L’objectif de cet article, qui s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de soixante-dix parents séparés, est de mettre la focale sur les changements d’organisation des modalités de résidence des enfants après une séparation. Derrière une apparente stabilité juridique et statistique des modes de résidence se jouent des ajustements informels entre les ex-conjoints au gré des aléas du quotidien. Ils s’articulent autour de trois préalables tacites – l’anticipation, la réciprocité et une relation apaisée – mais dépendent aussi des conditions matérielles qui pèsent sur ces arrangements. L’analyse du passage d’un mode de résidence à un autre, moins fréquent, met au jour un gradient de situations allant d’une décision consensuelle des parents à un affrontement sur la résidence des enfants. L’analyse des justifications de ces changements d’organisation laisse, par ailleurs, entrevoir une rhétorique de la « bonne parentalité » dans le contexte des séparations. Le souci de « faire au mieux » pour l’enfant est la raison qui prédomine dans les discours. Cette norme altruiste de « l’intérêt de l’enfant » est mobilisée autant par les hommes que par les femmes. Elle renvoie à trois acceptions prédominantes : respecter le principe d’une coparentalité, privilégier l’unité de la fratrie et écouter son enfant. D’autres registres plus personnels s’y mêlent, de façon plus ou moins assumée, comme des raisons professionnelles, une remise en couple ou, plus rarement, la dénonciation du désinvestissement de l’autre parent.
Article
En France, de plus en plus d’enfants mineurs sont concernés par la séparation de leurs parents (Costemalle, 2015). Dans un contexte où la charge quotidienne des enfants repose davantage sur les mères et alors que les décisions de justice tendent à reproduire les « rapports sociaux de genre et de classe » (Collectif Onze, 2013), la résidence principale chez la mère reste la situation la plus répandue. Dans 73 % des décisions de justice rendues en 2012, les enfants mineurs résident principalement chez leur mère (Carrasco, Dufour, 2015 ; Guillonneau, Moreau, 2013). Toutefois, depuis la légalisation de la résidence alternée en 2002, cette modalité de résidence plus égalitaire ne cesse de progresser. Si la résidence alternée était rare dans les années 1990 (Neyrand, 2014), elle concerne désormais 17 % des enfants, contre 12 % en 2003 (Carrasco, Dufour, 2015). La résidence principale chez le père (7 %) et les autres arrangements demeurent moins répandus.
L’organisation des familles après une rupture reste assez peu étudiée, notamment l’organisation des modalités de résidence des enfants (Thélot, 2016). Les études portant sur la résidence des enfants après la séparation de leurs parents sont le plus souvent centrées sur une seule modalité de résidence, en particulier la résidence alternée (Neyrand, 2014 ; Céroux, Hachet, 2016, 2019 ; Algava, Penant, Yankan, 2019). En outre, peu d’études en France optent pour une approche dynamique, permettant d’analyser l’expérience des modalités de résidence dans la durée (Unterreiner, 2018)…
Résumé
Plan
- Introduction
- Des ajustements au quotidien aux changements plus durables des modalités de résidence des mineurs
- Une relative stabilité des modes de résidence « déclarés »
- Le temps des incertitudes : l’organisation du mode de résidence juste après la séparation
- S’arranger au quotidien
- Les conditions de l’arrangement : des arbitrages socialement différenciés
- Changer d’organisation : le passage d’une modalité de résidence à l’autre
- Justifier le changement : les normes parentales sous-jacentes aux arrangements postséparation
- Conclusion
Auteurs
Cité par
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0097

Veuillez patienter...