À partir d’une enquête longitudinale qualitative, cet article porte sur la manière dont les normes et pratiques éducatives de parents diplômés de l’enseignement supérieur sont mises à l’épreuve avec la naissance de leur deuxième enfant. En se centrant plus particulièrement sur la norme de singularisation des enfants et sur celle de traitement égalitaire, nous montrons comment, concrètement, les parents accueillent leur cadet·te, lui réservent une place dans sa famille et sont conduits à « en rabattre » sur la réalisation pratique de leurs ambitions éducatives. Exigeante en termes d’implication parentale et de disponibilité, la mise en œuvre de ces normes repose fortement sur la mobilisation des mères, et contribue à renforcer l’inégale répartition du travail parental et domestique dans le couple à l’arrivée du deuxième enfant. À son tour, cette inégalité croissante rend plus difficile la concrétisation de ces normes éducatives.
Article
Avec la diffusion de la contraception moderne, avoir un enfant relève de plus en plus souvent d’une démarche volontaire et délibérée (Régnier-Loilier, 2007). Une véritable « norme procréative » s’est instaurée ces dernières décennies : être parents lorsque les conditions socialement définies pour avoir un enfant sont remplies, tout en étant « prêts ensemble » (Mazuy, 2009). Chaque enfant doit faire l’objet d’un projet parental, être attendu, désiré (Léridon, 1998) et bénéficier d’un fort investissement affectif. Plus encore, il doit être « attendu en personne » (Gauchet, 2004). Il est donc demandé aux parents de considérer chaque enfant à naître comme une personne à part entière et par la suite de développer une relation d’écoute et de dialogue, voire de le traiter comme un partenaire, afin de favoriser son épanouissement et son autonomie, autrement dit de personnaliser au plus tôt l’enfant et la relation à celui-ci. Cette nouvelle place donnée à l’enfant a été interprétée comme le fruit d’un processus plus général d’individualisation amorcé au xviiie siècle, consolidé aux xixe et xxe siècle (Ariès, 1960). Ce mouvement s’est encore amplifié à partir des années 1970, sous une double impulsion : celle de nouveaux droits concernant les enfants (Convention internationale des droits de l’enfant, 1989) et celle de la psychanalyse, en particulier autour de la figure de Françoise Dolto en France. Comme l’a montré Sandrine Garcia (2010), « la cause de l’enfant » est placée au cœur de l’éducation et repose sur une disponibilité maternelle sans faille…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/01/2020
- https://doi.org/10.3917/rfas.194.0025

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