Cet article étudie la façon dont sont gérés des effets de hiérarchie médicale entre professionnels de santé et patients par deux soignantes pilotes d’un projet de coconstruction d’un outil d’éducation thérapeutique en lien avec l’usage d’anticancéreux oraux. Nous observons comment les processus par lesquels les coordinations médecins-patients mises en œuvre par les pilotes permettent de répondre à un paradoxe consistant à produire une relation symétrique dans un contexte fondamentalement asymétrique. La recherche s’appuie sur une enquête qualitative constituée d’entretiens (10) et d’observations menées sur une recherche interventionnelle. Nous montrons comment les pilotes du projet œuvrent à favoriser cette coordination par la sélection de profils et de compétences d’usagers appropriés. Par différents modes de sélection des usagers et d’encadrement des ateliers de coconstruction, ils tentent de minorer l’asymétrie relationnelle médecin-patient pour faire évoluer le rapport au savoir des divers protagonistes et les rapports de force historiquement marqués par la domination médicale. Du point de vue des pilotes, ceci favorise l’émergence de patients partenaires et experts, et produit des effets de coformation entre les participants à la construction du programme d’éducation thérapeutique.
Article
Les crises sanitaires des années 1980, et notamment l’apparition de l’épidémie de sida, ont poussé les patients à se mobiliser contre le manque d’efficacité du système de santé (Barbot, 2002). Ces derniers ont intégré, depuis les années 1990, des dispositifs participatifs orientant la prévention par la mobilisation des expertises d’usagers dans les politiques de santé (Bréchat, Bérard, Segouin et al., 2006). Renforcée par la loi Kouchner (n° 2002-303) du 4 mars 2002, la participation des patients au système de soins engendre l’évolution du modèle traditionnel de soumission du malade au paternalisme médical (Pierron, 2007). Le patient n’est donc plus pensé dans une relation unilatérale avec le soignant. Il est potentiellement intégré aux décisions concernant sa santé (Lascoumes, 2003), ce qui implique une modification des relations de pouvoir et de savoir au sein du colloque singulier (Boudier, Bensebaa et Jablanczy, 2012).
La valorisation institutionnelle des droits des usagers et de leur expertise s’accompagne d’une délégation aux patients de compétences techniques, technologiques et politiques. Il s’agit de responsabiliser et susciter la gestion autonome de la maladie par les patients. L’implication des usagers apparaît, en ce sens, d’autant plus nécessaire avec l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments, comme les anticancéreux oraux (ACO), favorisant l’hospitalisation à domicile. De nouveaux protocoles de prise en charge et d’éducation thérapeutique du patient (ETP) sont développés dans un contexte législatif favorable (loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires n° 2009-879)…
Résumé
Plan
- Introduction : l’essor de la prise en compte des savoirs d’usagers en santé dans un contexte relationnel asymétrique
- Modes de coordination dans la fabrication et l’encadrement d’un collectif hybride
- Optimiser les coordinations par la sélection de compétences psychosociales et sanitaires diversifiées
- Réguler les asymétries de savoir/pouvoir pour favoriser les modes de coordination
- Conclusion : sélectionner et encadrer en ETP, vers une symétrie relationnelle entre soignants et soignés
Auteurs
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 12/08/2021
- https://doi.org/10.3917/rfas.212.0143

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