un rapport de la SEREB (Société pour l’Étude et la Réalisation d’Engins Balistiques) au ministre des Armées concluait à la faisabilité de dériver un « engin porte satellite » à partir d’un « véhicule SSBS (Sol Sol Balistique Stratégique) » cité in C. Carlier et M. Gilli, Les Trente premières années du CNES, l’Agence française de l’espace 1962-1992, Paris, La Documentation française, 1994.
  • [33]
    European Launcher Development Organization.
  • [34]
    Rapport du CECLES-ELDO, 1960-1965, p 6.
  • [35]
    Largement utilisé par la Belgique, l’Espagne et l’Italie notamment.
  • [36]
    En juin 1962, un plafond budgétaire de 1,5 milliard de francs pour 8 ans fut ainsi fixé. Le Conseil de l’ESRO (réuni au niveau ministériel) avait la charge d’établir ensuite des plafonds triennaux (à l’unanimité). Les budgets annuels étaient, quant à eux, adoptés à la majorité des deux tiers.
  • [37]
    Ainsi, il apparaissait dès le début que le budget prévu ne pourrait permettre de remplir le cahier des charges prévoyant le lancement de 21 satellites et de 400 fusées-sondes.
  • [38]
    Attribution des contrats industriels pour chaque pays proportionnellement à leur contribution financière au budget de l’organisation.
  • [39]
    Parallèlement la France et l’Allemagne adoptaient un projet commun « Symphonie » de deux satellites de télécommunications qui seraient lancés par les États-Unis. Le refus final de lancer des satellites considérés comme concurrents d’Intelsat par les États-Unis s’ils devaient être utilisés à des fins commerciales a étayé la nécessité d’un lanceur européen. Ils furent finalement lancés par une fusée américaine en 1974 mais avec le statut de satellites expérimentaux.
  • [40]
    Le coût du projet, estimé au départ à 196 millions de dollars, s’est élevé à 700 millions de dollars en très peu de temps et un retard de 4 ans fut pris.
  • [41]
    La position anglaise était largement plus politique qu’une simple question de budget. La Grande-Bretagne faisait partie des pays trouvant plus opportun et pertinent de profiter des fusées américaines !
  • [42]
    Dès 1966 est organisée une Conférence Spatiale Européenne (CSE) afin d’évaluer de manière plus globale la question spatiale.
  • [43]
    Notamment reprise du premier « package deal » de l’ESRO en 1971, compromis trouvé entre les différents pays qui met en place des programmes obligatoires uniquement pour la recherche scientifique et laisse une porte ouverte à des programmes optionnels.
  • [44]
    Krige J., Russo A., Reflections on Europe in Space, ESA HSR-11, 1994.
  • [45]
    Article II de la Convention.
  • [46]
    « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »
  • [47]
    Voir par exemple l’ouvrage de Carole Lager, L’Europe en quête de ses symboles, ed. Peter Lang, 1995, mais aussi l’article de François Foret « La politique de légitimation symbolique de l’Union européenne », in Labyrinthe, automne 2000, n° 7.
  • [48]
    Marc Abèlès, De l’Europe politique en particulier et de l’anthropologie en général, Cultures et Conflits n° 28, hiver 1997.
  • [49]
    « L’Europe et l’espace : ouvrir un nouveau chapitre », COM (2000) 597.
  • [50]
    Ce rapprochement pour être profitable ne pourra pas éluder un certain nombre de problèmes. Les questions à résoudre seront multiples, particulièrement celles concernant le statut et la place de l’ASE au sein de l’UE. Voir notamment à ce sujet l’étude d’Isabelle Sourbès-Verger et Laurence Jourdain (citée note 27).
  • [51]
    Christian Lequesne et Andy Smith, Interpréter l’Europe : éléments pour une relance théorique, Cultures et Conflits n° 28, hiver 1997.
  • [52]
    In l’étude d’Isabelle Sourbès-Verger et Laurence Jourdain (citée note 27).
  • [53]
    Par exemple, l’idée de la « conquête » de Mars n’enthousiasmerait pas comme la conquête de la Lune a pu le faire. Pour une majorité, la question de l’utilité directe et immédiate est devenue primordiale.
  • [54]
    Voir note 28.
  • [55]
    « Like branded products, branded states depend on trust and customer satisfaction », Peter van Ham, « The rise of the brand state », Foreign Affairs, septembre, octobre 2001.
  • [56]
    Peter van Ham, op. cit.
  • [57]
    « Le satellite transmet actuellement la mélodie d’hymnes révolutionnaires immortels sur la bande des 27 MHZ » déclarait la KNCA (Korean Central Cews Agency) le 4 septembre 1998.
  • [58]
    Global Monitoring Environmental System.
Français

On aurait pu penser que l’espace, objet fantasmagorique de l’humanité pendant des millénaires, perdrait de son pouvoir symbolique quand l’homme le « domestiquerait ». Or, bien au contraire, les débuts de la conquête spatiale ont montré non pas une dé-symbolisation mais une transformation de sa symbolique, l’espace devenant un symbole politique et identitaire fort de deux systèmes en compétition incarnés respectivement par les États-Unis et l’URSS. L’espace serait-il par essence de nature symbolique ? L’analyse de la dynamique spatiale en Europe et de son éventuelle construction symbolique permet d’apporter un éclairage différent sur cette question, notamment en s’inscrivant en creux des exemples américains et soviétiques. L’espace en tant que symbole serait alors bien plus le produit d’un contexte socio-historique particulier et de logiques politiques spécifiques.

Mots-clés

  • espace
  • symbolique
  • politique
  • Europe
Florence Gaillard
Florence Gaillard, chargée de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), Paris.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/14446
Pour citer cet article
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