CAIRN.INFO : Matières à réflexion

En France, de plus en plus d’enfants mineurs sont concernés par la séparation de leurs parents (Costemalle, 2015). Dans un contexte où la charge quotidienne des enfants repose davantage sur les mères et alors que les décisions de justice tendent à reproduire les « rapports sociaux de genre et de classe » (Collectif Onze, 2013), la résidence principale chez la mère reste la situation la plus répandue. Dans 73 % des décisions de justice rendues en 2012, les enfants mineurs résident principalement chez leur mère (Carrasco, Dufour, 2015 ; Guillonneau, Moreau, 2013). Toutefois, depuis la légalisation de la résidence alternée en 2002, cette modalité de résidence plus égalitaire ne cesse de progresser. Si la résidence alternée était rare dans les années 1990 (Neyrand, 2014), elle concerne désormais 17 % des enfants, contre 12 % en 2003 (Carrasco, Dufour, 2015). La résidence principale chez le père (7 %) et les autres arrangements demeurent moins répandus.
L’organisation des familles après une rupture reste assez peu étudiée, notamment l’organisation des modalités de résidence des enfants (Thélot, 2016). Les études portant sur la résidence des enfants après la séparation de leurs parents sont le plus souvent centrées sur une seule modalité de résidence, en particulier la résidence alternée (Neyrand, 2014 ; Céroux, Hachet, 2016, 2019 ; Algava, Penant, Yankan, 2019). En outre, peu d’études en France optent pour une approche dynamique, permettant d’analyser l’expérience des modalités de résidence dans la durée (Unterreiner, 2018)…

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L’objectif de cet article, qui s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de soixante-dix parents séparés, est de mettre la focale sur les changements d’organisation des modalités de résidence des enfants après une séparation. Derrière une apparente stabilité juridique et statistique des modes de résidence se jouent des ajustements informels entre les ex-conjoints au gré des aléas du quotidien. Ils s’articulent autour de trois préalables tacites – l’anticipation, la réciprocité et une relation apaisée – mais dépendent aussi des conditions matérielles qui pèsent sur ces arrangements. L’analyse du passage d’un mode de résidence à un autre, moins fréquent, met au jour un gradient de situations allant d’une décision consensuelle des parents à un affrontement sur la résidence des enfants. L’analyse des justifications de ces changements d’organisation laisse, par ailleurs, entrevoir une rhétorique de la « bonne parentalité » dans le contexte des séparations. Le souci de « faire au mieux » pour l’enfant est la raison qui prédomine dans les discours. Cette norme altruiste de « l’intérêt de l’enfant » est mobilisée autant par les hommes que par les femmes. Elle renvoie à trois acceptions prédominantes : respecter le principe d’une coparentalité, privilégier l’unité de la fratrie et écouter son enfant. D’autres registres plus personnels s’y mêlent, de façon plus ou moins assumée, comme des raisons professionnelles, une remise en couple ou, plus rarement, la dénonciation du désinvestissement de l’autre parent.

Marie-Clémence Le Pape
Maîtresse de conférences en sociologie à l’université Lumière-Lyon-II et membre du Centre Max-Weber, elle est également collaboratrice extérieure au bureau jeunesse, famille de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Ses travaux de recherche portent d’une part sur la parentalité et, en particulier, sur l’étude des normes et des pratiques éducatives des parents. Elle s’intéresse, d’autre part, à l’analyse des relations intergénérationnelles dans la famille et travaille actuellement sur les normes de solidarité entre générations.
Pauline Virot
Chargée d’études et d’enquêtes à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Ses études portent sur la thématique de la famille, notamment sur les modes d’accueil de la petite enfance, les conditions de vie des enfants et les séparations conjugales.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
https://doi.org/10.3917/rfas.194.0097
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