CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Dès le xixe siècle, la démarche de « visiter les pauvres » (Gérando, 1824) est une pratique des professionnels du médico-social. La visite à domicile fait partie du travail des premières assistantes sociales dans le cadre de la lutte contre les taudis et des infirmières visiteuses pour contrôler certaines maladies contagieuses comme la tuberculose. Elle est utilisée comme outil complémentaire aux rendez-vous en cabinet ou au guichet et s’inscrit souvent dans une démarche de vérification des conditions de vie (Pascal, 2014). Dans les années 1990, le déplacement des équipes médico-sociales se développe auprès des sans-abris : le Samusocial (1993) et ses maraudes sont créés sur le modèle des urgences médicales, avec la mission de se rendre directement auprès des personnes vivant dans la rue. Si elle est un outil de réponse à des besoins primaires (distribution de nourriture et de matériel, soins), la maraude est surtout envisagée comme un outil de médiation permettant de (re)créer du lien social et de lutter contre le non-recours. C’est ainsi avec elle que s’est conceptualisée la forme mobile de l’intervention sociale autour de la notion « d’aller-vers ». Décrit comme l’un des trois principes de l’urgence sociale (Cefaï et Gardella, 2011), « l’aller-vers » désigne une posture d’intervention qui renverse la démarche d’accompagnement en proposant une aide sans attendre l’expression d’une demande. Il repose d’une part sur le déplacement de l’intervenant directement auprès des populations ciblées, d’autre part sur une démarche proactive des professionnels dans un souci de repérage et de prévention (Avenel, 2021)…

Français

Au croisement de deux recherches doctorales, cet article propose une réflexion sur la mise en mobilité des personnels médicaux et sociaux auprès des personnes en situation de précarité. Alors que la mobilité des personnes sans domicile a fait l’objet de nombreuses recherches (parcours d’hébergement, circulation entre rue et hébergement), la mobilité des intervenants médicaux et sociaux a bien moins été décrite. Nous interrogeons ici la mobilité comme condition de travail et configuration matérielle et territoriale de l’accompagnement médico-social. À partir de l’étude de deux équipes mobiles intervenant dans des hébergements sociaux en région francilienne, nous analysons comment la mobilité participe à entretenir des logiques d’urgence et à créer de l’indisponibilité dans l’accompagnement médico-social. D’autre part, nous montrons comment la mobilité dans un contexte d’intervention régionale complexifie la construction d’un réseau partenarial local et influence les logiques d’orientations.

  1. Introduction
  2. Des équipes mobiles pour combler des vides de l’accompagnement médico-social dans l’hébergement
    1. Des équipes régionales pour répondre à l’expansion territoriale de l’hébergement social en région francilienne
    2. Des équipes exclusivement mobiles
  3. La gestion des temporalités : des difficultés à concilier mobilité et disponibilité
    1. Des équipes positionnées entre objectif de suivi et réponse à l’urgence
      1. Des demandes sur signalement qui doivent s’intégrer à la routine d’intervention
      2. La crise sanitaire, un contexte qui a exacerbé les logiques d’urgence
    2. La mise en mobilité des intervenants, illusion d’une meilleure disponibilité ?
      1. Du travail invisible : tâches et coordination autour du déplacement
      2. La mobilité, un facteur d’aléa et d’indisponibilité dans la mission d’accompagnement
    3. L’ambivalence du téléphone portable comme solution de disponibilité pour les intervenants mobiles
      1. La disponibilité par téléphone, seul moyen pour « laisser venir »
      2. Le téléphone, un outil utilisé pour atténuer la mobilité et ses aléas
      3. Une source de déstructuration du temps de travail et du périmètre des tâches
  4. La coordination et l’orientation en contexte d’intervention mobile : enjeux du travail en réseau
    1. Des difficultés à connaître et à se faire connaître des partenaires locaux
    2. Des orientations qui résultent de contraintes d’accessibilité plutôt que de réseaux territoriaux
      1. Faire face et contourner la sectorisation des services
      2. Privilégier la fonctionnalité et la spécificité des services
  5. Conclusion
Mathilde Sempé
Doctorante en sociologie au laboratoire Printemps à l’université de Versailles-Saint-Quentin. Ses travaux portent sur l’accompagnement social des ménages hébergés en hôtels sociaux en Île-de-France.
Isabelle Siffert
Doctorante en géographie au laboratoire Espaces et Sociétés à l’université Rennes 2. Ses travaux portent sur les recompositions dans l’action sanitaire et social liées à l’accueil des demandeurs d’asile sur un territoire d’Île-de-France.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/07/2022
https://doi.org/10.3917/rfas.222.0147
Pour citer cet article
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