L’article s’appuie sur une enquête qualitative, conduite dans les quatre départements bretons, consacrée au rôle des élus communaux dans les politiques à destination de la vieillesse. Il met en avant une évolution de la manière dont ces acteurs conçoivent leur rôle. L’une des manifestations les plus courantes de la politique de la vieillesse à l’échelle communale tient à la présence sur le territoire d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dont les maires assument le plus souvent la présidence du conseil d’administration. Cependant, les élus communaux ont vu leurs marges de manœuvre dans la gestion de ces établissements réduites sous l’effet des instruments de régulation introduits par la loi du 2 janvier 2002, puis par la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 qui illustrent la bureaucratisation de la politique de la vieillesse. Au-delà des stratégies usuelles de contournement des instruments d’action publique, l’enquête met en évidence une tentative de reformulation des enjeux de la politique de la vieillesse par les élus. En substituant le senior ou l’aîné à la personne âgée dépendante, ils portent une approche transversale du vieillissement. Dès lors, il ne s’agit plus seulement de maintenir sur le territoire des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes soumis aux règles nationales mais de développer une politique intégrée du vieillissement à l’échelle communale. Loin de marquer une rupture avec le niveau national, ces tentatives de reformulation peuvent s’appuyer sur la notion de virage domiciliaire qui a droit de cité au niveau central.
Article
Si la bureaucratie est une modalité de gestion des structures publiques et privées, elle est aussi et surtout un rapport de pouvoir entre des groupes sociaux. Interroger la bureaucratie comme rapport politique exige donc de prendre en compte ceux aux dépens desquels la bureaucratisation se développe. Le champ de la politique en direction des personnes âgées dépendantes est un lieu d’observation privilégié de tels transferts de pouvoirs. Nous l’étudierons ici principalement à travers l’action des élus communaux qui sont confrontés à la multiplication des outils de régulation élaborés au-dessus d’eux. En effet, c’est la légitimité même de l’élu local qui semble contestée, notamment par des acteurs techniciens qui, au nom de l’établissement de règles nationales, réduisent le discours des élus locaux à la défense d’une « pratique clientélaire ». Si certains acteurs peuvent arguer, du fait de leurs formations ou d’expériences professionnelles, à la fois de ressources bureaucratiques et politiques (Rouban, 2007), ceux qui n’ont que ces dernières semblent généralement moins à même de mettre à profit la redéfinition des règles de fonctionnement amenées par la bureaucratisation.
Notre enquête auprès de collectivités bretonnes nous a permis de mettre en lumière une évolution du rôle des élus communaux dans les politiques de la dépendance, qui apparaît elle-même comme une configuration changeante (Elias, 1981). Historiquement, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) [anciens hospices, puis maisons de retraite] constituaient les principaux outils d’intervention du maire…
Résumé
Plan
- Introduction
- Méthode et matériaux
- Le rôle de l’élu communal à l’épreuve de la bureaucratisation dans le champ des EHPAD
- L’invention de nouvelles stratégies de contournement : d’une politique de la dépendance à une politique de la vieillesse
- Conclusion
Auteurs
-
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L’ordre de présentation a été défini par les auteurs.
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 18/07/2022
- https://doi.org/10.3917/rfas.222.0041

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