CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Depuis plusieurs années, l’hôpital public n’a plus les moyens d’accomplir les missions qui lui sont assignées. Les services des urgences sont devenus le symptôme et l’illustration de cette crise (Belorgey, 2010 ; Morel, 2019). Au lieu de chercher à répondre à l’augmentation des besoins, plusieurs réformes récentes ont été mises en place pour contenir les dépenses. La tarification à l’activité a eu pour conséquence un étranglement budgétaire de l’hôpital public (Juven et Lemoine, 2018), auquel se sont ajoutées des fusions hospitalières (Juven et al., 2019) et des fermetures de lits toujours plus nombreuses (Pierru, 2020).
Ces réformes successives ont fait naître un décalage structurel entre, d’une part, la façon dont les soignants se représentent leur mission et investissent leur métier et, d’autre part, les contraintes que les normes comptables et bureaucratiques de l’institution hospitalière font peser sur le quotidien de leur activité professionnelle. C’est dans ce contexte qu’a déferlé la vague épidémique de Covid-19 au printemps 2020. Dans les hôpitaux les plus touchés, les personnels ont pu se consacrer pleinement aux missions de soins, alors que les directions administratives étaient contraintes de bouleverser de fond en comble toute une série de règles de gestion devenues intangibles.
Pour en prendre la mesure, il faut rompre avec les représentations médiatiques centrées sur les seuls acteurs dominants de l’institution, à savoir les réformateurs et les médecins, et prendre en considération la totalité des personnels soignants (agents de service hospitalier, aides-soignantes, brancardier…

Français

L’épidémie de Covid-19 survenue en mars 2020 a mobilisé tous les personnels des hôpitaux les plus touchés et a contraint leur administration à suspendre les restrictions budgétaires pour accueillir l’afflux de malades. À partir d’une enquête qualitative menée dans deux hôpitaux d’Île-de-France et du Grand-Est, cette contribution montre ce qu’a représenté ce moment critique pour les personnels de ces institutions. Les auteurs mettent en évidence les ressorts d’un service public qui est confronté à des besoins débordant ses capacités. Dans ce contexte, les personnels ont consenti à fournir un surtravail et à s’investir dans leur mission sans compter, bien au-delà de ce que prévoient les règlements. Cet engagement trouve sa source dans l’intériorisation de la norme du travail bien fait et dans l’attachement à des collectifs de travail qui ont porté les agents durant cette période. Les rapports de domination entre catégories de personnels et entre services hospitaliers n’ont pas pour autant disparu et ont resurgi avec d’autant plus d’acuité une fois la crise passée.

Maud Gelly
Chercheuse en sociologie, CRESPPA-CSU (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris, équipe Culture et sociétés urbaines, UMR 7217), CNRS-Paris 8-Nanterre ; médecin généraliste, APHP.
Alexis Spire
Directeur de recherche au CNRS (IRIS, UMR 8156).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2022
https://doi.org/10.3917/rfas.214.0015
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