L’idéal d’une prise en charge globale, transversale, de proximité, reposant sur des interventions partenariales et ajustées aux difficultés des territoires et de leurs habitants caractérise les politiques sociales territorialisées issues de la décentralisation et de la politique de la ville. Pour autant, les publics de ces territoires sont aussi inscrits dans des « parcours » (d’insertion, de soins, de peine, etc.) qui supposent que des structures d’aide orientent des usagers sur d’autres structures pour la poursuite d’une prise en charge. D’autres publics sont dépourvus de rattachement administratif à un territoire leur permettant d’engager un parcours d’insertion. D’autres encore hésitent à s’engager dans une mobilité territoriale faute de savoir s’ils conserveront sans rupture leurs droits sociaux et les prises en charge de proximité dont ils bénéficient. Entrer dans un parcours de prise en charge ou poursuivre un parcours de prise en charge peut être source de tension entre services sociaux et d’insertion locaux et théoriquement partenaires, lorsque les moyens d’aide et d’intervention sont rares et lorsque les services sociaux ou d’insertion sont évalués séparément sur leur performance propre (ce qui est contradictoire avec l’idée d’une prise en charge globale, qui suppose une efficacité globale et indissociable des acteurs professionnels et des services). Nous montrerons dans cet article qu’il existe entre certains services d’aide des situations de « concurrence inversée », des pratiques de délestage d’usagers, de rétention d’information et, plus généralement, des tentatives de contrôle des entrées en suivi et des réorientations sur d’autres services, afin de préserver à la fois des ressources d’aide, une charge de travail tolérable, une crédibilité professionnelle envers certains partenaires et la réalisation des objectifs d’activité et de « sorties positives » de prise en charge attendus par les financeurs des politiques sociales territorialisées. En somme, accorder de l’attention aux parcours de prise en charge et aux trajectoires de mobilité est une façon d’interroger les politiques sociales territorialisées, et plus précisément les limites du partenariat entre services sociaux ou d’insertion locaux en vue d’une prise en charge globale et de proximité des usagers.
Article
Tant la décentralisation des politiques sociales depuis 1983, que les politiques publiques de soutien et d’incitation à des initiatives déclinant localement des programmes nationaux (politiques de la ville), ont fait du territoire et des acteurs institutionnels locaux une entrée clé de l’analyse des politiques sociales. D’une part, le territoire, dans ses spécificités, devient un référentiel d’appréhension des problèmes sociaux et de définition des solutions à appliquer. D’autre part, les interventions deviennent décloisonnées car les problématiques des territoires et des individus sont indissociablement économiques, professionnelles, sanitaires, etc. Enfin, les niveaux d’action et de décisions se rapprochent des territoires, des populations et des individus et sont a priori plus concertées. L’« État animateur » (Donzelot, Estèbe, 1994) a alors pour rôle de stimuler ces initiatives locales et partenariales ajustées à des potentialités et des besoins sociaux locaux que les acteurs de terrain connaissent le mieux.
Dans ce contexte, la sociologie des politiques sociales, au prisme du « territoire », tend à orienter l’approche sur un niveau méso-social d’analyse de gouvernance et s’intéresse, le plus souvent, aux acteurs institutionnels et à leurs prérogatives sur des domaines d’intervention, à des dilemmes d’échelles et de tuilage d’interventions complémentaires à rendre « partenariales » car de « proximité ». Elle repère des difficultés, comme celles du décloisonnement des interventions sectorielles, du pilotage de dispositifs et de la coordination entre partenaires…
Résumé
Plan
- Introduction
- Concurrence des acteurs locaux pour les ressources rares et la réalisation des objectifs d’activité : des obstacles à la réalisation des vertus de l’action sociale territorialisée
- Les publics comme « bons » ou « mauvais » risques : un obstacle au partenariat et aux parcours de prise en charge globale d’usagers
- Conclusion
Auteur
Cité par
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2019
- https://doi.org/10.3917/rfas.190.0129

Veuillez patienter...