L’article aborde les caractéristiques de demandes d’aide financière à l’insertion jeunesse que produisent des professionnels de l’intervention sociale lorsqu’ils ont recours et participent aux fonds départementaux d’aide aux jeunes. Alors que le budget annuel d’aide financière est limité et que le nombre de demandeurs ne peut être estimé à l’avance, quels sont les repères cognitifs et normatifs des acteurs pour sélectionner les dossiers ? Dans cette recherche des conceptions pratiques des normes d’insertion, nous laisserons en partie de côté l’étape de l’instruction de l’aide pour nous concentrer sur la prise de décision en commission d’attribution. Nous verrons qu’une vulnérabilité initiale n’est pas suffisante pour comprendre les décisions d’accord et de refus. Des garanties du bon usage de l’aide pour améliorer une insertion socioprofessionnelle, un projet professionnel « réaliste », une cause légitime aux difficultés rencontrées, un rapport méritoire aux aléas de la vie, apparaissent comme des paramètres centraux de l’appréciation des situations, c’est-à-dire conditionnent l’accès à une instruction de la demande d’aide puis à une décision d’accord.
Article
Les attendus comportementaux envers des jeunes en parcours d’insertion pour qu’ils ajustent leurs espérances professionnelles et s’adaptent aux attentes des employeurs (Jellab, 1997 ; Beaud et Pialoux, 2003 ; Zunigo, 2013) sont indissociables d’un environnement de ressources rares qui reste peu étudié. Ces ressources pour étayer des parcours d’insertion impliquent la mise en ordre et en récit de cas de demandeurs et la construction de jugements sur des situations et des projets, pour sélectionner les demandes et décider.
Dans les fonds départementaux d’aide aux jeunes (FDAJ), des instructeur · trice · s et des commissions d’attribution opèrent cette mise en adéquation entre ressources d’aide et cas de jeunes le plus souvent suivis en mission locale. Nous proposons de décrire – pour les comprendre – les caractéristiques de demandes d’aide que valorisent et auxquelles sont sensibles les professionnels dans le cadre d’une « justice locale » (Elster, 1992) supposément renouvelée, dans l’idée d’en déduire des conceptions pratiques des normes d’insertion de la jeunesse présidant aux décisions.
Il s’agit par là d’interroger les contours et les limites pratiques de nouvelles conceptions de la justice et de la justesse dans l’intervention sociale. Pour nombre de chercheurs (J. Donzelot, I. Astier, P. Rosanvallon), l’avènement du RMI, et de son principe de négociation contractuelle des projets et engagements dans une insertion créatrice de lien social, serait une rupture avec l’arbitraire, le secret et la stigmatisation déresponsabilisante propre à l’ancienne assistance aux inadaptés sociaux et une rupture avec la logique impersonnelle de la Sécurité sociale, peu ajustée aux singularités des trajectoires…
Résumé
Plan
- Introduction
- Un dispositif exemplaire des politiques d’insertion jeunesse
- Les transformations de l’insertion jeunesse
- Les FDAJ, entre aide à la subsistance et soutien à un projet d’insertion
- Un cadrage légal faible, des interprétations réglementaires souvent plus strictes
- Un outil des professionnels plus qu’une demande des jeunes
- Mécanismes cognitifs de jugement en commissions d’attribution
- Normes de l’assistance d’insertion
- Les jeunes les plus en difficulté ne sont pas les plus favorisés
- Instructions et décisions privilégient les chances de retour à l’emploi
- Norme de priorité à l’efficacité espérée en termes de retour à l’emploi
- Norme d’insertion professionnelle seulement suffisante
- Norme de besoin nécessaire et dépourvu d’alternative : les déclinaisons de la subsidiarité
- Norme d’attitude responsable face aux difficultés : le mérite passé et actuel
- Conclusion
Auteur
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 10/08/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.202.0175

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