CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Samedi 23 octobre 2010 : les 33 squatteurs (collectif Jeudi noir) du somptueux Hôtel de Sévigné au 11, rue de Birague, place des Vosges, sont expulsés à 7 heures du matin par plus d’une cinquantaine de CRS accompagnant un huissier de justice. L’huissier venait appliquer la décision de la cour d’appel de Paris rendue la veille dans l’après-midi : elle rejetait la demande en appel des squatteurs, ordonnait leur expulsion sans délai et fixait les indemnités d’occupation à plus de 72 000 euros d’amende (en multipliant ainsi par trois les 25 000 euros mensuels demandés lors du premier procès le 25 janvier 2010 par le tribunal d’instance du 5e arrondissement de Paris), tout en reconnaissant le « souci légitime de Jeudi Noir ». Les juges font donc finalement primer le droit de propriété, mais seulement plus d’un an après l’entrée dans le bâtiment : comment les squatteurs ont-ils pu habiter illégalement ce lieu autant de temps ? Cette expulsion fait suite à de nombreuses procédures juridiques, ainsi qu’à de longues négociations entre mairie de Paris, squatteurs et propriétaires. Les élus locaux sont intervenus dans la presse et ont pesé dans l’application tardive de ce jugement. Ainsi, cette affaire ne se limite pas à une gestion juridique du squat. Si le squat est bien une occupation « sans droit ni titre » et donc illégale de l’espace urbain bâti, il nous semble utile d’interroger une action publique qui se construit pour le gouverner, au-delà du questionnement de la règle de droit ou du respect du droit de propriété privée.

2Ce constat d’un dépassement de la simple application du droit n’est pas nouveau. Michel Foucault l’exprimait à travers ses travaux sur les « illégalismes » en évoquant non seulement des actes de transgression des normes établies, mais aussi « l’ensemble des activités de différenciation, de catégorisation, de hiérarchisation et de gestion sociale des conduites définies comme indisciplinées » (Lascoumes, 1996b, p. 79) [2]. Son analyse des illégalismes permet de reprendre la question de la domination sociale. En effet, tous les illégalismes ne sont pas purement et simplement réprimés : « La pénalité serait alors une manière de gérer les illégalismes, de dessiner des limites de tolérance, de donner du champ à certains, de faire pression sur d’autres, d’en exclure une partie, d’en rendre utile une autre, de neutraliser ceux-ci, de tirer profit de ceux-là [3] » (Foucault, 1975, p. 277).

3Les sociologues du droit ont depuis longtemps montré que la règle de droit subissait des interprétations et des applications différenciées (Sutherland, 1983 ; Cicourel, 1968 ; Chantraine, Salle, 2009) : elle est parfois appliquée, parfois contournée, parfois assouplie selon les cas concernés. Par ailleurs, les politistes et les sociologues ont pu montrer que les derniers maillons de la chaîne des politiques publiques, les street-level bureaucrats, disposaient d’une marge de manœuvre qui leur permettait d’interpréter des situations lors de la mise en œuvre de décisions (Lipsky, 1980 ; Dubois, 1999). Les agents de l’État s’arrangent avec la règle dans leur mission d’application. Enfin, d’autres se sont intéressés aux rapports entre « État et illégalismes » pour reprendre le titre d’un numéro thématique de la revue Politix de 2009 [4]. L’ambition des auteurs est de déterminer les « conditions dans lesquelles les agents de l’État répriment les illégalismes, c’est-à-dire des pratiques illicites qui ne visent pas les biens ou les personnes mais la transgression des lois ou des règlements » (Éditorial, p. 4). Ils montrent que « l’application de la règle fait toujours exister une zone grise qui se trouve être le réceptacle de logiques sociales extra-juridiques » (p. 5). Si l’on suit ces travaux, il n’est pas étonnant d’observer que les squats soient régulés au travers d’un conflit de normes, notamment entre droit de propriété et droit au logement.

4Que le squat soit considéré dans la littérature comme un « espace ressource » (Bouillon, 2009 ; Coutant, 2000), comme un mode d’action collective mobilisé depuis le xixe siècle (Péchu, 2010), comme lieu d’une culture alternative (Vivant, 2008) ou de revendications globales (Martinez, 2007 ; Adell, Martinez, 2004), il est conçu non seulement comme une pratique déviante de l’espace urbain mais aussi comme une réponse à l’incapacité des pouvoirs publics à satisfaire les besoins des habitants en termes de logement [5]. Néanmoins, son rapport aux acteurs publics est largement laissé de côté, malgré une série de travaux européens qui décrivent les dynamiques de cooptation et d’institutionnalisation à travers une analyse des rapports entre squatteurs et autorités municipales (Pruijt, 2003 ; Uitermark, 2004 ; Martinez, 2010). Certains tentent aussi de comprendre l’impact d’innovations impulsées par la pratique du squat sur les politiques urbaines (Garcia, 2004 ; Breviglieri, Pattaroni, 2011). Plus récemment, Florence Bouillon s’attache à détailler les procédures concrètes de traitement policier et juridique et les processus de catégorisation des squatteurs (Bouillon, 2010). Enfin, les juristes ont souvent analysé les procédures d’expulsion (CNAPD, 1999 ; CERCID, 2003) et explicitent les moyens de résister pour les squatteurs (Benhayoun, 2005).

5Si ces travaux traitent bien de la « gestion » ou de la « régulation » des illégalismes, ils se limitent toutefois à la description des multiples arrangements des agents de l’État avec la règle de droit au moment de la faire appliquer, c’est-à-dire de la phase de mise en œuvre. Il n’est donc pas fait mention du gouvernement des illégalismes. Nous pensons pourtant que la distinction doit être faite entre la régulation et le gouvernement d’une pratique car, comme le suggère Philippe Warin, « réguler n’est pas diriger » (Warin, 1996). De plus, contrairement aux nombreux travaux qui s’intéressent aux agents de l’État, nous préférons insister ici sur le travail municipal de gouvernement [6]. L’idée de régulation sous-tend celle de maintien du système en l’état et d’ajustements. Que ce soit pour les juristes, les sociologues, les politistes ou les économistes, la régulation vise à harmoniser un système, à trouver un équilibre, à pacifier les conflits internes tout en absorbant les perturbations externes, en les compensant par des mesures particulières et en fixant des règles [7]. Pour les gouvernants, réguler consiste à préserver l’ordre politique. Or, « réguler les effets de la mise en œuvre d’une politique n’est pas en soi conduire cette politique (…) Conduire une politique en tant qu’activité de gouverner suppose un effort d’un autre type qui consiste, par son moyen, à imprimer une direction à la collectivité » (Warin, 1996, p. 40). La pratique gouvernementale [8] est donc sensiblement différente de celle de régulation en ce sens qu’elle implique une stratégie, un programme d’action, l’affirmation d’une direction concernant la collectivité. Notre travail s’interroge donc, non pas sur la gestion de l’illégal par ailleurs déjà abordée, mais sur le travail municipal de gouvernement.

6Si nous aborderons de nouveau la question classique des politiques publiques « qui gouverne ? » (Dahl, 1961), nous cherchons surtout à comprendre ici « ce qui est gouverné et ce qui ne l’est pas » (Le Galès, 2011) en examinant les politiques urbaines face à des illégalismes qui semblent pourtant a priori laissés au ban de simples négociations ou de la gestion juridique. L’hypothèse d’ingouvernabilité des sociétés et des villes a souvent été avancée (Mayntz, 1993 ; Jouve, Lefèvre, 2002). Celle-ci supposerait le développement d’espaces qui peuvent s’autonomiser, s’autoréguler, s’autogérer par opposition ou par simple sécession au pouvoir politique. Des sous-systèmes comme les squats se construiraient de façon plus ou moins autonome en tant que « solutions alternatives ». Les acteurs publics gouvernent-ils les squats ? Dans quelles conditions ? Selon Pierre Favre, « “le gouvernement gouverne”, certes, mais il ne gouverne pas tout le monde et tout le temps » (Favre, 2003). Les squats parisiens sont-ils gouvernés ? Nous répondons par l’affirmative en tentant de montrer dans quelle mesure des politiques urbaines sont bien mises en œuvre face aux squats, qu’elles ne se soldent pas toujours par des échecs et qu’elles correspondent plus à du travail gouvernemental que de régulation. L’approche par les instruments nous permet de révéler « comment » ces squats sont gouvernés, et surtout de décomposer les étapes d’une opérationnalisation différentielle de l’action publique : les instruments ne sont pas neutres et ils sont appliqués différemment selon les populations et les territoires ciblés.

7Face aux pratiques illégales, trois types de politiques publiques peuvent être mises en œuvre (Maccaglia, 2009). La première consiste à réprimer par les forces de l’ordre mais semble inefficace et les récidives trop nombreuses. La seconde passe par une augmentation de l’offre de services publics (plus de logements). Elle est donc conditionnée par la capacité financière et politique de la ville et de l’État. Enfin, les autorités peuvent intégrer les « illégaux » dans une structure légale en normalisant ou dépénalisant leur activité. Cette solution semble être efficace selon l’auteur. Mais elle reste là aussi conditionnée par la capacité de la ville à accepter de négocier avec des acteurs contre lesquels elle a toujours lutté et qui restent parfois « marginaux ». Suivant cette grille de questionnement nous nous demandons donc : quelle est l’attitude municipale à Paris face aux illégalismes – tolérance, répression, offre de services, normalisation ? Dans quelles mesures son action s’est-elle opérationnalisée et son agenda institutionnalisé ?

8Nous sommes partis de la définition juridique du squat, bien que le squat ne soit pas une catégorie à part entière dans le droit français : une « occupation sans droit ni titre » selon l’expression consacrée. Ce choix résulte de notre volonté d’examiner un rapport particulier à la norme dans le gouvernement des « illégalismes sectoriels » pour reprendre l’expression de Cécile Péchu qui les définit comme « des actes illégaux localisés permettant la réalisation immédiate de la réclamation » (Péchu, 2010, p. 10). Nous avons alors travaillé à partir d’un échantillon de 60 squats qui ont fait l’objet d’une intervention (de quelque nature que ce soit : négociations, projets, intervention médiatique, demandes d’expulsion) de la part de la mairie de Paris depuis 2001 (début du premier mandat de Bertrand Delanoë), dont 39 ont fermé et 21 squats sont encore ouverts sur le territoire parisien [9]. Nous ne posons au départ de notre analyse aucune typologie préconçue du type « squat d’activité », « d’urgence » ou « politique », tel que l’ont fait Florence Bouillon (2009) ou Hans Pruijt (2004) qui combinent plusieurs configurations. Les squats parisiens accueillent ainsi aussi bien des précaires que des non-précaires [10], des artistes que des militants, des immigrés clandestins que des usagers de drogue [11]. Les logiques se combinent et les squats sont divers en termes de population accueillie (Aguilera, 2011). Le nombre d’habitants par squat varie entre les valeurs extrêmes de 3 et 2 000 mais la médiane est de 15 habitants. Notre approche a, dans un premier temps, été celle de l’observateur ethnographique et de l’entretien sociologique auprès des squatteurs eux-mêmes afin de bien comprendre « les mondes du squat ». L’objectif était de saisir les logiques d’organisation des squatteurs et de recueillir leur témoignage sur les relations qu’ils pouvaient entretenir avec les personnels de police, des mairies, avec les propriétaires, les voisins, les associations, leurs avocats [12]. Le second temps de la recherche correspond aux entretiens menés avec les décideurs politiques à différents niveaux.

9Dans une première partie, nous décrivons les processus de construction du problème public « squat », entre problématique du logement et de la culture. En seconde partie, nous montrons que la mairie de Paris fait bien plus que négocier : elle met en place des dispositifs de gouvernement qui lui permettent à la fois de prendre le contrôle de ces territoires illégaux et d’imposer une direction dans la planification de la ville, notamment à travers un processus de normalisation. Enfin, nous évoquerons le dernier aspect du travail municipal – la sélection des illégalismes –, à travers lequel il est possible de décrire un gouvernement différentiel qui vise à favoriser l’éviction des « indésirables ».

Les squats construits comme cibles d’action publique

10Le squat court-circuite les politiques urbaines et leur lance un défi. Il dénonce une faiblesse des politiques de logement [13] ou de la culture [14] dans la capitale en proposant une solution alternative qui s’apparente souvent à une situation de « non-recours » [15] (Warin, 2010) et « d’illégalisme sectoriel » (Péchu, 2006, 2010). La mairie de Paris est aux premières loges et son positionnement repose sur deux volets : (a) donner un espace, ou non, aux squatteurs ; (b) tenter de répondre à leurs revendications en en faisant des acteurs à part entière de la gouvernance urbaine. Si leur occupation est bien illégale, elle n’est pourtant pas abordée par les acteurs publics comme une simple activité déviante à réprimer. Le problème « squat » à Paris est présent de façon régulière sur l’agenda même si des cycles d’attention le renforcent. Cette question du squat correspond alors au problème public plus large du mallogement et du manque d’espace. Une telle conception du problème public provient notamment du fait qu’au sein de la mairie de Paris qui se fait souvent médiatrice, c’est le cabinet du logement qui a le dernier mot.

Une inscription durable des squats à l’agenda municipal alimentée par des cycles

11La mise sur agenda du problème « squat » suit deux dynamiques. La première correspond à une certaine institutionnalisation de la question : les cabinets du logement et de la culture cherchent à anticiper et à faire vivre un agenda régulier et relativement continu. Ainsi, une personne est exclusivement en charge des affaires de squats (les squatteurs l’appellent « Monsieur Squats » [16]) et les membres des cabinets restent en lien avec certains collectifs de squatteurs afin d’établir des relations de confiance et de préparer en amont les négociations futures. De plus, des lignes budgétaires votées au Conseil de Paris, non sans débats, ont été réservées à des rénovations de squats. Ainsi, depuis 2001, la mairie de Paris a déboursé plus de 11millions d’euros dans la rénovation d’une dizaine d’édifices. Ce budget est l’un des témoins d’une action publique des squats bien existante et d’un agenda institutionnalisé.

12Une autre logique vient néanmoins renforcer et raviver régulièrement ce premier agenda. Par exemple, la question des squats à Paris semble, en général, suivre les débats nationaux sur le logement [17]. Lorsque la Fondation Abbé Pierre publie ses rapports annuels, la presse s’empare d’un sujet qui apparaît comme l’un des marqueurs du mal-logement en France et les élus réagissent ; le vote de la loi DALO a également mis en lumière le phénomène des squats [18]. Mais, au-delà des débats nationaux, ce sont bien les crises locales qui poussent le sujet des squats sur le devant de la scène et les élus du logement à se positionner publiquement sur certaines affaires. Les incendies, les décès, les accidents sont des facteurs déclenchants [19]. Les mobilisations collectives de la part de collectifs de squatteurs poussent également les élus locaux à s’exprimer sur les squats et à chercher des solutions pour leurs habitants : les actions de Jeudi Noir et du DAL en sont les exemples les plus marquants depuis 2005 (Aguilera, 2012). Mais la politique culturelle a aussi son lot de « crises ». Ainsi, la révélation par le journal Libération[20] concernant le collectif MACAQ (Mouvement d’animation culturelle et artistique de quartier), qui sous-louait ses locaux en convention d’occupation précaire avec la mairie de Paris à des sociétés privées, a relancé le débat sur la tolérance de certains squats à Paris. Enfin, des temporalités spécifiques influent largement sur la mise en lumière du problème. C’est largement le cas des trêves hivernales qui s’étalent du 1er novembre au 15 mars de chaque année [21] (les expulsions restent en général menées en dehors de cette période afin de ne pas constituer les squatteurs en « victimes »), mais aussi des élections municipales qui apparaissent comme de véritables fenêtres d’opportunité pour des squatteurs qui cherchent à se faire entendre et à renforcer la légitimité de leur occupation, ou pour des candidats qui veulent contenter un électorat parisien plutôt bienveillant envers certains lieux de culture alternative. L’exemple de la campagne électorale pour les municipales de 2001 le montre bien : les squatteurs du 59 rue de Rivoli ont ouvert le bal de pratiques plus tolérantes à l’égard des squats en faisant promettre à Bertrand Delanoë de les légaliser après son élection : promesse tenue puisqu’une convention d’occupation précaire a été signée.

La construction du problème « squat » entre logement et culture

13Si le squat est une forme d’action collective et/ou de survie, il prend toute sa dimension sur la scène publique à travers la construction du problème public qui se structure autour de l’opposition droit de propriété/droit au logement, mais aussi logement/culture. Le premier clivage est évident. L’État, en premier lieu, puis la municipalité vont défendre le droit de propriété en s’appuyant sur l’argument de la hiérarchie des normes constitutionnelles. Les squatteurs et les associations de défense du droit au logement vont « cadrer » le problème autour de ce dernier droit jugé fondamental et « vital ». Ce clivage apparaît clairement dans la presse, dans les débats, dans les communiqués de presse des élus et des militants, ou dans les manifestations. Le second clivage est moins évident. Lorsque l’on parle de squats, on fait immédiatement référence à ce que l’on nomme partout ailleurs en Europe des social centers, c’est-à-dire des lieux de culture alternative et de débats et/ou d’actions politiques, et non pas des lieux d’accueil ou de vie de populations marginalisées. Ce sont les lieux les plus visibles, les plus connus et médiatisés. Cependant, la réalité des chiffres nous montre que la majorité des occupations sans droit ni titre en Île-de-France sont des squats d’hébergement (Quercy, 2002 ; AORIF, 2006). Pour les acteurs municipaux, qui cherchent en priorité à construire des logements sociaux (priorité du mandat de Bertrand Delanoë), le problème des squats est avant tout celui du logement. Le squat témoigne en effet d’une difficulté évidente à se loger à Paris, mais aussi d’une difficulté à gérer un parc de logements encore vacant et donc à mettre en projet social. Pour les acteurs en charge de la culture, les squats sont des espaces de création qui peuvent contribuer à la vie culturelle de la cité. Il existe donc une tension entre deux visions des squats parisiens : les plus visibles sont l’apanage des agents et des définitions culturelles. Les autres, c’est-à-dire la majorité et les plus problématiques en termes de pauvreté et de sécurité, correspondent au travail de définition des agents du logement. Les deux conceptions rentrent en concurrence au sein même des administrations municipales. Cependant, si c’est la conception culturelle qui semble l’emporter dans l’arène publique, c’est bien la problématique du logement qui prime en interne, au sein de la municipalité parisienne.

Des négociations dominées par le cabinet du logement

14Face à des occupations illégales, l’enjeu pour la mairie de Paris est de construire une configuration de négociation avec des acteurs en conflit avec des propriétaires qui revendiquent le droit de jouir de leur bien immobilier. Les élus locaux entretiennent alors un cadre d’échanges dans lequel ils peuvent jouer le rôle de médiateur : cette phase, qui correspond à la prise en charge d’un dossier squat, est le préalable à toute action publique. La médiation pourrait être définie comme un procédé de négociations assistées par un tiers dans le but de laisser libre la volonté des deux parties en présence [22]. Les configurations d’acteurs varient selon les squats et les propriétaires concernés.

Tableau 1

Types de propriétaires squattés à Paris (2001-2010)

Tableau 1
Type de propriétaire Squats ouverts % Tous squats (2001/2010) % Mairie 7 35 13 24 Autres institutionnels (Associations, fondations, promoteurs…) 4 20 11 18 Particulier/privé 3 15 7 9 Investisseurs 2 10 14 25 Bailleurs 2 10 9 14 SEM 2 5 3 5 État 1 5 3 5 TOTAL 21 100 60 100

Types de propriétaires squattés à Paris (2001-2010)

15Lorsque le bâtiment squatté appartient à la mairie centrale de Paris, celle-ci est directement concernée et intervient donc en tant que propriétaire. C’est son rôle politique qui l’oblige à nuancer ses prises de position car elle est la représentante de la collectivité sur son territoire. Si le bâtiment ne lui appartient pas, elle cherche souvent à intervenir dans une négociation qui devient alors quadripartite : les squatteurs, le propriétaire, l’État (par le biais de la préfecture de Paris chargée d’appliquer les décisions de justice) et elle-même. Lorsque les dossiers sont jugés sensibles et massivement médiatisés, comme ce fut par exemple le cas en janvier 2010 pour le squat de La Marquise de Jeudi Noir, place des Vosges, ou, plus récemment, au 22 avenue de Matignon, pour la rue de l’Échiquier, ou encore en 2001 avec le squat du 59 rue de Rivoli, c’est l’élu, voire le maire lui-même, qui organise la médiation. Si le dossier est jugé « minime », il revient aux services techniques : la DLH (Direction du logement et de l’habitat) s’il est demandé un relogement, la DAC (Direction des affaires culturelles) si des ateliers sont requis, la DASCO (Direction des affaires sociales) si la précarité des habitants l’exige. Dans tous les cas, les élus de la mairie de Paris et leurs services pèsent dans les négociations. Le préfet, les bailleurs, les squatteurs les écoutent et agissent souvent en conséquence. Sur la demande du maire de Paris, le préfet est, par exemple, souvent contraint de retarder des expulsions et les bailleurs doivent négocier au lieu d’entamer des procédures juridiques.

16Si nous rentrons dans le détail de ces médiations, on s’aperçoit que c’est l’adjoint au logement et son directeur de cabinet qui ont le dernier mot. Le déroulement des réunions, l’observation des élus rencontrés sur le terrain ainsi que les témoignages des squatteurs eux-mêmes, nous ont permis de comprendre que le cabinet de l’adjoint au logement, qui détient les clés du foncier et qui mène les politiques du logement de la mairie de Paris [23], était le pilier de toute décision concernant les squats parisiens, alors que celui de l’adjoint à la culture, qui s’occupe plus du volet artistique, en dépendait :

17

« Nous on est compétent pour gérer le dossier culturel des artistes et des squatteurs. C’est sûr que pour ce qui y est de l’autorisation de travaux ou pour les conventions d’occupation c’est plutôt le logement qui s’en occupe ».
(directeur de cabinet de l’adjoint à la culture de la mairie de Paris)

18Pour résumer, une affaire de squat peut être saisie différemment : s’il est occupé par un collectif d’artistes, le dossier est d’abord traité par le cabinet de la culture qui juge la « valeur artistique du projet » [24]. L’accord du cabinet du logement est ensuite requis afin de vérifier les normes de sécurité du bâtiment, ou de ne pas nuire au développement de projets de logements sociaux. C’est donc la problématique du logement qui prime en dernier recours pour les politiques urbaines activées face aux squats parisiens. La médiation doit aussi compter sur la prise de position des élus d’arrondissement qui peuvent défendre certains squatteurs qui auraient pris un rôle dans une vie de quartier, comme pour la Petite Rockette dans le 11e arrondissement, la Miroiterie dans le 20e ou la Marquise dans le 4e, ou, au contraire, en attaquer d’autres comme ce fut le cas dans le 17e arrondissement.

19La médiation de la mairie de Paris consiste en deux points majeurs. Elle peut, dans un premier temps, apporter un soutien médiatique aux squatteurs, en jugeant souvent de la légitimité d’un squat de personnes précaires en période de crise du logement non endiguée par un « ministre incapable de mener une politique du logement efficace » selon certains élus locaux. Elle peut également prendre en main les négociations en organisant des réunions au sein de ses locaux pour trouver une position médiane satisfaisant à la fois le propriétaire et les squatteurs, tout en donnant une image de sa position conforme aux électeurs parisiens. Bien souvent, la stratégie des élus de la mairie centrale s’apparente alors à celle du blame avoidance et du credit claming (Weaver, 1986) : rejeter la responsabilité du problème du logement sur l’État, faire semblant d’agir pour contenter l’électorat et éviter la « sanction ». Enfin, la médiation correspond bien souvent à l’entrée en négociation de la mairie de Paris qui met en œuvre, par la suite, des politiques publiques.

20Ainsi, pour esquisser une première réponse à notre questionnement, lorsque la mairie de Paris s’en tient à des négociations, son attitude correspond plus à de la régulation qu’à du gouvernement. Mais, cette phase n’est bien souvent que le préalable d’une intervention plus « dure » qui vise à contrôler les occupations illégales de l’espace urbain par le biais d’instruments spécifiques.

Normaliser pour contrôler : le contrat précaire et le projet comme instruments d’action publique

21Plutôt que de « gérer » les squats au cas par cas et selon des arrangements, les élus de la mairie de Paris tentent de les gouverner en mettant en place un véritable programme d’action. Ils mettent en œuvre des dispositifs spécifiques afin de les « rendre gouvernables » (Lascoumes, 1996a) et de reprendre le contrôle de l’espace urbain, ou, en tout cas, en partie. Le premier instrument est la convention d’occupation précaire. Le second instrument est le projet urbain qui est mobilisé sous deux formes : l’appel à projet et le projet imposé. Ils correspondent à deux types d’instruments d’action publique, c’est-à-dire des dispositifs et des outils qui permettent d’opérationnaliser et de matérialiser l’action publique, porteurs de représentations et qui font le lien entre gouvernés et gouvernants (Hood, 1983 ; Lascoumes, Le Galès, 2004).

La convention d’occupation précaire comme outil de normalisation de l’illégal

22La convention d’occupation précaire est un contrat passé entre les squatteurs et le propriétaire [25]. Elle est un outil de normalisation du rapport propriétaire/squatteur, et donc un premier pas vers la résolution de la tension droit de propriété/droit au logement. Elle facilite également le contrôle des usages de l’espace urbain et l’institutionnalisation de collectifs spécifiques. 14 sur 21 squats encore ouverts à Paris au moment de l’enquête sont concernés.

23Les pouvoirs publics (État et mairie centrale) sont concernés à deux titres. Ils peuvent être propriétaires et peuvent signer ce type de convention. Lorsque la Ville de Paris est propriétaire, les cabinets proposent un dossier qui doit être soumis au vote du Conseil de Paris. Mais ils sont également acteurs de la convention même lorsqu’ils ne sont pas propriétaires. Le cabinet du logement de la mairie de Paris donne ainsi systématiquement son avis sur les signatures de conventions. La convention précaire est un instrument juridique importé du droit commercial. Elle s’est imposée par sa souplesse comme une solution utile et intermédiaire pour normaliser une occupation d’une durée limitée et réagir vite. Les deux parties, les propriétaires et les squatteurs, l’acceptent souvent car elle apparaît comme un compromis pour des squatteurs dans l’illégalité, menacés par une expulsion, et des propriétaires qui souhaitent se passer de procédures juridiques lourdes. Le squat passe donc du statut d’illégal à celui de contractuel. Il est « absorbé » par la légalité et est donc contrôlable. La convention précaire permet aux décideurs de la municipalité de systématiser et de normaliser leurs interventions.

24La convention permet de contrôler l’espace urbain car elle réintroduit dans les interstices illégaux le pouvoir de l’affectation des usages pour le propriétaire du lieu (que ce soit la mairie, l’État ou un privé). En effet, la convention correspond à un contrat. Elle fixe donc les conditions dans lesquelles le lieu pourra être occupé sur une période donnée : activités autorisées dans le squat ou le nombre d’habitants et de visiteurs. Souvent, le propriétaire interdit par exemple de dormir dans le lieu ou encore telle activité artistique risquée. Le directeur du cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris nous présente cette condition comme l’une des plus importantes pour des questions de sécurité. Il affirme y veiller scrupuleusement même lorsque la ville n’est pas partie prenante dans le contrat. C’est un réel pouvoir sur le territoire. Les normes de sécurité en cause peuvent également relever du bâtiment squatté lui-même. Ainsi, la Petite Rockette s’est dans un premier temps vue refuser une convention car « il manquait quatre centimètres pour l’accès des pompiers en cas d’incendie » (Mathilde). La norme de sécurité devient un instrument de contrôle sur les squats. Le respect absolu des règles du contrat et des normes urbaines est une condition qui permet de refuser ou d’accepter certaines occupations, dont le projet artistique ou social est, à ce moment-là de la décision, totalement ignoré. Face à des exigences fortes en termes de sécurité, les cabinets doivent fournir des fonds sous forme de subventions en plus de l’octroi de la convention. Ainsi, depuis 2001, la Ville de Paris a déboursé 11 120 000 euros pour la rénovation et la mise aux normes de squats occupés par des collectifs d’artistes [26].

25La mairie intervient donc au moment de fixer les conditions d’occupation précaire d’un lieu. Son poids est toutefois plus important lorsque le propriétaire est un bailleur social et non pas un particulier. La médiation est ici un moyen pour la mairie de s’intégrer au processus de décision qui lui échappe normalement, car relevant du droit privé. À travers l’usage de l’instrument qu’est la convention d’occupation précaire, les élus du logement et de la culture de la mairie de Paris ont pu construire une relation particulière avec une association d’animation culturelle : MACAQ. Cette association bénéficie, aujourd’hui, à la fois de relations privilégiées avec la mairie de Paris [27] et de fortes subventions pour assurer un certain nombre de « prestations pour le compte de la mairie » [28]. Mais, l’association s’est aussi faite connaître par son squat 123, rue de Tocqueville qui accueille de nombreuses associations de quartier et est le lieu d’événements culturels. Le bâtiment de 464 m2 avait été squatté en 2007 : une convention précaire avait été signée. La mairie consentait à mettre à disposition le rez-de-chaussée et le premier étage de l’édifice moyennant une redevance de six cents euros (ce qui équivaut pour la mairie de Paris à octroyer une subvention de 95 040 euros par an) à titre « précaire et révocable ». La convention a été renouvelée par délibération du Conseil de Paris en 2010 : tolérance qui peut être aussi perçue comme un échange de « bons procédés » en retour des prestations mentionnées supra. Selon le directeur de cabinet de l’adjoint au logement, ce sont des « squatteurs professionnels » à qui il peut faire appel pour gérer un espace laissé à l’abandon et qui serait trop coûteux à entretenir :

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« Quand on a des bâtiments publics vides et qu’on est en attente d’un projet, on fait appel à des squatteurs professionnels, MACAQ… eux ils sont très responsables et ils sont hyper professionnels. Nous on y gagne, on ne paie pas pour la sécurité, ils entretiennent les locaux, on n’a pas à payer des sociétés de gardiennage… tout le monde est gagnant ».
(directeur de cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris)

27Plus que de traiter avec les acteurs illégaux inconnus, la mairie confie la gestion d’espaces à certains collectifs avec qui elle a pu tisser des relations de confiance. Les deux parties sont gagnantes car, pour la mairie, confier un établissement permet d’éviter les frais d’entretien et de gardiennage (environ quinze mille euros par mois pour la surveillance par un vigile) et le squat par des personnes inconnues. Le squat est un lieu éphémère. Ses habitants savent que leur situation est transitoire et que leur expulsion ou leur départ est le seul horizon. La mairie le sait également et elle doit jouer sur cette temporalité. Si un bâtiment est squatté, c’est qu’il a été laissé vacant et donc qu’aucune activité particulière ne lui y était affectée. Constituer un nouveau projet et trouver des fonds n’est donc pas la priorité pour la mairie. Les conventions précaires, tout comme les projets que nous présentons ensuite, représentent donc un moyen privilégié pour gérer à court terme une « friche » urbaine ingérable sinon.

28

« On leur confie juste, pour un temps donné, du patrimoine intercalaire sur lequel on n’a pas encore finalisé nos projets, en attendant ».
(directeur de cabinet de l’adjoint à la culture de la mairie de Paris)

29Renouveler une convention tous les trois ans, c’est éviter de lancer un véritable projet, tout en stabilisant et contrôlant l’activité, alors normalisée, sur cette période. Cependant, une fois ce bail précaire signé, les modalités d’occupation fixées, les squatteurs peuvent occuper sans forcément respecter les clauses du contrat et les conditions. Comme nous l’avons déjà brièvement évoqué (et ce cas est tout à fait exceptionnel), l’association MACAQ (au 24, rue de la Banque [29] en janvier 2011, mais aussi dans tous les autres squats [30]) sous-louait (illégalement car les conventions interdisent toute forme d’exploitation commerciale des lieux) ses locaux à des sociétés privées, afin de subvenir aux besoins de l’association « pas suffisamment subventionnée » selon ses dirigeants. Depuis lors, les relations entre la Ville de Paris et l’association se sont « tendues » et les élus m’ont confié vouloir dorénavant « regarder de plus près » toutes les conventions signées avec des squatteurs. Les signataires du contrat le savent et la mairie est contrainte d’accepter une marge de manœuvre même si elle reste responsable en termes de sécurité.

30Une autre incertitude concerne la fin du contrat qui lie les squatteurs au propriétaire. En effet, les squatteurs sont souvent tenus de partir lorsque des travaux commencent. Cependant, les travaux de rénovation, exigés en tant que promesse par les squatteurs qui entendent bien « ne pas partir pour rien, pour laisser un local encore aussi vide » que quand ils sont arrivés, ne commencent pas toujours à la date prévue. Le propriétaire est toutefois en droit d’exiger leur départ et des problèmes surviennent. Une nouvelle procédure doit être engagée car l’on peut se demander qui est le fautif : les squatteurs qui devaient partir ou le propriétaire qui n’a pas débuté les travaux contrairement à sa promesse ? Ces deux types d’incertitude n’invitent pourtant pas à nuancer la thèse qui revient à démontrer l’existence d’un gouvernement des squats à Paris car lorsqu’elles sont trop fortes et qu’elles dépassent un certain seuil d’acceptabilité, comme sur des questions de sécurité engageant une responsabilité immédiate du maire de Paris, elles sont refusées et sanctionnées.

Gouverner par projet : une ouverture de la gouvernance urbaine aux squatteurs pour les contrôler

31Une autre modalité de gouvernement des squats consiste à soumettre les squatteurs à des appels d’offre traditionnels pour les encadrer. Il s’agit d’ouvrir la gouvernance, faire participer tout en conservant le contrôle de l’attribution future de l’édifice. Deux exemples permettent d’illustrer cette procédure. Le premier exemple est celui d’un squat d’une friche industrielle de la rue Ramponneau dans le 20e arrondissement. Les squatteurs de la Forge se sont initialement installés en 1991. Ils bénéficiaient d’une convention d’occupation précaire avec la mairie propriétaire de cette ancienne usine désaffectée de 1 000 m2 construite en 1912. La convention fut renouvelée par la mairie en 1997. Cependant, le service culturel de la mairie de Paris lance en 2005 un appel d’offre sur le site de la Forge comme l’explique Christophe Girard, l’adjoint à la culture dans un communiqué de presse : « la convention qui lie la ville avec la Forge arrive à expiration en novembre 2005. Nous devons donc trouver d’ici là une association pour gérer l’espace en l’ouvrant davantage sur le quartier. Mais la Forge peut y participer et déposer un dossier de candidature ». La DAC a donc mis fin à la convention en 2005 qui, selon les membres du cabinet du maire, n’avait pas été respectée par les squatteurs : « Lorsqu’une nouvelle convention a été signée entre la ville et les artistes de la Forge en 2002, les termes du contrat étaient clairs : la mairie leur louait les ateliers à moindre coût et, en échange, ils devaient proposer des animations pour le quartier et ça ils ne l’ont pas fait » (ancien premier adjoint au maire du 20e arrondissement).

32La mairie s’appuie donc sur cet argument du manque d’animation proposé par les squatteurs (peintres), c’est-à-dire du non-respect des clauses du contrat, pour ne pas renouveler la convention et lancer un appel à projet qui obtient trois propositions en guise de réponse : l’un est annulé par le Tribunal administratif, l’autre celui des squatteurs « historiques » de la Forge, enfin celui de l’association qui gagnera l’appel d’offre (Traces). L’appel à projet est ici mobilisé comme instrument de normalisation du lieu mais aussi des politiques urbaines face aux squats : il s’agit de réintégrer les squatteurs dans le droit commun et de sortir de régimes d’exceptions incontrôlables.

33Le second exemple d’appel à projet est celui lancé autour du squat de la rue Saint-Maur dans le 11e arrondissement, la Petite Rockette. En vue de l’arrivée au terme d’une convention d’occupation précaire sur une propriété de la mairie en mars 2011, le cabinet du logement, et non plus celui de la culture compte tenu du projet souhaité pour la suite qui n’avait plus rien d’artistique [31], a lancé un appel à projet sur le site. Le projet était bien défini par un cahier des charges, auquel, selon le représentant de ce cabinet, les squatteurs sont incapables de répondre :

34

« On a lancé un appel d’offre pour une résidence sociale, les gens de la Petite Rockette ont voulu postuler sur l’appel à projet pour pouvoir rester. Nous on demandait une maison sur des produits spécifiques et avec des critères spéciaux, ils ont répondu sur autre chose et ils n’ont pas été retenu c’est tout. Et ce sera à l’autre gestionnaire qui a bien répondu. Nous, on suit quand même quelques règles de déontologie et de concurrence non faussée (…) Et si c’est leur concurrent qui gagne et bien tant pis c’est parce qu’ils ont été meilleurs ».
(membre du cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris)

35L’appel à projet fait office de « filtre » pour relancer une nouvelle affectation d’usage sur un lieu. La mairie fixe des critères bien précis d’occupation auxquels les squatteurs ne répondent pas toujours. Dans le cas de la Petite Rockette, les squatteurs ont pourtant adapté leur projet à celui de la mairie en tentant de répondre aux exigences de la « maison relais ». Mais le cabinet leur reproche alors de ne pas respecter des règles et des méthodes de « sérieux ». Les normes de sécurité et les critères fixés ne sont pas remplis par les squatteurs. Les squatteurs de la Petite Rockette ont finalement été relogés rue Oberkampf, non loin de là et une nouvelle convention a été signée.

36Le projet n’est pas neutre dans sa construction et son utilisation (Pinson, 2009). Ce mode d’action possède trois dimensions fondamentales. Il s’agit d’un instrument de mobilisation sociale qui permet avant tout de mettre les squatteurs autour de la table. Il se base sur « une pensée de l’existant » en faisant « dialoguer un état existant du territoire, ses traces héritées et ses ressources, d’une part, et les objectifs de l’action publique, d’autre part » (Pinson, 2004, p. 202) : il permet de trouver un compromis entre habitants/squatteurs et planification urbaine. Enfin, il propose un « décloisonnement des savoirs, la reconnaissance de la maîtrise d’usage, autrement dit, du savoir des habitants » (p. 205). Mais le projet permet avant tout de « cadrer » les squatteurs en les contraignant, notamment en ce qui concerne les règles d’urbanisme, de sécurité et d’ordre public, en tentant de construire du consensus.

37L’instrument du projet permet de « sélectionner » les occupations de l’espace urbain en mobilisant l’argument de la procédure démocratique de transparence, de concurrence libre et de participation des usagers des lieux. L’appel à projet légitime, pendant la procédure, le statut des squatteurs qui se comportent comme des acteurs légaux, comme de véritables urbanistes, puisqu’ils peuvent déposer un dossier. Ainsi les squatteurs, a priori en marge de l’action publique urbaine, sont intégrés dans le jeu de la légalité et de l’administration. Les squatteurs doivent faire des budgets prévisionnels, ils doivent répondre à des critères de sécurité et de modes d’occupation bien précis. Ils sont contraints d’accepter les règles du jeu.

38Pour le cabinet du logement, l’appel à projet constitue un véritable dispositif de pouvoir qui permet de contrôler les interstices qui lui échappent : si les squatteurs gagnent, ils sont tenus de respecter les critères et les normes du projet, sinon ils sont évincés au nom de la concurrence démocratique. L’appel à projet suscite une participation qui permet de créer de nouvelles relations propres au projet et d’entretenir le dialogue entre les acteurs qui ont des ressources variables et des objectifs précaires et changeants. Mais ces appels à projet ne sont généralement pas remportés par les squatteurs qui ne disposent pas des ressources et des compétences pour y accéder. En ouvrant ainsi le projet, la mairie se dote d’une arme imparable pour remplacer les squatteurs par une association ou une structure légale. La mairie peut se servir de ce point faible pour les évincer, parfois même en imposant des projets sans les soumettre à candidature.

Imposer un projet pour expulser : un instrument de légitimation d’une action publique répressive

39Lorsqu’elle est propriétaire du lieu squatté, la mairie se passe d’un appel à projet et l’impose parfois. Au cours des dix dernières années, le cabinet du logement a ainsi proposé de construire à la place des squats onze crèches, sept projets de logements sociaux, deux foyers de travailleurs migrants. Pour les squatteurs et même leurs avocats, ces projets sont des projets « bidon » montés ad hoc dans le seul but de récupérer la mainmise sur le bien immobilier :

40

« Tous mettent des crèches ! Ou des maternelles… alors bien évidemment quand vous arrivez devant le juge, même s’il n’y a pas de permis de construire, le juge il cède sur ça, « vous comprenez on a besoin de crèches ».
(Avocat de nombreux squats)

41Le directeur du cabinet au logement se défend pourtant de ce genre d’accusation. Il nous rappelle que Paris manque cruellement de logements et de crèches et qu’il est très difficile de dégager une valeur foncière pour ce genre d’activité :

42

« Tous nos projets ils sont justifiés, bien sûr ! On ne monte pas des projets comme ça pour le plaisir de les mettre dehors. À Paris tout est planifiable et planifié… On a beaucoup de projets ».
(directeur du cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris)

43Le cabinet du logement évite une nouvelle fois le « blâme » en légitimant l’expulsion des squatteurs par un projet « social » pour des plus « nécessiteux » qu’eux. Face à ce qu’ils considèrent comme des « projets-bidons », les squatteurs ont pris l’habitude de demander des garanties sur les travaux susceptibles d’avoir lieu après leur départ. Ils demandent la preuve que leur départ ne servira pas qu’à relaisser un immeuble vide pour dix années supplémentaires : les fonds disponibles, le nom des entreprises chargées des travaux, des dates précises de début et fin des chantiers. Cette « précaution » prise par les squatteurs provient du fait que les projets promis au moment de l’accord ne débutent que très tardivement, voire n’ont jamais lieu, faute de réels financements ou de volonté politique. Ainsi, dans notre échantillon, en 2010, seulement 7 projets sont achevés, 5 en cours. Notons que 8 projets n’avaient pas débuté.

44Ces projets lancés sur des édifices squattés correspondent à des projets « prioritaires » pour la mandature actuelle du maire. Un responsable du cabinet du logement m’affirmait que le moindre espace libre à Paris doit leur être destiné. Ainsi, si les projets ne peuvent pas être qualifiés de « bidons », les projets sont parfois montés, ad hoc, une fois le squat ouvert, c’est-à-dire une fois un bâtiment vacant mis en évidence [32].

45La normalisation par les instruments vise à contenir les illégalismes dans une zone contrôlable, gouvernable, pour la mairie qui veut conserver ses compétences sur son territoire, sur son foncier et affecter ses ressources. Mais, le travail municipal de gouvernement crée également de nouvelles opportunités d’illégalismes. Les agents municipaux doivent alors également participer à la police de la ville. Ils se livrent à une catégorisation des indésirables à l’échelle urbaine : gouverner c’est choisir des cibles mais c’est aussi choisir des bénéficiaires et des victimes.

Sélectionner les illégalismes : le travail municipal sur les « indésirables »

46Le gouvernement des illégalismes présente deux volets : tolérer sous conditions en imposant une certaine direction, mais cette tolérance est sélective. La Ville de Paris ne dispose pas de police municipale. Son travail répressif face aux squats consiste donc à orienter les acteurs en mesure de mobiliser la force publique lorsqu’elle juge que des squats ne sont pas tolérables selon des critères que nous présentons dans la section qui suit. Ainsi, les cabinets de la culture et/ou du logement négocient ou assurent la médiation pour 55 % des cas depuis 2001, proposent une COP pour 20 % des cas, prônent l’expulsion dans 25 % des cas (tableau 2). Les squatteurs défient les politiques urbaines et les institutions. Ils contournent les procédures régulières d’accès aux ressources et proposent d’autres alternatives, tout en se faisant, pour certains, ressortissants d’une action publique qui les intègre au processus de décision. Cependant, les squatteurs de bâtiments publics (propriétés de l’État, de la mairie ou de bailleurs) restent des « parasites » (selon les mots du directeur de cabinet du logement) à contrôler s’ils perturbent cette affectation classique et légale des ressources. Néanmoins, nous avons remarqué que la position de la mairie variait selon les types de squats, ce qui nous amène à parler d’un « gouvernement différentiel des illégalismes ».

Contre les indésirables : « Pas de prime aux squats ! »

47Les squatteurs occupent bien des niches libres : des logements laissés inoccupés par des propriétaires privés, des logements en cours de rénovation, de construction ou en attente de nouveaux locataires, des immeubles publics désaffectés… Les situations sont diverses. Cependant, dans de nombreux cas, les espaces vacants dans une ville comme Paris, ne le sont qu’à titre transitoire, d’autant plus pour les acteurs publics et institutionnels qui lancent de nombreux projets pour valoriser ces espaces. Les squatteurs de bâtiments vides bloquent ainsi la réalisation d’un projet de logements sociaux ou d’un équipement culturel : lorsqu’un bâtiment est squatté, les investisseurs se retirent, les permis sont retardés, les acheteurs potentiels n’achètent plus. Dans ces cas de piratage des projets en cours, le cabinet du logement ne tolère pas le squat de ses propriétés et réussit souvent à faire partir les squatteurs de leur plein gré lorsqu’il s’agit d’un projet « social ». Ce fut le cas pour le squat de Jeudi Noir, passage de la Bonne Graine. Les squatteurs ont accepté de quitter le bâtiment qui devait être rénové pour accueillir un foyer de travailleurs ADOMA.

48Par ailleurs, les discours officiels de l’adjoint au logement de la mairie de Paris montrent une certaine intransigeance vis-à-vis des squatteurs qui demandent à être relogés. Nous avons retrouvé ce discours dans nos entretiens, notamment avec le directeur du cabinet du logement qui nous a répété, « pas de prime au squat ! » :

49

« Il n’y a vraiment aucune raison de légitimer les squatteurs et de leur donner raison en leur donnant un atelier ou un logement à la sortie ! ».
(Directeur du cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris)

50Il apparaît donc impensable pour les élus de permettre l’accès à un logement sur le territoire parisien et avec le contingent logement de la mairie, à des personnes qui ont outrepassé les règles et les lois pour parvenir à leur fin. Les listes d’attente DALO sont pleines et les élus et fonctionnaires en charge du logement refusent de faire passer les squatteurs devant les demandeurs qui n’ont pas squatté, en attente de réponse. C’est ici l’argument majeur du cabinet du logement de la mairie de Paris.

51Néanmoins, en ce qui concerne les ateliers d’artistes, le cabinet de la culture semble plus apte au « relogement », si et seulement si le cabinet au logement a confirmé ne pas avoir de projet de logements sociaux sur la parcelle, et que les normes de sécurité sont respectées. Cette tendance semble imputable au choix de la politique culturelle voulue par Bertrand Delanoë dès son premier mandat, en rupture totale avec son prédécesseur. Le cas du 59, rue de Rivoli est le premier, et le plus marquant, exemple [33]. Les cas de relogement et de tolérance des squats d’artistes nous ont donc été aujourd’hui présentés comme exceptionnels :

52

« Si ça s’est fait [59 Rivoli en 2002], c’était juste parce que c’était une promesse de campagne et on ne le refera jamais comme ça ».
(directeur de cabinet de l’adjoint à la culture de la mairie de Paris)

53Cependant, nous nous sommes rendu compte que cette exception s’était de plus en plus généralisée pour se normaliser. Le cabinet de la culture sélectionne des dossiers de squatteurs artistes et le cabinet du logement est contraint d’accepter des relogements face à des squatteurs médiatisés et solidement armés de projets de quartiers (entre autres les exemples du Théâtre de Verre dans le 18e arrondissement, de la Petite Rockette dans le 11e ou de la Générale dans le 19e). L’argument du cabinet de la culture et du service technique de la DAC est de promouvoir l’art par ces espaces « émergents » (mots de Christophe Girard, adjoint à la culture lors de son premier mandat). Les squatteurs doivent constituer des dossiers afin de légitimer « l’aide », ou plutôt leur non-éviction, de la mairie. Mais, tous les squats ne sont pas traités avec autant d’égard. Les squats sont très divers et c’est leur approche par les pouvoirs publics qui nous l’apprend.

Un gouvernement différencié des types de squats, entre tolérance et répression : « un travail à l’adresse »

54La loi ne s’applique pas uniformément selon les cibles qu’elle prend et selon les acteurs qui l’appliquent (Foucault, 2001) comme le montrent les auteurs qui abordent la question de la « gestion différentielle des illégalismes » (Fischer, Spire, 2009 ; Heyman, Smart, 1999 ; Heyman, 2009). Deux types de logiques entrent en jeu ici. La première logique est résumée par une devise du directeur de cabinet de l’adjoint au logement de la mairie de Paris, « un travail à l’adresse ». Le cabinet du logement se positionne selon que le bâtiment squatté l’intéresse ou non (pour un projet), et selon le propriétaire (elle aura par exemple plus tendance à tolérer un squat d’un grand investisseur privé qui aurait laissé vacant pendant dix ans un immeuble que celui d’un bailleur social). L’« adresse » évoquée ici concerne également, au sens propre, la localisation géographique. En effet, si l’ensemble des arrondissements parisiens ont pu être squattés depuis 2001, certains arrondissements accueillent prioritairement des squats et la mairie est plus apte à tolérer des squats dans les 18e, 19e et 20e arrondissements (plus paupérisés et accueillant plus de friches) qu’en plein cœur du 1er, 2e, 7e, ou 16e arrondissements.

Figure 1

Les squats ouverts à Paris au printemps 2010

Figure 1

Les squats ouverts à Paris au printemps 2010

Carte réalisée par nos soins à partir d’un fond de carte de la mairie de Paris

55La seconde logique est celle d’un positionnement selon la portée du squat sur l’espace public et d’un choix de victimes à exclure. Les squatteurs « animateurs » de quartiers et jugés bienveillants à l’égard du voisinage (qui proposent des cours de peinture et de tango le samedi après-midi par exemple) sont plus facilement tolérables que les squatteurs « perturbateurs » dont les électeurs pourraient se plaindre, même si leur statut juridique est identique. Les squats d’artistes servent les politiques culturelles de la mairie de Paris qui les instrumentalise : les squats se substituent en fait à une politique locale de quartier que les mairies d’arrondissement n’ont pas forcément les moyens de mener. Ainsi, dans notre échantillon de 21 squats encore ouverts au printemps 2010, 71 % étaient ouverts au public et aux habitants du quartier pour des événements réguliers et quotidiens, 10 % ouverts pour des occasions spéciales (soirées) et 19 % étaient fermés, seulement dédiés à l’habitation ou à la création artistique [34]. Les squats de précaires, sans-papiers et usagers de drogue offrent une toute autre image et la mairie ne peut justifier autant de tolérance pour ce type de squats, face à des électeurs qui aspirent à la préservation de leur cadre de vie. Elle adopte donc souvent une position forte pour l’expulsion et la disparition de ces endroits de misère qui donnent l’impression de porter des externalités négatives sur l’ensemble du quartier. Les deux seuls squats de type « précaire-urgence » ont été expulsés en mars 2010 pour le premier, en août 2010 pour le second, sans aucune proposition [35].

56Ainsi, le gouvernement des squats par les instruments et la médiation ne s’applique pas à tous les types de squats. Seuls ceux qui « ne dérangent pas » peuvent être intégrés dans la sphère légale. Les autres ne font l’objet d’aucune négociation et l’activité gouvernementale se limite à la procédure juridique pour l’expulsion, ce qui suppose ensuite le concours de la force publique ordonnée par le juge.

Tableau 2

La forme d’intervention de la municipalité parisienne en fonction du type de squat concerné par la procédure

Tableau 2
Positionnement de la mairie de Paris Type de squat Expulsion Médiation Convention d’occupation précaire Total Activité 9 21 13 43 % 20,9 48,8 30,2 100 Politique 1 6 1 8 % 12,5 75 12,5 100 Urgence/précarité 6 3 0 9 % 66,7 33,3 0 100 Total 16 30 14 60 % 25,45 54,55 20,00 100

La forme d’intervention de la municipalité parisienne en fonction du type de squat concerné par la procédure

Données : Aguilera, 2010/sur 60 squats (2001-2010)

57Le volet répressif de l’action municipale parisienne consiste donc avant tout à sélectionner les squatteurs, à catégoriser les indésirables, puis à agir de trois façons : si elle est propriétaire, elle lance une procédure juridique pour obtenir une expulsion. Sinon, elle peut orienter les décisions des propriétaires et les procédures qu’ils engagent. Enfin, elle peut se contenter de ne rien faire et d’agir par « non-décision » (Bachrach, Baratz, 1963) en laissant la primauté du droit de propriété privée s’appliquer.

58Les positionnements de la mairie de Paris dépendent aussi du niveau de ressources des squatteurs avec qui elle négocie. Nous avons pu montrer par ailleurs que les squatteurs de Jeudi Noir, qui disposent de fortes capacités relationnelles, de réseaux (notamment avec les medias et les élus locaux et nationaux) et de ressources sociales, culturelles et politiques, sont souvent en mesure de négocier plus facilement avec les acteurs locaux, tout comme le DAL (Aguilera, 2010). L’attitude de la mairie dépend aussi du niveau d’institutionnalisation du squat : plus le squat est organisé et plus les formes d’action sont « compatibles » avec les formes de négociations voulues par la mairie, plus il y a de chance que la municipalité prône la tolérance (Pruijt, 2003 ; Martinez, 2010). En effet, les acteurs municipaux veulent pouvoir identifier des interlocuteurs (regroupés en association si possible pour qu’ils puissent parler d’une seule voix), leur faire confiance et engager un dialogue plus « officiel ». Les squatteurs précaires qui ne disposent pas des codes politiques et relationnels sont expulsés plus rapidement. La capacité de résistance des squatteurs dépend non seulement de ces deux variables (ressources et niveau d’institutionnalisation), mais aussi du support qu’ils peuvent obtenir des riverains, de leur médiatisation et des activités qui s’y développent. Ainsi, si près de 50 % des squats d’artistes bénéficient de la médiation de la mairie, cette dernière désire à 67 % l’expulsion des squats précaires.

59Nous laissons volontairement de côté dans cet article la question des relations entre la municipalité et les forces de police qui nécessiterait un développement à part entière (Aguilera, 2010). Mentionnons simplement que la mairie coopère avec la police dans la préparation des expulsions lorsque le préfet met au courant les élus. Le cas échéant, souvent pour des grands squats, les services sociaux peuvent anticiper les expulsions et les conséquences pour les habitants les plus précaires en amont, tandis que les élus peuvent tenter de trouver des solutions temporaires d’hébergement, lors de réunions de préparation tenues secrètes. Cependant, nombreuses sont les expulsions pour lesquelles le préfet met les élus locaux devant le fait accompli sans les prévenir, de peur que ces derniers n’informent les squatteurs, les associations et les médias, et ne les soutiennent.

Conclusion

60L’analyse de différents cas de figure présentés dans cet article met en évidence quatre vecteurs de décision et d’arbitrage : la propriété privée (qui est le propriétaire ? la vacance du bâtiment squatté est-elle légitime ?) ; la sécurité qui inclut la responsabilité juridique du propriétaire ainsi que la santé publique ; le projet (un projet est-il prévu par le propriétaire sur le local squatté ?) et les nuisances. Ces quatre vecteurs sont les piliers des politiques urbaines face aux squats. La municipalité gouverne bien l’illégalisme « squat » : elle impose des directions et oriente des conduites pour qu’elles soient en accord avec les cadres de l’action urbaine. La tolérance se fait à ce prix : il faut influer sur les comportements des squatteurs pour les normaliser et les intégrer au jeu de la gouvernance urbaine. Si leur conduite ne peut suivre cette direction – qu’ils ne le veuillent pas par militantisme ou que leur situation de précarité ou de marginalité les écarte d’emblée –, ils sont catégorisés comme indésirables et la réaction se limite à une procédure juridique qui mène à l’expulsion.

61Nous avons néanmoins pu mettre en évidence au cours de la démonstration des « failles » de gouvernement qui persistent pour certains types de squats. Les gouvernants n’ont pas toujours les moyens de bien connaître la réalité du terrain, ils ne disposent pas de bases de données actualisées et sont parfois dans l’incertitude sur le respect des procédures. Nous avons déjà mentionné le fait qu’il existe environ 2 000 squats de toutes catégories en Île-de-France. Il s’agit majoritairement de squats de « précaires » et relativement invisibles. Ce sont alors les bailleurs et des propriétaires qui doivent les gérer. L’action municipale semble moins interventionniste dans ces affaires que lorsqu’elle est confrontée à des squats collectifs et visibles. Ces éléments pourraient nous amener à nuancer la thèse de l’existence d’un gouvernement des squats à Paris mais ces incertitudes sont intégrées au processus même de l’action publique menée. En effet, gouverner c’est aussi assumer de nouveaux espaces conflictuels et de risques, puis les réduire, ainsi de suite. Un examen diachronique nous permet d’avancer l’hypothèse d’une connaissance de plus en plus fine du phénomène au sein des services municipaux. Les agents municipaux et les élus développent une certaine expertise en matière de gestion des cas de squats, la mairie investit énormément pour la rénovation de certains lieux et des agents sont exclusivement en charge de ces dossiers dans les cabinets.

Notes

  • [1]
    Je souhaite remercier Patrick Le Galès, Charlotte Halpern et Tommaso Vitale pour leur aide précieuse dans la conduite de ma recherche ainsi que pour leurs commentaires concernant cet article. Je remercie également le comité de rédaction de la revue GAP pour ses remarques qui ont considérablement contribué à améliorer cet article.
  • [2]
    D’une part, Foucault cherche à rompre avec les catégories juridiques pénales qui ignorent l’historicité des actes qualifiés de « déviants » et le fait qu’un comportement n’est que le résultat d’opérations de différenciation, de hiérarchisation, de nomination puis de sanction. D’autre part, il rejette la catégorisation criminologique qui attribue le comportement transgressif à des déterminants individuels, voire médicaux (Foucault, 1975).
  • [3]
    Si Foucault part bien d’une analyse de la pénalité, nous l’étendons à toute forme d’intervention juridique ou d’un acteur public.
  • [4]
    Titre d’un numéro thématique de la revue Politix en 2009.
  • [5]
    Cécile Péchu définit le squat comme « l’action d’occupation illégale d’un local en vue de son habitation ou de son utilisation collective » (Péchu, 2010, p. 8).
  • [6]
    Ce choix se justifie par le fait que les squatteurs nous ont plus souvent renvoyé vers des acteurs municipaux lors des entretiens et parce qu’à la suite de notre enquête (qui a d’abord donné lieu à une analyse multiniveaux posant la mairie comme un acteur parmi d’autres) nous avons jugé que c’était bien la mairie de Paris et non l’État qui mettait en place des politiques publiques. Mentionnons cependant d’emblée que la mairie de Paris n’est pas un acteur unitaire et que nous distinguons dans l’analyse des acteurs et des élus divers qui entrent parfois en conflit.
  • [7]
    Pour Patrick Le Galès, réguler c’est créer un cadre de coordination pour des activités et des acteurs divers et aux intérêts parfois divergents ; c’est aussi allouer des ressources à ces acteurs et, enfin, gérer des conflits (les résoudre ou les susciter) (Le Galès, 2006).
  • [8]
    Pour Jean Leca, « gouverner c’est prendre des décisions, résoudre des conflits, produire des biens publics, coordonner des comportements privés, réguler des marchés, organiser des élections, extraire des ressources, affecter des dépenses ». Jean Leca conçoit le gouvernement comme la combinaison de l’agrégation d’intérêts et l’imposition d’une direction (Leca, 1996).
  • [9]
    Les 60 squats depuis 2001 ont été sélectionnés comme les squats qui ont fait l’objet d’une intervention de la part de la mairie de Paris. Nous les avons repérés grâce à une revue de presse de 2001 à 2010 et à la mémoire des acteurs interrogés lors de l’enquête. Notre base propose donc des données sur 23 variables pour ces 60 squats considérés comme des individus statistiques. Ces variables portent aussi bien sur les caractéristiques mêmes des squats, des propriétaires, sur les profils et les stratégies des squatteurs, comme sur les réactions des différents acteurs publics. Il convient toutefois de mentionner que, comme nous allons le montrer, tous les squats ne sont pas soumis à l’intervention municipale. Il existe des squats que nous nommons « invisibles », qui sont de petite taille et discrets. Ils échappent au travail politique. On estime leur nombre à près de 2 000 en Île-de-France dont 700 sont des squats de logements sociaux (Quercy, 2002 ; AORIF, 2006) et la moitié seraient le fait de trafics organisés. On en prend connaissance une fois l’expulsion réalisée.
  • [10]
    Pour une analyse de la catégorisation et de la distinction « vrais/faux » précaires se reporter à Bouillon (2010).
  • [11]
    Afin de comparer nos données avec celles des auteurs cités, à des fins seulement descriptives, nous avons construit une typologie à partir de notre base de données : 17 squats d’artistes, 2 squats de militants politiques, 2 squats d’urgence à Paris au printemps 2010.
  • [12]
    Nous avons réalisé 50 entretiens pour une durée totale d’environ 90 heures, en moyenne 1 h 50 chacun : 7 en mairie centrale, 4 en mairies d’arrondissement, 4 fonctionnaires de police d’arrondissements, 7 responsables de sécurité de bailleurs sociaux, le préfet délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri et mal logées (DIHAL) ; 15 squatteurs, 1 SDF (vivant devant un squat) ; 3 commerçants riverains de squats ; 1 voisin ; 1 avocat ; 1 animateur de conseil de jeunesse ; 1 journaliste ; 4 responsables ONG. Nous avons également réalisé de nombreuses séances d’observation (150 heures). Ce travail qualitatif nous a permis de construire une base de données actualisée des squats à Paris.
  • [13]
    Des associations comme le Droit au logement ou Jeudi noir dénoncent largement la non-effectivité de la loi Droit au logement opposable (DALO) ou de l’ordonnance de réquisition de 1945.
  • [14]
    À Paris, seulement 6 ateliers sont délivrés par an en moyenne et le délai d’attente est proche de 30 ans (Langlois-Mallet, 2008).
  • [15]
    Une situation de non-recours correspond au fait que des ayants droit à des prestations sociales ne font pas valoir effectivement leur droit. Cela peut être le fait de la défaillance des institutions, de la forme des aides sociales ou bien du comportement des individus eux-mêmes : dans notre cas, ce sont des personnes qui sont éligibles au logement social ou à des ateliers d’artistes mais qui n’en font pas la demande, ou du moins qui n’en font plus, suite à de nombreux refus ou une attente trop longue, voire par défiance à l’égard de la collectivité, et qui vont squatter pour trouver par eux-mêmes un espace pour vivre ou créer.
  • [16]
    Jusque dans les années 2008, ce « Monsieur Squats » était un chargé de mission du cabinet de la culture. Il apparaissait alors comme un médiateur entre les squatteurs et les décideurs politiques et des relations de confiance et plutôt cordiales s’étaient tissées. Trois personnes différentes se sont succédées à ce « poste » depuis la première élection de Bertrand Delanoë. Mais, depuis quelques années, c’est le directeur de cabinet du logement qui aurait endossé ce rôle. Selon les squatteurs il ne valoriserait pas assez les projets artistiques et sociaux. Ce changement fait réellement sens dans notre analyse.
  • [17]
    Une revue de presse (de plus de 300 articles sur les cinq dernières années) d’un quotidien local (Le Parisien), de quotidiens nationaux (Libération et Le Monde) et de médias en ligne (Mediapart et Rue 89) nous a permis de repérer les « pics » d’occurrence du thème des squats dans la presse et dans les communiqués officiels des élus de la mairie de Paris. Des informations fournies en continu par des personnes travaillant dans un cabinet de la mairie nous ont également aidés à déterminer des « moments » de mise à l’agenda.
  • [18]
    Les squatteurs avaient revendiqué la création d’une telle loi, mais ils l’ont aussi beaucoup critiquée sur son application limitée et peu efficace.
  • [19]
    L’incendie du squat qui accueillait des familles en grande précarité rue de l’Échiquier en février 2010 a poussé l’adjoint au logement de la mairie à imposer des mises aux normes dans certains squats ou à des expulsions rapides sur « arrêtés de péril ». À ce sujet, nous avons remarqué que la mairie de Paris a « appris » de ses expériences passées : le maire a, par exemple, ordonné l’expulsion immédiate du récent squat des immigrés tunisiens au printemps 2011 dans le 20e arrondissement pour des raisons manifestes de sécurité.
  • [20]
    Libération du mercredi 19 janvier 2011 : « Arrangements de bas étage dans un squat », par Willy Le Devin, p. 14.
  • [21]
    La trêve hivernale est définie par l’article L613-3 du Code de la construction et de l’habitation. Elle correspond à une période de non « expulsabilité » de locataires. Elle ne s’applique normalement pas aux squats qui sont des « entrées par voie de fait », mais le juge en tient généralement compte et les avocats de squatteurs la mobilisent souvent avec succès dans la défense de leurs clients.
  • [22]
    L’expulsion du squat de Cachan en 2006 semble avoir marqué le point de départ des positions de médiation des communes françaises dans les affaires de squats (Lulle, Kabongo-Mbaya, 2008).
  • [23]
    En effet, le cabinet du logement délivre les permis de construire ; il affecte les espaces de logements définis dans le plan local d’urbanisme ; il affecte les logements sociaux ainsi que les logements étudiants dans le contingent de la mairie ; il gère les listes d’attente des logements dits « DALO ». Il veille également au respect des normes de sécurité concernant les cadres bâtis destinés à accueillir des habitants permanents.
  • [24]
    Mots d’un directeur de cabinet de la culture.
  • [25]
    Elle confère aux squatteurs le droit d’occuper provisoirement le local moyennant une redevance, qui est souvent minime : entre 200 et 1 000 euros par mois. Sachant qu’un bâtiment occupé conserve sa valeur immobilière réelle sur le marché, le Conseil de Paris, qui doit délibérer, les considère comme des subventions octroyées aux collectifs de squatteurs dans le budget municipal. Les débats au Conseil de Paris portent donc sur ce point.
  • [26]
    De source confidentielle.
  • [27]
    L’un de ses fondateurs est d’ailleurs conseiller municipal du Parti socialiste dans cet arrondissement.
  • [28]
    Gestion d’un centre culturel, organisation de vide-greniers, de spectacles et du Carnaval de Paris : ces activités sont rappelées par l’Audit de l’utilisation des subventions perçues par l’association MACAQ, mai 2011, mairie de Paris, Inspection générale.
  • [29]
    L’affaire a été mise à jour par un journaliste du quotidien Libération ayant recueilli des témoignages anonymes de pratiques frauduleuses : Willy Le Devin, « Arrangements de bas étage », Libération, 19 janvier 2011.
  • [30]
    Willy Le Devin, « Les juteux marchés des squats de MACAQ », Libération, 18 août 2011.
  • [31]
    Le cabinet du logement souhaitait construire une « maison-relais » (centre d’accueil et de réinsertion individualisée pour des SDF) sur le site dont la mairie est propriétaire depuis le rachat du bâtiment à l’État.
  • [32]
    Certains responsables nous ont en effet confié que les squatteurs connaissent parfois mieux qu’eux-mêmes les bâtiments vacants à l’échelle de la commune. Ces responsables vont même jusqu’à demander des adresses vacantes à certains collectifs de squatteurs.
  • [33]
    Bertrand Delanoë en avait fait une promesse lors de sa première campagne : il a signé une convention d’occupation tout en finançant la mise aux normes du bâtiment pour permettre l’accueil du public dans les ateliers d’artistes.
  • [34]
    On peut observer une tendance à « l’ouverture » des squats parisiens sur leur quartier et à la création de liens avec les voisins. En effet, dans notre échantillon de 60 squats depuis 2001, 65 % étaient ouverts, 3 % ouverts occasionnellement et 32 % fermés.
  • [35]
    Le premier cas est le squat de la porte de la Chapelle qui accueillait près d’une centaine d’usagers de drogue. Le second, rue Baudelique dans le 18e arrondissement, accueillait plus de 2 000 travailleurs immigrés sans-papiers de 25 nationalités différentes qui demandaient à être régularisés auprès de la préfecture.
Français

Résumé

Des formes d’habitat illégal comme les squats persistent alors que le droit de propriété privée est fondamental en France. La sociologie du droit s’est beaucoup intéressée à la gestion et à la régulation des illégalismes par les agents de l’État en montrant que la règle de droit subissait des traitements différentiels selon les cibles. Mais nous interrogeons ici la capacité d’une municipalité, celle de Paris, non pas seulement à s’arranger avec les illégalismes, mais à les gouverner, c’est-à-dire à élaborer des politiques publiques suivant une stratégie d’action et de planification. Les élus doivent se positionner en médiateurs entre squatteurs, État et propriétaires afin de gérer les conflits. Mais gouverner les squats à l’échelle d’une ville c’est avant tout orienter des conduites, imposer des choix, distribuer des ressources et encadrer des occupations par des dispositifs de contrôle et de planification urbaine. Enfin, c’est sélectionner des cibles et les catégoriser : des bénéficiaires et des victimes.

Mots-clés

  • gouvernance
  • gouvernement
  • illégalismes
  • instruments
  • politiques publiques
  • squats

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Thomas Aguilera
Centre d’études européennes Sciences Po
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/10/2012
https://doi.org/10.3917/gap.123.0101
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