CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les travaux comparatifs sur les enjeux de santé et de protection sociale ont développé des modèles concernant l’organisation sociopolitique de l’État social, prenant en compte notamment l’économie des prises en charge pour faire face aux différentes vulnérabilités. Peu se sont en revanche intéressés à la place des droits civils dans la comparaison. Ce manque d’intérêt est d’autant plus étonnant que les conditions d’exercice des droits civils peuvent avoir un impact important sur les politiques sociales, à travers notamment les usages sociaux et juridiques des mesures de « contrainte légale » (tutelle, curatelle, internement psychiatrique). Cette question de la place des droits civils dans la protection sociale est d’autant plus importante dans un contexte sociétal paradoxal, se caractérisant d’un côté par la réaffirmation normative de l’autonomie des personnes vulnérables et l’importance de respecter leur consentement, et de l’autre par une augmentation importante du recours aux mesures de contraintes légales. Pour éclairer ce paradoxe, et plus généralement l’effet des droits civils sur les politiques sociales, l’enjeu de la reconnaissance des (in)capacités juridiques apparaît déterminant. Cette reconnaissance se situe en effet à l’articulation de l’appréhension de « la personne » d’un côté, et des modalités sanitaires et sociales de son traitement de l’autre, et implique différents types d’expertises, notamment juridique, médicale, mais aussi sociale, dont l’influence varie selon les contextes et les époques…

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Les travaux comparatifs sur les enjeux de santé et de protection sociale ont développé des modèles concernant l’organisation sociopolitique de l’État social, prenant en compte notamment le coût des prises en charge des personnes vulnérables. Peu se sont en revanche intéressés à la place des droits civils et politiques dans la comparaison.
Au-delà de l’augmentation du nombre de mesures de contraintes légales dans de nombreux pays occidentaux, la reconnaissance des (in)capacités juridiques soulève la question des répercussions que peuvent produire des situations de handicap, de dépendance ou de maladie sur l’exercice par les personnes vulnérables de leurs droits. Elle révèle plus largement les tensions concrètes produites par la coexistence d’idéaux difficiles à articuler, comme ceux d’autonomie et de protection ou de solidarité et de liberté.
Cet article entend comparer de manière sociohistorique l’évolution des modes de reconnaissance des (in)capacités juridiques en France et au Québec. Il éclaire la place prise par des acteurs et savoirs « experts » dans l’évaluation clinique des (in)capacités ainsi que celle d’experts internationaux des droits humains en dégageant les éléments saillants de trois modes de reconnaissance des (in)capacités. Il met en perspective les articulations et tensions contemporaines entre le souci clinique pour les personnes vulnérabilisées et celui du respect de leurs droits.

Benoît Eyraud
Maître de conférences en sociologie à l’université de Lyon, Centre Max Weber, en délégation au Centre d’études des mouvements sociaux.
Audrey-Anne Dumais Michaud
Professeure au département de travail social, Université du Québec en Outaouais.
Simon Saint-Onge
MMB en droit à l’Université de Québec à Montréal, coordinateur du programme Acsedroits-Québec.
Paul Véron [1]
Maître de conférences en droit privé à l’université de Nantes, laboratoire Droit et Changement Social (UMR 6297).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/01/2021
https://doi.org/10.3917/rfas.204.0129
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