Cet article explore les représentations de la mort des personnes âgées à partir des avis de décès de 3 160 personnes de 65 ans et plus publiés dans deux quotidiens de Suisse romande, l’un ancré dans un milieu urbain et plutôt calviniste (Genève) et l’autre dans un contexte plus rural et plutôt catholique (Valais). Les avis ne se contentent plus d’annoncer le décès, mais se sont enrichis depuis 1950. En parlant de la mort et du défunt, ils nous révèlent les normes sociales véhiculées par les familles sur le décès de leur proche âgé. À travers l’emploi de la statistique textuelle, en particulier la classification hiérarchique descendante (logiciel Iramuteq), nos analyses révèlent des représentations du mourir vieux qui diffèrent, de manière plus ou moins sensible, en fonction de l’âge, du sexe, de la religion et du lieu de décès. C’est une vision plurielle qui ressort, allant au-delà d’une simple opposition entre la bonne et la mauvaise mort. Le critère d’âge se révèle important, rappelant la distinction que l’on retrouve dans la vieillesse entre 3e et 4e âge. Car ressort la perception d’un âge injuste et d’un âge normal pour mourir. Les avis documentent la mise en place d’un vocabulaire associant la mort dans le 3e âge au combat contre la maladie, justifiant un départ trop précoce. À l’inverse, lorsque le défunt s’en va à 85 ans ou au-delà, le vocabulaire emprunte des figures et métaphores au champ lexical du sommeil : s’endormir, s’endormir paisiblement.
Article
Cet article étudie les représentations de la mort des personnes âgées qui ressortent des avis de décès publiés dans la presse quotidienne, afin de révéler les normes sociales véhiculées par les familles sur la mort de leur proche âgé. Les avis ne se limitent plus à simplement faire part du décès (Ringlet, 1992) ; ils se sont enrichis et personnalisés depuis les années 1950 pour nous parler de la mort et du mort. Ils « ne sont pas seulement le simple réceptacle écrit des représentations de la mort, mais également le reflet de caractéristiques dominantes de la civilisation industrielle » (Legros et Herbé, 2006, p. 30). Les mots parlent du défunt et de sa fin. Ils renvoient à des représentations qui diffèrent, de manière plus ou moins sensible, en fonction de l’âge, du sexe, de la religion et du lieu de décès. Ces variantes ressortent d’une étude des annonces publiées en 2008 dans deux journaux de la Suisse francophone, l’un à Genève, l’autre dans le Valais.
Ces deux régions reflètent la diversité suisse d’un point de vue religieux, économique et social. Genève est un canton urbain, marqué par le calvinisme, dominé par le secteur tertiaire, avec une population âgée pourvue de réseaux familiaux peu denses et montrant une tendance à s’appuyer sur des liens électifs, comme des amis proches. Canton semi-urbain de montagne, le Valais présente un fort ancrage catholique, des réseaux familiaux plus étoffés ainsi qu’un fort attachement à la communauté, avec une économie à l’origine basée sur l’agriculture et l’artisanat, désormais autour de l’industrie (chimie et métallurgie) et du tourisme (Baeriswyl, 2016)…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 09/06/2021
- https://doi.org/10.3917/gs1.164.0035

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