Le fait d’utiliser des connaissances explicites pour informer les décisions politiques est de plus en plus encouragé au niveau international, notamment par le mouvement d’information des politiques par les données probantes (evidence-informed policy making). Si la valeur sous-jacente à ce mouvement est de rationaliser le processus politique, les recherches en sciences sociales ont depuis longtemps permis d’observer que les connaissances sont des objets sociaux, dépendants des contextes politiques et économiques. L’objectif de notre analyse est de décrire à partir de trois études de cas (les politiques de protection sociale au Burkina Faso, une stratégie de transfert de connaissances sur les politiques de gratuité au Niger et la diffusion du financement basé sur la performance au Mali), comment ces connaissances, peuvent orienter la formulation des politiques publiques. Ces trois études de cas nous permettent d’observer que nous sommes loin des connaissances explicites comme vectrices de neutralité, de transparence et de reddition des comptes. Alors que la santé et la protection sociale sont des sujets prenant de plus en plus d’importance sur la scène globale, nous observons que l’utilisation des connaissances scientifiques ou de l’expertise est sensible aux intérêts, orientée par les institutions, et influencée par la mondialisation.
Article
Dans le secteur de la santé et de la protection sociale, le mouvement d’information des politiques publiques par les données probantes, evidence-informed policy-making, est de plus en plus institutionnalisé. Il a été influencé par le mouvement des décisions médicales basées sur les données probantes, evidence-based medecine (Sackett et al., 1996). Cette démarche permettrait de rationaliser les processus d’émergence et de formulation des politiques en favorisant des décisions basées sur les jugements des experts plutôt que sur des enjeux électoraux ou des pressions externes. Il s’agirait notamment d’améliorer la transparence et la redevabilité des actions publiques (Sutcliffe et Court, 2005). Les données probantes sont souvent associées aux connaissances issues de la recherche scientifique, notamment en santé publique (WHO, 2017). De nombreux outils ont d’ailleurs été réalisés dans ce domaine (Lavis et al., 2009). Mais elles peuvent concerner d’autres catégories de connaissances. Dans le champ de la recherche sur le transfert de connaissances, la typologie « connaissances tacites/connaissances explicites », que nous adoptons pour cette analyse, est souvent utilisée pour évoquer les données probantes. Les connaissances tacites sont des connaissances liées aux savoir-faire ou aux expériences personnelles. Les connaissances explicites sont des connaissances formelles, plus facilement transférables, souvent issues de la recherche scientifique, mais pas seulement. Elles peuvent être issues de l’expertise, d’évaluations ou des bases de données administratives (Connel…
Résumé
Plan
- Introduction
- Approches théoriques et méthodologiques
- La politique de protection sociale au Burkina Faso : utilisation des connaissances et importance des valeurs institutionnelles
- Les enjeux de la production de connaissances explicites dans un contexte institutionnel fragmenté : le cas des politiques de gratuité au Niger
- Les entrepreneurs de diffusion au Mali, ou la (dé)politisation du savoir sur le FBP pour influencer sa diffusion
- Discussion et conclusion
Auteurs
-
[1]
L’ordre de présentation a été défini par les auteures, qui ont chacune écrit une partie du manuscrit : Amandine Fillol l’étude de cas au Niger, Kadidiatou Kadio l’étude de cas au Burkina Faso et Lara Gautier l’étude de cas au Mali.
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 11/01/2021
- https://doi.org/10.3917/rfas.204.0103

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