À travers l’étude d’un programme de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC), nous souhaitons illustrer les effets que le virage ambulatoire peut produire sur le travail des infirmières. En analysant la mise en œuvre de ce programme dans une clinique à but lucratif, nous montrerons comment l’intrication entre innovation médicale et innovation organisationnelle permet d’opérer une nouvelle division du travail entre plusieurs fonctions infirmières, les patients et leur entourage. L’externalisation sur les patients et leurs proches des tâches d’organisation, des activités de care à faible valeur ajoutée et à forte dimension individuelle et relationnelle, ainsi que le fait qu’ils devront les réaliser en dehors du temps de l’hospitalisation permet de réduire la variabilité des prises en charge hospitalières et, ainsi, de garantir un raccourcissement significatif de la durée de séjour. Du côté des infirmières, la déprofessionnalisation du travail de care et le raccourcissement des séjours génère un appauvrissement du travail et une augmentation des cadences. Plus largement, le déploiement de ce type de programmes dans des cliniques privées à but lucratif pose la question de leur généralisation dans le cadre des réformes portées par l’action publique et du risque de production d’inégalités sociales.
Article
Cet article se propose de contribuer à éclairer l’effet socialement différencié des réformes dans le cadre du développement massif des prises en charge ambulatoires, mouvement porté par l’action publique sous le terme de « virage ambulatoire ». L’ambulatoire recouvre deux mouvements complémentaires mais différents : le premier, qui s’applique aux établissements hospitaliers, porte sur les modalités d’accueil des patients. Il consiste à organiser un séjour hospitalier dans une durée maximale de douze heures sans hébergement, « au bénéfice de patients dont l’état de santé correspond à ces modes de prise en charge ». En chirurgie, l’ambulatoire concerne essentiellement des interventions dites « légères » ou réalisées avec des méthodes peu invasives. En médecine, elle porte sur des traitements qui ne supposent pas que le patient passe la nuit à l’hôpital. La seconde acception du terme « ambulatoire » fait référence aux soins réalisés en dehors du cadre hospitalier, que l’on peut en particulier relier à une externalisation croissante des prises en charge à domicile par des professionnels libéraux et soutenue par l’Assurance maladie grâce au Prado. À la croisée de ces deux mouvements se trouve un programme appelé « réhabilitation améliorée après chirurgie » (RAAC), qui permet de concilier l’optimisation du processus de prise en charge intra-hospitalière avec une sortie précoce vers le domicile. Grâce à une réflexion clinique sur les facteurs préservant ou améliorant l’état physiologique du patient avant, pendant et après la chirurgie, il permet en effet de raccourcir significativement la durée de séjour des patients devant subir une chirurgie lourde…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2022
- https://doi.org/10.3917/rfas.214.0055

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