À l’issue d’une enquête au long cours sur l’expérience de l’amour à la fin de l’adolescence, je propose de réfléchir, de manière rétrospective, aux façons multiples dont celle-ci a été modelée par les effets du temps – un paramètre fondamental de la méthode que j’ai mise en œuvre, la comparaison ethnographique.
Mon enquête a commencé en juin 2002 pour s’achever en décembre 2019. Elle a donné lieu à trois terrains successifs : le premier, de 2002 à 2005, dans des cités d’habitat social de la banlieue parisienne ; le deuxième, de 2008 à 2011, dans des villages situés aux confins de la Sarthe, de l’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher ; le troisième, de 2016 à 2019, à Paris. Dans des quartiers et des villages, dans des locaux associatifs ou municipaux, dans des cafés ou des parcs, sous des abrisbus, en bord de rues, de routes et de lacs, dans des maisons, des appartements et des chambres, j’ai rencontré, suivi, fréquenté des amoureux et des amoureuses, des partenaires sexuel·les, des ami·es, des frères, des sœurs, des voisin·es et des camarades de classe. Les personnes que j’ai côtoyées se connaissaient entre elles et j’ai pris soin de me tenir le plus possible à distance des familles et des écoles, deux institutions gouvernées par des adultes dépositaires d’une autorité sur les jeunes.
Comme je souhaitais saisir la période biographique qui entoure l’âge médian (17 ans et quelques mois) autour duquel s’opère en France l’entrée dans la pratique sexuelle dite « adulte » (Bajos et Bozon 2008), j’ai choisi d’interroger des filles et des garçons ayant entre 15 et 20 ans…