Cet article questionne le positionnement revendicatif des organisations syndicales de salariés sur les enjeux de santé mentale au travail en mobilisant les principaux résultats d’une enquête sociologique menée, au niveau confédéral, auprès des responsables de la santé au travail et de la formation d’une dizaine de syndicats, ainsi que sur une étude documentaire (documents de congrès, presse syndicale, sites internet). Il montre qu’aussi structurantes que puissent être les lignes de fracture « traditionnelles » instituées sur les enjeux économiques comme l’emploi ou les salaires, ces oppositions s’avèrent peu opérantes pour comprendre les divergences et convergences en matière de santé mentale, aussi bien dans la manière de désigner les facteurs explicatifs de ces risques de santé – notamment le rôle joué par l’organisation du travail et le management – que de nommer les risques eux-mêmes. Ces clivages ressurgissent toutefois nettement concernant la définition des modalités d’action et, surtout, des finalités poursuivies à travers elles. Les positions syndicales s’ordonnent alors selon un continuum allant du projet de convergence avec les employeurs à la nécessité de construire des rapports de force pour obtenir des avancées sur le sujet.
Article
En 1990 paraissait Le système qui va changer le monde, un livre écrit par une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of technology (MIT) [Womack, Jones, Roos, 1990], au retentissement planétaire. Sa thèse ? Rien de moins que d’établir, à partir d’une vaste enquête réalisée sur cinq ans avec des moyens colossaux, la supériorité du modèle japonais par rapport à la production de masse fordienne, encore largement à l’œuvre au sein des firmes occidentales. Et en effet, ce nouveau système productif a bel et bien changé le monde ! Car si, depuis lors, les modes d’organisation du travail n’ont cessé d’importer, avec diverses déclinaisons locales et sectorielles (Coriat, 1991 ; Boyer et Durand, 1993 ; Durand 2004), les grands principes structurants du toyotisme (Ohno, 1989 ; Shimizu, 1999), désormais plus connu sous le nom anglicisé de lean management (Durand, 2017), dans le même temps, ces reconfigurations productives ont donné lieu, dès les années 1990 (Hirigoyen, 1998 ; Dejours, 1998), mais surtout à partir des années 2000, à une montée en puissance des atteintes à la santé psychique des salariés (Valeyre, 2006 ; Clot, 2010 ; Gaulejac, 2011 ; Linhart, 2015 ; Tiffon, 2021).
Très sollicitées, nombre d’équipes syndicales sur le terrain, au niveau des entreprises, ont alors réagi en investissant davantage les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) [Granaux, 2010 ; Jamet et Mias, 2012 ; Bouffartigue, Massot, 2013], utilisant leur droit d’alerte, recourant à des expertises CHSCT (Cristofalo, 2012 ; Fortino et Tiffon, 2013 ; Goussard, 2016 ; Bouffartigue et Giraud, 2018), s’entourant d’universitaires (Henry, 2012 ; Delmas, 2012) et s’engageant dans des recherches-actions (Théry, 2006 ; Teige…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 05/01/2023
- https://doi.org/10.3917/rfas.224.0167

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