La naissance du premier enfant est fréquemment identifiée comme un tournant biographique. Cependant, cet événement acquiert une charge biographique qui diffère selon la personne qui le définit et la place qu’elle lui accorde dans sa reconstitution biographique. Quant à l’arrivée en prison, elle constituerait une rupture dans les parcours de vie. Au regard du vécu des pères détenus, cette perception des événements semble moins univoque et plus complexe. En retraçant deux dimensions spatio-temporelles, l’histoire passée à l’extérieur à travers l’entrée dans la parentalité et le présent de l’incarcération, j’ai cherché à définir la trajectoire parentale d’un type de père en prison que j’ai nommé « marginale ». Plusieurs questions émergent : existe-t-il un tournant entre la situation précarcérale et le moment de l’incarcération ? L’incarcération peut-elle être envisagée comme un incident biographique pour les pères détenus ? Dès lors, les pratiques parentales de ces derniers s’en trouvent-elles bouleversées ? Mon développement s’appuiera sur des entretiens répétés menés auprès de trente et un détenus rencontrés dans deux maisons d’arrêt et deux centres de détention. Cet article rendra compte de trajectoires conjugales, parentales et sociales heurtées. L’entrée dans la paternité est peu préparée et survient alors qu’ils sont pleinement investis dans leur carrière délictueuse. Quant à l’incarcération, elle survient à la fois comme une fatalité et un rite de passage. La paternité semble alors secondaire et dépend surtout de la médiation de la mère.
Article
Les détenus interrogés sur la paternité marquent souvent l’opposition entre le père du « dedans » et celui du « dehors » pour montrer leur impossibilité à se sentir père comme avant. L’incarcération aurait pour effet de modifier les rôles parentaux et conduirait à une rupture biographique. Les études sociologiques sur la parentalité en prison en France vont également dans ce sens. Elles analysent le lien familial à travers les effets de l’incarcération sur la famille et les proches (Bouchard, 2007 ; Ricordeau, 2008 ; Touraut, 2012) et sur les détenus (Ricordeau, 2008). L’étude de Gwénola Ricordeau décrit les difficultés de maintenir les liens, les visites et les relations parentales pour les hommes. Marie Douris et Pascal Roman (2014) ont, quant à eux, mené une enquête quantitative, avec un volet qualitatif. Les auteur∙es appréhendent la question d’être parent en prison à travers l’exercice, l’expérience subjective et la pratique de la parentalité. Leur démarche scientifique se situe au croisement de la psychologie clinique et du droit. Néanmoins, les études sociologiques sur la paternité en prison restent rares (Cardi et Abdallah, 2014). À l’inverse, les recherches sur les femmes incarcérées mettent au centre de l’analyse le thème de la maternité. Comme l’indique Coline Cardi, la maternité est pensée à la fois comme un levier de réinsertion et un bénéfice secondaire de protection (2014). Pour M. Martinelle et al. (2017), l’intérêt supérieur pour la maternité en prison découlerait de la plus grande souffrance des femmes lors de la séparation avec leur enfant…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0073

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