Largement mobilisé et discuté depuis trois décennies dans le domaine de la sociologie du vieillissement, le concept de déprise a permis d’éclairer de multiples facettes de l’avancée en âge. La manière dont les dispositifs biomédicaux innovants sont saisis dans les processus de réaménagement de l’expérience des personnes âgées a pourtant été moins explorée jusqu’à présent. Comment la biomédecine contribue-t-elle à façonner l’expérience de la déprise de certaines personnes âgées aujourd’hui ? Dans cet article, nous proposons de mettre en lumière un phénomène de « déprise biomédicalisée » à partir de l’étude de l’expérience de personnes âgées malades du cancer, sollicitées pour participer à des essais cliniques. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les données issues d’une recherche qualitative sur l’inclusion de personnes âgées dans la recherche en cancérologie. L’analyse des entretiens menés avec ces patientes et ces patients (n = 25) permet de montrer, dans un premier temps, que la participation à un essai clinique s’inscrit dans une tension entre garder prise dans la lutte contre la maladie et rester en prise avec la vie sociale au quotidien. Le travail d’articulation opéré par les malades âgés inclus dans un essai clinique fait alors apparaître, dans un second temps, la participation à la recherche comme une « opportunité d’engagement », pour soi, mais aussi pour autrui et pour la science, qui met fortement en jeu leurs attachements sociaux vis-à-vis des soignants et de leur entourage.
Article
Depuis plusieurs années, le concept de déprise permet aux sociologues de rendre compte et d’analyser de nombreuses facettes du vieillissement (Meidani et Cavalli, 2018). Il met en lumière le processus de réaménagement de la vie qui s’opère avec l’avancée en âge, au cours duquel certaines activités ou certaines relations sont abandonnées ou remplacées par d’autres, pour faire face à des difficultés croissantes, telles que la fatigue, l’isolement social, les diverses manifestations de l’âgisme ou les problèmes de santé (Caradec, 2009).
Parmi ces facettes du vieillissement, l’expérience de la maladie et de sa prise en charge ont été abordées, principalement à travers le cas de la maladie d’Alzheimer (Druhle et Clément, 1998 ; Meidani, 2015 ; Meidani et Cavalli, 2019, pp. 131-233). Peu de travaux se sont intéressés aux formes de déprise concernant d’autres maladies liées au vieillissement, comme le cancer qui, en 2017, concernait 62,4 % de personnes de plus de 65 ans et 11,5 % de plus de 85 ans (INCa, 2017). De plus, si les formes de déprise liées à l’avancée en âge ont été largement étudiées dans le cadre de la vie ordinaire et domestique (Meidani et Cavalli, 2018, p. 10), elles ont été moins approfondies dans le contexte de la médecine hospitalière. Le développement de prises en charge oncogériatriques, depuis une vingtaine d’années, contribue pourtant à augmenter le nombre de personnes âgées traitées pour un cancer dans les hôpitaux (Sifer-Rivière et al., 2010). Une telle évolution nous incite à nous demander en quoi le concept de déprise peut permettre de mieux comprendre la manière dont la biomédecine façonne l’expérience des personnes âgées aujourd’hui…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 12/10/2022
- https://doi.org/10.3917/gs1.168.0229

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